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- User5899Demi-dieu
C'est tout moi, ça : synthétique & efficace
- AphrodissiaMonarque
Oudemia a écrit:Roger Ackroyd : le narrateur à la 1e personne ne dit pas tout ce qu'il sait, il donne l'impression d'être non pas omniscient mais sincère, et ne l'est pas.
Miss terious : je dis que l'auteur peut jouer avec le statut, si le narrateur parle des pensées, des actions des autres, sans préciser qu'elles lui ont été racontées, ou qu'il suppose que... Je n'ai pas d'autre exemple qui me vienne à l'esprit, mais je l'ai déjà remarqué.
Dans le Moulin de Pologne (dont je vous recommande la lecture, Cripure) le narrateur intervient rarement, mais il est bien présent, or il sait trop de choses pour que ce soit honnête, si vous me passez l'expression.
Gathoune, quel est l'extrait qui a semblé si décisif ?
Edit : Aphrodissia : tu dois confondre avec un autre livre, car là c'est très clair, il sait tout, mais il ne dit pas tout, Agatha s'est bien amusée aux dépens du lecteur !
Mince, je vais relire Roger Ackroyd, alors: je ne me rappelle plus de son omniscience. Mais ce n'est pas urgent non plus; déjà, il faudrait que je le retrouve.
- nitescenceÉrudit
Hum... soyons rigoureux : déjà, le narrateur interne n'existe pas. La distinction exacte est homodiégètique et hétérodiégètique (pour les élèves ont dira qu'il appartient ou non à l'histoire). Ensuite le point de vue omniscient n'existe pas non plus : on parle de focalisation zéro, interne ou externe (ce qui a l'avantage d'éviter les confusion avec narrateur interne). La focalisation, c'est la façon dont le narrateur médiatise l'histoire et celle-ci peut varier selon les endroits du texte. Enfin ce sont deux choses complètement distinctes : chaque type de narrateur peut adopter techniquement n'importe quel point de vue. L'exemple de Roger Ackroyd cité plus haut en est la preuve si mes souvenirs sont bons. Il y a un autre exemple célèbre dans la littérature sud américaine mais je n'ai pas l'exemple sous la main (on l'avait étudié en licence 3 en stylistique à propos de la réduction de champ).
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Mordre. Mordre d'abord. Mordre ensuite. Mordre en souriant et sourire en mordant. (avec l'aimable autorisation de Cripure, notre dieu à tous)
- OudemiaBon génie
pour les termes, là c'était par facilité (quand j'en ai besoin en classe je parle aussi de narrateur personnage ou non de l'histoire).
pour le fait que, quand il n'appartient pas à l'histoire, le point de vue peut varier, et ça c'est ce qui est intéressant à remarquer, la littérature est riche en exemples.
Pour Roger A. rappelons de quoi il s'agit
pour le fait que, quand il n'appartient pas à l'histoire, le point de vue peut varier, et ça c'est ce qui est intéressant à remarquer, la littérature est riche en exemples.
Pour Roger A. rappelons de quoi il s'agit
- qui ne l'a pas encore lu ? comblez cette lacune avant de lire ici :
- le narrateur est un personnage de l'histoire et un témoin capital, mais c'est aussi l'assassin, et grâce à des ellipses narratives et l'emploi d'une nouveauté technique, un magnétophone, il arrive à tromper la police et le lecteur, mais pas Hercule Poirot ; la focalisation ne change pas, mais il n'est sincère et véridique que dans les dernières pages.
J'ai un doute tout à coup : est-ce qu'on ne passerait pas à un autre narrateur à la toute fin ? Mais je n'ai pas le temps de chercher mon exemplaire ce matin.
- User5899Demi-dieu
La question n'est pas de savoir si c'est possible, tout est toujours possible. La question sous-jacente est celle de ce qu'on peut plus ou moins croire. Le narrateur extérieur est déjà difficilement crédible en focalisation zéro (je préfère parler de narrateur omniscient, c'est une dénomination plus claire pour les élèves), c'est encore plus difficile avec un narrateur-personnage (pourquoi homodiégétique et pas intradiégétique ?).nitescence a écrit:Hum... soyons rigoureux : déjà, le narrateur interne n'existe pas. La distinction exacte est homodiégètique et hétérodiégètique (pour les élèves ont dira qu'il appartient ou non à l'histoire). Ensuite le point de vue omniscient n'existe pas non plus : on parle de focalisation zéro, interne ou externe (ce qui a l'avantage d'éviter les confusion avec narrateur interne). La focalisation, c'est la façon dont le narrateur médiatise l'histoire et celle-ci peut varier selon les endroits du texte. Enfin ce sont deux choses complètement distinctes : chaque type de narrateur peut adopter techniquement n'importe quel point de vue. L'exemple de Roger Ackroyd cité plus haut en est la preuve si mes souvenirs sont bons. Il y a un autre exemple célèbre dans la littérature sud américaine mais je n'ai pas l'exemple sous la main (on l'avait étudié en licence 3 en stylistique à propos de la réduction de champ).
Dans Madame Bovary, il y a un problème de statut du narrateur à cause de la scène d'ouverture à l'école.
- OudemiaBon génie
Oui, je n'avais pas cité Madame B. hier parce que c'est complètement effacé ensuite ; lisez donc le Moulin, le personnage du narrateur est vraiment intéressant (il faudrait que je trouve des études universitaires à son sujet, je n'ai que ma réflexion personnelle, ça ne suffit pas).Cripure a écrit:Dans Madame Bovary, il y a un problème de statut du narrateur à cause de la scène d'ouverture à l'école.
- IphigénieProphète
[quote="Oudemia"]
Tiens d'ailleurs, moi qui n'ai jamais osé travailler Madame Bovary en classe, (et qui n'ai pas de terminale): pourquoi Flaubert a-t-il fait ce choix au début? Il y a une explication? ça m'a toujours intriguée, sans que j'aille faire l'effort de recherche. (instruisez moi, siouplait!)Cripure a écrit:Dans Madame Bovary, il y a un problème de statut du narrateur à cause de la scène d'ouverture à l'école.
- nitescenceÉrudit
Il y a plusieurs hypothèse : le nous initial serait une marque d'authenticité (présence d'un témoin authentifiant la scène).Sa disparition progressive (passage par le on) exhiberait son esthétique de l'impersonnalité. Enfin, il s'agirait peut-être d'associer le lecture à la moquerie dont Charles fait l'objet.
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- CelebornEsprit sacré
gathoune a écrit:Merci Cripure pour ta réponse. Aurais-tu un exemple pour le pv externe stp?
Là comme ça au débotté, je dirais La Jalousie, de Robbe-Grillet.
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"On va bien lentement dans ton pays ! Ici, vois-tu, on est obligé de courir tant qu'on peut pour rester au même endroit. Si on veut aller ailleurs, il faut courir au moins deux fois plus vite que ça !" (Lewis Carroll)
Mon Blog
- clemsEsprit éclairé
Dans "La Rempailleuse", de Maupassant, le récit commence avec un narrateur externe, puis le médecin devient narrateur lorsqu'il commence le récit de la Rempailleuse. Le récit est à la première personne dans certains passages, mais il raconte l'histoire avec un point de vue omniscient...
- CelebornEsprit sacré
Un apport sur l'ensemble du débat : c'est super casse-gueule, cette histoire de point de vue. Quand on n'est pas dans un récit où c'est limpide (1ère personne point de vue interne clair, par exemple), on risque de raconter un peu n'importe quoi. L'an dernier, on a eu une prise de tête pas possible dans mon équipe de lettres sur une question de point de vue dans le brevet blanc, et on a fini par tout accepter, car l'ensemble des collègues était bien incapable de se mettre d'accord.
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- CathEnchanteur
Quand j'explique ça à mes élèves de 2de pro, qui sont censés l'avoir appris au collège (et ils l'ont, je n'en doute pas), j'illustre d'exemples que j'invente en me servant des élèves qui sont devant moi, en les transformant en personnages de roman. Ça a le mérite de les interpeler, je ne sais pas si c'est plus efficace sur le long terme.
Ils ne connaissent jamais le terme de focalisation, seulement celui de point de vue d'ailleurs, n'est-ce pas au programme du collège ?
Je mentionne ensuite des cas particuliers, comme Le Meurtre de R.A, cité plus haut, un excellent exemple, ou L'Etranger, mais très rapidement pour ne pas les embrouiller inutilement.
Et effectivement je me sers du début du chapitre 1 de Madame Bovary, mais sans m'interroger sur les causes du changement de statut du narrateur.
D'ailleurs, j'ai lu toute la correspondance de Flaubert et je ne me souviens pas qu'il y donne une explication, il faudrait que je regarde dans ses carnets de travail.
Ils ne connaissent jamais le terme de focalisation, seulement celui de point de vue d'ailleurs, n'est-ce pas au programme du collège ?
Je mentionne ensuite des cas particuliers, comme Le Meurtre de R.A, cité plus haut, un excellent exemple, ou L'Etranger, mais très rapidement pour ne pas les embrouiller inutilement.
Et effectivement je me sers du début du chapitre 1 de Madame Bovary, mais sans m'interroger sur les causes du changement de statut du narrateur.
D'ailleurs, j'ai lu toute la correspondance de Flaubert et je ne me souviens pas qu'il y donne une explication, il faudrait que je regarde dans ses carnets de travail.
- trompettemarineMonarque
Cette scène inaugurale de Madame Bovary est d'autant plus intéressante qu'elle est quasiment autobiographique.
Sinon, je donne la même explication que Nitescence à mes élèves.
Voici ce que dit Gengembre :
Sinon, je donne la même explication que Nitescence à mes élèves.
Voici ce que dit Gengembre :
Paradoxe que d'évoquer ici le narrateur, qui semble-t-il n'intervient jamais comme personnage. Ce serait évidemment contraire à l'impersonnalité. Mais on peut relever dans un premier temps des infractions à ce dogmes : les troubles du récit retours en arrière, variations du tempo, construction élaborée qui ne respecte pas le cours "obligé" des choses, comme la scène des comices) ; les interventions auctoriales (maximes, métaphores et comparaisons non attribuables au point de vue des personnages) ; utilisation d'embrayeurs, (...) ; l'ironie ; les cas de refus de l'omniscience, avec les peut-être, les sans doute...
Plus profondément, on soulignera que le nous initial pose problème, qu'il est à la fois une sorte de collectif (la classe, voire un nous de modestie qui frôle l'invisibilité), le signe de la différence du nouveau, signalant l'entrée en roman. Mais aussi le narrateur change dans le roman : il est tantôt un témoin, tantôt un intime des Bovary, tantôt un ironiste, tantôt la voix sociale. Il émet des hypothèses, énonce un savoir, se cache derrière le point de vue, mais en réalité le spectacle qui apparaît se révèle en dernière analyse une interprétation par le narrateur, à moins que cela ne soit l'auteur, tous deux visibles plus souvent qu'on ne le croit. En fait ce que Flaubert réussit, c'est la subversion par le mélange et l'indécision. Impersonnalité ? C'est plutôt un contournement général de cette impersonnalité, par où se retrouve l'ironie du texte.
En tout état de cause on peut repérer dans le roman les fonctions canoniques du narrateur telles que Genette les répertorie dans Figures III : fonction narrative, de régie, de communication, testimoniale, idéologique. Mais l'écriture flaubertienne s'ingénie à rendre difficile ou douteuse l'attribution de nombreuses phrases, et donc la détermination de la voix narrative. Un exemple suffira : "(Emma) fut intérieurement satisfaite de se sentir arrivée du premier coup à ce rare idéal des existences pâles, où ne parviennent jamais les coeurs médiocres. La relative est attribuable aussi bien à Emma qu'à l'auteur-narrateur qui toujours eut cette aspiration à l'idéal. Affirmation gnomique ? vérité personnelle ? Mais en même temps nous sommes dans la logique fictionnelle, et le commentaire est ironisé du fait même qu'Emma en est le support, ou l'occasion. Présent et visible, le narrateur-auteur est, de ce point de vue, inférieur à Dieu...""
- trompettemarineMonarque
Pierre Barbéris , cité dans Le texte et contextes sur Madame Bovary établi aussi par Gérard Gengembre :
Il y a aussi dans cette édition l'analyse de Mario Vargas-Llosa et celle de Bonnefis.
Et nous n'est qu'un agrégat de petits cons dont ne se détache nul être d'exception capable, de comprendre, de lire le nouveau. Comment ce nous aurait-il une suite normale dans un roman ? Pour avoir une suite, il y faut une aptitude, des capacités développables, un potentiel de signification, un avenir avouable et proclamable. Et si ce nous de Flaubert est sans suite comme sans origine (il aurait pu être un nous clairement autobiographique, mais jamais le texte ne justifie cette lecture et fait tout, même, au contraire, pour l'empêcher), n'est-ce pas, il faut y revenir qu'il est honteux, inassumable ? On sait assez que Flaubert, abandonnant la Tentation, abandonnait aussi ses vastes projets de littérature autobiographique dans le genre romantique. Comment croire que ce nous pourrait en être une trace, ou alors destructive ? Ce nous atrophié ne saurait être qu'un rappel dérisoire des projets autobiographiques étranglés."
Il y a aussi dans cette édition l'analyse de Mario Vargas-Llosa et celle de Bonnefis.
- CathEnchanteur
Alors là cette explication ne me convainc pas du tout...
- User5899Demi-dieu
[quote="Iphigénie"]
Je l'appelle ce soir et je lui demandeOudemia a écrit:Tiens d'ailleurs, moi qui n'ai jamais osé travailler Madame Bovary en classe, (et qui n'ai pas de terminale): pourquoi Flaubert a-t-il fait ce choix au début?Cripure a écrit:Dans Madame Bovary, il y a un problème de statut du narrateur à cause de la scène d'ouverture à l'école.
- User5899Demi-dieu
Curieux. Ma lecture remonte à trente ans et je ne l'ai pas ici, mais enfin, la jalousie implique quand même un regard, non ? En fait, une oeuvre entière au point de vue externe, je ne pense pas que ce soit vraiment possible.Celeborn a écrit:gathoune a écrit:Merci Cripure pour ta réponse. Aurais-tu un exemple pour le pv externe stp?
Là comme ça au débotté, je dirais La Jalousie, de Robbe-Grillet.
- IphigénieProphète
pffffffffffffffffffCripure a écrit:Iphigénie a écrit:Je l'appelle ce soir et je lui demandeOudemia a écrit:Tiens d'ailleurs, moi qui n'ai jamais osé travailler Madame Bovary en classe, (et qui n'ai pas de terminale): pourquoi Flaubert a-t-il fait ce choix au début?Cripure a écrit:Dans Madame Bovary, il y a un problème de statut du narrateur à cause de la scène d'ouverture à l'école.
- CelebornEsprit sacré
Cripure a écrit:Curieux. Ma lecture remonte à trente ans et je ne l'ai pas ici, mais enfin, la jalousie implique quand même un regard, non ? En fait, une oeuvre entière au point de vue externe, je ne pense pas que ce soit vraiment possible.Celeborn a écrit:gathoune a écrit:Merci Cripure pour ta réponse. Aurais-tu un exemple pour le pv externe stp?
Là comme ça au débotté, je dirais La Jalousie, de Robbe-Grillet.
À mon sens, La Jalousie est une œuvre dont tout le travail est de faire passer un point de vue interne pour un point de vue externe. C'est un regard, mais un regard de caméra. Sauf qu'on se rend finalement compte qu'il y a bien quelqu'un pour faire les zooms et, surtout, pour choisir les plans.
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"On va bien lentement dans ton pays ! Ici, vois-tu, on est obligé de courir tant qu'on peut pour rester au même endroit. Si on veut aller ailleurs, il faut courir au moins deux fois plus vite que ça !" (Lewis Carroll)
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- User5899Demi-dieu
OK. Lecture trop ancienne (et PAL qui augmente )Celeborn a écrit:Cripure a écrit:Curieux. Ma lecture remonte à trente ans et je ne l'ai pas ici, mais enfin, la jalousie implique quand même un regard, non ? En fait, une oeuvre entière au point de vue externe, je ne pense pas que ce soit vraiment possible.Celeborn a écrit:gathoune a écrit:Merci Cripure pour ta réponse. Aurais-tu un exemple pour le pv externe stp?
Là comme ça au débotté, je dirais La Jalousie, de Robbe-Grillet.
À mon sens, La Jalousie est une œuvre dont tout le travail est de faire passer un point de vue interne pour un point de vue externe. C'est un regard, mais un regard de caméra. Sauf qu'on se rend finalement compte qu'il y a bien quelqu'un pour faire les zooms et, surtout, pour choisir les plans.
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