- HonchampDoyen
Bonsoir
Sur le forum du cahier pédagogique, réponse d'un enseignant à Michel Lussault.
L'interview de Lussault
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2015/01/14012015Article635568183764307972.aspx
Je retrouve pas mal de mes interrogations dans la réponse du collègue, que je cite ci-dessous:
- Notamment sur la cohérence des programmes, d'une réforme à l'autre...
Interrogations sur des questions qui sont autant une vulgate politiquement correcte que du contenu solide (Europe, en effet; développement durable, avec ses 3 jolis petits cercles).
- Le problème de l'emploi.
- Le problème des bases au sortir du primaire.
- Les lubies pédagogiques. Et encore, je pense que dans le secondaire, nous sommes moins soumis aux errements de la hiérarchie que dans le primaire...
Je ne rejette pas l'idée de bienveillance, mais j'aimerais qu'on parle aussi aux élèves du plaisir d'apprendre et du goût de l'effort. Qui l'a fait, parmi les ministres récents ?
La réponse du collègue, donc... C'est un peu long..
" Dans les précédents programme de BAC PRO, nous avions à traiter du fait religieux : on nous invitait à comparer les religions du Livre, ce qui était fécond avec des élèves d'origines et de cultures variées, qui méconnaissaient la parenté des 3 religions concernées... Avec la mise en place du BAC PRO 3 ans, ce thème a hélas disparu... Pour faire entre autres place à l'Europe, c'est-à-dire à une sorte de propagande pro-européenne, après le Traité de Lisbonne qui a bafoué le choix exprimé par les Français lors du référendum de 2005... Mais Monsieur Lussault, n'êtes-vous pas président du Conseil Supérieur des Programmes ?
Quant à l'école qui renforce les inégalités, cher Monsieur Lussault, les chiffres de novembre 2014 indiquent que le nombre de demandeurs d'emplois, toutes catégories A, B, et C confondues, s'établit à 5 478 600 personnes (Dom inclus), ce qui représente plus de 15% des actifs...
Source :http://www.journaldunet.com/economie/magazine/en-chiffres/chomeurs-en-france.shtml
Ne pensez-vous pas que les inégalités sociales s'expriment avant tout dans ce constat navrant ?...
Sans parler des phénomènes de ghettoïsation des pauvres comme des riches, mais pas dans les mêmes ghettos... Ce n'est pas l'école qui peut résorber cette relégation sociale. À moins d'être obtus, vous vous en doutez bien !
Je les entend déjà, ceux qui vont reprocher aux enseignants de terrain - dont je suis - de mal faire leur boulot, puisque 160 000 jeunes sortent chaque année sans diplôme du système scolaire... Pourtant, 77% d'élèves au Bac, on devrait en être fier, non ?... Et quand bien même on atteigne les 100%, puis 100% au niveau licence, et pourquoi pas 100% au niveau du Doctorat (je serai retraité d'ici là, ou relégué au placard à balais, moi qui ai été certifié avec une vulgaire licence), est-ce que cela changera quelque chose au fait que notre organisation économique libéral génère un "Lumpenproletariat" croissant ?...
L'intégration des 30 Glorieuses, ça a été une intégration par le travail, que du reste l'école de cette époque a accompagné... Le fameux ascenseur social fonctionnait alors - j'en suis un exemple -, car il y avait de l'emploi ! Ni plus, ni moins. Si vous en doutez, je vous renvoie aux écrits de Bernard Maris, auquel vous rendriez un bel hommage en le lisant...
Je les vois déjà, ceux qui vont venir nous abreuver de leurs innovations pédagogiques, souvent déjà éculées - cela fait 25 ans que je les subies -, mais évidemment propices à améliorer le Schmilblick : "socle commun", "évaluation bienveillante", "ECM" ou "EMC" (vous vous emmêlez les pinceaux, à moins que ce ne soit une coquille du Café Pédagogique), "approche par compétences"... Et alors ? Quand bien même ces "machins" marchent - ce qui me laisse dubitatif -, qu'est-ce que cela changera à la réalité socio-économique actuelle ? Au chômage et à la précarité qui touche 15% de la population active et leurs familles ?...
À la crise économique - ou plus exactement crise de l'emploi -, je n'ai pas de solution-miracle à proposer... Convenons plutôt que ça ne relève ni de moi ni de l'Éducation Nationale.
En revanche, pour l'école, j'ai quelques idées à vous soumettre...
Quand je vois des élèves en perdition car ils ont mal appris, qu'ils ne maîtrisent ni les bases du Français ni celles des mathématiques à la sortie du CP - le fameux : lire, écrire, compter -, qu'on a fait passer "car le redoublement est inefficace", j'ai honte... Oui, en tant qu'enseignant, j'ai honte pour le système auquel je participe... Et en tant qu'édile, au sommet de la pyramide Éducation Nationale, peut-être devriez-vous avoir davantage honte que moi, ne pensez-vous pas ? Car je ne suis qu'un petit, un sans-grade, qui s'évertue au quotidien d'éduquer, d'enseigner, d'instruire... D'essayer d'adapter dans mon enseignement des innovations et des réformes qui se succèdent à un rythme échevelé (le socle n°1 pas encore digéré, qu'on passe déjà au socle n°2)... Me coltinant chaque jour avec des injonctions dont certaines me semblent pour le moins inadaptées, déconnectées du réel, absurdes parfois jusqu'au loufoque, et tellement vaines.
En tant que professeur, je dis que nous sommes débiteurs devant ces élèves gâchés, que l'Éducation Nationale promène au collège, voire plus loin, jusqu'au dégoût... Ce sont souvent ces élèves gâchés que l'on trouve dans les 160 000 sorties sans diplômes, que l'on retrouve parmi les "sauvageons" et les candidats à la violence, que celle-ci porte les couleurs du Djihad ou de l'extrême-droite identitaire (que je ne confonds pas avec le FN, il y a largement pire quand on fouille dans la "fachosphère")...
Souvenez-vous, avant les tragiques attentats, on nous en a remis une couche sur la volonté de réduire les "redoublements inefficaces". Soit, je veux bien. Appelez ça autrement si vous voulez, peu me chaut, mais ne laissez aucun élève rentrer en CE1 sans avoir les bases nécessaires pour pouvoir poursuivre convenablement ses études. Car, quoi qu'on fasse, on aura bien du mal à développer le sens civique chez des illettrés qui, faute de compétences en ce domaine, pressentent très tôt qu'ils sont de ce fait condamnés à la relégation par le système scolaire d'abord, la société ensuite ! Voilà l'urgence...
Autre remarque concernant "l'approche par compétences", la "pédagogie actionnelle", "l'élève au centre du système", et tout ce qui va avec. En 25 ans de carrière, je n'ai jamais rencontré de prof de base qui soit convaincu de l'efficience de ces "machins théoriques pseudo-modernes"... Je soupçonne même que certains IEN-IA chargés de répandre la bonne parole pédagogique n'en sont pas eux-mêmes persuadés...
Mais je ne souhaite pas pour autant dériver mon propos en l'inscrivant dans le débat dogmatique entre "constructivistes" et "instructionnistes", d'autant plus que ce conflit sans fin verse souvent dans la caricature mutuelle et autres pirouettes rhétoriques.
Je préfère rester pragmatique, et me cantonner au terrain.
Et force m'est de constater que de vieilles lunes pédagogiques se ragaillardissent d'une nouvelle jeunesse avec les TICE, cette moderne panacée. En avant les élèves 2.0, enfin devenus "acteurs de leur apprentissage" en jouant avec leur munificente tablette. Développez vos "compétences"... Produisez dans la joie, puisque "produire" est le maître mot !
De savants esprits cacochymes (Liliane Lurçat, par exemple) ont beau avertir que l'introduction précoce des outils numériques n'est pas forcément une bonne chose chez les jeunes enfants déjà gavés d'écrans dans leur sphère privée, on ne tient guère compte de ces passéistes rétrogrades, voire réactionnaires ( ô injure suprême !)
Le numérique, c'est moderne, donc c'est forcément bien - merveilleuse pétition de principe -. Même si de nombreux profs de terrain désarçonnés se demandent que faire avec, ou n'en voient pas beaucoup l'intérêt dans leur discipline... Alors, en avant pour la gabegie financière ! Accompagnons dans l'allégresse nos élèves connectés sur le chemin de leur réussite ! Parce que les tenants de ces pédagogies actives 2.0 ne sont pas là pour "imposer leur savoir aux apprenants", non, ils les "accompagnent" simplement...
Il me semble que les tragiques événements récents témoignent assez du fait que les élèves les plus en difficultés ont besoin de références, de repères, de cadres et non d'accompagnateurs d'apprenants équipés de tablettes... En outre, comme une étude récente relayée sur le Café Pédagogique montre (enfin) que le nombre d'élèves par classe joue un rôle déterminant dans la réussite, je me dis que plutôt que d'acheter des tablettes numériques à tout-va, il serait peut-être plus judicieux de réduire la taille des classes pour favoriser la "pédagogie différenciée", afin de prendre en compte chaque élève et ses difficultés. Et comme beaucoup de choses se jouent au CP, c'est là que les moyens devraient être multipliés, pour que les professeurs des écoles puissent s'occuper individuellement de chacun. Face à des élèves en déshérence, il me semble que l'école aurait davantage besoin d'adultes que de tablettes.
On me rétorquera qu'il faut former les élèves au numérique, que "80% des emplois de demain seront numériques", une vérité révélée qui tourne actuellement sur le Net. N'étant pas doué en boule de cristal, j'ignore de quoi seront faits les emplois de demain, j'aimerais simplement pouvoir espérer qu'il y en aura 5 millions de plus pour résorber la ségrégation par le travail ! "I have a dream..." Au demeurant, j'observe que la technologie moderne est déjà bien en place dans nos vie quotidiennes : l'ouvreuse du cinéma flashe un QR code sur mon smartphone au lieu de me vendre un ticket, ce qui permet au passage de réduire le personnel aux guichets des cinémas... Est-ce pour cela qu'il est urgent de former au numérique ?... Sachant d'autant plus que la tablette, n'en déplaise à Monsieur le Président Hollande, est un outil beaucoup plus limité qu'un ordinateur... Mais elle a l'avantage d'être mobile et de développer l'agilité des doigts, c'est déjà ça !
Lorsque l'attrait de la nouveauté et l'aspect ludique du numérique se seront amoindris, est-ce qu'on aura contribué à résorber les inégalités et fait progresser le civisme ?... Je m'avoue sceptique.
Je vais m'arrêter là cher Monsieur Lussault (j'ai des préparations et des corrections qui m'attendent, ce modeste travail de base ayant hélas priorité sur mes réflexions), et je vous prie de m'excuser au passage d'avoir été si prolixe... Mais j'ose croire que vous me ferez crédit de reconnaître qu'il n'y a pas que dans vos hautes sphères qu'on pense à la réalité et au devenir de l'école. Sur le terrain aussi, on réfléchit, sans attendre les ressources Éduscol, M@gistère, ou je-ne-sais-quoi... Profs de base, nous sommes d'autant plus amenés à réfléchir dans l'urgence que nous prenons le réel dans la gueule, tous les jours, et depuis longtemps (ce que Mme la Ministre a réalisé tantôt dans son discours du 13/01, il y a plus de 20 ans que j'en suis conscient, mais personne n'a songé à me demander mon avis. Dommage !)
Profs de base, il nous incombe de réagir vite. Maintenant.
Vous avez noté que j'ai évité de (trop) m'immiscer dans le débat qui agite le Landerneau pédagogique depuis 30 ans : qui doit être au centre du système : l'élève, le savoir ou le professeur ?
En effet, je vous avoue que cette querelle byzantine, certes intéressante d'un point de vue théorique, ne me cause plus guère d'un point de vue pragmatique... L'élève, le savoir, le professeur, nous sommes tous les trois au centre de la même m... Et on se débrouille avec ça, en faisant du mieux qu'on peut !"
Cordialement.
Sur le forum du cahier pédagogique, réponse d'un enseignant à Michel Lussault.
L'interview de Lussault
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2015/01/14012015Article635568183764307972.aspx
Je retrouve pas mal de mes interrogations dans la réponse du collègue, que je cite ci-dessous:
- Notamment sur la cohérence des programmes, d'une réforme à l'autre...
Interrogations sur des questions qui sont autant une vulgate politiquement correcte que du contenu solide (Europe, en effet; développement durable, avec ses 3 jolis petits cercles).
- Le problème de l'emploi.
- Le problème des bases au sortir du primaire.
- Les lubies pédagogiques. Et encore, je pense que dans le secondaire, nous sommes moins soumis aux errements de la hiérarchie que dans le primaire...
Je ne rejette pas l'idée de bienveillance, mais j'aimerais qu'on parle aussi aux élèves du plaisir d'apprendre et du goût de l'effort. Qui l'a fait, parmi les ministres récents ?
La réponse du collègue, donc... C'est un peu long..
" Dans les précédents programme de BAC PRO, nous avions à traiter du fait religieux : on nous invitait à comparer les religions du Livre, ce qui était fécond avec des élèves d'origines et de cultures variées, qui méconnaissaient la parenté des 3 religions concernées... Avec la mise en place du BAC PRO 3 ans, ce thème a hélas disparu... Pour faire entre autres place à l'Europe, c'est-à-dire à une sorte de propagande pro-européenne, après le Traité de Lisbonne qui a bafoué le choix exprimé par les Français lors du référendum de 2005... Mais Monsieur Lussault, n'êtes-vous pas président du Conseil Supérieur des Programmes ?
Quant à l'école qui renforce les inégalités, cher Monsieur Lussault, les chiffres de novembre 2014 indiquent que le nombre de demandeurs d'emplois, toutes catégories A, B, et C confondues, s'établit à 5 478 600 personnes (Dom inclus), ce qui représente plus de 15% des actifs...
Source :http://www.journaldunet.com/economie/magazine/en-chiffres/chomeurs-en-france.shtml
Ne pensez-vous pas que les inégalités sociales s'expriment avant tout dans ce constat navrant ?...
Sans parler des phénomènes de ghettoïsation des pauvres comme des riches, mais pas dans les mêmes ghettos... Ce n'est pas l'école qui peut résorber cette relégation sociale. À moins d'être obtus, vous vous en doutez bien !
Je les entend déjà, ceux qui vont reprocher aux enseignants de terrain - dont je suis - de mal faire leur boulot, puisque 160 000 jeunes sortent chaque année sans diplôme du système scolaire... Pourtant, 77% d'élèves au Bac, on devrait en être fier, non ?... Et quand bien même on atteigne les 100%, puis 100% au niveau licence, et pourquoi pas 100% au niveau du Doctorat (je serai retraité d'ici là, ou relégué au placard à balais, moi qui ai été certifié avec une vulgaire licence), est-ce que cela changera quelque chose au fait que notre organisation économique libéral génère un "Lumpenproletariat" croissant ?...
L'intégration des 30 Glorieuses, ça a été une intégration par le travail, que du reste l'école de cette époque a accompagné... Le fameux ascenseur social fonctionnait alors - j'en suis un exemple -, car il y avait de l'emploi ! Ni plus, ni moins. Si vous en doutez, je vous renvoie aux écrits de Bernard Maris, auquel vous rendriez un bel hommage en le lisant...
Je les vois déjà, ceux qui vont venir nous abreuver de leurs innovations pédagogiques, souvent déjà éculées - cela fait 25 ans que je les subies -, mais évidemment propices à améliorer le Schmilblick : "socle commun", "évaluation bienveillante", "ECM" ou "EMC" (vous vous emmêlez les pinceaux, à moins que ce ne soit une coquille du Café Pédagogique), "approche par compétences"... Et alors ? Quand bien même ces "machins" marchent - ce qui me laisse dubitatif -, qu'est-ce que cela changera à la réalité socio-économique actuelle ? Au chômage et à la précarité qui touche 15% de la population active et leurs familles ?...
À la crise économique - ou plus exactement crise de l'emploi -, je n'ai pas de solution-miracle à proposer... Convenons plutôt que ça ne relève ni de moi ni de l'Éducation Nationale.
En revanche, pour l'école, j'ai quelques idées à vous soumettre...
Quand je vois des élèves en perdition car ils ont mal appris, qu'ils ne maîtrisent ni les bases du Français ni celles des mathématiques à la sortie du CP - le fameux : lire, écrire, compter -, qu'on a fait passer "car le redoublement est inefficace", j'ai honte... Oui, en tant qu'enseignant, j'ai honte pour le système auquel je participe... Et en tant qu'édile, au sommet de la pyramide Éducation Nationale, peut-être devriez-vous avoir davantage honte que moi, ne pensez-vous pas ? Car je ne suis qu'un petit, un sans-grade, qui s'évertue au quotidien d'éduquer, d'enseigner, d'instruire... D'essayer d'adapter dans mon enseignement des innovations et des réformes qui se succèdent à un rythme échevelé (le socle n°1 pas encore digéré, qu'on passe déjà au socle n°2)... Me coltinant chaque jour avec des injonctions dont certaines me semblent pour le moins inadaptées, déconnectées du réel, absurdes parfois jusqu'au loufoque, et tellement vaines.
En tant que professeur, je dis que nous sommes débiteurs devant ces élèves gâchés, que l'Éducation Nationale promène au collège, voire plus loin, jusqu'au dégoût... Ce sont souvent ces élèves gâchés que l'on trouve dans les 160 000 sorties sans diplômes, que l'on retrouve parmi les "sauvageons" et les candidats à la violence, que celle-ci porte les couleurs du Djihad ou de l'extrême-droite identitaire (que je ne confonds pas avec le FN, il y a largement pire quand on fouille dans la "fachosphère")...
Souvenez-vous, avant les tragiques attentats, on nous en a remis une couche sur la volonté de réduire les "redoublements inefficaces". Soit, je veux bien. Appelez ça autrement si vous voulez, peu me chaut, mais ne laissez aucun élève rentrer en CE1 sans avoir les bases nécessaires pour pouvoir poursuivre convenablement ses études. Car, quoi qu'on fasse, on aura bien du mal à développer le sens civique chez des illettrés qui, faute de compétences en ce domaine, pressentent très tôt qu'ils sont de ce fait condamnés à la relégation par le système scolaire d'abord, la société ensuite ! Voilà l'urgence...
Autre remarque concernant "l'approche par compétences", la "pédagogie actionnelle", "l'élève au centre du système", et tout ce qui va avec. En 25 ans de carrière, je n'ai jamais rencontré de prof de base qui soit convaincu de l'efficience de ces "machins théoriques pseudo-modernes"... Je soupçonne même que certains IEN-IA chargés de répandre la bonne parole pédagogique n'en sont pas eux-mêmes persuadés...
Mais je ne souhaite pas pour autant dériver mon propos en l'inscrivant dans le débat dogmatique entre "constructivistes" et "instructionnistes", d'autant plus que ce conflit sans fin verse souvent dans la caricature mutuelle et autres pirouettes rhétoriques.
Je préfère rester pragmatique, et me cantonner au terrain.
Et force m'est de constater que de vieilles lunes pédagogiques se ragaillardissent d'une nouvelle jeunesse avec les TICE, cette moderne panacée. En avant les élèves 2.0, enfin devenus "acteurs de leur apprentissage" en jouant avec leur munificente tablette. Développez vos "compétences"... Produisez dans la joie, puisque "produire" est le maître mot !
De savants esprits cacochymes (Liliane Lurçat, par exemple) ont beau avertir que l'introduction précoce des outils numériques n'est pas forcément une bonne chose chez les jeunes enfants déjà gavés d'écrans dans leur sphère privée, on ne tient guère compte de ces passéistes rétrogrades, voire réactionnaires ( ô injure suprême !)
Le numérique, c'est moderne, donc c'est forcément bien - merveilleuse pétition de principe -. Même si de nombreux profs de terrain désarçonnés se demandent que faire avec, ou n'en voient pas beaucoup l'intérêt dans leur discipline... Alors, en avant pour la gabegie financière ! Accompagnons dans l'allégresse nos élèves connectés sur le chemin de leur réussite ! Parce que les tenants de ces pédagogies actives 2.0 ne sont pas là pour "imposer leur savoir aux apprenants", non, ils les "accompagnent" simplement...
Il me semble que les tragiques événements récents témoignent assez du fait que les élèves les plus en difficultés ont besoin de références, de repères, de cadres et non d'accompagnateurs d'apprenants équipés de tablettes... En outre, comme une étude récente relayée sur le Café Pédagogique montre (enfin) que le nombre d'élèves par classe joue un rôle déterminant dans la réussite, je me dis que plutôt que d'acheter des tablettes numériques à tout-va, il serait peut-être plus judicieux de réduire la taille des classes pour favoriser la "pédagogie différenciée", afin de prendre en compte chaque élève et ses difficultés. Et comme beaucoup de choses se jouent au CP, c'est là que les moyens devraient être multipliés, pour que les professeurs des écoles puissent s'occuper individuellement de chacun. Face à des élèves en déshérence, il me semble que l'école aurait davantage besoin d'adultes que de tablettes.
On me rétorquera qu'il faut former les élèves au numérique, que "80% des emplois de demain seront numériques", une vérité révélée qui tourne actuellement sur le Net. N'étant pas doué en boule de cristal, j'ignore de quoi seront faits les emplois de demain, j'aimerais simplement pouvoir espérer qu'il y en aura 5 millions de plus pour résorber la ségrégation par le travail ! "I have a dream..." Au demeurant, j'observe que la technologie moderne est déjà bien en place dans nos vie quotidiennes : l'ouvreuse du cinéma flashe un QR code sur mon smartphone au lieu de me vendre un ticket, ce qui permet au passage de réduire le personnel aux guichets des cinémas... Est-ce pour cela qu'il est urgent de former au numérique ?... Sachant d'autant plus que la tablette, n'en déplaise à Monsieur le Président Hollande, est un outil beaucoup plus limité qu'un ordinateur... Mais elle a l'avantage d'être mobile et de développer l'agilité des doigts, c'est déjà ça !
Lorsque l'attrait de la nouveauté et l'aspect ludique du numérique se seront amoindris, est-ce qu'on aura contribué à résorber les inégalités et fait progresser le civisme ?... Je m'avoue sceptique.
Je vais m'arrêter là cher Monsieur Lussault (j'ai des préparations et des corrections qui m'attendent, ce modeste travail de base ayant hélas priorité sur mes réflexions), et je vous prie de m'excuser au passage d'avoir été si prolixe... Mais j'ose croire que vous me ferez crédit de reconnaître qu'il n'y a pas que dans vos hautes sphères qu'on pense à la réalité et au devenir de l'école. Sur le terrain aussi, on réfléchit, sans attendre les ressources Éduscol, M@gistère, ou je-ne-sais-quoi... Profs de base, nous sommes d'autant plus amenés à réfléchir dans l'urgence que nous prenons le réel dans la gueule, tous les jours, et depuis longtemps (ce que Mme la Ministre a réalisé tantôt dans son discours du 13/01, il y a plus de 20 ans que j'en suis conscient, mais personne n'a songé à me demander mon avis. Dommage !)
Profs de base, il nous incombe de réagir vite. Maintenant.
Vous avez noté que j'ai évité de (trop) m'immiscer dans le débat qui agite le Landerneau pédagogique depuis 30 ans : qui doit être au centre du système : l'élève, le savoir ou le professeur ?
En effet, je vous avoue que cette querelle byzantine, certes intéressante d'un point de vue théorique, ne me cause plus guère d'un point de vue pragmatique... L'élève, le savoir, le professeur, nous sommes tous les trois au centre de la même m... Et on se débrouille avec ça, en faisant du mieux qu'on peut !"
Cordialement.
_________________
"Tu verras bien qu'il n'y aura pas que moi, assise par terre comme ça.."
- RendashBon génie
J'aime beaucoup la fin :
"qui doit être au centre du système : l'élève, le savoir ou le professeur ?
En effet, je vous avoue que cette querelle byzantine, certes intéressante d'un point de vue théorique, ne me cause plus guère d'un point de vue pragmatique... L'élève, le savoir, le professeur, nous sommes tous les trois au centre de la même m... Et on se débrouille avec ça, en faisant du mieux qu'on peut !""
"qui doit être au centre du système : l'élève, le savoir ou le professeur ?
En effet, je vous avoue que cette querelle byzantine, certes intéressante d'un point de vue théorique, ne me cause plus guère d'un point de vue pragmatique... L'élève, le savoir, le professeur, nous sommes tous les trois au centre de la même m... Et on se débrouille avec ça, en faisant du mieux qu'on peut !""
_________________
"Ce serait un bien bel homme s’il n’était pas laid ; il est grand, bâti en Hercule, mais a un teint africain ; des yeux vifs, pleins d’esprit à la vérité, mais qui annoncent toujours la susceptibilité, l’inquiétude ou la rancune, lui donnent un peu l’air féroce, plus facile à être mis en colère qu’en gaieté. Il rit peu, mais il fait rire. [...] Il est sensible et reconnaissant ; mais pour peu qu’on lui déplaise, il est méchant, hargneux et détestable."
- ElyasEsprit sacré
Honchamp a écrit:Bonsoir
Sur le forum du cahier pédagogique, réponse d'un enseignant à Michel Lussault.
L'interview de Lussault
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2015/01/14012015Article635568183764307972.aspx
Tu te mélanges les pinceaux. L'interview est sur le Café pédagogique, pas dans les Cahiers pédagogiques.
- HonchampDoyen
Bonjour
Tu as raison Elyas, je me suis trompée. C'est bien sur le Café Pédagogique, dont je reçois, comme beaucoup, "L'expresso" tous les jours dans ma boîte mail.
Je suis désolée de cette confusion avec les cahiers pédagogiques.
J'ai connu des pédagogues qui auraient appelé ça une "erreur intelligente". .
Car il y a tout de même un lien, de nom, mais pas que.
Cordialement.
Tu as raison Elyas, je me suis trompée. C'est bien sur le Café Pédagogique, dont je reçois, comme beaucoup, "L'expresso" tous les jours dans ma boîte mail.
Je suis désolée de cette confusion avec les cahiers pédagogiques.
J'ai connu des pédagogues qui auraient appelé ça une "erreur intelligente". .
Car il y a tout de même un lien, de nom, mais pas que.
Cordialement.
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"Tu verras bien qu'il n'y aura pas que moi, assise par terre comme ça.."
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