Sonnet 5 dans les Regrets, des conseils ?

Bonsoir à tous et toutes,
J'aurais besoin de vos lumières ; j'envisage d'étudier le sonnet ci-dessous avec mes 5e. Auriez-vous des conseils à me donner pour l'étude, s'il vous plaît ?

« Ceux qui sont amoureux, leurs amours chanteront »

Ceux qui sont amoureux, leurs amours chanteront,
Ceux qui aiment l'honneur, chanteront de la gloire,
Ceux qui sont près du roi, publieront sa victoire,
Ceux qui sont courtisans, leurs faveurs vanteront,

Ceux qui aiment les arts, les sciences diront,
Ceux qui sont vertueux, pour tels se feront croire,
Ceux qui aiment le vin, deviseront de boire,
Ceux qui sont de loisir, de fables écriront,

Ceux qui sont médisants, se plairont à médire,
Ceux qui sont moins fâcheux, diront des mots pour rire,
Ceux qui sont plus vaillants, vanteront leur valeur,

Ceux qui se plaisent trop, chanteront leur louange,
Ceux qui veulent flatter, feront d'un diable un ange :
Moi, qui suis malheureux, je plaindrai mon malheur.

Joachim du BELLAY
(1522-1560)

J'avoue que je ne connaissais pas ce sonnet!  
Je reste coite, mais j'espère que d'autres néos auront des choses à dire!

L'anaphore est une figure de style chère à du Bellay, (sonnet 68 par exemple)
L'élégie est un thème prégnant dans le recueil des Regrets,
Le lyrisme est dans l'effet de chute, l'idée du poète qui est différent des autres.

"il y a dans ces répétitions l’effet monotone de la plainte et de la complainte."

"Le dernier sonnet des poèmes liminaires est construit sur un cliché de la poésie pétrarquiste. C’est la figure du priamel (...) il s’agit d’une anaphore prolongée dans le premier hémistiche suivie d’un futur simple dans le deuxième hémistiche."

trouvé sur un lien internet que je n'arrive pas à copier.

J'oserais à peine dire que c'est casse-gu***le en 5e.
Je n'ai pas trop le temps d'imprimer de me faire une prép en bonne forme, je vois aussi des chiasmes, des antithèses, etc.

Je le trouve beaucoup trop formel, il risque de ne pas toucher les élèves.

Pourquoi casse-g***le en 5e, Thalia de G ? parce qu'il est trop formel ?  "Des antithèses", pourquoi ce pluriel ?
Quoi qu'il en soit merci.
Merci Leyade, je peine un peu à comprendre le priamel... s'agit-il de lister tout ce que quelque chose (ou quelqu'un) n'est pas afin de mieux mettre en valeur ce qu'est cette chose ou personne aux yeux de l'énonciateur ?

Je vois ça en allant fermer, et je ne sais pas quand je reviendrai, donc très rapidement : c'est un thème cher à du Bellay "je ne suis pas comme les autres".
La construction de chaque vers, leur liste (à compléter?), la chute, tout cela pourrait intéresser.
Leyade, première fois que j'entends parler du priamel !

Je suis tombée dessus en furetant dans une thèse sur du bellay sur le net,
ça a peut-être un nom en français, car on ne trouve de définition qu'en anglais :
"A priamel is a literary and rhetorical device found throughout Western literature and consisting of a series of listed alternatives that serve as foils to the true subject of the poem, which is revealed in a climax." (oui, wikipédia... )

tannat a écrit:Pourquoi casse-g***le en 5e, Thalia de G ? parce qu'il est trop formel ?  "Des antithèses", pourquoi ce pluriel ?
Quoi qu'il en soit merci.
Merci Leyade, je peine un peu à comprendre le priamel... s'agit-il de lister tout ce que quelque chose (ou quelqu'un) n'est pas afin de mieux mettre en valeur ce qu'est cette chose ou personne aux yeux de l'énonciateur ?

ça a l'air d'être ça!
Une mise en valeur par le fait d'accumuler d'abord tout ce que ce n'est pas avant d'amener ce dont on veut parler.

Voyez-vous d'autres éléments ?
• Sonnet =
progression du poème :
les thèmes
l'importance de la chute
• Anaphore = multitude / solitude.
marque la solitude du poète « Ceux qui sont » s’oppose à « Moi, qui suis » :
marque les nombres « Ceux » s’oppose à « Moi »
• Énumération =
marque lui aussi le nombre,
litanie -> accentue la plainte et de la complainte.
• Syntaxe (structure grammaticale) = une seule phrase…

Attention à ne pas faire du sonnet un prétexte pour trouver des figures de style ; ou alors c'est un exercice et pas une explication.

Les sonnets de Du Bellay sont difficiles, et il est quasiment  à chaque fois nécessaire de comprendre leur place à l'intérieur des Regrets puisque Du Bellay construit une figure du poète.
Dans les premiers sonnets, souvent appelés programmatiques, Du Bellay expose ce que sa poésie ne sera pas avant, tout au long du recueil, de déployer la sienne : celle de la nostalgie, du poète exilé, de la satire de la Rome nouvelle, pour enfin proposer une poésie de l'éloge, légitimée par l'expérience hors de France.
Il s'agit bien de voir, à travers la litanie (cette figure qui permet de voir toutes les facettes d'un objet) le refus de toute une série de poésies : les "ceux qui..." ne sont pas n'importe quel quidam (il faut revoir par qui était lu et voulait être lu Du Bellay). Du Bellay refuse donc la poésie amoureuse (comme celle de Ronsard), la poésie encomiastique, la poésie didactique, la poésie de type anacréontique (le vin), etc. Le premier tercet prend un tour légèrement satirique (allusion à ce qu'il vit à Rome).
Il faut noter aussi le choix d'un vocabulaire simple (sermo pedestris), où Du Bellay use de l'alexandrin, non pour une poésie élevée, mais pour adopter le ton de la conversation.
La structure du sonnet (avec la pointe finale) est effectivement très fréquente chez Pétrarque, mais elle l'est aussi chez Properce, qui avec Ovide (surtout) et Virgile hantent le recueil.
(Attention aussi au vocabulaire : trop = beaucoup.)
Même si l'anaphore est omniprésente, tout l'intérêt réside alors dans la variation (répétitions, polyptotes, parallélisme, chiasme, mots à la rime, etc.)
Bref du boulot en perspective : il faut lire les travaux de Josiane Rieu (L'esthétique de Du Bellay), de Floyd Gray (La poétique de Du Bellay) et pour aller plus loin Bizer (Les lettres romaines) et Roger-Vasselin. Il y a aussi de bonnes études dans un ouvrage collectif regroupant des études sous la direction d'Yvonne Bellenger (Du Bellay et les sonnets romains)

Merci! C'est passionnant!

leyade a écrit:Merci! C'est passionnant!

Oui, vraiment.

J'y avais repensé aussi, et fait une recherche : ce que j'avais écrit plus haut a été dit, en mieux, par des gens beaucoup plus qualifiés que moi : j’avais donc repéré un priamel   , le  thème alius/ego, « qui consiste à se replacer, avec sa différence, dans la liste des autres différences individuelles » https://books.google.fr/books?id=iG9Seg4S2o4C&pg=PA358&lpg=PA358&dq=priamel+petrarque&source=bl&ots=PemUsaf1Yz&sig=Jxcoh9Dk_a8RkEzcjreMcv1j7Mo&hl=fr&sa=X&ei=2226VL_IJMG6Ur-Tg6gM&ved=0CDIQ6AEwAg#v=onepage&q=priamel%20petrarque&f=false, voir la note 40 qui renvoie à l’ouvrage d’Esther Bréguet.

Merci beaucoup pour tout ce matériau, et pour votre aide !