- CatdaysareoverNiveau 1
Bonsoir.
Les nouveaux programmes de français intègrent l'étude de l'Odyssée en 6e dans : "Les monstres, aux limites de l'humain". Or, à part les Cyclopes et les Sirènes, et à la rigueur Charybde et Scylla, je ne vois pas trop quels peuvent bien être les monstres dans l'Odyssée. Je suppose que tout le problème réside dans ce que j'entends par : "monstre". Pouvez-vous me donner les différentes acceptions de "monstre" utiles afin de pouvoir englober un maximum de personnages ? Auriez-vous également des propositions d'autres personnages de l'Odyssée à considérer comme des monstres, et les raisons de vos hypothèses ?
D'avance, merci, et bonnes vacances !
Les nouveaux programmes de français intègrent l'étude de l'Odyssée en 6e dans : "Les monstres, aux limites de l'humain". Or, à part les Cyclopes et les Sirènes, et à la rigueur Charybde et Scylla, je ne vois pas trop quels peuvent bien être les monstres dans l'Odyssée. Je suppose que tout le problème réside dans ce que j'entends par : "monstre". Pouvez-vous me donner les différentes acceptions de "monstre" utiles afin de pouvoir englober un maximum de personnages ? Auriez-vous également des propositions d'autres personnages de l'Odyssée à considérer comme des monstres, et les raisons de vos hypothèses ?
D'avance, merci, et bonnes vacances !
- OudemiaBon génie
Il y a aussi les Lestrygons, mais réduire l'Odyssée aux "monstres" qu'on peut y trouver...
- OlympiasProphète
http://expositions.bnf.fr/homere/pedago/02.htm
http://www.mediterranees.net/mythes/ulysse/dieux.html
http://www.mediterranees.net/mythes/ulysse/dieux.html
- babetteNeoprof expérimenté
Moi c'est la tournure: "aux limites de l'humain" que je ne comprends pas bien.
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« Si ton rève se réalise, c'est qu'il n'était pas assez beau."
Proverbe chinois.
- henrietteMédiateur
Cette problématique est inepte. Les gens qui ont pondu ça n'y connaissent rien, c'est affligeant. Cette problématique est même incompatible avec l'Odyssée en particulier, et les récits mythologiques antiques en général.
Ce ne sont pas les monstres qui interrogent les limites de l'humain : les monstres sont justement hors humanité, et ne disent donc rien de l'humain: ce sont des forces brutes issues d'une nature sauvage et dangereuse (voir la catastrophique progéniture de Poséidon par exemple).
Ce sont les héros eux-mêmes qui interrogent les limites de l'humain (voir par exemple Œdipe se pensant plus fort que l'oracle de Delphes, la folie d'Ajax ou d'Héraclès, des personnages comme Médée ou Clytemnestre).
Donc si je devais avoir des 6e l'an prochain, je m’essaierais bien tranquillement sur cette aberration complète.
Ce ne sont pas les monstres qui interrogent les limites de l'humain : les monstres sont justement hors humanité, et ne disent donc rien de l'humain: ce sont des forces brutes issues d'une nature sauvage et dangereuse (voir la catastrophique progéniture de Poséidon par exemple).
Ce sont les héros eux-mêmes qui interrogent les limites de l'humain (voir par exemple Œdipe se pensant plus fort que l'oracle de Delphes, la folie d'Ajax ou d'Héraclès, des personnages comme Médée ou Clytemnestre).
Donc si je devais avoir des 6e l'an prochain, je m’essaierais bien tranquillement sur cette aberration complète.
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"Il n'y a que ceux qui veulent tromper les peuples et gouverner à leur profit qui peuvent vouloir retenir les hommes dans l'ignorance."
- OlympiasProphète
Les problématiques ineptes, ça devient à la mode dans l'éducation nationale
- OudemiaBon génie
Tu voulais dire que tu t'assiérais, je supposehenriette a écrit:Cette problématique est inepte. Les gens qui ont pondu ça n'y connaissent rien, c'est affligeant. Cette problématique est même incompatible avec l'Odyssée en particulier, et les récits mythologiques antiques en général.
Ce ne sont pas les monstres qui interrogent les limites de l'humain : les monstres sont justement hors humanité, et ne disent donc rien de l'humain: ce sont des forces brutes issues d'une nature sauvage et dangereuse (voir la catastrophique progéniture de Poséidon par exemple).
Ce sont les héros eux-mêmes qui interrogent les limites de l'humain (voir par exemple Œdipe se pensant plus fort que l'oracle de Delphes, la folie d'Ajax ou d'Héraclès, des personnages comme Médée ou Clytemnestre).
Donc si je devais avoir des 6e l'an prochain, je m’essaierais bien tranquillement sur cette aberration complète.
- SphinxProphète
Polyphème est le fils de Poséidon et de la nymphe Thoosa et les Sirènes sont à l'origine des esprits des morts ou des divinités infernales (voir le bouquin de Cumont sur la symbolique funéraire). Il n'y a pas de "monstre" au sens moderne dans l'Odyssée. Comme dit plus haut par Henriette les créatures et les peuples affrontés dans les épopées grecques (voir aussi les Argonautiques ou les légendes d'Hercule) symbolisent soit la nature sauvage soit les peuplades barbares que le héros porteur de civilisation doit affronter. C'est exactement la même signification que les amazonomachies ou la lutte des Olympiens contre les titans ou les géants.
Au sens moderne, le "monstre" est celui que l'on "montre" parce qu'il n'est pas "normal", tout en faisant partie de la même espèce que les autres. Il n'y a rien de cela chez Homère. Je voudrais quand même bien savoir pourquoi il faudrait absolument avoir une thématique pour étudier une œuvre ! En admettant même qu'elle soit juste, ça conduit forcément à laisser les neuf dixièmes du sens de côté.
Au sens moderne, le "monstre" est celui que l'on "montre" parce qu'il n'est pas "normal", tout en faisant partie de la même espèce que les autres. Il n'y a rien de cela chez Homère. Je voudrais quand même bien savoir pourquoi il faudrait absolument avoir une thématique pour étudier une œuvre ! En admettant même qu'elle soit juste, ça conduit forcément à laisser les neuf dixièmes du sens de côté.
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An education was a bit like a communicable sexual disease. It made you unsuitable for a lot of jobs and then you had the urge to pass it on. - Terry Pratchett, Hogfather
"- Alors, Obélix, l'Helvétie c'est comment ? - Plat."
- henrietteMédiateur
Oui !Oudemia a écrit:Tu voulais dire que tu t'assiérais, je supposehenriette a écrit:Cette problématique est inepte. Les gens qui ont pondu ça n'y connaissent rien, c'est affligeant. Cette problématique est même incompatible avec l'Odyssée en particulier, et les récits mythologiques antiques en général.
Ce ne sont pas les monstres qui interrogent les limites de l'humain : les monstres sont justement hors humanité, et ne disent donc rien de l'humain: ce sont des forces brutes issues d'une nature sauvage et dangereuse (voir la catastrophique progéniture de Poséidon par exemple).
Ce sont les héros eux-mêmes qui interrogent les limites de l'humain (voir par exemple Œdipe se pensant plus fort que l'oracle de Delphes, la folie d'Ajax ou d'Héraclès, des personnages comme Médée ou Clytemnestre).
Donc si je devais avoir des 6e l'an prochain, je m’essaierais bien tranquillement sur cette aberration complète.
Parce que l'essayer... :retard:
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"Il n'y a que ceux qui veulent tromper les peuples et gouverner à leur profit qui peuvent vouloir retenir les hommes dans l'ignorance."
- User5899Demi-dieu
Non, sans blague ? Mais qu'est-ce que c'est que cette connerie ? Non seulement, on supprime le grec, mais en plus, on le fait lire en français sur la base d'un non-sens/contresens ?Catdaysareover a écrit:Les nouveaux programmes de français intègrent l'étude de L'Odyssée en 6e dans : "Les monstres, aux limites de l'humain".
Je pensais qu'il n'y avait que les ""autres mondes" pour étudier le fantastique" qui montrait la nullité de concepteurs, mais apparemment, c'est la femme de ménage qui a fait les programmes de chaque niveau...
Etudiez donc l'Odyssée pour ce qu'elle est : un poème magnifique...
- IphigénieProphète
Voilà, il fallait trouver une entrée de programme, hein!
on est en train de faire crever toute réflexion en voulant mettre des problèmes-à-tic partout et des thèmes et des études génériques à la con, en oubliant l'essentiel: la beauté des œuvres.
Allez hop "le vivre ensemble avec les monstres" ou "l'Odyssée comme exemple de développement durable d'une navigation écologique".
on est en train de faire crever toute réflexion en voulant mettre des problèmes-à-tic partout et des thèmes et des études génériques à la con, en oubliant l'essentiel: la beauté des œuvres.
Allez hop "le vivre ensemble avec les monstres" ou "l'Odyssée comme exemple de développement durable d'une navigation écologique".
- henrietteMédiateur
Polyphème avait-il une alimentation équilibrée ?
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"Il n'y a que ceux qui veulent tromper les peuples et gouverner à leur profit qui peuvent vouloir retenir les hommes dans l'ignorance."
- OlympiasProphète
Ah non Henriette !! Pas un EPI :lol:henriette a écrit:Polyphème avait-il une alimentation équilibrée ?
- User5899Demi-dieu
Pas sûr, sur une mer vineuse et chez des peuples sans painhenriette a écrit:Polyphème avait-il une alimentation équilibrée ?
- ernestinNiveau 2
Salut à tous, il me semble que ce n'est pas la première prof de français qui a ce genre de discours sur les monstres.henriette a écrit:Cette problématique est inepte. Les gens qui ont pondu ça n'y connaissent rien, c'est affligeant. Cette problématique est même incompatible avec l'Odyssée en particulier, et les récits mythologiques antiques en général.
Ce ne sont pas les monstres qui interrogent les limites de l'humain : les monstres sont justement hors humanité, et ne disent donc rien de l'humain: ce sont des forces brutes issues d'une nature sauvage et dangereuse (voir la catastrophique progéniture de Poséidon par exemple).
Ce sont les héros eux-mêmes qui interrogent les limites de l'humain (voir par exemple Œdipe se pensant plus fort que l'oracle de Delphes, la folie d'Ajax ou d'Héraclès, des personnages comme Médée ou Clytemnestre).
Donc si je devais avoir des 6e l'an prochain, je m’essaierais bien tranquillement sur cette aberration complète.
Il me semble qu'on devrait pouvoir interpréter les monstres comme des éléments « rétifs » à l'ordre moral des humains, oui, bien sûr. Ils sont une représentation de la part d'abominable qui peut se cacher en chacun de nous.
Ils ne sont pas « hors humanité », bien au contraire.
Si on est un peu caricatural, les sirènes sont par exemple la tentation d'une sexualité débridée ou le géant Polyphème est un ogre cannibale qui dévore ceux qui pénètrent dans son royaume.
Ces monstres sont des parties intégrantes de l'être humain et le héros (Ulysse et ses compagnons) doivent faire face à ces périls, c'est à dire intégrer la dimension dangereuse de l'existence qui consiste à céder à la facilité, ou à ses pulsions égoïstes, ou (etc). D'ailleurs on remarque que le héros s'en sort grâce à la ruse et aussi car il a conscience de sa vulnérabilité. Il demande à ses marins par exemple de l'attacher au mât pour ne point céder au chant des sirènes qu'il sait irrésistible.
Si vous lisez l'anglais vous pouvez consulter ce livre : http://www.goodreads.com/book/show/74382.The_Hobbit
C'est une bonne approche pour analyser les contes de fée (on retrouve les thématiques du « monstre » dans de nombreux mythes et légendes).
- Spoiler:
- Par exemple Polyphème a son pendant dans Bilbo le Hobbit, qui sont les deux trolls du début de l'histoire qui ne savent pas s'ils vont manger le hobbit en terrine ou en ragoût.
- MictlantecuhtliNiveau 9
henriette a écrit:Cette problématique est inepte. Les gens qui ont pondu ça n'y connaissent rien, c'est affligeant. Cette problématique est même incompatible avec l'Odyssée en particulier, et les récits mythologiques antiques en général.
Ce ne sont pas les monstres qui interrogent les limites de l'humain : les monstres sont justement hors humanité, et ne disent donc rien de l'humain: ce sont des forces brutes issues d'une nature sauvage et dangereuse (voir la catastrophique progéniture de Poséidon par exemple).
Ce sont les héros eux-mêmes qui interrogent les limites de l'humain (voir par exemple Œdipe se pensant plus fort que l'oracle de Delphes, la folie d'Ajax ou d'Héraclès, des personnages comme Médée ou Clytemnestre).
Donc si je devais avoir des 6e l'an prochain, je m’essaierais bien tranquillement sur cette aberration complète.
Très juste.
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Ō miserās hominum mentēs, ō pectora cæca !
Quālibus in tenebrīs uītæ quantīsque perīclīs
dēgitur hoc æuī quodcumquest ! Nōnne uidēre
nīl aliud sibi nātūram lātrāre, nisi ut quī
corpore sēiūnctus dolor absit — mente fruātur
iūcundō sēnsū, cūrā sēmōta metūque ?
- IphigénieProphète
Voilà , cela représente bien la démarche qui est suivie par ces programmes thématiques: il s'agit de mettre sur les textes une grille de lecture contemporaine, de même que les pères de l'Eglise relisaient la quatrième Bucolique à l'aune de la révélation chrétienne. Ce faisant on apprend aux élèves ce qu'ils font déjà très naturellement, à ne pas voir le texte en lui-même mais la projection sur le texte des imageries contemporaines. La moindre rêverie romantique devant la nature devient ainsi une réflexion sur le développement durable et la nécessité de préserver les espèces sauvages.Ces monstres sont des parties intégrantes de l'être humain et le héros (Ulysse et ses compagnons) doivent faire face à ces périls, c'est à dire intégrer la dimension dangereuse de l'existence qui consiste à céder à la facilité, ou à ses pulsions égoïstes, ou (etc). D'ailleurs on remarque que le héros s'en sort grâce à la ruse et aussi car il a conscience de sa vulnérabilité. Il demande à ses marins par exemple de l'attacher au mât pour ne point céder au chant des sirènes qu'il sait irrésistible.
Si vous lisez l'anglais vous pouvez consulter ce livre : http://www.goodreads.com/book/show/74382.The_Hobbit
C'est une bonne approche pour analyser les contes de fée (on retrouve les thématiques du « monstre » dans de nombreux mythes et légendes).
Le monde de l'Odyssée, qui est un monde poétique, et non historique, permet ces lectures, comme il en permet bien d'autres, il résiste de siècle en siècle à toutes les réductions qu'on veut lui faire subir. En tant que monde poétique, tout son charme vient au contraire, me semble-t-il, de ce qu'il est un monde d'"avant les frontières" de l'esprit: la notion d'a-normalité suppose que l'on ait placé une norme d'abord. Prenez, pour prendre "une entrée" simple, concrète et quasi historique, la condition des esclaves dans l'Odyssée: ils ne sont pas encore les "hommes naturellement nés pour être esclaves" de la Grèce d'Aristote. Ils ne sont pas "normés", (on dirait aujourd'hui "stigmatisés), il n'y a d'ailleurs pas vraiment de mots pour les désigner, autrement que par leur fonction de " nourrice" ou de "bouvier", ce sont tous d'anciens rois et princesses, enlevés par des pirates ou prisonniers par les guerres: il n'y a pas d'esclaves de naissance (ou très exceptionnellement) dans les textes homériques. On peut lire l'histoire de Pénélope à la lumière de la condition féminine, ou le chant IX à la lumière des zombies ou essayer d'approcher Polyphème sous l'étiquette du "monstre" mais ce faisant, on passe à côté de l'essentiel, qui est une lecture libre, débarrassée des codes et grilles, ce qui devient de plus en plus difficile à faire avec les élèves. Et c'est au fond un réflexe très naïf que cette injonction contemporaine, au nom de la science , et très souvent de la science anglo-saxonne, que de vouloir renouveler l'approche des textes par des entrées thématiques et des grilles de lecture contemporaines:parler de "monstre" est au fond rassurant: on pose un nom, "sed nomina nuda tenemus", comme dirait l'autre.
- RabelaisVénérable
Tout à fait. Il ne s'agit pas de faire l'analyse freudienne de l'inconscient d'Homère .
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Le temps ne fait rien à l'affaire, quand on est c., on est c.
- MrBrightsideEmpereur
Rabelais a écrit:Tout à fait. Il ne s'agit pas de faire l'analyse freudienne de l'inconscient d'Homère .
"Ta mère Homère, la psychanalyse freudienne dans l’Odyssée. "
- RabelaisVénérable
http://www.omarrare.uerj.br/numero11/jean.html
En sixième, c'est chaud...
Vous me direz , puisque nous devons apprendre aux cinquièmes que le fantastique est un autre monde plus proche de la science fiction que du realisme...
En sixième, c'est chaud...
Vous me direz , puisque nous devons apprendre aux cinquièmes que le fantastique est un autre monde plus proche de la science fiction que du realisme...
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Le temps ne fait rien à l'affaire, quand on est c., on est c.
- SphinxProphète
ernestin a écrit:
Salut à tous, il me semble que ce n'est pas la première prof de français qui a ce genre de discours sur les monstres.
Il me semble qu'on devrait pouvoir interpréter les monstres comme des éléments « rétifs » à l'ordre moral des humains, oui, bien sûr. Ils sont une représentation de la part d'abominable qui peut se cacher en chacun de nous.
Ils ne sont pas « hors humanité », bien au contraire.
Si on est un peu caricatural, les sirènes sont par exemple la tentation d'une sexualité débridée ou le géant Polyphème est un ogre cannibale qui dévore ceux qui pénètrent dans son royaume.
Ces monstres sont des parties intégrantes de l'être humain et le héros (Ulysse et ses compagnons) doivent faire face à ces périls, c'est à dire intégrer la dimension dangereuse de l'existence qui consiste à céder à la facilité, ou à ses pulsions égoïstes, ou (etc). D'ailleurs on remarque que le héros s'en sort grâce à la ruse et aussi car il a conscience de sa vulnérabilité. Il demande à ses marins par exemple de l'attacher au mât pour ne point céder au chant des sirènes qu'il sait irrésistible.
Si vous lisez l'anglais vous pouvez consulter ce livre : http://www.goodreads.com/book/show/74382.The_Hobbit
C'est une bonne approche pour analyser les contes de fée (on retrouve les thématiques du « monstre » dans de nombreux mythes et légendes).
- Spoiler:
Par exemple Polyphème a son pendant dans Bilbo le Hobbit, qui sont les deux trolls du début de l'histoire qui ne savent pas s'ils vont manger le hobbit en terrine ou en ragoût.
Le problème, c'est que là, vous êtes en train de plaquer des interprétations modernes sur une oeuvre antique. Ce n'est pas un jeu nouveau, les Grecs et les Romains le faisaient déjà : et aucune de ces interprétations n'appartient à Homère lui-même. Le problème, c'est que toutes les exégèses et leur contraire ayant été proposées, elles sont toutes probablement également fausses. Pour ce qui est des Sirènes, par exemple, elles ont été interprétées comme l'attirance du mal (et non pas de la sexualité, ce qui me paraît une façon très chrétienne/freudienne de voir les choses ; je ne sache pas qu'Homère ait jamais rien reproché à la sexualité), que le maître doit interdire à ses disciples d'écouter, et que lui-même peut écouter avec précautions. Les liens, la cire qui retiennent Ulysse et ses compagnons symbolisent la philosophie. Epicure y voit plus ou moins dans les Moralia un symbole de la poésie elle-même : les Sirènes, selon Homère, chantent le monde et la Guerre de Troie. Ce qui conduit les péripatéticiens à affirmer que les Sirènes sont au contraire promesse de savoir, et un personnage platonicien des Propos de Table de Plutarque à affirmer qu'elles ravissent les âmes vers le céleste et le divin, et que ce sont les liens de la chair qui retiennent Ulysse et bouchent les oreilles d'Ulysse et de ses compagnons ; même interprétation chez les Pythagoriciens, qui plaçaient les Sirènes dans l'harmonie des sphères en en faisant une contrepartie plus dangereuse des Muses, davantage liée aux plaisirs.
Héraclite le Rhéteur, au Ier s. ap. J.-C. a écrit:« Ulysse est comme un instrument de toutes les vertus qu’Homère s’est forgé ; par son intermédiaire, il enseigne la sagesse, car il déteste les vices qui ravagent l’humanité. Le plaisir, d’abord, ce pays lotophage qui cultive une jouissance exotique ; près de lui Ulysse est passé en se dominant. Le sauvage emportement de chacun de nous : il l’a brûlé, peut-on dire, au feu de ses exhortations, et il l’a aveuglé : et ce monstre a nom Cyclope, ou celui qui "dérobe". (. . .) Ulysse ! N’est-ce pas lui qui, le premier, grâce à la connaissance de l’astronomie, sut prévoir le moment favorable pour une traversée, et sembla avoir fait souffler certains vents ! Et sa victoire sur les poisons de Circé signifie qu’il a découvert, dans sa science profonde, le moyen de conjurer la nocivité de certaines préparations d’origine étrangère. La sagesse descend jusque chez Hadès, pour ne pas laisser de secteur inexploré, même dans les Enfers. Et qui donc écoute les Sirènes, apprenant d’elles les histoires de tous les siècles ? Charybde est un nom bien choisi pour la débauche dépensière, insatiable de beuveries. Scylla est la représentation allégorique de l’impudence aux mille visages : on comprend bien, dès lors, qu’elle soit entourée de chiens, aux museaux qui se hérissent de rapacité, d’audace, de convoitise. Les bœufs du soleil représentent la tempérance : la faim même n’a pu contraindre (le sage) à l’injustice. Ce sont là sans doute des contes à plaisir, destinés aux auditeurs ; mais si ces contes débouchent sur la sagesse, présentée en allégories, ils seront du plus grand secours à qui s’inspirera de leurs exemples » (§70, 2-13).
Le problème, c'est que ces interprétations sont toutes également compliquées à faire comprendre à des 6e, qu'il y en a là suffisamment (et encore, je résume) pour ne pas aller jusqu'à y rajouter les vôtres , et que je vous souhaite bien du plaisir pour apprendre à des sixièmes qu'il y a d'une part le texte, d'autre part des interprétations exprimées bien des siècles plus tard, et qu'il ne faut pas les confondre.
Sénèque, à Lucilius, a écrit:« Veux-tu te convaincre que ce n’est pas pour enseigner la vertu qu’ils montent dans leurs chaires ? Regarde combien sont diverses les tendances de chacun d’eux ; or le but serait un si l’enseignement était le même. Mais peut-être voudront-ils te persuader qu’Homère était un philosophe, quand les preuves mêmes qu’ils en donnent les démentent. Car tantôt on fait de lui un stoïcien, n’admirant rien que la force d’âme, ayant horreur des voluptés et ne s’écartant pas de l’honnête, même au prix de l’immortalité ; tantôt c’est un épicurien, qui fait l’éloge d’une cité où règne la paix et où la vie s’écoule parmi les festins et les chants ; c’est encore un péripatéticien qui admet trois sortes de biens dans la vie ; c’est enfin un académicien qui dit que tout n’est qu’incertitude. La preuve qu’il n’est rien de tout cela, c’est qu’il est tout cela à la fois : systèmes entre eux incompatibles. (...) Mais nous, les tempêtes de l’âme nous secouent chaque jour ; nos mauvaises passions nous poussent dans toutes les mésaventures d’Ulysse. Assez de beautés attirent nos regards, assez d’ennemis aussi ; d’une part des monstres implacables qui s’enivrent du sang des hommes ; de l’autre d’insidieux enchantements préparés pour l’oreille ; plus loin des naufrages et tant de fléaux variés. (...) Le grammairien Didyme a écrit quatre mille volumes : homme à plaindre, n’eût-il fait qu’en lire un pareil nombre d’inutiles. Dans ces livres il recherche quelle fut la patrie d’Homère ; la véritable mère d’Énée ; ce qu’Anacréon aima le mieux, du vin ou des femmes ; si Sappho se livrait au public, et mille autres fadaises que je voudrais désapprendre, si je les savais. Qu’on vienne dire maintenant que la vie est trop peu longue ! (88, 5)
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An education was a bit like a communicable sexual disease. It made you unsuitable for a lot of jobs and then you had the urge to pass it on. - Terry Pratchett, Hogfather
"- Alors, Obélix, l'Helvétie c'est comment ? - Plat."
- CelebornEsprit sacré
Rabelais a écrit:
Vous me direz , puisque nous devons apprendre aux cinquièmes que le fantastique est un autre monde plus proche de la science fiction que du realisme...
L'intervention du SNALC au Conseil Supérieur de l'Éducation a permis de déplacer le fantastique en 4e, dans le même thème que le réalisme.
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"On va bien lentement dans ton pays ! Ici, vois-tu, on est obligé de courir tant qu'on peut pour rester au même endroit. Si on veut aller ailleurs, il faut courir au moins deux fois plus vite que ça !" (Lewis Carroll)
Mon Blog
- tannatHabitué du forum
Tu trouveras ici des éléments, je crois. Note que :Catdaysareover a écrit:Bonsoir.
Les nouveaux programmes de français intègrent l'étude de L'Odyssée en 6e dans : "Les monstres, aux limites de l'humain". Or, à part les cyclopes et les sirènes, et à la rigueur Charybde et Scylla, je ne vois pas trop quels peuvent bien être les monstres dans L'Odyssée. Je suppose que tout le problème réside dans ce que j'entends par : "monstre". Pouvez-vous me donner les différentes acceptions de "monstre" utiles afin de pouvoir englober un maximum de personnages? Auriez-vous également des propositions d'autres personnages de L'Odyssée à considérer comme des monstres, et les raisons de vos hypothèses?
D'avance, merci, et bonnes vacances!
Le terme monstre est apparu en 1120 après J.-C., le mot "monstre" signifiait "prodige, chose incroyable, miracle (ici)". Il vient du latin monstrum (ce terme du vocabulaire religieux désignait un prodige avertissant de la volonté des dieux, un signe à déchiffrer) qui lui-même provient de monstrare (montrer). A la Renaissance et au 17ème siècle, le mot "monstre" prend le sens de "qui est mal fait, mal ordonné".
Il y a ici d'autres documents qui peuvent peut-être t'aider.
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« Nous naissons tous fous. Quelques-uns le demeurent. » Samuel Beckett
« C'est un malheur que les hommes ne puissent d'ordinaire posséder aucun talent sans avoir quelque envie d'abaisser les autres.» Vauvenargues
- IphigénieProphète
Notez qu'on pourrait faire un projet intéressant en réinventant les concours de rhapsodes...
- User17706Bon génie
Allez, deux points de pinaillage (dont le premier au moins abonde même dans le sens d'Iphigénie) : Aristote prend le temps de préciser qu'à côté des « esclaves φύσει » il y a tous les « esclaves νόμῳ » (par exemple... Platon, racheté par chance par un ami, à ce qu'on disait ─ mais rien n'empêche que, tout en étant esclave depuis le jour de sa naissance, comme probablement Épictète, on ne le soit que νόμῳ et non φύσει) ; autre point de pinaillage, je ne suis pas sûr que la science soit en cause ni, surtout, que la science soit susceptible de recevoir une qualification nationale ─ amusant et incongru « point Lyssenko » de la tiradeIphigénie a écrit:Prenez, pour prendre "une entrée" simple, concrète et quasi historique, la condition des esclaves dans l'Odyssée: ils ne sont pas encore les "hommes naturellement nés pour être esclaves" de la Grèce d'Aristote. Ils ne sont pas "normés", (on dirait aujourd'hui "stigmatisés), il n'y a d'ailleurs pas vraiment de mots pour les désigner, autrement que par leur fonction de " nourrice" ou de "bouvier", ce sont tous d'anciens rois et princesses, enlevés par des pirates ou prisonniers par les guerres: il n'y a pas d'esclaves de naissance (ou très exceptionnellement) dans les textes homériques. On peut lire l'histoire de Pénélope à la lumière de la condition féminine, ou le chant IX à la lumière des zombies ou essayer d'approcher Polyphème sous l'étiquette du "monstre" mais ce faisant, on passe à côté de l'essentiel, qui est une lecture libre, débarrassée des codes et grilles, ce qui devient de plus en plus difficile à faire avec les élèves. Et c'est au fond un réflexe très naïf que cette injonction contemporaine, au nom de la science , et très souvent de la science anglo-saxonne, que de vouloir renouveler l'approche des textes par des entrées thématiques et des grilles de lecture contemporaines:parler de "monstre" est au fond rassurant: on pose un nom, "sed nomina nuda tenemus", comme dirait l'autre.
- Les monstres dans la littérature
- Rythmes scolaires : 88% des communes sont prêtes, 6% ont des difficultés, 5,6% sont "dans une posture d'opposition".
- Dans votre académie, les compétences sont-elles prises en compte dans Affelnet ?
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