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- Reine MargotDemi-dieu
http://pierre-jourde.blogs.nouvelobs.com/
Troisième et dernier volet de cette série consacrée à l’agacement provoqué par la façon dont on a évoqué les attentats du 11 janvier. « Rien à voir avec l’Islam », « islamophobie », « amalgame », des mots qui finissent par provoquer des ravages, à force de masquer la réalité. Des mots qui peuvent même tuer. Pour cette fois, ce sera le « nous sommes démunis » de profs censés faire respecter la minute de silence, et qui doivent tenter d’expliquer les rudiments de la démocratie à des jeunes qui considèrent que les journalistes et les juifs l’ont finalement cherché. Car on en est là. Et si il y en a que ça n’effraie pas, j’admire leur force d’âme.
Donc, pleurent certains profs, « nous sommes démunis », « on ne sait pas comment leur parler », et même, je la trouve excellente, « on n’a pas eu de formation là-dessus ». On dirait qu’en France, pour affronter n’importe quel cas un peu épineux de la vie professionnelle, ou de la vie tout court, il est indispensable d’avoir eu une formation. Pardon monsieur, je ne peux pas vous ramasser par terre, je n’ai pas eu de formation de secouriste. Pardon madame, je ne peux rien faire contre votre agresseur, je n’ai pas eu de formation de combat. Un prof, c’est censé avoir tout de même quelques idées sur la république, la presse, la laïcité, et même, allez, n’ayons peur de rien, l’histoire des idées ? Oui ou non ? C’est censé savoir parler à des jeunes ? Sinon, autant faire un autre métier.
Je ne sais pas, moi, il y aurait tout de même deux ou trois choses simples à dire.
On pourrait peut-être évoquer l’expression « caricature du Prophète » employée à tout bout de champ. Ce sont des caricatures au sens de dessin humoristique, c’est exact. Mais ce ne sont pas forcément des caricatures au sens où elles chercheraient à rabaisser et à ridiculiser leur objet. La couverture du Charlie Hebdo qui a suivi les attentats n’est une caricature que dans le premier sens. Quant aux fameuses « caricatures » danoises, leur objet n’était pas de se moquer du Prophète, mais de dénoncer deux choses : ceux qui utilisent son message à des fins sanglantes, et le fait qu’il soit dangereux d’émettre la moindre critique sur l’Islam. Donc, ceux qui les ont attaqués leur ont donné raison. Ont donc justifié l’existence de ces images. Premier point.
Que, deuxièmement, puisqu’on parle de ça, cette utilisation terroriste de l’Islam est condamnée, au moins officiellement, par les plus grandes instances de l’Islam, comme l’imam de la mosquée Al Azhar du Caire, de sorte que les caricaturistes danois ou français et les autorités spirituelles musulmanes seraient plutôt d’accord : c’est pas rigolo, ça ? Et que celui qui estime mieux connaître l’Islam que le recteur d’Al Azhar lève la main.
Que par conséquent, et c’est imparable, ce ne sont pas les gens de Charlie Hebdo qui caricaturent l’Islam, mais ceux qui les ont tués. Et que c’est eux qu’il faut attaquer, d’un point de vue musulman, comme des terroristes, certes musulmans, mais anti-islamiques.
Que, quatrièmement, toutes ces « caricatures » sur le Prophète étaient finalement bien gentilles, qu’elles auraient pu être infiniment pires, graveleuses, obscènes, sales, et que ce n’aurait pas été une raison pour les interdire pour autant. Que l’Islam a été relativement épargné par la tradition caricaturale française. Qu’il y a dans Hara Kiri, Charlie Hebdo, depuis longtemps, des images du Christ dégradantes, violentes, et que les chrétiens n’ont tué personne pour autant. (Et qu’au passage il faudrait se demander pourquoi, parmi toutes les religions c’est uniquement au nom de l’Islam qu’on fait des carnages. Etre musulman, c’est être hypersensible ?).
Troisième et dernier volet de cette série consacrée à l’agacement provoqué par la façon dont on a évoqué les attentats du 11 janvier. « Rien à voir avec l’Islam », « islamophobie », « amalgame », des mots qui finissent par provoquer des ravages, à force de masquer la réalité. Des mots qui peuvent même tuer. Pour cette fois, ce sera le « nous sommes démunis » de profs censés faire respecter la minute de silence, et qui doivent tenter d’expliquer les rudiments de la démocratie à des jeunes qui considèrent que les journalistes et les juifs l’ont finalement cherché. Car on en est là. Et si il y en a que ça n’effraie pas, j’admire leur force d’âme.
Donc, pleurent certains profs, « nous sommes démunis », « on ne sait pas comment leur parler », et même, je la trouve excellente, « on n’a pas eu de formation là-dessus ». On dirait qu’en France, pour affronter n’importe quel cas un peu épineux de la vie professionnelle, ou de la vie tout court, il est indispensable d’avoir eu une formation. Pardon monsieur, je ne peux pas vous ramasser par terre, je n’ai pas eu de formation de secouriste. Pardon madame, je ne peux rien faire contre votre agresseur, je n’ai pas eu de formation de combat. Un prof, c’est censé avoir tout de même quelques idées sur la république, la presse, la laïcité, et même, allez, n’ayons peur de rien, l’histoire des idées ? Oui ou non ? C’est censé savoir parler à des jeunes ? Sinon, autant faire un autre métier.
Je ne sais pas, moi, il y aurait tout de même deux ou trois choses simples à dire.
On pourrait peut-être évoquer l’expression « caricature du Prophète » employée à tout bout de champ. Ce sont des caricatures au sens de dessin humoristique, c’est exact. Mais ce ne sont pas forcément des caricatures au sens où elles chercheraient à rabaisser et à ridiculiser leur objet. La couverture du Charlie Hebdo qui a suivi les attentats n’est une caricature que dans le premier sens. Quant aux fameuses « caricatures » danoises, leur objet n’était pas de se moquer du Prophète, mais de dénoncer deux choses : ceux qui utilisent son message à des fins sanglantes, et le fait qu’il soit dangereux d’émettre la moindre critique sur l’Islam. Donc, ceux qui les ont attaqués leur ont donné raison. Ont donc justifié l’existence de ces images. Premier point.
Que, deuxièmement, puisqu’on parle de ça, cette utilisation terroriste de l’Islam est condamnée, au moins officiellement, par les plus grandes instances de l’Islam, comme l’imam de la mosquée Al Azhar du Caire, de sorte que les caricaturistes danois ou français et les autorités spirituelles musulmanes seraient plutôt d’accord : c’est pas rigolo, ça ? Et que celui qui estime mieux connaître l’Islam que le recteur d’Al Azhar lève la main.
Que par conséquent, et c’est imparable, ce ne sont pas les gens de Charlie Hebdo qui caricaturent l’Islam, mais ceux qui les ont tués. Et que c’est eux qu’il faut attaquer, d’un point de vue musulman, comme des terroristes, certes musulmans, mais anti-islamiques.
Que, quatrièmement, toutes ces « caricatures » sur le Prophète étaient finalement bien gentilles, qu’elles auraient pu être infiniment pires, graveleuses, obscènes, sales, et que ce n’aurait pas été une raison pour les interdire pour autant. Que l’Islam a été relativement épargné par la tradition caricaturale française. Qu’il y a dans Hara Kiri, Charlie Hebdo, depuis longtemps, des images du Christ dégradantes, violentes, et que les chrétiens n’ont tué personne pour autant. (Et qu’au passage il faudrait se demander pourquoi, parmi toutes les religions c’est uniquement au nom de l’Islam qu’on fait des carnages. Etre musulman, c’est être hypersensible ?).
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Quand tout va mal, quand il n'y a plus aucun espoir, il nous reste Michel Sardou
La famille Bélier
- AliceinwonderlandNeoprof expérimenté
Et en plus c'est un écrivain génial...
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Comme chaque année à la même époque je fais preuve d'un optimisme aveugle en me disant que l'année à venir ne peut pas être pire que celle qui vient de s'écouler. En oubliant que l'année passée a été pire que la précédente... (je cite de mémoire Emmanuel Brouillard)
- Simone BouéNiveau 9
Un grand homme!
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Tant de pages, tant de livres qui furent nos sources d'émotion, et que nous relisons pour y étudier la qualité des adverbes ou la propriété des adjectifs.
E.C.
- Reine MargotDemi-dieu
autres articles sur le sujet:
http://pierre-jourde.blogs.nouvelobs.com/archive/2015/01/29/rien-a-voir-avec-l-islam-554289.html
http://pierre-jourde.blogs.nouvelobs.com/archive/2015/01/25/ni-antisemitisme-ni-islamophobie-553928.html
http://pierre-jourde.blogs.nouvelobs.com/archive/2015/01/29/rien-a-voir-avec-l-islam-554289.html
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Quand tout va mal, quand il n'y a plus aucun espoir, il nous reste Michel Sardou
La famille Bélier
- AndmaExpert spécialisé
C'est très bien formulé. Mais des enseignants sont démunis par la méconnaissance de Charlie Hebdo et son humour... Ça existe.
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Nelson Mandela : « en faisant scintiller notre lumière nous offrons la possibilité aux autres d'en faire autant »
- OlympiasProphète
Reine Margot a écrit:autres articles sur le sujet:
http://pierre-jourde.blogs.nouvelobs.com/archive/2015/01/29/rien-a-voir-avec-l-islam-554289.html
http://pierre-jourde.blogs.nouvelobs.com/archive/2015/01/25/ni-antisemitisme-ni-islamophobie-553928.html
- liliepingouinÉrudit
Je ne comprends pas la raison de tant de virulence à l'égard des enseignants qui disent se sentir démunis!
Je ne comprends pas "nous sommes démunis" comme "nous ne savons pas quoi dire", mais comme "nous ne savons pas comment le dire pour avoir une chance d'être entendu". Ce n'est à mon sens pas un manque d'arguments: mais comment ne pas se sentir démuni face à des élèves qui n'accordent aucune légitimité à la parole des enseignants? Que faire face à des élèves qui croient dur comme fer aux théories complotistes? Qui refusent d'entrer dans le dialogue? Qui refusent de travailler en histoire dès qu'il est question des juifs?
S'il suffisait de lire l'article de Pierre Jourde aux élèves pour les convaincre, ce serait si facile...
Personnellement je me sens tout à fait armée sur le fond, les arguments je peux les trouver, mais cela ne m'empêche pas, parfois, de me sentir totalement démunie devant les élèves.
C'est très facile de faire la leçon aux enseignants; c'est autre chose que de faire face sur le terrain tous les jours, de se battre au quotidien pour essayer de les transmettre, ces fameuses valeurs de la république, d'aller au front et d'essayer de mettre les élèves au travail, de leur apprendre à s'exprimer autrement que par la violence, de leur donner confiance en l'école et en l'avenir...
Les enseignants ont plus que jamais besoin de soutien et de confiance, pas de mépris ou de raillerie. Quand ils crient leur sentiment d'impuissance, pourquoi les prendre pour des imbéciles, plutôt que de comprendre qu'ils sont en difficulté, que l'exercice de leur métier est presque impossible, et qu'il faut leur tendre la main?
Je ne comprends pas "nous sommes démunis" comme "nous ne savons pas quoi dire", mais comme "nous ne savons pas comment le dire pour avoir une chance d'être entendu". Ce n'est à mon sens pas un manque d'arguments: mais comment ne pas se sentir démuni face à des élèves qui n'accordent aucune légitimité à la parole des enseignants? Que faire face à des élèves qui croient dur comme fer aux théories complotistes? Qui refusent d'entrer dans le dialogue? Qui refusent de travailler en histoire dès qu'il est question des juifs?
S'il suffisait de lire l'article de Pierre Jourde aux élèves pour les convaincre, ce serait si facile...
Personnellement je me sens tout à fait armée sur le fond, les arguments je peux les trouver, mais cela ne m'empêche pas, parfois, de me sentir totalement démunie devant les élèves.
C'est très facile de faire la leçon aux enseignants; c'est autre chose que de faire face sur le terrain tous les jours, de se battre au quotidien pour essayer de les transmettre, ces fameuses valeurs de la république, d'aller au front et d'essayer de mettre les élèves au travail, de leur apprendre à s'exprimer autrement que par la violence, de leur donner confiance en l'école et en l'avenir...
Les enseignants ont plus que jamais besoin de soutien et de confiance, pas de mépris ou de raillerie. Quand ils crient leur sentiment d'impuissance, pourquoi les prendre pour des imbéciles, plutôt que de comprendre qu'ils sont en difficulté, que l'exercice de leur métier est presque impossible, et qu'il faut leur tendre la main?
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Spheniscida qui se prend pour une Alcida.
"Laissons glouglouter les égouts." (J.Ferrat)
"Est-ce qu'on convainc jamais personne?" (R.Badinter)
Même si c'est un combat perdu d'avance, crier est important.
- Reine MargotDemi-dieu
Pierre Jourde ne dit pas que c'est facile, simplement que les valeurs de la République ne vont pas de soi et qu'il ne faut pas s'étonner de devoir parfois se battre pour convaincre les élèves, car ce n'est jamais acquis.
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- liliepingouinÉrudit
Certaines phrases de l'article sont quand même ouvertement méprisantes:
"Donc, pleurent certains profs, « nous sommes démunis », « on ne sait pas comment leur parler », et même, je la trouve excellente, « on n’a pas eu de formation là-dessus »."
"Je ne sais pas, moi, il y aurait tout de même deux ou trois choses simples à dire."
ou bien encore
"Un prof, c’est censé avoir tout de même quelques idées sur la république, la presse, la laïcité, et même, allez, n’ayons peur de rien, l’histoire des idées ? Oui ou non ? C’est censé savoir parler à des jeunes ? Sinon, autant faire un autre métier."
Faire un autre métier, c'est facile à dire. Si on va tous faire un autre métier, il n'y aura plus personne devant les jeunes, et le problème ne fera que s'amplifier.
Moi j'ai envie de lui dire que si j'avais su à quel point ce serait dur, à quel point nous les profs pouvions être méprisés, à quel point je serais désarmée parfois, eh bien oui, j'aurais choisi un autre métier!!!
Je continue à y aller, parce que j'y crois encore un peu malgré tout, parce que je sais au fond de moi que, tout méprisés que nous sommes, nous jouons un rôle fondamental. Mais je ne sais pas si je vais pouvoir tenir. Je ne sais pas si j'arriverai toujours à me lever le matin.
Autant les arguments mis en avant dans l'article sont intéressants, autant les phrases que j'ai relevées me blessent. J'en pleurerais tiens, si les larmes des enseignants ne suscitaient pas chez lui le sarcasme.
"Donc, pleurent certains profs, « nous sommes démunis », « on ne sait pas comment leur parler », et même, je la trouve excellente, « on n’a pas eu de formation là-dessus »."
"Je ne sais pas, moi, il y aurait tout de même deux ou trois choses simples à dire."
ou bien encore
"Un prof, c’est censé avoir tout de même quelques idées sur la république, la presse, la laïcité, et même, allez, n’ayons peur de rien, l’histoire des idées ? Oui ou non ? C’est censé savoir parler à des jeunes ? Sinon, autant faire un autre métier."
Faire un autre métier, c'est facile à dire. Si on va tous faire un autre métier, il n'y aura plus personne devant les jeunes, et le problème ne fera que s'amplifier.
Moi j'ai envie de lui dire que si j'avais su à quel point ce serait dur, à quel point nous les profs pouvions être méprisés, à quel point je serais désarmée parfois, eh bien oui, j'aurais choisi un autre métier!!!
Je continue à y aller, parce que j'y crois encore un peu malgré tout, parce que je sais au fond de moi que, tout méprisés que nous sommes, nous jouons un rôle fondamental. Mais je ne sais pas si je vais pouvoir tenir. Je ne sais pas si j'arriverai toujours à me lever le matin.
Autant les arguments mis en avant dans l'article sont intéressants, autant les phrases que j'ai relevées me blessent. J'en pleurerais tiens, si les larmes des enseignants ne suscitaient pas chez lui le sarcasme.
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Même si c'est un combat perdu d'avance, crier est important.
- User17706Bon génie
J'ai un peu peur personnellement que ce ne soit exactement le type d'article qui convainc tous les convaincus. Bon. Je me trompe peut-être.
- AliceinwonderlandNeoprof expérimenté
liliepingouin a écrit:Certaines phrases de l'article sont quand même ouvertement méprisantes:
"Donc, pleurent certains profs, « nous sommes démunis », « on ne sait pas comment leur parler », et même, je la trouve excellente, « on n’a pas eu de formation là-dessus »."
"Je ne sais pas, moi, il y aurait tout de même deux ou trois choses simples à dire."
ou bien encore
"Un prof, c’est censé avoir tout de même quelques idées sur la république, la presse, la laïcité, et même, allez, n’ayons peur de rien, l’histoire des idées ? Oui ou non ? C’est censé savoir parler à des jeunes ? Sinon, autant faire un autre métier."
Faire un autre métier, c'est facile à dire. Si on va tous faire un autre métier, il n'y aura plus personne devant les jeunes, et le problème ne fera que s'amplifier.
Moi j'ai envie de lui dire que si j'avais su à quel point ce serait dur, à quel point nous les profs pouvions être méprisés, à quel point je serais désarmée parfois, eh bien oui, j'aurais choisi un autre métier!!!
Je continue à y aller, parce que j'y crois encore un peu malgré tout, parce que je sais au fond de moi que, tout méprisés que nous sommes, nous jouons un rôle fondamental. Mais je ne sais pas si je vais pouvoir tenir. Je ne sais pas si j'arriverai toujours à me lever le matin.
Autant les arguments mis en avant dans l'article sont intéressants, autant les phrases que j'ai relevées me blessent. J'en pleurerais tiens, si les larmes des enseignants ne suscitaient pas chez lui le sarcasme.
Je ne pense pas qu'il faille l'interpréter ainsi. As-tu lu Festins secrets? Il sait très bien qu'enseigner est difficile, je pense qu'il veut inciter les professeurs à ne pas se laisser piéger dans le prêt à penser que veut leur imposer la ministre avec sa prétendue formation.
En tout cas l'article "Rien à voir avec l'islam" met précisément le doigt sur ce qui m'avait gênée dans l'interview d'Abd al Malik par Télérama.
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Comme chaque année à la même époque je fais preuve d'un optimisme aveugle en me disant que l'année à venir ne peut pas être pire que celle qui vient de s'écouler. En oubliant que l'année passée a été pire que la précédente... (je cite de mémoire Emmanuel Brouillard)
- liliepingouinÉrudit
Comment alors devrais-je interpréter "un prof c'est censé savoir parler à des jeunes? sinon autant faire un autre métier"?
Autant je ne crois pas à la solution miracle des formations, autant il ne faut pas se tromper de cible. On peut être contre ce discours, sans pour autant s'en prendre aux profs en difficulté. Et sans aller leur dire qu'ils n'ont qu'à faire un autre métier.
En tout cas, ce n'est vraiment pas ce que j'ai besoin d'entendre en ce moment. Je me le dis parfois bien assez, que j'aurais dû faire un autre métier.
Il y a peut-être les meilleurs intentions du monde derrière cet article, mais dans ce cas il est quand même très maladroit.
Autant je ne crois pas à la solution miracle des formations, autant il ne faut pas se tromper de cible. On peut être contre ce discours, sans pour autant s'en prendre aux profs en difficulté. Et sans aller leur dire qu'ils n'ont qu'à faire un autre métier.
En tout cas, ce n'est vraiment pas ce que j'ai besoin d'entendre en ce moment. Je me le dis parfois bien assez, que j'aurais dû faire un autre métier.
Il y a peut-être les meilleurs intentions du monde derrière cet article, mais dans ce cas il est quand même très maladroit.
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Spheniscida qui se prend pour une Alcida.
"Laissons glouglouter les égouts." (J.Ferrat)
"Est-ce qu'on convainc jamais personne?" (R.Badinter)
Même si c'est un combat perdu d'avance, crier est important.
- BalthazaardVénérable
J'aime bien les deux premiers articles mais celui là me gène...alors sans doute parce que cela parle des profs...ou plutôt parce que je ne peux m’empêcher de penser au collègue de philo dont on ne parle plus et qui semble avoir payé cher sa tentative d'expliquer au jeunes les rudiments de la démocratie sans tomber dans le formatage voulu par le ministère.
N'aurait-il pas mérité une petite tribune aussi?
N'aurait-il pas mérité une petite tribune aussi?
- ChocolatGuide spirituel
Enfin, un peu de bon sens sur la question.
Merci, Pierre Jourde !
Merci, Pierre Jourde !
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- User5899Demi-dieu
Je suis partagé. Bien sûr, je ne songe pas un instant à contester la réalité de votre constat. En revanche, je ne suis pas du tout certain que ces élèves que vous avez en face de vous entendent, chaque fois que c'est nécessaire, la parole adverse idoine. Pour tout dire, en parlant avec mes propres collègues, je suis parfois atterré par leurs connaissances politiques, historiques, médiatiques, atterré par leur complète ignorance des principes républicains (république d'ailleurs régulièrement confondue avec la démocratie), atterré par la peur qu'ils manifestent dès lors qu'il s'agit de s'éloigner de la séquence en cours. C'est pour ça que sans nier l'ampleur de la tâche, je comprends la réaction et le propos de Pierre Jourde. Qui doit être enseignant, d'ailleurs.liliepingouin a écrit:Je ne comprends pas la raison de tant de virulence à l'égard des enseignants qui disent se sentir démunis!
Je ne comprends pas "nous sommes démunis" comme "nous ne savons pas quoi dire", mais comme "nous ne savons pas comment le dire pour avoir une chance d'être entendu". Ce n'est à mon sens pas un manque d'arguments: mais comment ne pas se sentir démuni face à des élèves qui n'accordent aucune légitimité à la parole des enseignants? Que faire face à des élèves qui croient dur comme fer aux théories complotistes? Qui refusent d'entrer dans le dialogue? Qui refusent de travailler en histoire dès qu'il est question des juifs?
S'il suffisait de lire l'article de Pierre Jourde aux élèves pour les convaincre, ce serait si facile...
Personnellement je me sens tout à fait armée sur le fond, les arguments je peux les trouver, mais cela ne m'empêche pas, parfois, de me sentir totalement démunie devant les élèves.
C'est très facile de faire la leçon aux enseignants; c'est autre chose que de faire face sur le terrain tous les jours, de se battre au quotidien pour essayer de les transmettre, ces fameuses valeurs de la république, d'aller au front et d'essayer de mettre les élèves au travail, de leur apprendre à s'exprimer autrement que par la violence, de leur donner confiance en l'école et en l'avenir...
Les enseignants ont plus que jamais besoin de soutien et de confiance, pas de mépris ou de raillerie. Quand ils crient leur sentiment d'impuissance, pourquoi les prendre pour des imbéciles, plutôt que de comprendre qu'ils sont en difficulté, que l'exercice de leur métier est presque impossible, et qu'il faut leur tendre la main?
- ErgoDevin
Certes.
Mais face à des élèves qui vous expliquent qu'ils l'ont bien cherché (et que par ailleurs, Hervé Gourdel aussi, hein, il n'avait qu'à pas aller faire de l'escalade là-bas), on est dans un tel aveuglement et parfois dans une telle bêtise (et dit sans mépris, pour le coup) qu'on aura beau leur expliquer la caricature et la démocratie, c'est une goutte d'eau dans leurs croyances.
Alors bien sûr, nous avons été contents de constater que l'élève qui avait été au départ le plus "virulent" dans mon cours avait commencé à changer de discours en fin d'heure et était moins sûr le lendemain - mais c'est un élève correct, en termes de capacités intellectuelles, qui sait lire déjà et donc qui est à même d'entendre des arguments.
Face à tous ceux qui voulaient aller faire le jihad, c'est encore différent.
Et oui, je l'admets sans problème, face à une bonne partie de leur obscurantisme, je suis démunie - pas parce que je n'ai pas les arguments, mais parce que ceux du quartier ont davantage de poids.
Et ça, il va aussi falloir que certains l'entendent. Dans mon établissement, beaucoup de parents ne sont pas inquiets par ce à quoi leurs enfants sont confrontés au collège mais ce à quoi sont confrontés leurs enfants dans le quartier.
Mais face à des élèves qui vous expliquent qu'ils l'ont bien cherché (et que par ailleurs, Hervé Gourdel aussi, hein, il n'avait qu'à pas aller faire de l'escalade là-bas), on est dans un tel aveuglement et parfois dans une telle bêtise (et dit sans mépris, pour le coup) qu'on aura beau leur expliquer la caricature et la démocratie, c'est une goutte d'eau dans leurs croyances.
Alors bien sûr, nous avons été contents de constater que l'élève qui avait été au départ le plus "virulent" dans mon cours avait commencé à changer de discours en fin d'heure et était moins sûr le lendemain - mais c'est un élève correct, en termes de capacités intellectuelles, qui sait lire déjà et donc qui est à même d'entendre des arguments.
Face à tous ceux qui voulaient aller faire le jihad, c'est encore différent.
Et oui, je l'admets sans problème, face à une bonne partie de leur obscurantisme, je suis démunie - pas parce que je n'ai pas les arguments, mais parce que ceux du quartier ont davantage de poids.
Et ça, il va aussi falloir que certains l'entendent. Dans mon établissement, beaucoup de parents ne sont pas inquiets par ce à quoi leurs enfants sont confrontés au collège mais ce à quoi sont confrontés leurs enfants dans le quartier.
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"You went to a long-dead octopus for advice, and you're going to blame *me* for your problems?" -- Once Upon a Time
"The gull was your ordinary gull." -- Wittgenstein's Mistress
« Cède, cède, cède, je le veux ! » écrivait Ronin, le samouraï. (Si vous cherchez un stulo-plyme, de l'encre, récap de juillet 2024)
- Marie LaetitiaBon génie
liliepingouin a écrit:
Autant les arguments mis en avant dans l'article sont intéressants, autant les phrases que j'ai relevées me blessent. J'en pleurerais tiens, si les larmes des enseignants ne suscitaient pas chez lui le sarcasme.
Il y a des formules dans ce texte...
Et puis, moi en HG et EC je sais quoi dire. Mes collègues de français aussi. Mais dans certaines discplines, c'est nettement moins évident: en physiques, SVT, sport, musique, par exemple.
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Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)
Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...
Et on ne dit pas "voir(e) même" mais "voire" ou "même".
- RosanetteEsprit éclairé
Marie Laetitia a écrit:liliepingouin a écrit:
Autant les arguments mis en avant dans l'article sont intéressants, autant les phrases que j'ai relevées me blessent. J'en pleurerais tiens, si les larmes des enseignants ne suscitaient pas chez lui le sarcasme.
Il y a des forumules dans ce texte...
Et puis, moi en HG et EC je sais quoi dire. Mes collègues de français aussi. Mais dans certaines discplines, c'est nettement moins évident: en physiques, SVT, sport, musique, par exemple.
Car par contre, je suis moyennement d'accord. Ce n'est pas le genre de débat qui doit être seulement récupéré par des collègues de philo/français/HG, sous prétexte que leur matière les autorise davantage à monter une "séance-minute" sur ces questions.
Je rejoins Jourde pour dire qu'un enseignant, quel qu'il soit, doit avoir quelques idées pour discuter de valeurs républicaines, puisque c'est aussi un bagage "humaniste et citoyen" qu'ils ont dû croiser au cours de leur scolarité et qu'ils ont intériorisé en voulant être prof et fonctionnaire.
Mais je rejoins les réserves par ailleurs sur ses propos. J'adore ses bouquins, son ton, mais il n'enseigne plus depuis quelques temps (sauf à la fac) et il fait ici preuve d'un manque d'élégance - et peut-être d'une méconnaissance face aux évolutions de l'école.
- Marie LaetitiaBon génie
Rosanette a écrit:Marie Laetitia a écrit:liliepingouin a écrit:
Autant les arguments mis en avant dans l'article sont intéressants, autant les phrases que j'ai relevées me blessent. J'en pleurerais tiens, si les larmes des enseignants ne suscitaient pas chez lui le sarcasme.
Il y a des forumules dans ce texte...
Et puis, moi en HG et EC je sais quoi dire. Mes collègues de français aussi. Mais dans certaines discplines, c'est nettement moins évident: en physiques, SVT, sport, musique, par exemple.
Car par contre, je suis moyennement d'accord. Ce n'est pas le genre de débat qui doit être seulement récupéré par des collègues de philo/français/HG, sous prétexte que leur matière les autorise davantage à monter une "séance-minute" sur ces questions.
Je rejoins Jourde pour dire qu'un enseignant, quel qu'il soit, doit avoir quelques idées pour discuter de valeurs républicaines, puisque c'est aussi un bagage "humaniste et citoyen" qu'ils ont dû croiser au cours de leur scolarité et qu'ils ont intériorisé en voulant être prof et fonctionnaire.
Mais je rejoins les réserves par ailleurs sur ses propos. J'adore ses bouquins, son ton, mais il n'enseigne plus depuis quelques temps (sauf à la fac) et il fait ici preuve d'un manque d'élégance - et peut-être d'une méconnaissance face aux évolutions de l'école.
Je ne parle absolument pas de "récupération" mais de se sentir capable de, armé pour. Mes collègues de sport n'ont pas commenté les événements de janvier, parce qu'ils ne s'en sont pas sentis capables. Je ne leur jetterai pas la première pierre.
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Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)
Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...
Et on ne dit pas "voir(e) même" mais "voire" ou "même".
- RosanetteEsprit éclairé
Je n'entendais pas le terme récupérer dans un sens péjoratif.
Simplement, si la minute de silence tombe dans un cours d'EPS ou de physique, il vaut mieux que le prof sache présenter la chose, et si des dérapages ont lieu pendant son cours (où la parole est quand même souvent plus libre entre les élèves), il vaut mieux qu'il sache gérer et discuter.
Et ça, ce n'est pas tant une question de matière (même si on attend pas de lui qu'il ait d'autres formes de caricatures sur lui ou un cours tout fait sur l'histoire de la liberté d'expression) que de métier, à mon avis.
Simplement, si la minute de silence tombe dans un cours d'EPS ou de physique, il vaut mieux que le prof sache présenter la chose, et si des dérapages ont lieu pendant son cours (où la parole est quand même souvent plus libre entre les élèves), il vaut mieux qu'il sache gérer et discuter.
Et ça, ce n'est pas tant une question de matière (même si on attend pas de lui qu'il ait d'autres formes de caricatures sur lui ou un cours tout fait sur l'histoire de la liberté d'expression) que de métier, à mon avis.
- CarabasVénérable
Je trouve cet article un peu simpliste. S'il n'y avait qu'à sortir les arguments qu'il donne pour convaincre les élèves, ma foi, il n'y aurait pas de problème.
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Les chances uniques sur un million se réalisent neuf fois sur dix.
Terry Pratchett
- BalthazaardVénérable
Et surtout l'erreur que font tous les gens qui ne sont pas immergés dans le système, croire que tous les élèves sont perméables à l'argumentation...les problèmes viennent de ceux qui ne le sont pas
- BalthazaardVénérable
Reine Margot a écrit:http://pierre-jourde.blogs.nouvelobs.com/
. Mais ce ne sont pas forcément des caricatures au sens où elles chercheraient à rabaisser et à ridiculiser leur objet.
Encore une fois c'est très....très discutable , et je remarque le "pas forcément" et le conditionnel qui figurent des précautions qui montrent que l'auteur lui même n'est pas tout à fait à l'aise. Qu'il se dise que les élèves sont moins naïfs et malléables qu'il le pense et que c'est la brèche du discours qui sera attaquée en force.
- Reine MargotDemi-dieu
Je crois que l'argument le plus efficace dans l'article est celui qui consiste à dire que sans la liberté de moquer la religion officielle qui était autrefois le Christianisme, pas de liberté pour les autres opinions. Donc toutes les religions doivent pouvoir être caricaturées, justement pour permettre la liberté de conscience.
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Quand tout va mal, quand il n'y a plus aucun espoir, il nous reste Michel Sardou
La famille Bélier
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