- ysabelDevin
Yolatengo a écrit:Entendu par une collègue en formation disciplinaire alors qu'on était censé construire une séance de langue sur l'identification du sujet en 6e : "80% des élèves de 6e savent repérer le verbe conjugué dans la phrase". J'ai trouvé hallucinant une telle remarque. Et très déprimant aussi.
Je travaille dans un établissement plutôt favorisé et je ne suis même pas sûre de pouvoir affirmer que 20% des élèves arrivant en 6e sont capables de trouver un verbe conjugué dans une phrase. Comment construire des bases solides en grammaire si cette notion n'est pas retravaillée à fond à l'arrivée en 6e?
J' y ai passé plus d'un trimestre l'an dernier, le père d'une élève qui suivait beaucoup le travail de sa fille me disait ne pas comprendre que ce ne soit toujours pas acquis en mars alors qu'on avait travaillé cette notion plusieurs fois par des biais différents.
Tu sais, je m'amuse régulièrement en seconde à demander aux élèves de me relever tous les vb conjugués d'un texte d'une vingtaine de lignes. Je sais par avance qu'il n'y aura pas 100% de réussite.
Et quand après je demande d'identifier tous les vb (infinitif, temps, mode, personne), je sais qu'aucun ne réussira à 100% (même s'il n'y a pas d'imparfait du subj ou autre "originalité"...)
- V.MarchaisEmpereur
Milè a écrit:Cette année, j'ai une heure d'AP en 6e. Je précise que je n'ai pas eu la charge de ce niveau depuis 25 ans.
Le professeur de français me demande si je veux bien revoir les accords généraux du participe passé parce que ça n'a pas été bien compris.
J'arrive devant le groupe, on commence par un schéma, et on passe aux exercices.
Et là, stupeur : beaucoup sont incapables de repérer le participe passé ou l'auxiliaire, de reconnaître "être" et "avoir" (surtout quand ils sont conjugués à un temps composé.)
Et le pompon : un certain nombre d'élèves confondent "devant le verbe" et "derrière le verbe". C'était tellement flou que j'ai fini par aligner des objets dans la rainure du tableau pour leur faire comprendre "avant"/"après"...
J'ai halluciné.
L'an prochain, je retrouve le niveau 5e. Que ça plaise ou non, je sens que ça va être langue à outrance, parce que quand même la maîtrise de la langue me semble chez les plus jeunes une priorité absolue. Prof de lettres ou prof de langues? That is the question... Il est évident qu'au collège nous allons être de plus en plus amenés à être davantage profs de grammaire que profs de lettres. Ça n'est pas trop l'idée que je me faisais de ma pratique, mais il y a urgence à inverser le processus de délitement des compétences linguistiques. Sinon, dans 20 ans, on ne saura plus distinguer un dyslexique d'une personne sans trouble du langage.
Bienvenue dans le monde merveilleux de l'enseignement de la langue.
Celui-ci est ravagé depuis plus de 20 ans, et ça va être pire avec la réforme en cours.
Je vois deux grandes raisons à ce désastre.
1°) Le discrédit jeté sur la grammaire, qui n'est plus perçue comme un enseignement nécessaire, structurant, qui fait entrer dans l'abstraction, développe l'esprit d'analyse, crée la conscience de la structure de la phrase et la condition pour en bien user. Il n'y a qu'à voir ici même (et pourtant ici moins qu'ailleurs) le nombre de professeurs qui demandent à quoi ça sert d'enseigner l'attribut du sujet ou du COD. Depuis la réforme Viala (années 90) qui a relégué la grammaire de phrase, vieillotte, au profit de la grammaire de texte, tellement plus modairne, les IUFM n'ont cessé de répéter aux générations successives de professeurs que la grammaire, ça sert à rien, c'est jargonnant, qu'il faut en faire le moins possible et en s'excusant. Il n'y a qu'à vor le sort réservé à la grammaire dans les programmes qui nous arrivent : elle est réduite au outils indispensables pour limiter la casse en orthographe, comme s'il ne s'agissait que de cela. Pas d'autres enjeux. Le fait qu'on pense avec des mots, des mots organisés en phrases structurées, qu'il n'existe pas de pensée en dehors de cette articulation de la langue, le fait aussi que l'appel aux concepts et à l'analyse que réclame la grammaire, la vraie (quand elle est bien enseignée) participe pleinement à la formation de l'esprit et du raisonnement, tout cela a été complètement perdu de vue non seulement par les technocrates qui pondent les réformes, mais aussi, c'est très triste de le dire, par un grand nombre de professeurs de Lettres. Ainsi, la première explication du niveau des élèves en grammaire, c'est le fait que la grammaire, on n'en fait presque plus, bien trop peu en tout cas.
2°) Quand on en fait, c'est n'importe comment. Il est extrêmement éclairant de se pencher sur l'histoire de la pédagogie de la grammaire. On remarque qu'au fil des réformes, sous couvert de s'adapter aux élèves des classes populaires, qu'on (pré)jugeait incapables d'accéder aux concepts, à la pensée abstraite, on a évacué peu à peu les concepts, renoncé à les expliquer, à les faire com-prendre au sens plein du terme, préférant décrire leurs propriétés, fussent-elles extrêmement flottantes et discutables ; à l'abstraction, on a substitué le caractère concret des manipulations. Faire "manipuler" est devenu le maître-mot, en grammaire. Il faut supprimer, déplacer des groupes, au lieu d'en concevoir la fonction par la pensée abstraite. Cette manipulation pourrait être, pourquoi pas, une étape vers le développement abstrait, mais elle est en réalité devenu le point de départ et d'arrivée. Ce sont les fameux critères de distribution à quoi se réduit désormais l'enseignement de la grammaire. Or (je joindrai plus tard mon vieil argumentaire), ces critères sont impropres à permettre à des enfants l'automatisation de la reconnaissance des fonctions et la construction d'une vision organisée de leur propre langue. Ils bidouillent les phrases sans plus savoir ce qui est correct ou non dans leurs bidouillages. Les IPR qui n'ont de cesse de promouvoir cette démarche ont une écrasante responsabilité dans ce désastre.
Ajoute à cela le dogme de la séquence pédagogique qui prévaut depuis plus de vingt ans et qui a complètement déstructuré l'enseignement de la grammaire, ruinant les progressions au profit de simples programmations des points de langue, rendant les réinvestissements trop rares pour permettre de fixer les connaissances, des horaires de toute façon insuffisant pour suffire à la tâche, et tu comprendras qu'il eût été fort étonnant que la situation soit autre que ce qu'elle est.
Nous récoltons ce que nous semons : de la merde.
- V.MarchaisEmpereur
Je remets ici ce que j'ai déjà publié ailleurs (une contribution pour le CSP, qui s'est confortablement assis dessus).
Pourquoi l’enseignement de la grammaire à travers des critères de distribution, et par conséquent les notions de complément de phrase ou de verbe, sont inefficaces
La distinction entre complément de verbe (ou encore complément essentiel) et complément de phrase (ou encore complément facultatif) se fonde sur des critères de distribution qui, s’ils ont une certaine constance, sont loin d’être toujours vrais, en particulier dans la langue littéraire, celle que la grammaire devrait permettre de comprendre et d’imiter. En conséquence, ces critères sont impropres à permettre d’identifier de façon certaine un groupe syntaxique, surtout quand on s’adresse à de jeunes enfants. En outre, les manipulations exigées par cette approche conduisent le plus souvent les élèves à s’embrouiller dans la phrase plutôt qu’à la démêler.
Cette distinction pose que les compléments du verbe sont essentiels, c’est-à-dire impossibles à supprimer ou à déplacer. On y range les COD, les COI, les attributs (qui ne sont même pas des compléments au sens strict du terme), certains compléments de lieu, de temps – rien que ça ! Et l’on explique qu'ils s'opposent aux compléments facultatifs que l’on peut, eux, supprimer ou déplacer.
Le problème, c'est que ce n'est pas vrai – pas de façon suffisamment régulière, en tout cas, pour constituer un critère d’analyse fiable.
En effet, un verbe transitif est un verbe qui PEUT se construire avec un complément d’objet, mais ce CO n'est pas toujours obligatoire, loin de là.
Ex : Je lis un livre. > Je lis. Je réfléchis à ce que tu m'as dit. > Je réfléchis.
Un très grand nombre de COD ou de COI peuvent être supprimés.
Un COI peut presque toujours être déplacé.
Ex : À cette douleur s’ajoutait l’humiliation ressentie. (Zola) > L’humiliation ressentie s’ajoutait à cette douleur.
De même l’attribut : Nombreux sont les exemples qui pourraient étayer ce propos. > Les exemples qui pourraient étayer ce propos sont nombreux.
Même le COD se promène volontiers dans la langue soutenue, comme nous l'allons monter. > Même le COD se promène volontiers dans la langue soutenue, comme nous allons le monter.
Ne protestons pas que c'est rarissime : Molière le fait sans cesse, La Fontaine, Perrault aussi, et ce sont des auteurs susceptibles d’être abordés dès l’école primaire. Après tout, nous prétendons enseigner une grammaire qui permette de mieux lire, mieux comprendre...
Même le verbe aller, généralement présenté comme l’archétype du verbe qui réclame un complément essentiel de lieu, résiste à l’analyse.
"Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien, / Par la Nature, heureux - comme avec une femme." (Rimbaud)
Pardon Arthur, on peut tout aussi bien dire : Et j'irai, comme un bohémien, par la nature, loin, bien loin, heureux...
Ou : Et j'irai, par la nature, loin, bien loin, comme un bohémien...
Ou : Belle Marquise, j'irai loin, bien loin, comme un bohémien, heureux avec vos beaux yeux... (Telle est en général, à ce stade, la situation de l’élève sommé de se débrouiller avec ses manipulations…)
D’aucuns diront que ce n’est pas le complément du verbe, qui a changé de place, mais le complément de phrase. Mais comment l’élève est-il censé faire la différence, lui qui constate simplement que le complément n’est plus au même endroit ?
Allons plus loin. Aller est intransitif. S'il est presque toujours accompagné d'un complément CIRCONSTANCIEL de lieu, c'est parce qu'en général, quand on décrit son déplacement, c'est pour apporter cette information, justement, mais syntaxiquement, cela n'a rien d'obligatoire. Va, cours, vole et nous venge, déclare Don Diègue, foulant au pied les amours du Cid et le complément de verbe.
Quand je relis les pages précédentes de mon récit, je me rends compte que je vais dans les mots comme un gibier traqué, qui file vite, zig-zague, essaie de dérouter les chiens et les chasseurs lancés à sa poursuite. (Ph. Claudel). > Quand je relis les pages précédentes de mon récit, je me rends compte que je vais comme un gibier traqué, qui file vite, zig-zague, essaie de dérouter les chiens et les chasseurs lancés à sa poursuite. Cette dernière phrase est parfaitement correcte. De même que : Je suis une force qui va. (Hugo).
Première conclusion : le complément du verbe n'est ni suppressible ni déplaçable sauf lorsqu'il est suppressible ou déplaçable.
Examinons à présent le cas du complément de phrase.
Il y a plein de compléments circonstanciels impossibles à déplacer.
Il réagit normalement.
Il mourut de faim et de soif.
Partir de bonne heure nous permettra d’arriver suffisamment tôt pour travailler un peu avant la nuit. Lequel de ces soi-disant compléments de phrase peut-on séparer du verbe dont il dépend ?
Et nous ne nous étendrons pas sur les phrases complexes où la notion de complément de phrase n’a plus aucun sens, tant il est vrai que les éléments syntaxiques sont avant tout, comme on disait avant, "termes de la proposition".
Deuxième conclusion : le complément de phrase est suppressible et déplaçable sauf lorsqu'il n'est ni suppressible ni déplaçable.
D'où il apparaît que le complément essentiel est essentiel sauf s'il ne l'est pas et que le complément facultatif est facultatif sauf quand il ne l'est pas.
C'est cela que nous enseignons aux élèves depuis 25 ans. Et nous nous étonnons qu'en 3e, ils ne sachent toujours pas reconnaître un COD, mais qu'ils pataugent dans les manipulations les plus hasardeuses.
Quelques remarques encore…
La place des mots, en littérature, est régie par des règles complexes, où se mêlent impératifs syntaxiques (place du thème, évitement d’ambiguïtés, de lourdeurs…) et considérations stylistiques (mise en relief, effet d’attente…). Dès lors, les critères de distribution, vrais en théorie, sont souvent inopérants dans la réalité de la langue, concurrencés qu’ils sont par des règles supérieures.
La structure canonique sujet + verbe + complément du verbe est concurrencée par la structure, prééminente, thème + prédicat, et par tous les effets stylistiques possibles.
Du point de vue de la progression thématique, un phrase comme Une sorcière vivait dans cette maison est hautement improbable, et un élève à qui on demande d’identifier le complément de phrase par simple déplacement ou suppression dans la phrase Dans cette maison vivait une sorcière peut parfaitement en avoir l’intuition et rejeter le critère de déplacement, ainsi que celui de suppression (car Une sorcière vivait. ou, a fortiori, Vivait une sorcière sonne fort étrangement à l’oreille).
En outre, n'importe quel groupe fonctionnel peut être placé, à des fins stylistiques, en début ou en fin de phrase :
- sujet : Au commencement était le verbe.
- complément d'objet (indirect) : A toi, mon fils, je donnerai mon royaume. / De ce choix dépendrait tout le reste de son existence.
- attribut du sujet : Grande était la douleur de Roland.
- complément circonstanciel : Longtemps, ils marchèrent.
Nous remarquerons enfin que ces critères de distribution suffisent à conclure que ni en ni y ne sauraient être des compléments de phrase, puisqu’en tant que pronom, ils ont une place bien définie dans la phrase – avant le verbe.
Donc, si on écrit : Il y rencontra Bérénice, y n’est pas un complément de phrase : y est littéralement adjoint au verbe (c’est pourquoi l’on parle de pronom ad-verbial).
Par contre, si on remplace le pronom par son antécédent, par exemple : Il rencontra Bérénice au bal de la Marquise d’Estampes, le groupe qui commute avec ce pronom devient, lui, un complément de phrase, rompant avec la règle qui veut qu’un groupe qui commute avec un autre occupe la même fonction.
Qu’est-ce qu’un élève est censé comprendre de toutes ces manipulations ? N’est-il pas infiniment plus simple de lui expliquer que le complément d’objet, c’est la chose dont on parle quand on peut dire quelque chose après le verbe (prendre qqch, avaler qqch) ? Que les compléments circonstanciels expriment les circonstances de l’action ?
Les critères de distribution ne sont pas des critères suffisants d’identification des groupes syntaxiques. Ils sont pourtant, à cause de notre refus d’expliquer clairement des notions, les seuls que nous donnons aux enfants depuis plus de 20 ans. Pourtant, expliquer ces notions de sorte que l’élève puisse les comprendre véritablement (et pas seulement en supputer de vagues propriétés) et les apprendre, c’est lui permettre de les faire siennes, de les intégrer pleinement, afin de pouvoir les mobiliser aisément dans le raisonnement. Au lieu de quoi, à l’heure actuelle, l’élève qui veut réfléchir sur la langue, doit perpétuellement refaire l’analyse de chaque groupe syntaxique. Cela encombre sa mémoire de travail et limite fortement ses possibilités de raisonnement, d’autant plus qu’il a moins de facilités au départ. Cette méthode renforce donc les inégalités. En outre, cette méthode coûteuse sur le plan cognitif ne permet jamais l’automatisation de la reconnaissance des groupes fonctionnels. Dès lors, l’application des règles de grammaire, en particulier en orthographe, devient impossible. Comment bien écrire au rythme de la dictée ou de l’écriture d’invention quand il faut, au fur et à mesure, se souvenir des critères de distribution de chaque groupe et se lancer dans l’analyse de la phrase que l’on est en train d’écrire ? C’est strictement impossible.
Que gagne-t-on à embrouiller ainsi avec des manipulations complexes et coûteuses sur le plan cognitif des enfants qui n’ont encore aucune base en grammaire ?
Rien, si l’on en juge par l’évolution des résultats des élèves ces 20 dernières années.
L’injonction à suivre une méthode impropre, au lieu d’aider les élèves, accentue leurs difficultés. Il est temps d’en finir avec la seule description des critères de distribution (et avec l’opposition entre compléments de verbe et compléments de phrase) et d’exiger des professeurs qu’ils fassent véritablement preuve de pédagogie, en expliquant clairement les notions (ce qui n’empêche pas d’en observer le fonctionnement), afin que l’élève puis les com-prendre, c’est-à-dire, littéralement, les intégrer, en automatiser la reconnaissance, et les mobiliser pour le raisonnement.
Pourquoi l’enseignement de la grammaire à travers des critères de distribution, et par conséquent les notions de complément de phrase ou de verbe, sont inefficaces
La distinction entre complément de verbe (ou encore complément essentiel) et complément de phrase (ou encore complément facultatif) se fonde sur des critères de distribution qui, s’ils ont une certaine constance, sont loin d’être toujours vrais, en particulier dans la langue littéraire, celle que la grammaire devrait permettre de comprendre et d’imiter. En conséquence, ces critères sont impropres à permettre d’identifier de façon certaine un groupe syntaxique, surtout quand on s’adresse à de jeunes enfants. En outre, les manipulations exigées par cette approche conduisent le plus souvent les élèves à s’embrouiller dans la phrase plutôt qu’à la démêler.
Cette distinction pose que les compléments du verbe sont essentiels, c’est-à-dire impossibles à supprimer ou à déplacer. On y range les COD, les COI, les attributs (qui ne sont même pas des compléments au sens strict du terme), certains compléments de lieu, de temps – rien que ça ! Et l’on explique qu'ils s'opposent aux compléments facultatifs que l’on peut, eux, supprimer ou déplacer.
Le problème, c'est que ce n'est pas vrai – pas de façon suffisamment régulière, en tout cas, pour constituer un critère d’analyse fiable.
En effet, un verbe transitif est un verbe qui PEUT se construire avec un complément d’objet, mais ce CO n'est pas toujours obligatoire, loin de là.
Ex : Je lis un livre. > Je lis. Je réfléchis à ce que tu m'as dit. > Je réfléchis.
Un très grand nombre de COD ou de COI peuvent être supprimés.
Un COI peut presque toujours être déplacé.
Ex : À cette douleur s’ajoutait l’humiliation ressentie. (Zola) > L’humiliation ressentie s’ajoutait à cette douleur.
De même l’attribut : Nombreux sont les exemples qui pourraient étayer ce propos. > Les exemples qui pourraient étayer ce propos sont nombreux.
Même le COD se promène volontiers dans la langue soutenue, comme nous l'allons monter. > Même le COD se promène volontiers dans la langue soutenue, comme nous allons le monter.
Ne protestons pas que c'est rarissime : Molière le fait sans cesse, La Fontaine, Perrault aussi, et ce sont des auteurs susceptibles d’être abordés dès l’école primaire. Après tout, nous prétendons enseigner une grammaire qui permette de mieux lire, mieux comprendre...
Même le verbe aller, généralement présenté comme l’archétype du verbe qui réclame un complément essentiel de lieu, résiste à l’analyse.
"Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien, / Par la Nature, heureux - comme avec une femme." (Rimbaud)
Pardon Arthur, on peut tout aussi bien dire : Et j'irai, comme un bohémien, par la nature, loin, bien loin, heureux...
Ou : Et j'irai, par la nature, loin, bien loin, comme un bohémien...
Ou : Belle Marquise, j'irai loin, bien loin, comme un bohémien, heureux avec vos beaux yeux... (Telle est en général, à ce stade, la situation de l’élève sommé de se débrouiller avec ses manipulations…)
D’aucuns diront que ce n’est pas le complément du verbe, qui a changé de place, mais le complément de phrase. Mais comment l’élève est-il censé faire la différence, lui qui constate simplement que le complément n’est plus au même endroit ?
Allons plus loin. Aller est intransitif. S'il est presque toujours accompagné d'un complément CIRCONSTANCIEL de lieu, c'est parce qu'en général, quand on décrit son déplacement, c'est pour apporter cette information, justement, mais syntaxiquement, cela n'a rien d'obligatoire. Va, cours, vole et nous venge, déclare Don Diègue, foulant au pied les amours du Cid et le complément de verbe.
Quand je relis les pages précédentes de mon récit, je me rends compte que je vais dans les mots comme un gibier traqué, qui file vite, zig-zague, essaie de dérouter les chiens et les chasseurs lancés à sa poursuite. (Ph. Claudel). > Quand je relis les pages précédentes de mon récit, je me rends compte que je vais comme un gibier traqué, qui file vite, zig-zague, essaie de dérouter les chiens et les chasseurs lancés à sa poursuite. Cette dernière phrase est parfaitement correcte. De même que : Je suis une force qui va. (Hugo).
Première conclusion : le complément du verbe n'est ni suppressible ni déplaçable sauf lorsqu'il est suppressible ou déplaçable.
Examinons à présent le cas du complément de phrase.
Il y a plein de compléments circonstanciels impossibles à déplacer.
Il réagit normalement.
Il mourut de faim et de soif.
Partir de bonne heure nous permettra d’arriver suffisamment tôt pour travailler un peu avant la nuit. Lequel de ces soi-disant compléments de phrase peut-on séparer du verbe dont il dépend ?
Et nous ne nous étendrons pas sur les phrases complexes où la notion de complément de phrase n’a plus aucun sens, tant il est vrai que les éléments syntaxiques sont avant tout, comme on disait avant, "termes de la proposition".
Deuxième conclusion : le complément de phrase est suppressible et déplaçable sauf lorsqu'il n'est ni suppressible ni déplaçable.
D'où il apparaît que le complément essentiel est essentiel sauf s'il ne l'est pas et que le complément facultatif est facultatif sauf quand il ne l'est pas.
C'est cela que nous enseignons aux élèves depuis 25 ans. Et nous nous étonnons qu'en 3e, ils ne sachent toujours pas reconnaître un COD, mais qu'ils pataugent dans les manipulations les plus hasardeuses.
Quelques remarques encore…
La place des mots, en littérature, est régie par des règles complexes, où se mêlent impératifs syntaxiques (place du thème, évitement d’ambiguïtés, de lourdeurs…) et considérations stylistiques (mise en relief, effet d’attente…). Dès lors, les critères de distribution, vrais en théorie, sont souvent inopérants dans la réalité de la langue, concurrencés qu’ils sont par des règles supérieures.
La structure canonique sujet + verbe + complément du verbe est concurrencée par la structure, prééminente, thème + prédicat, et par tous les effets stylistiques possibles.
Du point de vue de la progression thématique, un phrase comme Une sorcière vivait dans cette maison est hautement improbable, et un élève à qui on demande d’identifier le complément de phrase par simple déplacement ou suppression dans la phrase Dans cette maison vivait une sorcière peut parfaitement en avoir l’intuition et rejeter le critère de déplacement, ainsi que celui de suppression (car Une sorcière vivait. ou, a fortiori, Vivait une sorcière sonne fort étrangement à l’oreille).
En outre, n'importe quel groupe fonctionnel peut être placé, à des fins stylistiques, en début ou en fin de phrase :
- sujet : Au commencement était le verbe.
- complément d'objet (indirect) : A toi, mon fils, je donnerai mon royaume. / De ce choix dépendrait tout le reste de son existence.
- attribut du sujet : Grande était la douleur de Roland.
- complément circonstanciel : Longtemps, ils marchèrent.
Nous remarquerons enfin que ces critères de distribution suffisent à conclure que ni en ni y ne sauraient être des compléments de phrase, puisqu’en tant que pronom, ils ont une place bien définie dans la phrase – avant le verbe.
Donc, si on écrit : Il y rencontra Bérénice, y n’est pas un complément de phrase : y est littéralement adjoint au verbe (c’est pourquoi l’on parle de pronom ad-verbial).
Par contre, si on remplace le pronom par son antécédent, par exemple : Il rencontra Bérénice au bal de la Marquise d’Estampes, le groupe qui commute avec ce pronom devient, lui, un complément de phrase, rompant avec la règle qui veut qu’un groupe qui commute avec un autre occupe la même fonction.
Qu’est-ce qu’un élève est censé comprendre de toutes ces manipulations ? N’est-il pas infiniment plus simple de lui expliquer que le complément d’objet, c’est la chose dont on parle quand on peut dire quelque chose après le verbe (prendre qqch, avaler qqch) ? Que les compléments circonstanciels expriment les circonstances de l’action ?
Les critères de distribution ne sont pas des critères suffisants d’identification des groupes syntaxiques. Ils sont pourtant, à cause de notre refus d’expliquer clairement des notions, les seuls que nous donnons aux enfants depuis plus de 20 ans. Pourtant, expliquer ces notions de sorte que l’élève puisse les comprendre véritablement (et pas seulement en supputer de vagues propriétés) et les apprendre, c’est lui permettre de les faire siennes, de les intégrer pleinement, afin de pouvoir les mobiliser aisément dans le raisonnement. Au lieu de quoi, à l’heure actuelle, l’élève qui veut réfléchir sur la langue, doit perpétuellement refaire l’analyse de chaque groupe syntaxique. Cela encombre sa mémoire de travail et limite fortement ses possibilités de raisonnement, d’autant plus qu’il a moins de facilités au départ. Cette méthode renforce donc les inégalités. En outre, cette méthode coûteuse sur le plan cognitif ne permet jamais l’automatisation de la reconnaissance des groupes fonctionnels. Dès lors, l’application des règles de grammaire, en particulier en orthographe, devient impossible. Comment bien écrire au rythme de la dictée ou de l’écriture d’invention quand il faut, au fur et à mesure, se souvenir des critères de distribution de chaque groupe et se lancer dans l’analyse de la phrase que l’on est en train d’écrire ? C’est strictement impossible.
Que gagne-t-on à embrouiller ainsi avec des manipulations complexes et coûteuses sur le plan cognitif des enfants qui n’ont encore aucune base en grammaire ?
Rien, si l’on en juge par l’évolution des résultats des élèves ces 20 dernières années.
L’injonction à suivre une méthode impropre, au lieu d’aider les élèves, accentue leurs difficultés. Il est temps d’en finir avec la seule description des critères de distribution (et avec l’opposition entre compléments de verbe et compléments de phrase) et d’exiger des professeurs qu’ils fassent véritablement preuve de pédagogie, en expliquant clairement les notions (ce qui n’empêche pas d’en observer le fonctionnement), afin que l’élève puis les com-prendre, c’est-à-dire, littéralement, les intégrer, en automatiser la reconnaissance, et les mobiliser pour le raisonnement.
- MurrNiveau 9
Avec des CM2 que j'ai eu l'an dernier en CM1, je parviens, en ce mois de mai, à être plutôt satisfaite du niveau en grammaire, en orthographe et en lecture. Cependant, nous n'avons pas encore vraiment fait:
- d'anglais
- de géographie
- d'informatique
- de sciences
...et nous rattraperons le programme d'histoire au cours ce dernier trimestre...
Je n'en suis pas fière, je culpabilise très souvent mais je parviens à relativiser...plus souvent encore...
A ta place, je culpabiliserais uniquement pour l'histoire, la géographie et les sciences et en aucun cas pour l'anglais et l'informatique. Je suis stagiaire cette année (plus pour bien longtemps, si la fin de l'année ne me réserve pas de mauvaise surprise et si je viens à bout de mon mémoire avant mercredi prochain ), je suis donc plus ou moins obligée de respecter les programmes à la lettre, mais cela fait malgré tout plusieurs semaines que l'anglais passe à la trappe. Outre le bazar que cette
Fires of Pompeii a écrit:Je pense aussi que les miracles n'existent pas, quand on voit que même certains profs de LM / LC n'ont que très peu de formation à la didactique de la grammaire voire l'enseignent à peine, comment peut-on imaginer que pour des PE qui ont des milliards de matières à enseignerdont un paquet qui n'a rien à faire en primaire, l'auto-formation sérieuse soit possible et, si elle existe, suffisante ?
L'institution ne fait clairement pas son boulot, et la dispersion de l'école primaire, en plus, ne laisse que peu de temps aux PE pour se former ; il y a donc une responsabilité au niveau du ministère. Après, ça n'empêche pas que dans certains cas il y a une responsabilité au niveau individuel, dans le cas cité plus haut de certains PE qui laissent tomber la grammaire ou n'essaient pas vraiment d'y accorder toute l'importance qu'il faut en faisant fi de l'inspection.
J'en ai déjà parlé ailleurs : dans mon école, tout se fait en équipe, tout est donc harmonisé, nivelé, tamisé, raffiné, épuré du CP au CM2. Cette année, j'ai essayé d'enseigner la grammaire comme je l'avais moi-même apprise, en posant des questions pour identifier les différentes fonctions, mais l'an prochain mon collègue fera faire des manipulations. Il faut imaginer Sisyphe heureux...
_________________
Ich bin der Geist, der stets verneint! (Goethe)
- V.MarchaisEmpereur
Oui, il y a des bonnes volontés, mais leur caractère marginal les rend inefficaces. Une année, les élèves tombent sur un prof qui va leur enseigner la grammaire sérieusement et de façon soutenue. L'année d'après, plus rien.
Mes Troisième de cette année (et il y a dans cette classe des élèves très bien, très sérieux) ne cessent de me répéter qu'ils n'ont pas fait de grammaire l'an passé (trois leçons dans l'année, j'ai vérifié auprès de mes collègues : ils n'ont pas exagéré).
Parfois, c'est franchement désespérant.
Mes Troisième de cette année (et il y a dans cette classe des élèves très bien, très sérieux) ne cessent de me répéter qu'ils n'ont pas fait de grammaire l'an passé (trois leçons dans l'année, j'ai vérifié auprès de mes collègues : ils n'ont pas exagéré).
Parfois, c'est franchement désespérant.
- MurrNiveau 9
V.Marchais a écrit:Oui, il y a des bonnes volontés, mais leur caractère marginal les rend inefficaces. Une année, les élèves tombent sur un prof qui va leur enseigner la grammaire sérieusement et de façon soutenue. L'année d'après, plus rien.
Mes Troisième de cette année (et il y a dans cette classe des élèves très bien, très sérieux) ne cessent de me répéter qu'ils n'ont pas fait de grammaire l'an passé (trois leçons dans l'année, j'ai vérifié auprès de mes collègues : ils n'ont pas exagéré).
Parfois, c'est franchement désespérant.
Je pense que c'est encore plus sensible en primaire que dans le secondaire : certaines écoles sont de vraies toiles d'araignées...
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Ich bin der Geist, der stets verneint! (Goethe)
- V.MarchaisEmpereur
Peux-tu mettre un s à inefficaces, stp ? En gras, ça pique les yeux ! :lol:
Sinon, je suis d'accord avec toi. Les professeurs de Primaire sont sous une coupe effrayante.
Sinon, je suis d'accord avec toi. Les professeurs de Primaire sont sous une coupe effrayante.
- MurrNiveau 9
Rabelais a écrit:Oui, certes, elle en fait partie!
Je voulais signifier en disant cela que la grammaire devait être détachée de l'étude du texte et que cette sale manie de saupoudrer la grammaire devait cesser.
Il faudra un jour que PE et profs prennent leurs responsablités, l'inspecteur n'est pas dans la classe tous les jours, ça laisse un peu de temps pour travailler.
Ce qui m'inquiète en revanche, c'est que je m'aperçois que de nombreuses jeunes collègues semblent ravies des nouvelles méthodes et programmes
Dans ma promotion, nous sommes quatre à prendre du recul par rapport à l'ESPE (et pas sûr que nous fassions toute notre carrière dans l'EN) ...
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Ich bin der Geist, der stets verneint! (Goethe)
- AurevillyHabitué du forum
Je déplore, comme vous, et comme tous ceux qui sont intervenus, le niveau atterrant de nos élèves en grammaire. J'adhère à tout ce qui a été dit précédemment sur ses causes. Il me semble toutefois que la demande de faire "revoir les accords généraux du participe passé en 6ème" dans le cadre d'un AP est tout simplement une erreur. Cette leçon fait intervenir des notions complexes que les 6ème ne possèdent pas encore, et c'est normal. de plus, plusieurs difficultés orthographiques sont plus urgentes à travailler à ce niveau. Il arrive souvent que les collègues en charge de la classe fassent des demandes au collègue qui fait l'AP sans avoir vraiment réfléchi aux besoins et à la progression. Le mythique "accord du pp" vient à point pour éviter de trop se poser de questions.Milè a écrit:Cette année, j'ai une heure d'AP en 6e. Je précise que je n'ai pas eu la charge de ce niveau depuis 25 ans.
Le professeur de français me demande si je veux bien revoir les accords généraux du participe passé parce que ça n'a pas été bien compris.
J'arrive devant le groupe, on commence par un schéma, et on passe aux exercices.
Et là, stupeur : beaucoup sont incapables de repérer le participe passé ou l'auxiliaire, de reconnaître "être" et "avoir" (surtout quand ils sont conjugués à un temps composé.)
Et le pompon : un certain nombre d'élèves confondent "devant le verbe" et "derrière le verbe". C'était tellement flou que j'ai fini par aligner des objets dans la rainure du tableau pour leur faire comprendre "avant"/"après"...
J'ai halluciné.
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- MiewHabitué du forum
Ca me fait du mal d'écrire ça, mais pour l'instant, je n'enseigne que peu la langue. Je l'ai fait davantage en 4e parce que j'estimais que les élèves en avaient plus besoin que les 5e.
Cela me désole, car enseigner la langue fait partie de ce que j'aime dans le métier, mais ayant peu d'expérience je passe beaucoup de temps à enseigner la littérature, faute de faire des séances de lecture courtes et efficaces.
En revanche, cette année, mes élèves ont beaucoup rédigé,plus que l'an dernier, ce qui me permet tout de même de signaler des problèmes en langue sur leurs copies. Mais, bien évidemment, les mêmes erreurs se reproduisent sans cesse...
L'an prochain (si je suis titularisée), je pense faire "la phrase du jour" mais uniquement si j'ai des 6e ou des 5e.
Cela me désole, car enseigner la langue fait partie de ce que j'aime dans le métier, mais ayant peu d'expérience je passe beaucoup de temps à enseigner la littérature, faute de faire des séances de lecture courtes et efficaces.
En revanche, cette année, mes élèves ont beaucoup rédigé,plus que l'an dernier, ce qui me permet tout de même de signaler des problèmes en langue sur leurs copies. Mais, bien évidemment, les mêmes erreurs se reproduisent sans cesse...
L'an prochain (si je suis titularisée), je pense faire "la phrase du jour" mais uniquement si j'ai des 6e ou des 5e.
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“Le premier symptôme de l'amour vrai chez un jeune homme, c'est la timidité, chez une jeune fille, c'est la hardiesse.”
Victor Hugo, Les Misérables.
- A TuinVénérable
miss sophie a écrit:Milè a écrit:Et le pompon : un certain nombre d'élèves confondent "devant le verbe" et "derrière le verbe". C'était tellement flou que j'ai fini par aligner des objets dans la rainure du tableau pour leur faire comprendre "avant"/"après"...
Je rebondis sur ce constat que je fais aussi depuis quelques années seulement. Je me suis rendue compte que, par exemple dans la règle d'accord du participe passé employé avec avoir, qui s'accorde avec le COD si celui-ci est placé devant le verbe, le terme "devant" était source de confusion pour les élèves et qu'ils me citaient souvent un mot placé, pour moi, derrière... Je crois avoir compris ce qui se passe dans leur tête : ils se mettent à la place du mot. Si j'écris "Je mange une pomme", dans le sens d'écriture et de lecture de la phrase, le verbe mange "regarde" vers la droite et a donc "devant" lui le GN une pomme... Depuis que j'ai compris cela, j'évite les références spatiales et j'utilise plutôt les mots "avant" et "après" : avec ces indices temporels de l'ordre de la lecture, pas de problème de compréhension, on lit bien une pomme après avoir lu mange.
Idem, même remarque. A la lecture du post initial je me suis fait la réflexion que dire "devant/derrière" était impropre pour évoquer la place des mots dans une phase. On n'est pas en 3D là, j'ai toujours entendu employer, et employé moi-même, "avant" et "après" dans le cadre d'une phrase.
- A TuinVénérable
Rabelais a écrit:Je fais le même constat que Milè, nous allons devenir prof de grammaire, j'envisage de réduire la litterature à son minimum acceptable tant mes eleves de tous les niveaux s'enlisent et je ne parle pas de notions complexes, juste de celles qui aident à avoir une orthographe correcte.
J'enrage, car je ne me sens pas l'âme d'une PE, ni la force.
Mais il va bien falloir le faire et renoncer à ce que j'aime faire ( l'étude des œuvres, des textes) parce que de toutes les façons, s'ils ne savent pas " lire" vraiment , ils ne comprendront rien au texte non plus.
Et je pense que ceux qui prendront la fuite au Lycee ( j'y ai pensé, j'y pense encore) iront de déconvenues en déconvenues car la grammaire un peu plus complexe va leur revenir, nous descendons dans les niveaux, le lycée deviendra le College.
Adieu belles lettres , je suis EFFONDRÉE.
De toute façon il ne faut pas se mentir, le collège tel que je l'ai vécu en tant qu'élève il y a plus de 20 ans, c'est essentiellement cadrer en approfondissant systématiquement les choses en grammaire, syntaxe, conjugaison, vocabulaire.
Je n'ai strictement rien retenu concernant "l'étude des œuvres, des textes" comme vous dites, à cette époque de ma vie, hormis les œuvres intégrales abordées et celles qu'on devait lire chez soi puis présenter à l'oral sous forme d'exposé (résumé, personnages, grands thèmes, etc). Par contre j'apprécie la consistance des savoirs en grammaire qui ont été abordés durant ces 4 années, c'est quelque chose qui s'est encré de façon permanente, définitive et efficace jusqu'à aujourd'hui, et pour la suite.
- RabelaisVénérable
As-tu vérifié dans les cahiers? Parce que collègues et élèves...V.Marchais a écrit:Oui, il y a des bonnes volontés, mais leur caractère marginal les rend inefficaces. Une année, les élèves tombent sur un prof qui va leur enseigner la grammaire sérieusement et de façon soutenue. L'année d'après, plus rien.
Mes Troisième de cette année (et il y a dans cette classe des élèves très bien, très sérieux) ne cessent de me répéter qu'ils n'ont pas fait de grammaire l'an passé (trois leçons dans l'année, j'ai vérifié auprès de mes collègues : ils n'ont pas exagéré).
Parfois, c'est franchement désespérant.
Les 4 E me juraient ne pas avoir fait de grammaire l'an dernier et j'étais prête à les croire, tant leur niveau est alarmant ( pas de reconnaissance des verbes conjugués en début d'année ) .
J'ai vérifié les cahiers des choupis qui ne l'avaient pas jeté: si, ils en ont fait, mais la déperdition estivale et le sable mouvant sur lequel reposent leurs apprentissages ont conduit à cet état.
J'ai lu tes messages , je ne savais même pas qu'on enseignait la grammaire ainsi de nos jours
, n'ayant eu aucune formation en grammaire à l'espe.
Je l'enseigne donc à l'ancienne .
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Le temps ne fait rien à l'affaire, quand on est c., on est c.
- RabelaisVénérable
Ah, je ne savais pas, parce que moi, il y a trente ans, je faisais de la grammaire , certes, un peu poussée, mais l'essentiel des bases avaient été posées en élémentaire. Je ne m'en souviens plus, sans doute ai-je vu les subordonnees à ce moment-là, par exemple et quantité de notions complexes, je pense me souvenir d'un cours par semaine sans compter les dictées .A Tuin a écrit:Rabelais a écrit:Je fais le même constat que Milè, nous allons devenir prof de grammaire, j'envisage de réduire la litterature à son minimum acceptable tant mes eleves de tous les niveaux s'enlisent et je ne parle pas de notions complexes, juste de celles qui aident à avoir une orthographe correcte.
J'enrage, car je ne me sens pas l'âme d'une PE, ni la force.
Mais il va bien falloir le faire et renoncer à ce que j'aime faire ( l'étude des œuvres, des textes) parce que de toutes les façons, s'ils ne savent pas " lire" vraiment , ils ne comprendront rien au texte non plus.
Et je pense que ceux qui prendront la fuite au Lycee ( j'y ai pensé, j'y pense encore) iront de déconvenues en déconvenues car la grammaire un peu plus complexe va leur revenir, nous descendons dans les niveaux, le lycée deviendra le College.
Adieu belles lettres , je suis EFFONDRÉE.
De toute façon il ne faut pas se mentir, le collège tel que je l'ai vécu en tant qu'élève il y a plus de 20 ans, c'est essentiellement cadrer en approfondissant systématiquement les choses en grammaire, syntaxe, conjugaison, vocabulaire.
Je n'ai strictement rien retenu concernant "l'étude des œuvres, des textes" comme vous dites, à cette époque de ma vie, hormis les œuvres intégrales abordées et celles qu'on devait lire chez soi puis présenter à l'oral sous forme d'exposé (résumé, personnages, grands thèmes, etc). Par contre j'apprécie la consistance des savoirs en grammaire qui ont été abordés durant ces 4 années, c'est quelque chose qui s'est encré de façon permanente, définitive et efficace jusqu'à aujourd'hui, et pour la suite.
Ce dont je me souviens, ce sont les merveilleuses séances d'écriture ( une heure par semaine, ma préférée) , les rédactions , le théâtre que nous lisions au CDI avec notre professeur en nous donnant la réplique, les textes aussi , surtout en oeuvre intégrale , et l'histoire des auteurs .
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- RabelaisVénérable
Mes parents viennent de me ramener mon cahier du jour de CM1:
J'ai de la peine, je crois que je vais pleurer.
J'ai de la peine, je crois que je vais pleurer.
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- Thalia de GMédiateur
Comme quoi, il existe une inéluctable dégradation : de mon temps, je devais préciser le genre et le nombre.Rabelais a écrit:Mes parents viennent de me ramener mon cahier du jour de CM1:
J'ai de la peine, je crois que je vais pleurer.
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Le printemps a le parfum poignant de la nostalgie, et l'été un goût de cendres.
Soleil noir de mes mélancolies.
- RabelaisVénérable
Et le plus difficile à accepter, moi qui ne reussit pas à réparer cette notion chez mes quatriemes:
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- RabelaisVénérable
@ Thalia, je me doute! Je crois que j'ai dans mes tablettes ( de cire, ) des annales du certificat d'étude de ton époque, mon brevet des collèges était déjà une honte en 1986!
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- ysabelDevin
Rabelais a écrit:Ah, je ne savais pas, parce que moi, il y a trente ans, je faisais de la grammaire , certes, un peu poussée, mais l'essentiel des bases avaient été posées en élémentaire. Je ne m'en souviens plus, sans doute ai-je vu les subordonnees à ce moment-là, par exemple et quantité de notions complexes, je pense me souvenir d'un cours par semaine sans compter les dictées .A Tuin a écrit:Rabelais a écrit:Je fais le même constat que Milè, nous allons devenir prof de grammaire, j'envisage de réduire la litterature à son minimum acceptable tant mes eleves de tous les niveaux s'enlisent et je ne parle pas de notions complexes, juste de celles qui aident à avoir une orthographe correcte.
J'enrage, car je ne me sens pas l'âme d'une PE, ni la force.
Mais il va bien falloir le faire et renoncer à ce que j'aime faire ( l'étude des œuvres, des textes) parce que de toutes les façons, s'ils ne savent pas " lire" vraiment , ils ne comprendront rien au texte non plus.
Et je pense que ceux qui prendront la fuite au Lycee ( j'y ai pensé, j'y pense encore) iront de déconvenues en déconvenues car la grammaire un peu plus complexe va leur revenir, nous descendons dans les niveaux, le lycée deviendra le College.
Adieu belles lettres , je suis EFFONDRÉE.
De toute façon il ne faut pas se mentir, le collège tel que je l'ai vécu en tant qu'élève il y a plus de 20 ans, c'est essentiellement cadrer en approfondissant systématiquement les choses en grammaire, syntaxe, conjugaison, vocabulaire.
Je n'ai strictement rien retenu concernant "l'étude des œuvres, des textes" comme vous dites, à cette époque de ma vie, hormis les œuvres intégrales abordées et celles qu'on devait lire chez soi puis présenter à l'oral sous forme d'exposé (résumé, personnages, grands thèmes, etc). Par contre j'apprécie la consistance des savoirs en grammaire qui ont été abordés durant ces 4 années, c'est quelque chose qui s'est encré de façon permanente, définitive et efficace jusqu'à aujourd'hui, et pour la suite.
Ce dont je me souviens, ce sont les merveilleuses séances d'écriture ( une heure par semaine, ma préférée) , les rédactions , le théâtre que nous lisions au CDI avec notre professeur en nous donnant la réplique, les textes aussi , surtout en oeuvre intégrale , et l'histoire des auteurs .
Il est clair que quand j'ai quitté l'école primaire (en juin 1980...) j'avais un meilleur niveau en grammaire que mes meilleurs élèves de S de cette année.
Quand je pense qu'on avait étudié Les Fourberies de Scapin en CM2...
Tout comme A Tuin... je me souviens très bien des OI vues au collège. Et je râlais déjà puisque en 5e, la prof (qui enseignait allemand-français) nous avait fait étudier une BD (un Alix), et cela m'avait gonflé prodigieusement considérant - déjà - que ce n'était pas le boulot de l'école et que les BD c'était chez moi, non mais !
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« vous qui entrez, laissez toute espérance ». Dante
« Il vaut mieux n’avoir rien promis que promettre sans accomplir » (L’Ecclésiaste)
- MurrNiveau 9
Merci pour ces quelques pages très instructives : on ne m'a jamais fait faire d'analyse grammaticale systématique à l'école (j'ai dû attendre d'être envoyée dans le meilleur collège privé du coin pour y avoir droit), mais c'était dans les années 90... Sans ces traces écrites, les personnes de ma génération ne pourraient pas vraiment savoir ce qu'il est possible d'exiger des élèves dans les petites classes : c'est plutôt encourageant !
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- InvitéSnNiveau 6
Gilbertine a écrit:Au lycée, les textes sont incompréhensibles pour la plupart des élèves, il faut "traduire" les textes du XVIIe et du XVIIIe, c'est une langue étrangère pour eux.
Je n'ai pas lu toutes les réponses de ce sujet très intéressant, mais j'ai tout de suite envie d'abonder dans le sens de certaines remarques. Oui, il faut davantage de grammaire, en primaire, au collège, au lycée.
En cours de philosophie, en terminale donc, il m'arrive encore régulièrement d'en faire pour mettre simplement les élèves en position de pouvoir enfin comprendre certains énoncés.
Quant à cette langue du XVIIe siècle, celle de Descartes, Pascal ou Leibniz, elle exige a minima une lecture glosée de ma part en classe, sinon elle demeure franchement obscure à mes élèves. Et encore faut-il souligner qu'il s'agit de textes purement argumentatifs sans aucune recherche lyrique.
- MurrNiveau 9
PabloPE a écrit:Cripure a écrit:
Je ne parle pas des capacités des collègues, mais des programmes et directives divers qui encadrent le travail des Pe notamment.
Après, je me rappelle qu'en 6e et 5e, si j'avais 7h de français par semaine (5h de cours et 2h de TD), nous avions en revanche très peu d'heure de littérature. C'était surtout de la langue.
Mais pour moi, la langue fait partie des "belles lettres", comme vous dites
De toutes façons je trouve complètement stupides de coller des enfants devant des "beaux textes" sans leur offrir le code pour y accéder.
Ca les démotive et les enfonce dans l'idée que "ce n'est pas pour eux".
Et puis objectivement cette volonté de toujours tout décortiquer dans un texte sans leur offrir le plaisir de le lire juste comme ça m'a toujours paru "bizarre". Bref vive l'EDL
Je ne partage pas tout à fait cet avis : j'ai appris quantité de poèmes quand j'étais petite (surtout des fables de La Fontaine et du Ronsard) sans comprendre tous les mots, juste pour le plaisir ! Si l'on devait attendre que les élèves soient en mesure de tout comprendre pour leur proposer de "beaux textes", on ne dépasserait jamais le stade de la Bibliothèque rose (révisée sans verbes au passé simple et autres fioritures, bien évidemment... ).
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- RabelaisVénérable
La fameuse dictée: en CE1
Suivie du tableau de conversion : CE1
Suivie du tableau de conversion : CE1
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- MurrNiveau 9
"fraiches" : enfant orthographiquement en avance sur son temps
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- AnaroreNiveau 9
Pas de formation à l'ESPE en grammaire pour moi non plus. Du coup, je l'enseigne d'après mes souvenirs et quelques bouquins. Et on nous y a encouragé à faire le tri de la réforme : on oublie le prédicat et on fait les COD/COI ! Comme quoi certains formateurs tiennent encore la route :succes:
En classe, j'ai remarqué que souvent je tenais davantage mes élèves avec de la grammaire qu'avec des textes. Même remarque pour un collègue (en ZEP) à qui ses élèves ont dit qu'ils voulaient en faire plus parce que c'était ça le français ! Cela dit, pour les miens c'est peut-être aussi parce que c'est une découverte. j'ai eu droit aussi au "on n'a jamais vu ça Madame, l'an dernier on ne faisait pas de grammaire, seulement de la conjugaison". Après vérification auprès de l'enseignant c'est la stricte vérité : il ne fait JAMAIS de grammaire.
Résultat, en 5e, les gosses découvrent les compléments circonstanciels...
En classe, j'ai remarqué que souvent je tenais davantage mes élèves avec de la grammaire qu'avec des textes. Même remarque pour un collègue (en ZEP) à qui ses élèves ont dit qu'ils voulaient en faire plus parce que c'était ça le français ! Cela dit, pour les miens c'est peut-être aussi parce que c'est une découverte. j'ai eu droit aussi au "on n'a jamais vu ça Madame, l'an dernier on ne faisait pas de grammaire, seulement de la conjugaison". Après vérification auprès de l'enseignant c'est la stricte vérité : il ne fait JAMAIS de grammaire.
Résultat, en 5e, les gosses découvrent les compléments circonstanciels...
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"En dépit de tout ce qu'on peut vous raconter, les mots et les idées peuvent changer le monde." - Le Cercle des Poètes Disparus
"Un baiser, mais à tout prendre, qu'est-ce? Un serment fait d'un peu plus près, une promesse plus précise, un aveu qui se veut confirmer, un point rose qu'on met sur l'i du verbe aimer;
C'est un secret qui prend la bouche pour oreille, un instant d'infini qui fait un bruit d'abeille, une communion ayant un goût de fleur, une façon d'un peu se respirer le coeur, et d'un peu se goûter, au bord des lèvres, l'âme!" - Cyrano de Bergerac
- RabelaisVénérable
Sniff, ça a cassé ma moyenne
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