- LombalgiaNiveau 10
Bonjour,
La fille d'une amie doit étudier la question du langage dans les livres III, IV et X de la République de Platon.
Elle a du mal à voir en quoi il y est question de langage.
On y a jeté un coup d'oeil et on n'a pas su l'aider, on n'est pas prof de philo.
Avant de chercher plus avant sur le net ou ailleurs, pouvez-vous lui donner quelques indications simples ?
Par avance merci
La fille d'une amie doit étudier la question du langage dans les livres III, IV et X de la République de Platon.
Elle a du mal à voir en quoi il y est question de langage.
On y a jeté un coup d'oeil et on n'a pas su l'aider, on n'est pas prof de philo.
Avant de chercher plus avant sur le net ou ailleurs, pouvez-vous lui donner quelques indications simples ?
Par avance merci
- RuthvenGuide spirituel
Pourrais-tu donner le contexte de cette demande pour que l'on puisse cerner ce qui est attendu (du type niveau, ou nature du cours) ?
Si cela avait été II, III et X, c'est sans doute un usage particulier du langage dont il aurait été question, la poésie, mais la présence du livre IV m'intrigue.
Si cela avait été II, III et X, c'est sans doute un usage particulier du langage dont il aurait été question, la poésie, mais la présence du livre IV m'intrigue.
- wolmarNiveau 1
Le langage dans la République, c'est vrai que ce n'est pas la notion qui vient de suite à l'esprit. Cela dit, il existe en effet une vraie réflexion sur ce thème, sous certains angles cependant : pour faire vite (car la question pourrait être très largement creusée), au Livre III Platon se demande quel langage tenir aux gardiens alors enfants, qu'il va s'agir d'éduquer au mieux.
L'enjeu est le suivant : depuis le livre II, Socrate cherche à concevoir en pensée une cité, sinon idéale, du moins débarrassée du maximum de vices, en reprenant sa réflexion depuis le début de ce qu'est une cité (un rassemblement d'hommes qui coopèrent et s'entraident par leurs compétences respectives). La réflexion s'étend, jusqu'à penser la nécessité de gardiens pour la cité. Mais ces gardiens doivent avoir un comportement d'une droiture totale pour bien accomplir leur mission. Il ne faut donc pas du tout les corrompre par quoi que ce soit, y compris de mauvais exemples.
Quid du langage ? Eh bien justement, il faut leur raconter, enfants, des histoires (la mythologie, alors remaniée et débarrassée des exemples de dieux non vertueux) ; il faut revoir tout son langage et se rendre compte de son pouvoir dévastateur ou formateur. Il y a d'ailleurs chez Platon une conception orphique du langage (qu'on retrouve dans le Cratyle) : cela veut dire que le langage est considéré comme ayant un pouvoir concret sur les choses (comme Orphée qui chantait et faisait s'animer la nature). Le langage n'est pas arbitraire et badin : pour forcer le trait, le mot est un sort. Prononcer, c'est presque incanter.
Ainsi, nos gardiens doivent entendre des histoires pour les former (par conséquent, le langage n'est pas qu'un danger, mais une faculté très puissante et souvent non reconnue comme telle car d'apparence sans effet sur le monde sensible. En réalité, elle informe, ou déforme, l'âme). Il faut ainsi que le législateur veille à ce que les histoires racontées ne comportent aucune trace de comportement dépravé ou vicieux (pourtant nombreuses dans la mythologie), car le langage (c'est un autre aspect) invite à l'imitation. C'est une sorte de charme : à la fois charme magique sur le monde et sur l'âme, et qui peut la pétrir à sa manière surtout chez les plus jeunes, encore malléables. Pour le livre III, lire au moins le passage en 392b sur cela (et autour, avant et après).
Au livre IV, c'est l'éducation qui, notamment, est l'objet des débats : lire 424a b. L'éducation des gardiens passe par la musique et la gymnastique. Ce sont comme deux polarités qui "tendent" l'âme des gardiens de façon à obtenir une juste mesure ; la musique pour la douceur et la sensibilité, la gymnastique pour la robustesse et l'âpreté physique (attention !! Le texte est très fin, et en définitive, même dans la musique le gardien apprend la rudesse et dans la gymnastique la douceur... Je caricature donc un peu pour faire comprendre). La musique, ce n'est pas le seul art mélodique, ce sont en fait les arts de Muses (poésie, art lyrique, musique etc.).
Extrait :
424c on n'imagine peut-être que le poète veut parler, non d'airs nouveaux, mais d'une nouvelle manière de chanter, et qu'on n'en fasse l'éloge. Or il ne faut ni louer ni admettre une telle interprétation, car il est à redouter que le passage à un nouveau genre musical ne mette tout en danger. Jamais, en effet, on ne porte atteinte aux formes de la musique sans ébranler les plus grandes lois des cités, comme dit Damon, et je le crois (11).
Compte-moi aussi, dit Adimante, parmi ceux qui le croient.
424d Donc c'est là, ce semble, dans la musique, que les gardiens doivent édifier leur corps de garde.
Certes, le mépris des lois s'y glisse facilement sans qu'on s'en aperçoive.
Oui, sous forme de jeu, et comme s'il ne faisait aucun mal.
Et réellement, reprit-il, il ne fait rien d'autre que s'introduire peu à peu et s'infiltrer doucement dans les moeurs et dans les usages; de là, il sort plus fort et passe dans les relations sociales; puis, des relations sociales il marche vers les lois et les constitutions avec 424e beaucoup d'insolence, Socrate, jusqu'à ce qu'enfin il bouleverse tout chez les particuliers et dans l'État (12).
Soit, dis-je; en est-il vraiment ainsi?
Il me le semble.
Par conséquent, comme nous le disions en commençant, ne faut-il pas que nos enfants participent à des jeux plus légitimes? Si leurs jeux sont déréglés, eux le seront aussi, et il ne se peut qu'ils deviennent, en grandissant 425, des hommes soumis aux lois et vertueux.
Sans doute.
Lors donc que les enfants jouent honnêtement dès le début, l'ordre, au moyen de la musique, pénètre en eux, et, au rebours de ce qui arrive dans le cas que tu citais, il les accompagne partout, accroît leur force, et redresse dans la cité ce qui peut s'y trouver en déclin.
C'est vrai, dit-il.
Et ils retrouvent ces règlements qui paraissent de peu d'importance et que leurs prédécesseurs avaient laissé tomber en désuétude.
Lesquels?
Ceux qui ordonnent aux jeunes gens de garder le silence quand il convient en présence des vieillards, de les 425b aider à s'asseoir, de se lever pour leur faire place, d'entourer ses parents de soins - et ceux qui concernent la coupe des cheveux, les vêtements, les chaussures, la tenue extérieure du corps et autres choses semblables (13). Ne crois-tu pas qu'ils retrouveront ces règlements?
Je le crois.
Mais à mon avis il serait simpliste de légiférer sur ces sujets, car les ordonnances prises, orales ou écrites, n'auraient point d'effet et ne pourraient être maintenues.
Comment le seraient-elles?
Ce qui paraît sûr, Adimante, repris-je, c'est que l'élan donné par l'éducation détermine tout ce qui suit.
J'ai souligné dans ce passage ce qui peut renvoyer à la place du langage. Le texte est très riche et profond, comme toujours chez Platon.
Il y aurait d'autres passages encore, mais le début du livre IV est une suite du livre III sur ce sujet.
Pour le livre X, je laisse mes collègues vous aider, je pense avoir suffisamment imposé mon pavé !
L'enjeu est le suivant : depuis le livre II, Socrate cherche à concevoir en pensée une cité, sinon idéale, du moins débarrassée du maximum de vices, en reprenant sa réflexion depuis le début de ce qu'est une cité (un rassemblement d'hommes qui coopèrent et s'entraident par leurs compétences respectives). La réflexion s'étend, jusqu'à penser la nécessité de gardiens pour la cité. Mais ces gardiens doivent avoir un comportement d'une droiture totale pour bien accomplir leur mission. Il ne faut donc pas du tout les corrompre par quoi que ce soit, y compris de mauvais exemples.
Quid du langage ? Eh bien justement, il faut leur raconter, enfants, des histoires (la mythologie, alors remaniée et débarrassée des exemples de dieux non vertueux) ; il faut revoir tout son langage et se rendre compte de son pouvoir dévastateur ou formateur. Il y a d'ailleurs chez Platon une conception orphique du langage (qu'on retrouve dans le Cratyle) : cela veut dire que le langage est considéré comme ayant un pouvoir concret sur les choses (comme Orphée qui chantait et faisait s'animer la nature). Le langage n'est pas arbitraire et badin : pour forcer le trait, le mot est un sort. Prononcer, c'est presque incanter.
Ainsi, nos gardiens doivent entendre des histoires pour les former (par conséquent, le langage n'est pas qu'un danger, mais une faculté très puissante et souvent non reconnue comme telle car d'apparence sans effet sur le monde sensible. En réalité, elle informe, ou déforme, l'âme). Il faut ainsi que le législateur veille à ce que les histoires racontées ne comportent aucune trace de comportement dépravé ou vicieux (pourtant nombreuses dans la mythologie), car le langage (c'est un autre aspect) invite à l'imitation. C'est une sorte de charme : à la fois charme magique sur le monde et sur l'âme, et qui peut la pétrir à sa manière surtout chez les plus jeunes, encore malléables. Pour le livre III, lire au moins le passage en 392b sur cela (et autour, avant et après).
Au livre IV, c'est l'éducation qui, notamment, est l'objet des débats : lire 424a b. L'éducation des gardiens passe par la musique et la gymnastique. Ce sont comme deux polarités qui "tendent" l'âme des gardiens de façon à obtenir une juste mesure ; la musique pour la douceur et la sensibilité, la gymnastique pour la robustesse et l'âpreté physique (attention !! Le texte est très fin, et en définitive, même dans la musique le gardien apprend la rudesse et dans la gymnastique la douceur... Je caricature donc un peu pour faire comprendre). La musique, ce n'est pas le seul art mélodique, ce sont en fait les arts de Muses (poésie, art lyrique, musique etc.).
Extrait :
424c on n'imagine peut-être que le poète veut parler, non d'airs nouveaux, mais d'une nouvelle manière de chanter, et qu'on n'en fasse l'éloge. Or il ne faut ni louer ni admettre une telle interprétation, car il est à redouter que le passage à un nouveau genre musical ne mette tout en danger. Jamais, en effet, on ne porte atteinte aux formes de la musique sans ébranler les plus grandes lois des cités, comme dit Damon, et je le crois (11).
Compte-moi aussi, dit Adimante, parmi ceux qui le croient.
424d Donc c'est là, ce semble, dans la musique, que les gardiens doivent édifier leur corps de garde.
Certes, le mépris des lois s'y glisse facilement sans qu'on s'en aperçoive.
Oui, sous forme de jeu, et comme s'il ne faisait aucun mal.
Et réellement, reprit-il, il ne fait rien d'autre que s'introduire peu à peu et s'infiltrer doucement dans les moeurs et dans les usages; de là, il sort plus fort et passe dans les relations sociales; puis, des relations sociales il marche vers les lois et les constitutions avec 424e beaucoup d'insolence, Socrate, jusqu'à ce qu'enfin il bouleverse tout chez les particuliers et dans l'État (12).
Soit, dis-je; en est-il vraiment ainsi?
Il me le semble.
Par conséquent, comme nous le disions en commençant, ne faut-il pas que nos enfants participent à des jeux plus légitimes? Si leurs jeux sont déréglés, eux le seront aussi, et il ne se peut qu'ils deviennent, en grandissant 425, des hommes soumis aux lois et vertueux.
Sans doute.
Lors donc que les enfants jouent honnêtement dès le début, l'ordre, au moyen de la musique, pénètre en eux, et, au rebours de ce qui arrive dans le cas que tu citais, il les accompagne partout, accroît leur force, et redresse dans la cité ce qui peut s'y trouver en déclin.
C'est vrai, dit-il.
Et ils retrouvent ces règlements qui paraissent de peu d'importance et que leurs prédécesseurs avaient laissé tomber en désuétude.
Lesquels?
Ceux qui ordonnent aux jeunes gens de garder le silence quand il convient en présence des vieillards, de les 425b aider à s'asseoir, de se lever pour leur faire place, d'entourer ses parents de soins - et ceux qui concernent la coupe des cheveux, les vêtements, les chaussures, la tenue extérieure du corps et autres choses semblables (13). Ne crois-tu pas qu'ils retrouveront ces règlements?
Je le crois.
Mais à mon avis il serait simpliste de légiférer sur ces sujets, car les ordonnances prises, orales ou écrites, n'auraient point d'effet et ne pourraient être maintenues.
Comment le seraient-elles?
Ce qui paraît sûr, Adimante, repris-je, c'est que l'élan donné par l'éducation détermine tout ce qui suit.
J'ai souligné dans ce passage ce qui peut renvoyer à la place du langage. Le texte est très riche et profond, comme toujours chez Platon.
Il y aurait d'autres passages encore, mais le début du livre IV est une suite du livre III sur ce sujet.
Pour le livre X, je laisse mes collègues vous aider, je pense avoir suffisamment imposé mon pavé !
- LombalgiaNiveau 10
Merci beaucoup Wolmart pour ces explications très claires et déjà détaillées. Je transmets.
Pour le contexte je n'ai plus le détail.
Pour le contexte je n'ai plus le détail.
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