- JohnMédiateur
Extrait :
http://romainelubrique.org/bernard-stieglerL’économie de la contribution
Bernard Stiegler considère le logiciel libre comme la matrice de l’économie de la contribution ; c’est en effet une activité industrielle qui ne prive plus les gens de leur savoir mais au contraire développe des savoirs, individuels et collectifs, dans un processus de déprolétarisation. Or, cette matrice peut s’appliquer dans pratiquement toutes les activités industrielles de demain : réseaux énergétiques intelligents, où nous ne sommes plus consommateurs mais curateurs d’énergie, re-matérialisation (imprimante 3D...), agriculture (AMAP, Open Source Ecology...)
Par ailleurs, la numérisation est en train d’engendrer une automatisation colossale, bien plus importante que celle que l’on a connue par le passé. Il se prépare une mutation de la production : on n’aura plus besoin de producteurs, sauf dans des cas marginaux. C’en est fini de l’économie du XXe siècle, fini du modèle taylorien : captation de la propriété, exclusivité de l’exploitation, redistribution par le salaire, promesse de pouvoir d’achat, etc.
Il faut donc repenser complètement la redistribution ; on va plutôt vers une société du savoir nous permettant de retrouver et développer nos capacités (ce qui était auparavant empêché par la prolétarisation). Dans cette perspective, il ne faut surtout pas détruire le statut d’intermittent du spectacle mais au contraire... le généraliser, en proposant à tout le monde un revenu contributif de base. Je puis alors alterner et passer d’un statut où je suis en train de développer mes capacités à un statut de mise en production de ces capacités acquises (comme pour l’intermittence).
Il y a de légitimes réticences, notamment parce que cela peut favoriser la flexibilité de l’emploi, voire des dérives telles que le « human computing » (prolétarisation décentralisée où l’on paye les gens à la tâche sans aucune protection sociale). Il y a aussi des économies de la contribution négatives, comme Facebook par exemple, qui capte et monnaye nos données personnelles. L’emblématique Google est un modèle hybride mais toxique dans une société en transition : ultra-consumériste sur le marché publicitaire mais qui produit également une forte valeur d’usage très contributif.
Il ne s’agit pas de défendre le contributif en tant que tel. Mais, qu’on le veuille ou non, nous sommes en train de passer dans un système de production qui devient contributif (ainsi l’open source, qui n’est pas le logiciel libre, est devenue largement majoritaire aujourd’hui). Et à partir de là, il nous faut produire un modèle, juste, soutenable, de gauche même diront certains, qui impose de repenser les conditions du travail, la fiscalité, le droit... tout ce qui a constitué la société consumériste dans sa grande époque.
L’économie de la contribution est donc la généralisation des processus de déprolétarisation. Une grande source d’espoir, mais pour le moment trop peu de gens travaillent sérieusement et concrètement sur ces questions. C’est malheureusement l’économie de la contribution dans sa version californienne qui se développe, en en discréditant le concept plus général.
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