- ParménideNeoprof expérimenté
Face à la persistance de mes problèmes en matière de méthode de commentaire, et surtout, de lecture des textes, je suis obligé de relancer cette ancienne discussion. La bonne méthode est difficile à trouver. Pourtant ça fait plusieurs fois que mon correcteur me dit que la méthode est au point, curieusement. J'ai relu dernièrement les comptes rendus qu'il m'avait envoyés concernant les deux anciennes copies de concours sur Sénèque et sur Pascal.
Ce sur quoi il met avant tout l'accent c'est le manque d'interrogation du texte et le manque de remise en perspective dans l'histoire de la philosophie :
PY : si je dois interroger d'avantage les textes et les replacer d'avantage dans l'histoire de la philosophie, comment cela doit-il se pratiquer? Je ne suis pas à l'aise à l'idée de retourner les textes contre leurs auteurs. Et s'il faut interroger les textes et les replacer dans l'histoire de la philosophie, faut-il le faire dans le développement ou en conclusion?
Ce sur quoi il met avant tout l'accent c'est le manque d'interrogation du texte et le manque de remise en perspective dans l'histoire de la philosophie :
- Spoiler:
- Au Capes, j’aurais mis exactement la même note (8). Car le texte est à l’évidence compris : aucun contresens. Vous avez en particulier vu un tournant essentiel du texte, dans la deuxième partie, quand Pascal, après avoir défini par la raison, affirme que le progrès des sciences est rendu possible par la mémoire. Tout au plus on pourrait vous reprocher de n’avoir pas suffisamment questionné ces deux définitions de l’homme que donne Pascal dans le texte : le propre de l’homme c’est la raison et la mémoire. Quel rapport y a-t-il entre les deux ? La mémoire est-elle une caractéristique plus essentielle encore de l’homme, qui rend possible la raison ? Ou bien la raison et la mémoire sont-elles une seule et même chose ? (on pourrait argumenter en ce sens en affirmant que le raisonnement est discursif, pas intuitif, qu’il suppose donc un acte de mémoire, une rétention des étapes antérieures de l’argumentation et une anticipation des étapes ultérieures : mémoire et raison seraient alors indissociables).
Pourquoi pas davantage que 8 ? Parce que le texte n’est pas suffisamment situé dans l’histoire de la philosophie et questionné. Je crois que vous auriez pu
1) souligner davantage dans votre introduction que l’enjeu essentiel du texte n’est pas la définition de l’homme, mais que Pascal engage une réflexion sur l’essence de l’homme pour traiter une question qui se pose à l’époque, et qui n’apparaît qu’à la fin du texte : quelle doit être notre attitude envers les Anciens, envers le savoir qu’ils nous ont légué (plus précisément : doit-on, parce qu’Aristote a dit que « la nature a horreur du vide », le suivre sur ce point et renoncer à la théorie selon laquelle le vide existe ? - théorie que Pascal a mise au point à la suite de la célèbre expérience de Torricelli).
2) souligner davantage, à la fin du devoir, la nouveauté de cette théorie pascalienne du progrès des sciences (qui ouvre la voie, bien sûr, aux théories du progrès des Lumières et à des théories comme celles de Comte, qui vous citez). Il aurait fallu rappeler que les Grecs n’avaient pas l’idée d’un savoir progressant à l’infini (parallèlement, leur univers était un cosmos fini et non un univers doublement infini comme celui de Pascal) : voir la cosmologie de Platon dans le Timée, par exemple. Rappeler aussi que c’est le christianisme qui a ruiné cette idée grecque d’un savoir fini, par sa conception du temps linéaire (eschatologique) : on le voit bien quand Pascal écrit que « l’homme n’est produit que pour l’infinité ». On aurait pu aussi montrer que Pascal va peut-être plus loin que cette idée chrétienne, puisque que son progrès des sciences semble vraiment infini et non orienté vers un état final, certes très éloigné mais constituant le telos de l’histoire (la résurrection)… Il y a quelque chose de très moderne dans ce concept pascalien d’un progrès des sciences à l’infini sans telos, d’un progrès simplement cumulatif à l’infini.
3) il aurait été possible de questionner davantage cette conception du progrès des sciences à la fois continuiste, unidirectionnel et infini. De nombreux philosophes, au XXe siècle, ont insisté au contraire sur la discontinuité de l’histoire des sciences (les ruptures épistémologiques chez Bachelard, les paradigmes de Kühn, les epistémè de Foucault), sur le caractère multidirectionnel du progrès des idées … Bref, la conception de Pascal (l’histoire des sciences comme progrès continu, unidirectionnel et infini) est loin d’être la seule possible. Je crois qu’on s’attendait, au Capes, à ce que vous mobilisiez votre culture en matière de philosophie de l’histoire et de philosophie des sciences pour questionner cette conception moderne, mais peut-être pas contemporaine, du progrès.
- Spoiler:
- Même remarques que pour le devoir sur Pascal : j’aurais mis 8. Car le texte est très bien compris : pas de contresens, seulement quelques détails à revoir et un point sur lequel il faudrait insister davantage.
Les détails à revoir, mineurs : à la page 1, il faudrait préciser en quel sens vous parlez de la contingence de la nature, car vous montrez bien dans la suite que la conception de Sénèque est déterministe et finaliste (sans doute voulez-vous dire que le sort qui échoie à chacun n’est pas le même, même si nous sommes tous esclaves) ; à la page 3, le mot démocratique ne convient pas, mais l’idée est juste : pour Sénèque, la condition est la même pour tous, malgré la diversité du sort qui nous échoie : maîtres et esclaves sont logés à la même enseigne, et cette enseigne est celle de l’esclavage à l’égard de la nature (« toute vie est esclavage »). Vous avez raison de souligner cet aspect, l’universalisme de Sénèque (qu’on retrouve à la même époque chez les chrétiens, quand Paul déclare qu’il n’y a « ni homme ni femme, ni esclave ni maître, ni Juif ni Grecs », mais il écrit cela pour souligner, à la différence de Sénèque, que nous sommes tous « fils de Dieu »).
Le seul point sur lequel je crois qu’il aurait fallu insister davantage est l’articulation, à la fin du texte, de la liberté et de la nature. La nature finalisée a bien prévu le remède (l’habitude) mais cela ne signifie pas que l’homme va voir sa douleur spontanément diminuée par l’habitude. Sinon il n’y aurait évidemment pas besoin d’exhorter l’homme (toute la fin du texte est une exhortation : « il faut donc s’accoutumer »). Comme vous l’avez bien dit, la nature ne détermine pas l’usage que nous ferons de nos représentations (l’usage que nous faisons des souffrances que nous ressentons face aux coups de la fortune). La nature a donc créé l’homme libre de faire usage ou non du remède qu’elle fournit (l’habitude) (en ce sens, il y a bien une contingence dans la nature, c’est peut-être cela que vous voulez dire à la page 1). Il aurait fallu préciser cette articulation entre nature et liberté : la nature nous dote du remède (l’habitude) et du moyen de la mettre en œuvre (la raison). Il y a quelque chose d’étrange et de paradoxal que vous auriez pu souligner : quand on parle de l’habitude, en règle générale, c’est pour dire qu’elle agit sans nous demander notre avis (on finit par s’habituer, comme on dit). Ici, au contraire, il y a une injonction paradoxale : « il faut s’accoutumer » ! L’habitude n’a donc rien de spontanée…
Enfin, il aurait été possible de signaler qu’il y a d’autres conceptions possibles de la nature et de la liberté, de manière à mieux faire saisir l’originalité de la perspective de Sénèque. Toute conception de la liberté n’est pas rationaliste, comme celle de Sénèque (pensez à Bergson, par exemple). Toute conception de la liberté ne consiste pas à mettre en œuvre un remède que la nature a prévu pour nous (il y a des conceptions de la liberté, comme celle de Kant, où la liberté consiste à aller contre la nature, celle des inclinations, pour construire un « règne des fins » qui tendanciellement échappe à la nature). On pourrait aussi essayer de confronter la conception de Sénèque et notre conception moderne de la nature. Pour nous, la nature n’est plus finalisée, elle n’a rien prévu pour remédier aux maux qu’elle nous inflige… D’où une conception plus tragique de l’existence, souvent, dans nos sociétés (la souffrance et la mort sont pensés comme non surmontables). On pourrait au contraire estimer qu’il y a une grande vérité dans ce texte, qu’il réussit à montrer qu’il y a une part de notre existence qui ne dépend pas de nous, inévitablement (les coups de la fortune), mais qu’il y a malgré tout une liberté (faire usage de nos représentations), liberté qui est aidée par la nature (par le mécanisme de l’habitude). On peut fort bien trouver cette position de Sénèque plus pertinente que d’autres (révolte contre la souffrance, ou bien tentative bouddhiste de l’éliminer totalement par le détachement, etc.).
Bref, la fin du devoir pourrait faire preuve de davantage de culture philosophique sur ce problème et aussi être plus personnelle : Adhérez-vous personnellement à la solution de Sénèque ? Pensez-vous que l’on peut dépasser la souffrance ? De la même manière que Sénèque ? (par un acte libre mettant en œuvre le remède prévu par la nature). D’une autre manière ?
PY : si je dois interroger d'avantage les textes et les replacer d'avantage dans l'histoire de la philosophie, comment cela doit-il se pratiquer? Je ne suis pas à l'aise à l'idée de retourner les textes contre leurs auteurs. Et s'il faut interroger les textes et les replacer dans l'histoire de la philosophie, faut-il le faire dans le développement ou en conclusion?
- User17706Bon génie
J'ai l'impression que la lettre des consignes / conseils brouille leur esprit.
Qu'il faille « interroger les textes », c'est la définition même de l'exercice. On ne comprend bien qu'un texte avec lequel on se bat. Il n'y a pas d'endroit de la copie où il faudrait le faire plutôt qu'à un autre : j'ai envie de répondre partout.
Il n'y a pas de « problème de méthode », à mon avis. Il y a une mythologie de la méthode. Il y a aussi une petite tendance à ne pas se surveiller : quand un étudiant me dit « je suis obligé... » alors que de toute évidence il n'y a pas d'obligation, il a une tape sur les doigts.
Qu'il faille « interroger les textes », c'est la définition même de l'exercice. On ne comprend bien qu'un texte avec lequel on se bat. Il n'y a pas d'endroit de la copie où il faudrait le faire plutôt qu'à un autre : j'ai envie de répondre partout.
Il n'y a pas de « problème de méthode », à mon avis. Il y a une mythologie de la méthode. Il y a aussi une petite tendance à ne pas se surveiller : quand un étudiant me dit « je suis obligé... » alors que de toute évidence il n'y a pas d'obligation, il a une tape sur les doigts.
- ParménideNeoprof expérimenté
PauvreYorick a écrit:J'ai l'impression que la lettre des consignes / conseils brouille leur esprit.
Qu'il faille « interroger les textes », c'est la définition même de l'exercice. On ne comprend bien qu'un texte avec lequel on se bat. Il n'y a pas d'endroit de la copie où il faudrait le faire plutôt qu'à un autre : j'ai envie de répondre partout.
Il n'y a pas de « problème de méthode », à mon avis. Il y a une mythologie de la méthode. Il y a aussi une petite tendance à ne pas se surveiller : quand un étudiant me dit « je suis obligé... » alors que de toute évidence il n'y a pas d'obligation, il a une tape sur les doigts.
Il y a quand même l'obligation de ne pas écrire une explication de texte chaotique sans structure et sans problématique, ni rien...
Donc il est hors de question d'interroger le texte uniquement en conclusion, ou bien de rédiger une partie du devoir dévolue uniquement à l'interrogation du texte?
Et pour replacer dans l'histoire de la philosophie, comment ça se passe?
Tu es quand même d'accord avec les conseils qui me sont donnés?
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"Les paroles essentielles sont des actions qui se produisent en ces instants décisifs où l'éclair d'une illumination splendide traverse la totalité d'un monde", Martin Heidegger, "Schelling", (semestre d'été 1936)
"Et d'une brûlure d'ail naitra peut-être un soir l'étincelle du génie", Saint-John Perse, "Sécheresse" (1974)
"Il avait dit cela d'un air fatigué et royal", Franz-Olivier Giesbert, "Le vieil homme et la mort" (1996)
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- User17706Bon génie
Qu'est-ce que tu appelles « interroger le texte » ?
- ParménideNeoprof expérimenté
PauvreYorick a écrit:Qu'est-ce que tu appelles « interroger le texte » ?
C'est mon correcteur qui écrit dans l'un des compte-rendus ci-dessus que le texte n'est pas assez "questionné". J'en reparlerai avec lui mais ça peut avoir deux sens, celui d'explication au sens où on l'entend habituellement, et celui d'interrogation en un sens plus critique, c'est à dire le fait de remettre en question la position de l'auteur. C'est quelque chose de délicat à faire vu qu'on ne peut vraiment contester que ce qu'on a compris en profondeur.
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- User17706Bon génie
Tu as tort de penser que ces deux sens sont si différents. De même, « critique » ne signifie pas contestation. On peut avoir une lecture critique serrée d'un texte auquel on laisse sur tous les points le dernier mot. (C'est même habituellement à cela que ressemblent les très bonnes explications.)
En explication comme en dissertation, le péché capital est de passer les difficultés sous silence.
En explication comme en dissertation, le péché capital est de passer les difficultés sous silence.
- ParménideNeoprof expérimenté
PauvreYorick a écrit:Tu as tort de penser que ces deux sens sont si différents. De même, « critique » ne signifie pas contestation. On peut avoir une lecture critique serrée d'un texte auquel on laisse sur tous les points le dernier mot. (C'est même habituellement à cela que ressemblent les très bonnes explications.)
Je pars de toute façon du principe que, se faire l'avocat de l'auteur est toujours, par défaut, la meilleure attitude à adopter. Je ne serais pas à l'aise à l'idée d'écrire que ce que dit l'auteur est contestable.
C'est bizarre quand même que mon correcteur confirme des notes assez basses tout en repérant beaucoup de choses positives... :shock:
PauvreYorick a écrit:
En explication comme en dissertation, le péché capital est de passer les difficultés sous silence.
Je sais mais ce n'est pas pour autant qu'on va repérer les difficultés en question. Et de toute façon, est ce que repérer les difficultés va me fournir les éléments devant apparaitre en introduction, je n'en suis pas sûr...
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- User17706Bon génie
À nouveau (je répète mon post précédent !), ce n'est pas antinomique : à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.Parménide a écrit:Je pars de toute façon du principe que, se faire l'avocat de l'auteur est toujours, par défaut, la meilleure attitude à adopter. Je ne serais pas à l'aise à l'idée d'écrire que ce que dit l'auteur est contestable.PauvreYorick a écrit:Tu as tort de penser que ces deux sens sont si différents. De même, « critique » ne signifie pas contestation. On peut avoir une lecture critique serrée d'un texte auquel on laisse sur tous les points le dernier mot. (C'est même habituellement à cela que ressemblent les très bonnes explications.)
Il faut donc, idéalement, montrer tout au long ce qui pourrait être contesté (« ne pas passer les difficultés sous silence »), tout en ayant soin de prêter sa voix à l'auteur pour que ces objections trouvent réponse (pardi, il est mort, l'auteur, il faut bien que quelqu'un lui vienne en aide, et sur la copie, il n'y a que le candidat à pouvoir le faire).
C'est bien pourquoi toutes les méthodologies du monde ne feront pas une bonne copie. Encore une fois, il ne faut pas s'exagérer l'importance de la méthodologie.Parménide a écrit:PauvreYorick a écrit: En explication comme en dissertation, le péché capital est de passer les difficultés sous silence.
Je sais mais ce n'est pas pour autant qu'on va repérer les difficultés en question.
- ParménideNeoprof expérimenté
Et pour "suffisamment situer le texte dans l'histoire de la philosophie", là aussi, ce doit être fait tout au long du devoir? Il n'y a pas un moment où c'est d'avantage opportun?
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- User17706Bon génie
Tu comprends que tes questions méthodologiques sont à peu près systématiquement des questions auxquelles il ne peut exister aucune réponse, parce qu'elles sont trop générales ? Sur un texte précis, c'est possible de discuter de différents choix d'explication et de les comparer. Mais à ce niveau de généralité, il n'y a pas de réponse autre que : il faut le faire au(x) bon(s) moment(s).
- ParménideNeoprof expérimenté
Donc la méthode change à chaque fois...
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- LevincentNiveau 9
A l'agrégation externe, l'épreuve d'explication de texte s'intitule "épreuve d'histoire de la philosophie". En quoi cela est-il différent d'une explication de texte "classique" du type CAPES ? Cela signifie-t-il qu'une explication de texte de CAPES peut se passer de situer l'auteur et sa thèse dans l'histoire de la philosophie, ou que l'explication d'agrégation ne doit se consacrer qu'à cela ?
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« Un philosophe moderne qui n'a jamais éprouvé le sentiment d'être un charlatan fait preuve d'une telle légèreté intellectuelle que son oeuvre ne vaut guère la peine d'être lue. »
Leszek Kolakowski
- User17706Bon génie
À l'agrégation c'est sur programme. Donc le jury s'attend à ce que l'auteur soit bien connu.
- ParménideNeoprof expérimenté
PY :
Dans la fiche que tu m'avais envoyée, tu présentais seulement trois éléments à faire figurer en introduction :
-Thème
-Opération principale (ou éventuellement thèse)
-Plan du texte.
C'est ainsi pour tous les textes?
Et comment ça se fait que tu ne parles pas vraiment du problème soulevé par le texte ?
Dans la fiche que tu m'avais envoyée, tu présentais seulement trois éléments à faire figurer en introduction :
-Thème
-Opération principale (ou éventuellement thèse)
-Plan du texte.
C'est ainsi pour tous les textes?
Et comment ça se fait que tu ne parles pas vraiment du problème soulevé par le texte ?
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- User17706Bon génie
Je préfère parler de « démarche » que de « plan ».
En pratique l'indication de « ce dont » le texte parle et de « ce qu'il en dit ou fait » (ce que j'appelle souvent « opération principale ») peuvent fort bien n'être pas séparées comme deux étapes distinctes.
Dans bien des cas (la plupart, à ce que je constate) il n'y a pas à énoncer sous forme séparée un « problème » dès lors qu'on a qualifié globalement ce que le texte entend faire. Ce serait, on l'a vu sur plein d'exemples, tout simplement redondant.
C'est dingue, d'ailleurs, je viens de relire cette fiche et je me rends compte qu'elle répond, en une page, à toutes les questions que tu t'es posées depuis que je te l'ai envoyée en MP il y a un an ou à peu près. En tout cas elle donne les réponses que je donne. Par exemple sur « interroger» ou « questionner » le texte.
En pratique l'indication de « ce dont » le texte parle et de « ce qu'il en dit ou fait » (ce que j'appelle souvent « opération principale ») peuvent fort bien n'être pas séparées comme deux étapes distinctes.
Dans bien des cas (la plupart, à ce que je constate) il n'y a pas à énoncer sous forme séparée un « problème » dès lors qu'on a qualifié globalement ce que le texte entend faire. Ce serait, on l'a vu sur plein d'exemples, tout simplement redondant.
C'est dingue, d'ailleurs, je viens de relire cette fiche et je me rends compte qu'elle répond, en une page, à toutes les questions que tu t'es posées depuis que je te l'ai envoyée en MP il y a un an ou à peu près. En tout cas elle donne les réponses que je donne. Par exemple sur « interroger» ou « questionner » le texte.
- GrypheMédiateur
Peut-être parce que ce qui est important, ce n'est pas la méthode, mais le texte, et qu'il faut s'adapter à lui, et non pas l'inverse ?Parménide a écrit:Donc la méthode change à chaque fois...
- AspasieNiveau 10
Qu'est-ce qu'une réponse - ou pour reprendre l'expression de Pauvre Yorick, une "opération principale"- sinon quelque chose qui répond... à autre chose alors ? ... c'est-à-dire quelque chose qui prend place dans une situation. Change les mots, fait tout ce que tu veux, tu ne pourras pas faire que l'un n'implique pas l'autre. Tu n'auras pas de "thèse" sans "problème" ni de "problème" sans "thèse". Or l'erreur de la méthodique méthodologie est qu'elle parait laisser croire (parce que bon, tout de même... mais admettons) qu'il s'agit là d'opérations successives et donc distinctes.Parménide a écrit:Et comment ça se fait que tu ne parles pas vraiment du problème soulevé par le texte ?
Si l'on cerne ce dont il s'agit dans le texte, alors on cerne ce que veut faire l'auteur, autrement dit, ce à quoi il se confronte et ce avec quoi il se débat. Et comme l'auteur n'est pas Tyler Durden, non, il ne se débat pas simplement avec lui-même (et encore... la pensée étant un dialogue de l'âme avec elle-même...). On ne peut expulser l'histoire de la philosophie de l'affaire. Mais on ne l'y intègre pas non plus par-ci par-là, à doses soigneusement comptées selon une prescription méthodique.
Bref... confrontation.
Pour les sujets de dissertation comme pour les textes, c'est le seul mot qui vaille.
- ParménideNeoprof expérimenté
PauvreYorick a écrit:Je préfère parler de « démarche » que de « plan ».
En pratique l'indication de « ce dont » le texte parle et de « ce qu'il en dit ou fait » (ce que j'appelle souvent « opération principale ») peuvent fort bien n'être pas séparées comme deux étapes distinctes.
Dans bien des cas (la plupart, à ce que je constate) il n'y a pas à énoncer sous forme séparée un « problème » dès lors qu'on a qualifié globalement ce que le texte entend faire. Ce serait, on l'a vu sur plein d'exemples, tout simplement redondant.
C'est dingue, d'ailleurs, je viens de relire cette fiche et je me rends compte qu'elle répond, en une page, à toutes les questions que tu t'es posées depuis que je te l'ai envoyée en MP il y a un an ou à peu près. En tout cas elle donne les réponses que je donne. Par exemple sur « interroger» ou « questionner » le texte.
Il faut que je tienne compte de ce que me dit mon correcteur. Et c'est paradoxal ce qu'il dit. Il fait un certain nombre d'éloges alors que ce que je fais ne vaut pas plus de 8. Il y a plein de choses à régler chez moi, notamment sur la façon de lire et les connaissances nécessaires pour réussir cette épreuve.
Interroger d'avantage le texte? Oui, mais comment faire? C'est très lié au fait que je ne sais jamais ce qui est important dans le texte. Et la longueur de l'extrait joue un rôle important là-dedans. Je dois tenir compte du fait aussi que je ne pourrai pas faire plus d'une heure de brouillon (comme on l'avait vu il y a un an !) Et encore, actuellement, je suis incapable de travailler en temps limité.
Replacer le texte dans l'histoire de la discipline? Cela nécessite d'avoir des connaissances que je n'ai pas ou du moins pas aussi approfondies qu'il le faudrait.
C'est vrai qu'il est autrement plus simple d'expliquer un texte en suivant uniquement comme fil directeur l'idée qu'il s'agit juste de comprendre ce que dit le texte et ce qui s'y fait. Plutôt que de passer par toutes ces étapes factices. Le problème c'est que c'est dur à mettre en pratique. Et puis j'ai d'abord ce problème de lecture : pour moi un texte est une masse compacte avant tout.
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- ParménideNeoprof expérimenté
PY : tu crois, comme mon correcteur, que je dois avant tout me concentrer sur le questionnement et la mise en perspective historique?
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- User17706Bon génie
Oui. Sachant que, d'ailleurs, c'est la même chose. Une fois l'habitude de lire de près acquise la mise en perspective historique viendra assez naturellement. Donc, concentration sur le « questionnement », c'est-à-dire, en d'autres termes, sur la lecture.
- ParménideNeoprof expérimenté
PauvreYorick a écrit:Oui. Sachant que, d'ailleurs, c'est la même chose. Une fois l'habitude de lire de près acquise la mise en perspective historique viendra assez naturellement. Donc, concentration sur le « questionnement », c'est-à-dire, en d'autres termes, sur la lecture.
La mise en perspective historique c'est par exemple situer le problème dans l'histoire de la discipline (ce qui ne se fait qu'en introduction). N'est ce pas assez indépendant du questionnement du texte en lui-même? Au sens de simplement donner du sens à ce que dit l'auteur.
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- User17706Bon génie
En fait, c'est toi qui devrais donner des cours de méthodologie, tu en sais beaucoup plus que tout le monde (en tout cas, beaucoup plus que moi)
- ParménideNeoprof expérimenté
C'est incroyable qu'expliquer un texte soit si difficile... J'ai toujours eu moins de problèmes en dissertation. Si je comprenais pourquoi, un autre grand pas en avant serait fait.
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- ÆnésidèmeNiveau 6
PauvreYorick a écrit:
Je veux bien qu'on distingue thèse et problème pour un texte dans les cas où ça apporte quelque chose à la compréhension, mais on ne voit pas ce que pourrait bien ajouter, en termes de contenu et d'intelligibilité, le passage de « A est B » à « A est-il B ? ».
Bref. Moi, je n'utilise pas toujours le concept de « problème » et jamais celui de « problématique » (substantif) dans le cadre de l'explication de texte. À la limite peu importe ma façon de faire et d'enseigner, mais en tout cas, il ne faut pas se forcer à faire une opération (« passage de la thèse au problème ») dans un cas où il est clair qu'elle n'apporte rien, c'est-à-dire qu'on ne peut pas lui trouver d'intérêt réel. Souplesse, avec les consignes, souplesse.
(D'abord, je suis désolé de faire remonter le début du fil, mais je n'en ai lu que la première page... Ce qui ne devrait pas trop poser problème, les fils parménidiens étant, en droit, infinis et circulaires !)
Mais s'il s'agit de "caractériser l'opération essentielle (ou principale ?) du texte" (je cite de mémoire ton post suivant), il me semble tout de même intéressant d'expliciter la difficulté dont la thèse présente une solution originale. Cette explicitation ne peut donc être une simple opération de conversion de la thèse en question, voire ne peut se présenter uniquement sous la forme d'une question. Son principe consiste en ce que la thèse en tant que solution apporte quelque chose que ne contient pas la formulation du problème.
- User17706Bon génie
On peut tout à fait reconnaître ça. J'ai surtout parlé de « passage de “A est B” à “A est-il B ?” » parce que c'est ce à quoi revenaient, à mes yeux, les exemples que donnait Parménide de cette dualité problème / thèse.Aenésidème a écrit:PauvreYorick a écrit:
Je veux bien qu'on distingue thèse et problème pour un texte dans les cas où ça apporte quelque chose à la compréhension, mais on ne voit pas ce que pourrait bien ajouter, en termes de contenu et d'intelligibilité, le passage de « A est B » à « A est-il B ? ».
Bref. Moi, je n'utilise pas toujours le concept de « problème » et jamais celui de « problématique » (substantif) dans le cadre de l'explication de texte. À la limite peu importe ma façon de faire et d'enseigner, mais en tout cas, il ne faut pas se forcer à faire une opération (« passage de la thèse au problème ») dans un cas où il est clair qu'elle n'apporte rien, c'est-à-dire qu'on ne peut pas lui trouver d'intérêt réel. Souplesse, avec les consignes, souplesse.
(D'abord, je suis désolé de faire remonter le début du fil, mais je n'en ai lu que la première page... Ce qui ne devrait pas trop poser problème, les fils parménidiens étant, en droit, infinis et circulaires !)
Mais s'il s'agit de "caractériser l'opération essentielle (ou principale ?) du texte" (je cite de mémoire ton post suivant), il me semble tout de même intéressant d'expliciter la difficulté dont la thèse présente une solution originale. Cette explicitation ne peut donc être une simple opération de conversion de la thèse en question, voire ne peut se présenter uniquement sous la forme d'une question. Son principe consiste en ce que la thèse en tant que solution apporte quelque chose que ne contient pas la formulation du problème.
Mais on pourrait trouver foule d'exemples de textes qui soutiennent une thèse donnée, laquelle s'inscrit dans un problème qui mérite une explicitation à part entière, comme tu le dis. Et je suis bien sûr complètement d'accord, notamment, avec la remarque qui dit que ce qu'on appelle un problème (en général, du moins) « ne peut se présenter uniquement sous la forme d'une question ».
Mon¹ concept d'« opération principale », en fait, je pense qu'il est surtout utile pour les textes qui se laissent assez mal décrire comme soutenant une thèse (ou ne se laissent pas complètement décrire ainsi).
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1. Je dis « mon », parce que je ne suis pas sûr que quelqu'un d'autre emploie cette expression dans ce cadre méthodologique. Mais il peut s'agir d'une réminiscence inconsciente de ma part.
- ÆnésidèmeNiveau 6
PauvreYorick a écrit:
Mon¹ concept d'« opération principale », en fait, je pense qu'il est surtout utile pour les textes qui se laissent assez mal décrire comme soutenant une thèse (ou ne se laissent pas complètement décrire ainsi).
1. Je dis « mon », parce que je ne suis pas sûr que quelqu'un d'autre emploie cette expression dans ce cadre méthodologique. Mais il peut s'agir d'une réminiscence inconsciente de ma part.
D'accord, tu proposes la matrice la plus générale possible, susceptible de prendre en compte ce genre de texte à opération disons non canonique, pour le dire vite. J'aime bien le concept (NB : ça me fait penser à du Patrice Loraux).
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