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- User17706Bon génie
Le sujet est dans le sujet ; vous avez sept heures.
(Pour la petite histoire, c'est un post que j'ai promis de faire il y a longtemps et que je n'ai pas trouvé le temps de faire. Bon, je le lance et je remplirai petit bout par petit bout, je crois, plutôt que de rédiger un pavé qui risquerait d'être long.)
Mais ça peut aussi faire dissert', donc pourquoi pas directement le donner et ouvrir son traitement urbi et orbi.
(Pour la petite histoire, c'est un post que j'ai promis de faire il y a longtemps et que je n'ai pas trouvé le temps de faire. Bon, je le lance et je remplirai petit bout par petit bout, je crois, plutôt que de rédiger un pavé qui risquerait d'être long.)
Mais ça peut aussi faire dissert', donc pourquoi pas directement le donner et ouvrir son traitement urbi et orbi.
- User5899Demi-dieu
- 1re approche:
- De tout temps, l'homme a eu des valeurs et des principes et c'est pour ça qu'il convient de se demander si les deux sont-ils toujours valables ?
- Approche alternative:
- J'ai des valeurs, les hommes poilus. Et un principe : je couche toujours le premier soir.
- PanturleNiveau 8
Merci pour ce beau et délicat sujet. Ce sera mon prochain entraînement... Je reviens témoigner plus tard
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Multaque res subita et paupertas horrida suasit.
- OxfordNeoprof expérimenté
Cripure a écrit:
- 1re approche:
De tout temps, l'homme a eu des valeurs et des principes et c'est pour ça qu'il convient de se demander si les deux sont-ils toujours valables ?
- Approche alternative:
J'ai des valeurs, les hommes poilus. Et un principe : je couche toujours le premier soir.
Quel bonheur de commencer la journée par un éclat de rire !
- AspasieNiveau 10
Excellent :lol:Cripure a écrit:
- 1re approche:
De tout temps, l'homme a eu des valeurs et des principes et c'est pour ça qu'il convient de se demander si les deux sont-ils toujours valables ?
- Approche alternative:
J'ai des valeurs, les hommes poilus. Et un principe : je couche toujours le premier soir.
Sinon, c'est vrai que ça fait un beau sujet, de dissertation ou de leçon.
- User17706Bon génie
Je poste un extrait d'une conférence donnée en avril 1988 par Allan Bloom, l'auteur de L'Âme désarmée (The Closing of the American Mind: How Higher Education Has Failed Democracy and Impoverished the Souls of Today's Students) publié en 1987. Le livre a eu un fort impact, il a sa page wikipédia assez replète : http://en.wikipedia.org/wiki/The_Closing_of_the_American_Mind
Pour ceux qui aiment Saul Bellow, son Ravelstein n'est autre qu'Allan Bloom, qui fut un élève de Leo Strauss. Un très beau livre, ai-je trouvé, ça, Ravelstein.
Je n'ai pas retrouvé le nom du traducteur dans mes archives.
Ah, et je viens de trouver un lien qui donne la conférence : http://agora.qc.ca/documents/culture--culture_generale_et_politique_par_allan_bloom
Pour ceux qui aiment Saul Bellow, son Ravelstein n'est autre qu'Allan Bloom, qui fut un élève de Leo Strauss. Un très beau livre, ai-je trouvé, ça, Ravelstein.
Je n'ai pas retrouvé le nom du traducteur dans mes archives.
Allan Bloom a écrit: [...]Tout est égal donc tout est relatif
La thèse que je développe dans mon livre, c'est que notre égalitarisme radical nous a conduit à ériger le relativisme culturel en philosophie nationale, si l'on peut s'exprimer ainsi sans ironie. Il y a d'innombrables cultures dans le monde, chacune produit les valeurs qui lui convient, et aucune ne peut se dire supérieure à une autre, ne peut prétendre qu'en elle la nature humaine s'accomplit plus adéquatement que dans les autres. En fait on doit sacrifier l'idée même de nature humaine si l'on veut libérer les hommes des contraintes de la nature. « Qui êtes-vous pour juger ? » « Qui va trancher ? » « À chacun sa manière de vivre ! », etc. Tels sont les slogans populaires de cette philosophie. J'ai aussi soutenu que la dite philosophie n'est pas le résultat d'une réflexion philosophique, de l'étude, mais constitue une prise de position morale ou politique adoptée pour promouvoir l'égalité. Le relativisme est l'épicentre de l'ouragan qui frappe notre éducation, non pas pour l'évidente raison qu'il semble impliquer qu'il n'y pas de moralité, que tout est permis, mais parce qu'il étouffe la plus puissante des raisons de se cultiver: le désir naïf de découvrir ce qui est bon pour vivre bien.
La recherche du bonheur est toujours, je le répète, la chose la plus importante, et si notre éducation ne nous éclaire pas dans cette recherche, si s'estompe le lien entre notre passion la plus profonde et notre vie intellectuelle, l'éducation cesse d'être essentielle pour nous. Lorsque l'histoire nous dit que toutes les croyances sont tributaires de l'époque où elles sont apparues, la sociologie, qu'on ne peut pas tirer des valeurs des faits, l'anthropologie, que les valeurs ne sont rien d'autre que les produits des cultures, lorsque la philosophie est réduite à une simple méthode, qui ne nous donne même pas l'espoir de trouver la vérité, alors nous désespérons de l'éducation avant même de nous y engager. Cela ne veut pas dire que nous désespérons de la vie, cela veut dire que nous ne nous attendons pas à en apprendre beaucoup à son sujet au collège, que notre vie intérieure profonde est vécue ailleurs que sur le campus où l'on se trouve. Le relativisme est mortel pour l'enseignement supérieur.Relativisme du relativisme
Ce qu'il y a de nouveau dans notre relativisme c'est, je l'ai dit, qu'il est pour nous un dogme moral. Le relativisme en lui-même est une très vieille école de pensée, une parmi d'autres, ayant toujours fait partie du grand débat sur la manière d'être des choses et sur la nature de la vérité. Il n'a jamais été associé à l'hédonisme par un rapport nécessaire; personne n'a même jamais cru qu'une collectivité puisse survivre avec une philosophie publique relativiste. Les anciens relativistes n'étaient pas démocrates, ils vivaient plutôt à l'écart, gardant pour eux les opinions selon lesquelles les lois et croyances de la société étaient sans fondement. Le relativisme comporte un fardeau d'incroyance que peu d'hommes peuvent supporter s'ils sont vraiment conscients de son poids. Notre relativisme repose en équilibre instable sur la conviction que la démocratie est bonne ─ et qu'elle gagnera la partie sans avoir à être soutenue par la nature ou la raison. Le premier de ses effets n'est pas de nous faire croire en rien, mais plutôt de nous faire croire en n'importe quoi, de nous mettre à l'aise dans cette vie non réfléchie dont Socrate disait qu'elle était invivable. En d'autres termes, elle rend la culture générale superflue et même impossible. Notre relativisme est compatible avec le moralisme et fanatisme extrêmes. Il peut même les encourager.Nihilisme à l'américaine
Mon analyse de ce phénomène, que j'appelle le nihilisme débonnaire ou le nihilisme à l'américaine, a suscité de nombreuses réactions, la plupart du même genre: « Bloom déteste le relativisme. Il est pour les valeurs absolues. » Plusieurs ont trouvé cela merveilleux et ont commencé à utiliser ma pensée comme argument en faveur du renouveau moral. « Faites entrer les valeurs à l'école ! » D'autres ont craint que les valeurs ne soient dangereuses, qu'elles ne constituent une menace pour notre tolérance et notre liberté. Tout le monde a admis d'une manière ou d'une autre que les valeurs avaient été négligées et que nous devions faire quelque chose à ce sujet. « Les valeurs contre le pragmatisme ! » telle semble être la façon dont la question est formulée, les valeurs remportant bien entendu la victoire. Même le président Bock s'est senti obligé d'ajouter les valeurs au menu de sa cafétéria, claironnant qu'il était rassuré par les milliers de cours d'éthique surgissant à travers le pays, sans toutefois préciser en aucune manière ce que pourrait bien être leur contenu. J'ai l'impression que le discours sur les valeurs est aussi vide que le relativisme qu'il est sensé contrer; à moins qu'il ne fasse partie de ce relativisme. Comment prendre au sérieux le consensus sur l'importance des valeurs? Il est trop facile, trop vaste, il couvre la totalité du spectre idéologique ; il est aussi trop dénué de contenu; chaque personne, chaque groupe ou institution met sous le couvert de ce mot vague tout programme, tout projet auxquels il peut servir de prétexte. Nous sommes entrés soudainement dans l'âge des valeurs.Valeur : un mot créé récemment
Dans toutes ces discussions, on semble oublier de noter que le mot valeur est la cible centrale de ma critique, que je ne l'emploie jamais si ce n'est pour expliquer pourquoi on ne devrait pas l'employer. Le mot valeur au sens actuel a été forgé récemment et s'inscrit dans le relativisme moderne. En termes simples, le relativisme moderne est un relativisme portant sur les valeurs: les valeurs sont les produits ou plutôt les créations des cultures et n'ont aucun statut au-delà de ces cultures. Elles ne sont pas. Elles ne sont pas naturelles. Elles ne peuvent pas être vraies ou fausses. Avoir certaines valeurs ou ne pas les avoir est un acte de la volonté et rien de plus. Utiliser le langage des valeurs c'est dire tout cela. Nous le disons, mais nous ne savons pas que nous le disons. Telle est ma critique. Nous sommes intellectuellement démunis face à cette question, et ce devrait être le but de la formation générale que de nous préparer à l'aborder. Il n'y a pas un mot dans mon livre sur les absolus ; c'est un vocabulaire que j'ai délibérément proscrit.
Ma thèse, c'est que nous utilisons ce langage sans avoir conscience du fait qu'il est nouveau et problématique et qu'il existe d'autres solutions que nous devrions connaître. Nous vivons un moment de l'histoire où le vocabulaire du bien et du mal a été remplacé par celui des valeurs. On vous dira qu'il ne s'agit là que d'une question de terminologie, d'une querelle de mots entre intellectuels. Gardez-vous bien de le croire ! Dans la sphère morale, ces mots sont l'équivalent des mots gravité et relativité en physique. Seul un préjugé anti-rationnel ou anti-intellectuel peut expliquer l'opinion selon laquelle la pensée ne peut pas changer le monde. Je vous invite à considérer que nous sommes dans une large mesure des produits de la pensée et que, à moins que nous ne pensions nous-mêmes, nous serons les victimes des pensées des autres. Aujourd'hui la première chose que nous faisons quand nous entendons dire que les valeurs sont importantes, c'est de nous demander comment nous pourrons les transmettre à tous les étudiants de première année collégiale, aux défavorisés, aux handicapés, tout en veillant à ce qu'elles ne soient pas infectées de préjugés sexistes ou culturels. Je vous propose une chose plus modeste, mais plus logique et plus primordiale : que nous méditions sur ce que sont les valeurs.
[...]
Ah, et je viens de trouver un lien qui donne la conférence : http://agora.qc.ca/documents/culture--culture_generale_et_politique_par_allan_bloom
- AspasieNiveau 10
Merci pour le lien. Elle est très intéressante cette analyse de la notion de "valeur".
- PanturleNiveau 8
Finalement, après quelques rapides gribouillis au brouillon, je me poserais deux questions (je ne dis pas que ces questions seraient au final celles que je regarderais comme devant être primordialement traitées dans une dissertation) :
1) le rapprochement courant des deux termes "valeur" et "principe" ne provient-il pas de leur irréfutabilité partagée ?
La valeur ne semble pas devoir/pouvoir accepter la réfutation rationnelle en tant qu'elle est a) évaluation personnelle, produit d'une affectivité singulière ("seul ce qui est personnel est éternellement irréfutable" : Nietzsche cité par P. Hadot au dos de son bouquin sur Plotin :lol: ), ou b) création culturelle, historique, instituant un système d'évaluations au sein duquel toute réfutation devient difficile/impossible (les essais de réfutation étant identifiés comme issus de cadres axiologiques extérieurs, étrangers, voire adversaires, dangereux etc.). Pas de réfutation possible des valeurs mais uniquement un conflit des valeurs, donc ?
Le principe, quant à lui, en tant que principe, semble aussi exclure toute réfutation, qu'il "commanderait" de bout en bout (ἀρχή désigne en grec tant le commencement que le commandement), entraînant ainsi un raisonnement circulaire (cf. ce que dit Aristote en Métaphysique, Gamma, 1006a sur le principe de non-contradiction : si je tentais de le démontrer ou de le réfuter, je serais obligé d'y recourir en tant que principe dans ma démonstration). Il faudrait tester cette hypothèse sur d'autres principes : une des propriétés du principe est-elle de ne pouvoir être démontré/réfuté sans être convoqué dans la démonstration ?
Peut-être y a-t-il là un semblant de début d'approche d'"explication" de la tendance généralisée, me semble-t-il, tant à faire de certaines valeurs des principes, qu'à comprendre certains principes comme des valeurs.
2) que se passe-t-il si on déplace la question de la réfutation vers celle de la justification ?
Il faudrait se demander dans quelle mesure les valeurs peuvent se justifier sans faire preuve de mauvaise foi : pour de pénibles raisons liées à un concours (...) je lisais hier sous la plume de Sartre (L'être et le néant, p. 74) : "Ma liberté s'angoisse d'être le fondement sans fondement ( :lol: ) des valeurs, et rien, absolument rien ne me justifie d'adopter telle ou telle échelle de valeurs."
De leur côté, les principes semblent pouvoir trouver la justification de leur élection dans leur puissance heuristique. Il y aurait alors à la fois une reconnaissance a priori de l'évidence du principe et une justification a posteriori, par l'obtention des conclusions. Descartes semble être de cet avis lorsqu'il écrit à Morin, le 7 juillet 1638, qu'il n'a pas besoin de définir la lumière au début de la Dioptrique, tant que la description qu'il en donne comme "tendance à se mouvoir" suffit à expliquer tous les phénomènes dans lesquels intervient la lumière.
À partir de cela, je me demande si une justification par les "conclusions" ne serait pas, mutatis mutandis, envisageable pour les valeurs elles-mêmes. Il faudrait alors pouvoir juger de la qualité du réel (social, par exemple) tel qu'il est mis en place sous la norme de certaines valeurs. Le problème étant de parvenir à trouver un critère d'évaluation de la valeur n'étant pas lui-même inscrit dans un cadre axiologique déterminé : est-ce possible ? Si non, on serait renvoyé à l'invitation nietzschéenne (Généalogie de la morale, I, 17) à faire de la "hiérarchie des valeurs" la tâche du philosophe...
1) le rapprochement courant des deux termes "valeur" et "principe" ne provient-il pas de leur irréfutabilité partagée ?
La valeur ne semble pas devoir/pouvoir accepter la réfutation rationnelle en tant qu'elle est a) évaluation personnelle, produit d'une affectivité singulière ("seul ce qui est personnel est éternellement irréfutable" : Nietzsche cité par P. Hadot au dos de son bouquin sur Plotin :lol: ), ou b) création culturelle, historique, instituant un système d'évaluations au sein duquel toute réfutation devient difficile/impossible (les essais de réfutation étant identifiés comme issus de cadres axiologiques extérieurs, étrangers, voire adversaires, dangereux etc.). Pas de réfutation possible des valeurs mais uniquement un conflit des valeurs, donc ?
Le principe, quant à lui, en tant que principe, semble aussi exclure toute réfutation, qu'il "commanderait" de bout en bout (ἀρχή désigne en grec tant le commencement que le commandement), entraînant ainsi un raisonnement circulaire (cf. ce que dit Aristote en Métaphysique, Gamma, 1006a sur le principe de non-contradiction : si je tentais de le démontrer ou de le réfuter, je serais obligé d'y recourir en tant que principe dans ma démonstration). Il faudrait tester cette hypothèse sur d'autres principes : une des propriétés du principe est-elle de ne pouvoir être démontré/réfuté sans être convoqué dans la démonstration ?
Peut-être y a-t-il là un semblant de début d'approche d'"explication" de la tendance généralisée, me semble-t-il, tant à faire de certaines valeurs des principes, qu'à comprendre certains principes comme des valeurs.
2) que se passe-t-il si on déplace la question de la réfutation vers celle de la justification ?
Il faudrait se demander dans quelle mesure les valeurs peuvent se justifier sans faire preuve de mauvaise foi : pour de pénibles raisons liées à un concours (...) je lisais hier sous la plume de Sartre (L'être et le néant, p. 74) : "Ma liberté s'angoisse d'être le fondement sans fondement ( :lol: ) des valeurs, et rien, absolument rien ne me justifie d'adopter telle ou telle échelle de valeurs."
De leur côté, les principes semblent pouvoir trouver la justification de leur élection dans leur puissance heuristique. Il y aurait alors à la fois une reconnaissance a priori de l'évidence du principe et une justification a posteriori, par l'obtention des conclusions. Descartes semble être de cet avis lorsqu'il écrit à Morin, le 7 juillet 1638, qu'il n'a pas besoin de définir la lumière au début de la Dioptrique, tant que la description qu'il en donne comme "tendance à se mouvoir" suffit à expliquer tous les phénomènes dans lesquels intervient la lumière.
À partir de cela, je me demande si une justification par les "conclusions" ne serait pas, mutatis mutandis, envisageable pour les valeurs elles-mêmes. Il faudrait alors pouvoir juger de la qualité du réel (social, par exemple) tel qu'il est mis en place sous la norme de certaines valeurs. Le problème étant de parvenir à trouver un critère d'évaluation de la valeur n'étant pas lui-même inscrit dans un cadre axiologique déterminé : est-ce possible ? Si non, on serait renvoyé à l'invitation nietzschéenne (Généalogie de la morale, I, 17) à faire de la "hiérarchie des valeurs" la tâche du philosophe...
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Multaque res subita et paupertas horrida suasit.
- JPhMMDemi-dieu
Le principe comme axiome, en somme ? Cependant, naïvement, je note qu'on parle de système de valeurs, mais non de système de principes.
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- User21929Expert
Quand je vois comment se comportent nos politiques...
Mes valeurs je m'assois dessus et pas en principe !
Un pour tous, tous pour moi !
Je suis en mode RlC depuis 2007, et je vire révolutionnaire de plue en plus rapidement. Qu'on ressorte la guillotine et les balles rouillées.
Je ne me reconnais plus.
Mes valeurs je m'assois dessus et pas en principe !
Un pour tous, tous pour moi !
Je suis en mode RlC depuis 2007, et je vire révolutionnaire de plue en plus rapidement. Qu'on ressorte la guillotine et les balles rouillées.
Je ne me reconnais plus.
- nitescenceÉrudit
PauvreYorick a écrit:Le sujet est dans le sujet ; vous avez sept heures.
(Pour la petite histoire, c'est un post que j'ai promis de faire il y a longtemps et que je n'ai pas trouvé le temps de faire.
Merci !
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Mordre. Mordre d'abord. Mordre ensuite. Mordre en souriant et sourire en mordant. (avec l'aimable autorisation de Cripure, notre dieu à tous)
- User17706Bon génie
On peut rencontrer la seconde expression dans un contexte technique. Mais c'est vrai que, couramment, j'ai l'impression qu'on ne rencontre que la première.JPhMM a écrit:Le principe comme axiome, en somme ? Cependant, naïvement, je note qu'on parle de système de valeurs, mais non de système de principes.
- HonchampDoyen
Est-ce que vous savez que c'est un thème du programme de 3ème en Ed Civique ? Vous imaginez les pauvres élèves de 3ème devant cela ?
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"Tu verras bien qu'il n'y aura pas que moi, assise par terre comme ça.."
- ElyasEsprit sacré
Euh... la laïcité, est-ce un principe ou une valeur ?
(je me torture l'esprit depuis deux semaines à ce sujet, j'ai une position mais, en vous lisant, je doute ).
(je me torture l'esprit depuis deux semaines à ce sujet, j'ai une position mais, en vous lisant, je doute ).
- User17706Bon génie
Selon moi, ce n'est pas une question à laquelle on peut répondre, en tout cas pas directement. (D'autant que personne ne sait plus ce qu'est la laïcité.) ((Je précise que je ne m'excepte pas, je fais juste le constat global du caractère devenu flou de cette notion sous les coups de boutoir idéologiques qu'elle subit de toutes parts.))
La question à laquelle on peut répondre, c'est : qu'est-ce que ça change d'en faire une valeur ou d'en faire un principe ?
Autrement dit, on peut probablement faire un diagnostic assez précis sur la conception de la laïcité de quelqu'un qui la présente comme une valeur, et sur la conception de la laïcité de quelqu'un qui la présente comme un principe, à la condition toutefois que l'emploi relatif de ces deux termes ne tourne pas, à son tour, à l'anarchie.
Voici ce que G°°gle suggère, je l'ai déjà posté ailleurs mais c'est toujours fascinant, je trouve :
La question à laquelle on peut répondre, c'est : qu'est-ce que ça change d'en faire une valeur ou d'en faire un principe ?
Autrement dit, on peut probablement faire un diagnostic assez précis sur la conception de la laïcité de quelqu'un qui la présente comme une valeur, et sur la conception de la laïcité de quelqu'un qui la présente comme un principe, à la condition toutefois que l'emploi relatif de ces deux termes ne tourne pas, à son tour, à l'anarchie.
Voici ce que G°°gle suggère, je l'ai déjà posté ailleurs mais c'est toujours fascinant, je trouve :
- User17706Bon génie
Après, s'il s'agit de dire ce qu'on en pense personnellement (ce qui a clairement beaucoup moins d'intérêt mais peut aussi être rigolo), perso je répondrais que si on en fait une valeur, alors [mode polémique on] ça ne veut plus rien dire du tout [mode polémique off]. Mais c'est le genre de position qui demanderait à être un peu argumenté. D'autant qu'en ce qui me concerne, ça s'appuie sur une sorte de position pifométrique qui dit que, dans la plupart de ses emplois courants, le terme de « valeur » n'a pas vraiment de signification.Elyas a écrit:Euh... la laïcité, est-ce un principe ou une valeur ?
- keroGrand sage
Elyas a écrit:Euh... la laïcité, est-ce un principe ou une valeur ?
(je me torture l'esprit depuis deux semaines à ce sujet, j'ai une position mais, en vous lisant, je doute ).
Si on considère qu'un principe peut être érigé en valeur (bien que les deux soient deux choses différentes), je dirais qu'elle relève, de nos jours, de l'une et l'autre catégorie.
- User5899Demi-dieu
Une idée, un geste auquel on attache un prix, non ? Une idée, un geste qui se porte bien pour nous (bon, j'essaye de traduire ualere, bien sûr ) ?PauvreYorick a écrit:Après, s'il s'agit de dire ce qu'on en pense personnellement (ce qui a clairement beaucoup moins d'intérêt mais peut aussi être rigolo), perso je répondrais que si on en fait une valeur, alors [mode polémique on] ça ne veut plus rien dire du tout [mode polémique off]. Mais c'est le genre de position qui demanderait à être un peu argumenté. D'autant qu'en ce qui me concerne, ça s'appuie sur une sorte de position pifométrique qui dit que, dans la plupart de ses emplois courants, le terme de « valeur » n'a pas vraiment de signification.Elyas a écrit:Euh... la laïcité, est-ce un principe ou une valeur ?
- ElyasEsprit sacré
Vous ne m'aidez pas ! Je pense que c'est un principe car il s'inscrit dans le cadre législatif comme un des fondements juridiques de notre pays, donc un principe de la République. Mais, il est vrai que la laïcité peut aussi être vue comme une valeur. D'ailleurs, considérée ainsi, cela explique pourquoi elle est tant attaquée. Je préfère donc la voir comme un principe (dans le sens où c'est une des choses premières constitutives de notre contrat social et juridique). Mais, peut-être ai-je tort ? Et là, c'est le drame pour moi
- User17706Bon génie
Oui, dire que quelque chose est une valeur c'est lui déclarer son amour. Pour le coup, si ça se limite à ça, c'est un concept qui indique tout sur la relation du locuteur à ce dont il parle et à peu près rien sur ce dont il parle. Et c'est une partie de la difficulté.Cripure a écrit:Une idée, un geste auquel on attache un prix, non ? Une idée, un geste qui se porte bien pour nous (bon, j'essaye de traduire ualere, bien sûr ) ?PauvreYorick a écrit:Après, s'il s'agit de dire ce qu'on en pense personnellement (ce qui a clairement beaucoup moins d'intérêt mais peut aussi être rigolo), perso je répondrais que si on en fait une valeur, alors [mode polémique on] ça ne veut plus rien dire du tout [mode polémique off]. Mais c'est le genre de position qui demanderait à être un peu argumenté. D'autant qu'en ce qui me concerne, ça s'appuie sur une sorte de position pifométrique qui dit que, dans la plupart de ses emplois courants, le terme de « valeur » n'a pas vraiment de signification.Elyas a écrit:Euh... la laïcité, est-ce un principe ou une valeur ?
- User5899Demi-dieu
Ah mais là, on est parfaitement d'accord. Ce n'est pas un mot pour une discussion.PauvreYorick a écrit:Oui, dire que quelque chose est une valeur c'est lui déclarer son amour. Pour le coup, si ça se limite à ça, c'est un concept qui indique tout sur la relation du locuteur à ce dont il parle et à peu près rien sur ce dont il parle. Et c'est une partie de la difficulté.Cripure a écrit:Une idée, un geste auquel on attache un prix, non ? Une idée, un geste qui se porte bien pour nous (bon, j'essaye de traduire ualere, bien sûr ) ?PauvreYorick a écrit:
Après, s'il s'agit de dire ce qu'on en pense personnellement (ce qui a clairement beaucoup moins d'intérêt mais peut aussi être rigolo), perso je répondrais que si on en fait une valeur, alors [mode polémique on] ça ne veut plus rien dire du tout [mode polémique off]. Mais c'est le genre de position qui demanderait à être un peu argumenté. D'autant qu'en ce qui me concerne, ça s'appuie sur une sorte de position pifométrique qui dit que, dans la plupart de ses emplois courants, le terme de « valeur » n'a pas vraiment de signification.
- LevincentNiveau 9
Quelle différence entre valeurs et principes ?
Je dirais que, dans le langage courant, ces deux notions sont confondues lorsqu'elles réfèrent à une conduite morale. Quand un individu lambda dis "je suis un homme de principes", cela équivaut, dans son esprit, à : "j'ai des valeurs". Cependant, le fait que, par ailleurs, l'extension de ces deux termes soit différente devrait nous amener à nous demander s'ils ne recouvrent pas également deux conceptions morales distinctes.
Un principe est ce qui fonde une connaissance ou une pratique. On parle des principes de la géométrie ou du principe de précaution. Ils sont comme donnés dès le départ, et ne peuvent être remis en question qu'au prix d'une reconfiguration de l'édifice qu'ils soutiennent. Une valeur peut être associée à un objet, comme une oeuvre d'art. Elle désigne alors une préférence pour cet objet par rapport à d'autres. Par exemple, un cambrioleur qui s'introduit dans une maison préférera y voler des bijoux "de valeur" plutôt que des chaussettes. On peut donc déjà faire ressortir une différence fondamentale entre la valeur et les principes : la valeur est quantifiable, et pas les principes. Tel objet a une plus grande valeur qu'un autre, mais tel principe n'est pas plus un principe qu'un autre. Une hiérarchisation des valeurs est possible, mais les principes sont toujours à égalité entre eux. Autre différence : les principes sont absolus et valent pour tout le monde, tandisque les valeurs sont relatives. Les premiers sont objectifs, les seconds subjectifs. Telles chaussettes que le cambrioleur n'a pas volé peuvent avoir une grande valeur pour moi (je les tenais de mon grand-père, par exemple), alors que pour quiconque ce ne sont que de simples chaussettes. Lorsque je dis que les principes sont absolus, je dis qu'ils le sont à l'intérieur d'un système donné. Dans la géométrie euclidienne, que deux droites parallèles ne se croisent jamais est un principe absolu et inamovible, mais ça ne l'est plus lorsque vous les dessinez sur une bouée.
Il apparaît donc que, si l'on tient compte de ces considérations dans le domaine de la morale, qu'elle soit privée ou publique, des différences fondamentales se font jour, et qu'"avoir des principes" ne soit pas strictement équivalent à "avoir des valeurs". Fonder une morale sur des principes revient en somme à se conformer à un certain nombre de règles, qui restent immuables tant qu'on se maintient dans cette morale. En revanche, on ne peut pas à proprement parler de "fonder" une morale sur des valeurs si on a en tête les distinctions que j'ai faites au dernier paragraphe. En effet, la géométrie est fondée sur des principes, pas sur des valeurs, et si on transpose cette remarque au domaine moral, il faut reconnaître que le rapport entre la morale et les valeurs est autre chose qu'un simple fondement. Un fondement est passif, on le fixe pour qu'il soit capable de supporter ce qu'on pose sur lui. Une valeur n'est pas une chose passive, car elle est ce qui génère un mouvement vers quelque chose. Si ma maison prend feu, je sauverai en premier les chaussettes qui me viennent de mon grand-père et auxquelles j'attache une importance particulière. La valeur que j'attribue à ces chaussettes, puisqu'elle vient de ma subjectivité, me porte spontanément à vouloir les préserver du feu, et cela même, dans certains cas, au péril de ma vie. L'élan que j'aurais vers elles est bien plus vivace que le geste que j'aurais si j'avais voulu simplement rester fidèle au principe selon lequel on préserve ce qui vient de la famille. Dans ce cas, mon action découlerait d'un raisonnement ayant pour point de départ ce principe, et serait déterminée uniquement lorsque je serai parvenu à la conclusion qu'il faut sauver ces chaussettes. Je mets donc les principes et les valeurs dans deux catégories distinctes qui correspondent aux catégories du statique et du dynamique chez Bergson. Le statique correspond au mécanique et au rationnel, tandisque le dynamique renvoie au vivant et à la mystique. Une morale peut être fondée sur des principes, c'est-à-dire procéder logiquement à partir d'eux pour identifier ce qu'il faut faire ou ne pas faire, ou alors elle peut exprimer des valeurs, c'est-à-dire viser un idéal qui appartient pleinement au sujet agissant.
Ceci posé, doit-on parler des valeurs de la République ou de ses principes ? Et l'affirmation de la subjectivité de la notion de valeur plaide-t-elle forcément en faveur du relativisme ? C'est ce que j'essaierai de développer dans un autre message.
Je dirais que, dans le langage courant, ces deux notions sont confondues lorsqu'elles réfèrent à une conduite morale. Quand un individu lambda dis "je suis un homme de principes", cela équivaut, dans son esprit, à : "j'ai des valeurs". Cependant, le fait que, par ailleurs, l'extension de ces deux termes soit différente devrait nous amener à nous demander s'ils ne recouvrent pas également deux conceptions morales distinctes.
Un principe est ce qui fonde une connaissance ou une pratique. On parle des principes de la géométrie ou du principe de précaution. Ils sont comme donnés dès le départ, et ne peuvent être remis en question qu'au prix d'une reconfiguration de l'édifice qu'ils soutiennent. Une valeur peut être associée à un objet, comme une oeuvre d'art. Elle désigne alors une préférence pour cet objet par rapport à d'autres. Par exemple, un cambrioleur qui s'introduit dans une maison préférera y voler des bijoux "de valeur" plutôt que des chaussettes. On peut donc déjà faire ressortir une différence fondamentale entre la valeur et les principes : la valeur est quantifiable, et pas les principes. Tel objet a une plus grande valeur qu'un autre, mais tel principe n'est pas plus un principe qu'un autre. Une hiérarchisation des valeurs est possible, mais les principes sont toujours à égalité entre eux. Autre différence : les principes sont absolus et valent pour tout le monde, tandisque les valeurs sont relatives. Les premiers sont objectifs, les seconds subjectifs. Telles chaussettes que le cambrioleur n'a pas volé peuvent avoir une grande valeur pour moi (je les tenais de mon grand-père, par exemple), alors que pour quiconque ce ne sont que de simples chaussettes. Lorsque je dis que les principes sont absolus, je dis qu'ils le sont à l'intérieur d'un système donné. Dans la géométrie euclidienne, que deux droites parallèles ne se croisent jamais est un principe absolu et inamovible, mais ça ne l'est plus lorsque vous les dessinez sur une bouée.
Il apparaît donc que, si l'on tient compte de ces considérations dans le domaine de la morale, qu'elle soit privée ou publique, des différences fondamentales se font jour, et qu'"avoir des principes" ne soit pas strictement équivalent à "avoir des valeurs". Fonder une morale sur des principes revient en somme à se conformer à un certain nombre de règles, qui restent immuables tant qu'on se maintient dans cette morale. En revanche, on ne peut pas à proprement parler de "fonder" une morale sur des valeurs si on a en tête les distinctions que j'ai faites au dernier paragraphe. En effet, la géométrie est fondée sur des principes, pas sur des valeurs, et si on transpose cette remarque au domaine moral, il faut reconnaître que le rapport entre la morale et les valeurs est autre chose qu'un simple fondement. Un fondement est passif, on le fixe pour qu'il soit capable de supporter ce qu'on pose sur lui. Une valeur n'est pas une chose passive, car elle est ce qui génère un mouvement vers quelque chose. Si ma maison prend feu, je sauverai en premier les chaussettes qui me viennent de mon grand-père et auxquelles j'attache une importance particulière. La valeur que j'attribue à ces chaussettes, puisqu'elle vient de ma subjectivité, me porte spontanément à vouloir les préserver du feu, et cela même, dans certains cas, au péril de ma vie. L'élan que j'aurais vers elles est bien plus vivace que le geste que j'aurais si j'avais voulu simplement rester fidèle au principe selon lequel on préserve ce qui vient de la famille. Dans ce cas, mon action découlerait d'un raisonnement ayant pour point de départ ce principe, et serait déterminée uniquement lorsque je serai parvenu à la conclusion qu'il faut sauver ces chaussettes. Je mets donc les principes et les valeurs dans deux catégories distinctes qui correspondent aux catégories du statique et du dynamique chez Bergson. Le statique correspond au mécanique et au rationnel, tandisque le dynamique renvoie au vivant et à la mystique. Une morale peut être fondée sur des principes, c'est-à-dire procéder logiquement à partir d'eux pour identifier ce qu'il faut faire ou ne pas faire, ou alors elle peut exprimer des valeurs, c'est-à-dire viser un idéal qui appartient pleinement au sujet agissant.
Ceci posé, doit-on parler des valeurs de la République ou de ses principes ? Et l'affirmation de la subjectivité de la notion de valeur plaide-t-elle forcément en faveur du relativisme ? C'est ce que j'essaierai de développer dans un autre message.
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« Un philosophe moderne qui n'a jamais éprouvé le sentiment d'être un charlatan fait preuve d'une telle légèreté intellectuelle que son oeuvre ne vaut guère la peine d'être lue. »
Leszek Kolakowski
- User17706Bon génie
Je me méfierais à la fois du diagnostic et de sa justification. Ça vaut le coup de chercher s'ils fonctionnent réellement de la même façon dans le langage courant (hypothèse: non), et ce même si l'on n'en offre pas couramment des conceptions ou des caractérisations différentes (de toute façon on n'offre pas couramment des caractérisations de ses propres concepts).Levincent a écrit: Je dirais que, dans le langage courant, ces deux notions sont confondues lorsqu'elles réfèrent à une conduite morale. Quand un individu lambda dis "je suis un homme de principes", cela équivaut, dans son esprit, à : "j'ai des valeurs".
(Je n'oublie pas ma promesse de revenir personnellement sur la distinction... mais le temps file à une vitesse de dingue.)
- LevincentNiveau 9
Je vois en effet peut-être une distinction possible, dans le langage courant j'entends, entre principe et valeurs, dans une expression comme "être à cheval sur les principes", qui peut désigner l'attitude quelque peu rigide d'une personne qui dans ses actions donne la priorité aux principes. Cette expression peut servir à reprocher à cette personne de faire passer ces principes avant certaines valeurs, comme par exemple un enfant qui reprocherait à sa mère de faire primer dans son éducation les principes sur l'amour maternel.
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Leszek Kolakowski
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