Charlie Hebdo : idées de textes, d'illustrations et de réflexions à partager avec les élèves - Comment faire cours après cela ?

PauvreYorick a écrit:

kero a écrit:

dandelion a écrit:Le racisme, l'antisémitisme, l'incitation à la haine sont interdits.

Justement. Pourquoi une loi spécifique sur l'antisémitisme si le racisme est dasn tous les cas interdit ?

C'est bien ce que je dis. La loi applique le principe de la liberté d'expression en lui posant des limites qui varient selon l'objet.

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006070722&dateTexte=vig#LEGIARTI000006419708 articles 23 et 32 notamment. Le terme d'« antisémitisme » n'y figure pas.

Il faudrait que j'aille chercher cela, car nous parlions aujourd'hui avec une collègue de dispositions spécifiques dans la loi concernant l'antisémitisme. Si je n'en trouve pas le détail, il faut croire que je me suis trompé, auquel cas, au temps pour moi.

Mais là en réalité, je n'ai pas la force.

Vide.

archeboc a écrit:

AustenLand a écrit:Je suis franchement étonnée de lire que certains d'entre vous ne se sentent pas d'aborder le sujet en classe. [..]
Ce qui a eu lieu hier est grave. Et nous sommes adultes et enseignants, nous savons adapter notre vocabulaire face à nos élèves, qu'ils soient en primaire ou au secondaire.

Je comprends qu'il y ait des collègues qui ne se sentent pas d'aborder le sujet. J'y vois plusieurs raisons légitimes :
- l'émotion personnelle est forte, et difficile à gérer.
- certains peuvent préférer n'offrir aux élèves qu'une parole réfléchie.

Merci de ta réponse.
C'est exactement pour ça que je n'en ai pas parlé.
Parler pour dire quoi? Pour m’effondrer?
Et surtout pour dire quoi?
Face aux réflexions déplacées de mes élèves, je préfère être prêt et attendre

Mama a écrit:

thrasybule a écrit:

Mama a écrit:

Il me semble que toutes les expériences rapportées par les collègues n'ont rien du sermon débile, stérile et contre-productif...

Quand ai-je parlé du discours des collègues? Je viens de débarquer, je n'ai rien lu. Tu serais bien aimable de pas me prêter des propos que je n'ai pas tenus. Je dis seulement qu'il est plus efficace de s'appuyer sur des exemples de censure de la part du pouvoir d'idées , voire d'une vision du monde en décalage avec la doxa, que d'accumuler des incantations. Je refuse le catéchisme et les effets d'édification.

Mille excuses, mais je ne pouvais deviner que tu n'avais rien lu... et même dans ce cas je trouve quand même que ta formulation manquait de tact, donnant l'impression qu'en-dehors de la solution pour laquelle tu as opté on était condamné au prêchi-prêcha. J'ai utilisé des exemples de censure, mais avec des collégiens, on a aussi eu besoin d'un discours à bâtons rompus, d'explicitations de ce qui semblait évident mais ne l'était pas, et de répondre à leurs interrogations de manière plus spontanée. Sans les sermonner, bien sûr.

Je trouve effectivement que, sans un effort pour rendre intelligible la lutte pour la liberté d'expression avec une mise en perspective historique pour montrer que rien n'est acquis et que tout peut se défaire, tout n'est que "prêchi-prêcha". Je parlais d'"éviter" les sermons, je suis persuadé que d'aucuns ont trouvé d'autres stratégies bien plus efficaces pour le faire. Si  on s'identifie avec ce que je voulais éviter, ce n'est pas mon problème.
Et j'aimerais qu'on me dise en quoi j'ai manqué de tact.

Pour aider les collègues, le Clemi a mis en lignes des ressources, dont une interview de Charb et les Unes du monde entier.
http://clemi.fr/fr/je-suis-charlie/

Moi, en tant que documentaliste, l'information est un peu mon métier. Sans vouloir aller au front et communiquer peut-être maladroitement sur ce sujet si sensible, je pense qu'il est quand même important de libérer la parole, de ne pas garder cela pour soi si on sent le besoin d'en parler. Cela implique tellement de choses : la liberté d'expression, de pensée, l'insécurité, l'injustice, ... Sur un autre topic, je disais que dans un lycée, ils ont installé un grand panneau sur lequel les élèves peuvent laisser un message s'ils le souhaitent. Je trouve cette idée bien faite. Ecrire au journal est également un beau geste, je trouve. En parler, sans en faire trop.

Isis39 a écrit:Pour aider les collègues, le Clemi a mis en lignes des ressources, dont une interview de Charb et les Unes du monde entier.
http://clemi.fr/fr/je-suis-charlie/

Merci Isis39, c'est une bonne ressource.

Thrasybule, tant pis si tu ne vois pas, je n'ai pas la force de réexpliquer, là. Ton approche est très bien, mais tu confirmes que tu ranges tout le reste dans du prêchi-prêcha, avant de dire qu'il y a d'autres stratégies... Je laisse tomber.

Mama a écrit:

Isis39 a écrit:Pour aider les collègues, le Clemi a mis en lignes des ressources, dont une interview de Charb et les Unes du monde entier.
http://clemi.fr/fr/je-suis-charlie/

Merci Isis39, c'est une bonne ressource.

Thrasybule, tant pis si tu ne vois pas, je n'ai pas la force de réexpliquer, là. Ton approche est très bien, mais tu confirmes que tu ranges tout le reste dans du prêchi-prêcha, avant de dire qu'il y a d'autres stratégies... Je laisse tomber.

Tu n'as rien compris à mon message.Qu'importe. Laissons là ces microscopiques remarques.

Mama a écrit:

WonderWoman a écrit:En fait, j'ai du mal m'exprimer. Je ne pensais pas que l'injure ressentie soit une justification pour le meurtre, mais plutôt "si je n'ai pas le droit de dire "sale africain" parce que c'est raciste, pourquoi est-ce que ces caricatures ont pu être publiées, alors qu'elle sont islamophobes ?"

Mais elles ne sont pas islamophobes, non d'un petit bonhomme dessiné ! A nous de le leur faire comprendre, en explicitant le dessin et son texte, notamment pour "c'est dur d'être aimé par des cons" et "le coran c'est de la merde".

Merci, Mama, j'ai cru que personne ne le dirait jamais !!

Et, encore une fois, les caricatures de Charlie Hebdo n'ont JAMAIS été des insultes. Par définition, une caricature, si elle est bien faite (et si celles de Charlie ne l'avaient pas été, le journal n'aurait pas eu autant de renom, qu'on aime ou qu'on déteste), ce n'est pas une insulte. C'est le contraire même de l'insulte.

Si on n'en est pas entièrement convaincu soi-même, mieux vaut ne rien dire aux élèves, effectivement, pour éviter de se retrouver sur un terrain glissant.

thrasybule a écrit:

holderfar a écrit:

thrasybule a écrit:j'ai seulement travaillé sur le procès de Madame Bovary en TL et un extrait de Tartuffe en Seconde pour éviter les sermons débiles, stériles et contre-productifs.
Mes collègue de philo et d'histoire ont vu le tiers de la classe dire qu'"ils" l'avaient bien cherché, mais que les tuer, c'était quand même moche et pas très humaniste. Ouf!

Ouais, j'ai entendu peu ou prou ça dans une de mes deux classes hélas. Je m'y attendais un peu mais ça m'a quand même heurtée.

Quand les collègues m'ont dit ça, j'étais ko. Tu dois comprendre ce que je veux dire....

Oh que oui... C'est là que je me félicite de voussoyer les élèves, on sent mieux venir le malencontreux "ta gueule" que j'ai réprimé...
Mais encore une fois, je m'y attendais. Les identités religieuses sont très fortes par chez moi, c'est chouette que cela ne pose que peu de problèmes en général.

holderfar a écrit:

thrasybule a écrit:

holderfar a écrit:
Ouais, j'ai entendu peu ou prou ça dans une de mes deux classes hélas. Je m'y attendais un peu mais ça m'a quand même heurtée.

Quand les collègues m'ont dit ça, j'étais ko. Tu dois comprendre ce que je veux dire....

Oh que oui... C'est là que je me félicite de voussoyer les élèves, on sent mieux venir le malencontreux "ta gueule" que j'ai réprimé...
Mais encore une fois, je m'y attendais. Les identités religieuses sont très fortes par chez moi, c'est chouette que cela ne pose que peu de problèmes en général.

Je suis un des rares de mon lycée à dire "vous", et chez toi? (ou chez vous, pour ne point t'offenser? )

JPhMM a écrit:Je reste hagard.

Aucune envie de penser, ni de me forcer à le faire.

Je reste hagard, et souvent je me retiens de pleurer.
Je reste hagard, comme une impression qu'il n'y aura pas de lendemain qui chante.

Pour le surlendemain, je ne suis pas sûr. Je ne suis plus sûr de rien.
J'ai peur, non pour moi, mais pour ce que le monde est devenu.

Je reste hagard, les discussions, les opinions me semblent si lointaines qu'elles m'arrivent étouffées. Essoufflées aussi.

Le réel est d'une violence inouïe. L'humanité est ma honte.

Merci, vraiment.
J'ai mal, une douleur qui surpasse n'importe quelle douleur physique. C'est vraiment quelque chose de fort. Je n'aurais jamais cru ressentir cela aujourd'hui.

thrasybule a écrit:

holderfar a écrit:

thrasybule a écrit:
Quand les collègues m'ont dit ça, j'étais ko. Tu dois comprendre ce que je veux dire....

Oh que oui... C'est là que je me félicite de voussoyer les élèves, on sent mieux venir le malencontreux "ta gueule" que j'ai réprimé...
Mais encore une fois, je m'y attendais. Les identités religieuses sont très fortes par chez moi, c'est chouette que cela ne pose que peu de problèmes en général.

Je suis un des rares de mon lycée à dire "vous", et chez toi? (ou chez vous, pour ne point t'offenser? )

Je pense que nous sommes une minorité aussi à dire vous. C'est particulièrement flagrant chez les jeunes profs, parmi ceux qui ont à peu près mon âge, je dois être la seule à voussoyer.

5 heures de cours avec 5 classes différentes...5 heures entières à parler de ça (je travaille sur la presse actuellement), à présenter des caricatures, l'idée que ces hommes se faisaient du métier de journaliste, de la liberté, de l'honneur. A expliquer aussi les faits (les vrais!), à rétablir des choses et à en prévenir d'autres... (récupération politique sors de là) et quel débat! Franchement, mes élèves m'ont épatée par leur émotion, leur retenue et leur envie de comprendre.

Comment faire cours cours après cela? En continuant malgré tout avec à la fois la douleur et la colère :

Deux élèves sont venus me voir en fin de cours car ils avaient des questions sur une vidéo qu'ils avaient vus et sur laquelle figuraient des mots anglais. Ils me montrent la vidéo. C'était la vidéo du policier qui s'est fait tuer avec un commentaire expliquant qu'il n'avait pas été tué et que ce n'était qu'un gros complot car il n'y a pas de sang et on voit l'impact de balle à côté. (et les mots écrits étaient donc "hoax", "no blood"...)

J'ai essayé de leur faire réaliser que c'était de la récupération et qu'un assassinat ne ressemble pas à ce qu'on voit dans les films mais je crois qu'ils pensent toujours que c'est un complot... Je n'ai pas su quoi ajouter...

Des élèves aussi m'ont maintenu que s'il avait vraiment reçu une balle on aurait vu sa tête exploser, davantage de sang. Ils prennent ce qu'ils voient dans les films ou les jeux pour la réalité.

JPhMM a écrit:Je reste hagard.

Aucune envie de penser, ni de me forcer à le faire.

Je reste hagard, et souvent je me retiens de pleurer.
Je reste hagard, comme une impression qu'il n'y aura pas de lendemain qui chante.

Pour le surlendemain, je ne suis pas sûr. Je ne suis plus sûr de rien.
J'ai peur, non pour moi, mais pour ce que le monde est devenu.

Je reste hagard, les discussions, les opinions me semblent si lointaines qu'elles m'arrivent étouffées. Essoufflées aussi.

Le réel est d'une violence inouïe. L'humanité est ma honte.

Merci.

Hallywell a écrit:5 heures de cours avec 5 classes différentes...5 heures entières à parler de ça (je travaille sur la presse actuellement), à présenter des caricatures, l'idée que ces hommes se faisaient du métier de journaliste, de la liberté, de l'honneur. A expliquer aussi les faits (les vrais!), à rétablir des choses et à en prévenir d'autres... (récupération politique sors de là) et quel débat! Franchement, mes élèves m'ont épatée par leur émotion, leur retenue et leur envie de comprendre.

Peux tu me dire quelles unes tu as choisi? J'ai envie d'en présenter mais peur de me planter et d'échauffer les esprits de certains élèves endoctrinés (forte population musulmane)

JPhMM a écrit:Je reste hagard.

Aucune envie de penser, ni de me forcer à le faire.

Je reste hagard, et souvent je me retiens de pleurer.
Je reste hagard, comme une impression qu'il n'y aura pas de lendemain qui chante.

Pour le surlendemain, je ne suis pas sûr. Je ne suis plus sûr de rien.
J'ai peur, non pour moi, mais pour ce que le monde est devenu.

Je reste hagard, les discussions, les opinions me semblent si lointaines qu'elles m'arrivent étouffées. Essoufflées aussi.

Le réel est d'une violence inouïe. L'humanité est ma honte.

Merci d'avoir su mettre des mots, c'est ce que je ressens, c'est exactement ça. À ce détail près que je ne peux retenir les larmes. Elles ne cessent de monter depuis hier. Elles débordent parfois, trop souvent. Je suis dévastée et je me sens orpheline.

abricotedapi a écrit:Des élèves aussi m'ont maintenu que s'il avait vraiment reçu une balle on aurait vu sa tête exploser, davantage de sang. Ils prennent ce qu'ils voient dans les films ou les jeux pour la réalité.

Hier j'ai entendu un commentateur dire que la froideur avec laquelle cette exécution avait été commise était s'expliquait par une accoutumance des jeunes à l'horreur au travers des vidéos que les islamistes mettent sur le net. Il pensait qu'à force de voir ces images horribles, ces jeunes s'habituaient à la violence, et que ces vidéos avaient aussi cet objectif.

Je ne pense pas que cela soit le cas. Dans ce genre de mouvances (extrémismes de tout genre), les autres sont chosifiés, dépourvus d'humanité. Les tuer est donc extrêmement facile.

neoprof3463 a écrit:

Hallywell a écrit:5 heures de cours avec 5 classes différentes...5 heures entières à parler de ça (je travaille sur la presse actuellement), à présenter des caricatures, l'idée que ces hommes se faisaient du métier de journaliste, de la liberté, de l'honneur. A expliquer aussi les faits (les vrais!), à rétablir des choses et à en prévenir d'autres... (récupération politique sors de là) et quel débat! Franchement, mes élèves m'ont épatée par leur émotion, leur retenue et leur envie de comprendre.

Peux tu me dire quelles unes tu as choisi? J'ai envie d'en présenter mais peur de me planter et d'échauffer les esprits de certains élèves endoctrinés (forte population musulmane)  

j'en ai choisi plusieurs et en ai fait un diaporama.

j'ai mis d'abord Charlie avec le poing levé, liberté sur le bras.
en deuxième, double couverture (invention de l'humour = huile + feu et journal responsable)
en troisième, les religions. j'ai mis trois caricatures, une sur les musulmans (charia hebdo), une sur les juives (shoah hebdo) et une sur les chrétiens (le dîner de cons)
en quatrième diapo, caricature sur sarkozy (le 6 mai 2012 19h59)et hollande (en clown)
en cinquième, dieudonné (taille du cerveau) et nabilla sortie de prison (la dinde)
dernière diapo, le dernier dessin de Charb sur le "toujours pas d'attentats"...
ça en a fait rire et je pense que d'avoir vu l'étendue de leurs caricatures à aider à faire passer le message qu'ils n'avaient aucun interdit.

doubledecker a écrit:

JPhMM a écrit:Je reste hagard.

Aucune envie de penser, ni de me forcer à le faire.

Je reste hagard, et souvent je me retiens de pleurer.
Je reste hagard, comme une impression qu'il n'y aura pas de lendemain qui chante.

Pour le surlendemain, je ne suis pas sûr. Je ne suis plus sûr de rien.
J'ai peur, non pour moi, mais pour ce que le monde est devenu.

Je reste hagard, les discussions, les opinions me semblent si lointaines qu'elles m'arrivent étouffées. Essoufflées aussi.

Le réel est d'une violence inouïe. L'humanité est ma honte.

Merci d'avoir su mettre des mots,  c'est ce que je ressens, c'est exactement ça. À ce détail près que je ne peux retenir les larmes.  Elles ne cessent de monter depuis hier.  Elles débordent parfois,  trop souvent.  Je suis dévastée et je me sens orpheline.

Parfois je ne peux plus les retenir.

JPhMM a écrit:Parfois je ne peux plus les retenir.

Je n'essaie plus. Mais j'ai réussi aujourd'hui, en en parlant avec les élèves.

Jamais un événement ne m'a autant secoué, je crois.

Son rire, mes larmes.

kero a écrit:

JPhMM a écrit:Parfois je ne peux plus les retenir.

Je n'essaie plus. Mais j'ai réussi aujourd'hui, en en parlant avec les élèves.

Jamais un événement ne m'a autant secoué, je crois.

Je ne sais pas.... le 11/09/01 ? Oui , j'en ai parlé le lendemain matin aux élèves, mais peut-être que c'était tellement irréaliste que je pouvais en parler tout de suite.  Là les victimes me semblent tellement proches, même si je n'en connais bien sûr pas une seule personnellement, que je ne peux pas.
Les meurtres de Mohammed Merah, j'arrive à en parler et à laisser mes élèves imaginer la scène de cet .... en train de prendre une gamine par la queue de cheval et lui tirer une balle dans la tête. C'est là seulement que ma voix se brise.
Mais là, je ne peux pas, pas encore, un jour sans doute.  Pour l'instant je ne peux pas.