- IphigénieProphète
Pourquoi ce titre "bric-à-brac"? Parce que peut-être que tout cela est lié.
Nous sommes la dernière génération de professeurs de lettres classiques: bientôt, demain, d'ici dix ans, il ne sera plus possible d'avoir même l'idée d'un enseignement du latin, puisqu'il n'y aura plus de professeurs capables d'enseigner les LA, il n'y aura plus que la trace de survivants devenus totalement obsolètes.
Nous sommes déjà obsolètes: à quoi me servent aujourd'hui mes années de Bailly et de Gaffiot? à expliquer à des secondes ou des premières ou des BTS que la marque au pluriel des verbes est "nt" et on pas "s"....C'es dire d'ailleurs que l'enseignement du français lui-même sera bientôt dans la situation du latin aujourd'hui: impossible. Tout juste impossible.
La disparition du" prix des espoirs fumeux" (alias le prix de l'innovation en langues anciennes, appelé par usurpation "Jacqueline de Romilly") symbolise bien, à mon sens, et dans la discrétion, l'effacement de cet enseignement en France.
Une France par ailleurs en déclin, qui perd son industrie, ses emplois, la foi en ses valeurs et en sa culture. Dont l'enseignement part en vrille, déclin mesuré à chaque évaluation internationale, quelle qu'en soit la fiabilité dans le détail, car la ligne descendante doit quand même bien dire quelque chose de vrai.
Or comment un pays peut-il être créatif et même innovant en tournant si radicalement le dos à son passé c'est-à-dire à son essence? Non pas dans un repli frileux, mais bien dans un enthousiasme de culture et de connaissances?
Peut-être d'ailleurs que si l'espace méditerranéen, dont la France, se rappelait un peu plus sa culture antique commune il se tournerait vers un avenir plus solide qu'en persistant à entretenir ses rancunes et des différences présentes: là encore, il y aurait des pistes lumineuses à ouvrir au lieu de chercher à entretenir le communautarisme par peur de son ombre islamisante.
Comment, pour le dire plus concrètement nos élèves, nourris dans l'imaginaire par les mangas ou par les séries américaines, par les jeux vidéo asiatico-transatlantiques pourraient-ils devenir, adultes, des promoteurs du vivre et travailler et consommer français?
Nos politiques ne manquent pas seulement de courage, ils manquent d'imagination: ils ne savent qu'imiter: pour preuve, la rapide limite de toute discussion sur l'enseignement avec le "Les Finlandais font ceci " ou " les Allemands font comme cela": et si on osait un peu" les Français eux, font ce qui correspond à la culture des Français"?
En commençant par exiger que nous parlions et écrivions le français: ce qui est réclamé à ceux qui veulent devenir Français n'est pas réclamé de nos élèves français: je trouve cela choquant.
Parlons concret: comment ré-enseigner le français? C'est tout simple. Il ne faut même pas de l'innovation pédagogique que l'on nous vend jusqu'au dégoût (là où elle devrait être attirante, simplement): il suffit qu'il y ait un enjeu : mettez le français au coef 9 en S et vous verrez que les élèves de S s'intéresseront beaucoup plus à la matière! Cela créerait une sélection? Eh bien oui, et elle aurait du sens: l'école n'est pas là pour régler les problèmes sociaux par la pitié: elle est faite pour les régler par la formation.
Cela suppose évidemment que l'école primaire joue à plein son rôle, en compensant autant qu'il est possible de le faire, ces problèmes sociaux, en apprenant vraiment à lire aux enfants. Au lieu de leur faire ramasser les déchets sur les plages ou de les initier à la cuisson des nouilles. Avec tous les soutiens nécessaires, au lieu de les éparpiller bientôt jusqu'en licence et en pure perte.
Redonner du sens à l'école en la recentrant sur la transmission des savoirs et non l'assistanat social.
Cela passe aussi par le sens accessible par l'élève: quand Sarko se moquait de La Princesse de Clèves, il avait à la fois tort et raison: tort parce que etc mais raison, parce que demander à mes BTS Muc, futures caissières pour la plupart, de réfléchir à La Princesse alors qu'elles ne savent pas écrire, c'est ridicule. En effet.
Comme il est ridicule qu'il faille un BTS voire un doctorat de sociologie ou de lettres pour se retrouver à la caisse d'un Carrefour.
Par contre cela aurait du sens de l'exiger d'un futur médecin ou juriste: réfléchir à la question de l'homme, là ça prendrait un sens, et même un sens nécessaire. Mais à eux, on ne le demande pas!
Donner du sens et en retour exiger.
Je suis bientôt à la fin de ma carrière, et je trouve que notre travail, professeur de français et de LA n'a plus aucun sens: nous nous adressons à des élèves qui n'ont pas les moyens de comprendre ce qu'on leur dit, pour transmettre un savoir dont on sait qu'ils ne peuvent pas le maîtriser (l'évolution dans la création du personnage romanesque du XVIIe à nos jours!!! à des élèves qui n'ont jamais ouvert un livre sauf scolaire et avec un profond ennui: quel intérêt pourraient-ils diable trouver à ce genre de problématique!!!!)
A force de vouloir tout enseigner à tout le monde, nous n'enseignons plus rien à personne.
Bref, j'aimerais un retour au bon sens, à un savoir ordonné et construit, qui prenne sens en reprenant une exigence et une progressivité raisonnables.
Et là les langues anciennes pourraient avoir une place, obligatoire même. Mais elle aussi progressive, ordonnée, et recentrée (et non courir vainement et désespérément à la dissolution générale dans le grand fourre-tout du "sauve-qui-peut les meubles, je-fais-n'importe-quoi avec n'importe-qui pour sauver-mon-poste.)
Bon ça sert à rien mais ça défoule.
Et demain, ce sera trop tard pour le dire.
Nous sommes la dernière génération de professeurs de lettres classiques: bientôt, demain, d'ici dix ans, il ne sera plus possible d'avoir même l'idée d'un enseignement du latin, puisqu'il n'y aura plus de professeurs capables d'enseigner les LA, il n'y aura plus que la trace de survivants devenus totalement obsolètes.
Nous sommes déjà obsolètes: à quoi me servent aujourd'hui mes années de Bailly et de Gaffiot? à expliquer à des secondes ou des premières ou des BTS que la marque au pluriel des verbes est "nt" et on pas "s"....C'es dire d'ailleurs que l'enseignement du français lui-même sera bientôt dans la situation du latin aujourd'hui: impossible. Tout juste impossible.
La disparition du" prix des espoirs fumeux" (alias le prix de l'innovation en langues anciennes, appelé par usurpation "Jacqueline de Romilly") symbolise bien, à mon sens, et dans la discrétion, l'effacement de cet enseignement en France.
Une France par ailleurs en déclin, qui perd son industrie, ses emplois, la foi en ses valeurs et en sa culture. Dont l'enseignement part en vrille, déclin mesuré à chaque évaluation internationale, quelle qu'en soit la fiabilité dans le détail, car la ligne descendante doit quand même bien dire quelque chose de vrai.
Or comment un pays peut-il être créatif et même innovant en tournant si radicalement le dos à son passé c'est-à-dire à son essence? Non pas dans un repli frileux, mais bien dans un enthousiasme de culture et de connaissances?
Peut-être d'ailleurs que si l'espace méditerranéen, dont la France, se rappelait un peu plus sa culture antique commune il se tournerait vers un avenir plus solide qu'en persistant à entretenir ses rancunes et des différences présentes: là encore, il y aurait des pistes lumineuses à ouvrir au lieu de chercher à entretenir le communautarisme par peur de son ombre islamisante.
Comment, pour le dire plus concrètement nos élèves, nourris dans l'imaginaire par les mangas ou par les séries américaines, par les jeux vidéo asiatico-transatlantiques pourraient-ils devenir, adultes, des promoteurs du vivre et travailler et consommer français?
Nos politiques ne manquent pas seulement de courage, ils manquent d'imagination: ils ne savent qu'imiter: pour preuve, la rapide limite de toute discussion sur l'enseignement avec le "Les Finlandais font ceci " ou " les Allemands font comme cela": et si on osait un peu" les Français eux, font ce qui correspond à la culture des Français"?
En commençant par exiger que nous parlions et écrivions le français: ce qui est réclamé à ceux qui veulent devenir Français n'est pas réclamé de nos élèves français: je trouve cela choquant.
Parlons concret: comment ré-enseigner le français? C'est tout simple. Il ne faut même pas de l'innovation pédagogique que l'on nous vend jusqu'au dégoût (là où elle devrait être attirante, simplement): il suffit qu'il y ait un enjeu : mettez le français au coef 9 en S et vous verrez que les élèves de S s'intéresseront beaucoup plus à la matière! Cela créerait une sélection? Eh bien oui, et elle aurait du sens: l'école n'est pas là pour régler les problèmes sociaux par la pitié: elle est faite pour les régler par la formation.
Cela suppose évidemment que l'école primaire joue à plein son rôle, en compensant autant qu'il est possible de le faire, ces problèmes sociaux, en apprenant vraiment à lire aux enfants. Au lieu de leur faire ramasser les déchets sur les plages ou de les initier à la cuisson des nouilles. Avec tous les soutiens nécessaires, au lieu de les éparpiller bientôt jusqu'en licence et en pure perte.
Redonner du sens à l'école en la recentrant sur la transmission des savoirs et non l'assistanat social.
Cela passe aussi par le sens accessible par l'élève: quand Sarko se moquait de La Princesse de Clèves, il avait à la fois tort et raison: tort parce que etc mais raison, parce que demander à mes BTS Muc, futures caissières pour la plupart, de réfléchir à La Princesse alors qu'elles ne savent pas écrire, c'est ridicule. En effet.
Comme il est ridicule qu'il faille un BTS voire un doctorat de sociologie ou de lettres pour se retrouver à la caisse d'un Carrefour.
Par contre cela aurait du sens de l'exiger d'un futur médecin ou juriste: réfléchir à la question de l'homme, là ça prendrait un sens, et même un sens nécessaire. Mais à eux, on ne le demande pas!
Donner du sens et en retour exiger.
Je suis bientôt à la fin de ma carrière, et je trouve que notre travail, professeur de français et de LA n'a plus aucun sens: nous nous adressons à des élèves qui n'ont pas les moyens de comprendre ce qu'on leur dit, pour transmettre un savoir dont on sait qu'ils ne peuvent pas le maîtriser (l'évolution dans la création du personnage romanesque du XVIIe à nos jours!!! à des élèves qui n'ont jamais ouvert un livre sauf scolaire et avec un profond ennui: quel intérêt pourraient-ils diable trouver à ce genre de problématique!!!!)
A force de vouloir tout enseigner à tout le monde, nous n'enseignons plus rien à personne.
Bref, j'aimerais un retour au bon sens, à un savoir ordonné et construit, qui prenne sens en reprenant une exigence et une progressivité raisonnables.
Et là les langues anciennes pourraient avoir une place, obligatoire même. Mais elle aussi progressive, ordonnée, et recentrée (et non courir vainement et désespérément à la dissolution générale dans le grand fourre-tout du "sauve-qui-peut les meubles, je-fais-n'importe-quoi avec n'importe-qui pour sauver-mon-poste.)
Bon ça sert à rien mais ça défoule.
Et demain, ce sera trop tard pour le dire.
- KilmenyEmpereur
Je n'ajouterai qu'un mot : les langues anciennes sont le fondement de notre culture. Comme un édifice ne tient pas si ses fondations sont pulvérisées, c'est la fin de notre culture que l'on programme.
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Un petit clic pour les animaux : http://www.clicanimaux.com/catalog/accueil.php?sites_id=1
- Yaya09Niveau 2
Bien dit!
Un enseignement obligatoire des langues anciennes permettrait sans doute de mieux enseigner la nôtre.
Un enseignement obligatoire des langues anciennes permettrait sans doute de mieux enseigner la nôtre.
- LefterisEsprit sacré
C'est justement le but recherché : pulvériser la culture pour atomiser les peuples, en faire des consommateurs/main d'oeuvre mondialement interchangeables.Kilmeny a écrit:
Je n'ajouterai qu'un mot : les langues anciennes sont le fondement de notre culture. Comme un édifice ne tient pas si ses fondations sont pulvérisées, c'est la fin de notre culture que l'on programme.
Du reste, c'est hors de l'EN que j'ai fait le plus de langues anciennes et que ça m'a le plus apporté dans la vie , comme enrichissement, sans même avoir l'idée de devenir enseignant un jour, qui n'est qu'une conséquence liée aux aléas de la vie. Mais ça évidemment, ça ne se chiffre pas, ça ne rapporte pas, donc c'est quantité négligeable.
Iphigénie a raison, mais quand les transmetteurs disparaissent, la transmission aussi . Ca rappelle le haut Moyen-Age .
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"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)
Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.
Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
- Thalia de GMédiateur
Iphigénie, merci pour ce texte, même si on y sent beaucoup d'amertume.
Je ne dénie pas à ceux qui n'ont pas fait de latin de réelles compétences, j'ai apprécié cet hommage.
Anecdote. J'aime à faire référence au latin quand je le peux (le grec s'y prête moins) et l'an dernier un petit 5e m'a dit : "Madame, pour bien connaître la grammaire, il faut avoir appris le latin." Je lui ai répondu que cela aidait beaucoup, et je l'aurais volontiers embrassé.Yaya09 a écrit:Bien dit!
Un enseignement obligatoire des langues anciennes permettrait sans doute de mieux enseigner la nôtre.
Je ne dénie pas à ceux qui n'ont pas fait de latin de réelles compétences, j'ai apprécié cet hommage.
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Le printemps a le parfum poignant de la nostalgie, et l'été un goût de cendres.
Soleil noir de mes mélancolies.
- IphigénieProphète
Rage plus qu'amertume, Thalia....
Je ne suis même pas certaine que la destruction des enseignements littéraires soit, comme le dit Lefteris, un but recherché par intention philosophique:
je crois qu'il y a une volonté d'économie à court terme qui frappe ce qui est le moins démagogique dans notre enseignement, associé à un terrible manque de vision, et d'imagination, et de courage.
Et sans doute de culture, justement.
Je ne suis même pas certaine que la destruction des enseignements littéraires soit, comme le dit Lefteris, un but recherché par intention philosophique:
je crois qu'il y a une volonté d'économie à court terme qui frappe ce qui est le moins démagogique dans notre enseignement, associé à un terrible manque de vision, et d'imagination, et de courage.
Et sans doute de culture, justement.
- SphinxProphète
Mon collège était préservé pour le latin : deux postes de LC, deux groupes par niveau, possibilité de cumuler latin et euro. Cette année, mon CDE a fait supprimer le deuxième poste (comme on n'arrive jamais à le pourvoir et qu'au final un seul suffit à assurer toutes les heures, je n'ai trop rien dit - c'était sans doute une erreur), fermeture d'un groupe sur deux (en laissant arrêter quelques élèves en cours de route comme ça on se retrouve avec des classes de trente), et maintenant il veut mettre en concurrence l'euro et le latin... pour pouvoir organiser deux services à la cantine, ce qui est prétendument incompatible. Les intérêts bassement pratiques qui priment sur la culture, on est en plein dedans ! Je vous le dis tout net, j'ai avalé trop de couleuvres et là ça va saigner. Je crains de ne pas avoir gain de cause (quand il a une idée en tête...) mais ça ne m'empêchera pas de lui pourrir la vie autant que faire se peut, et j'ai bien l'intention de rameuter les collègues et les parents derrière moi. Marre !
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An education was a bit like a communicable sexual disease. It made you unsuitable for a lot of jobs and then you had the urge to pass it on. - Terry Pratchett, Hogfather
"- Alors, Obélix, l'Helvétie c'est comment ? - Plat."
- DerborenceModérateur
Merci Iphigénie.
Tout ce que tu écris est - hélas - juste.
Tout ce que tu écris est - hélas - juste.
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"La volonté permet de grimper sur les cimes ; sans volonté on reste au pied de la montagne." Proverbe chinois
"Derborence, le mot chante triste et doux dans la tête pendant qu’on se penche sur le vide, où il n’y a plus rien, et on voit qu’il n’y a plus rien."
Charles-Ferdinand Ramuz, Derborence
- vivelelatinJe viens de m'inscrire !
De jours en jours, je ressemble de plus en plus à Don Quichotte: je me bat contre des moulins à vents!!! Et je m'épuise à faire Bozzo le clown pour attirer des élèves en option latin...
Ceci dit, parfois, on est bien récompensé, puisque l'an prochain, dans mon collège, s'ouvre un option grec ancien dès la 5ème!!!
Rappelons : le: le latin ne sert à rien, mais est utile à tout.
Ceci dit, parfois, on est bien récompensé, puisque l'an prochain, dans mon collège, s'ouvre un option grec ancien dès la 5ème!!!
Rappelons : le: le latin ne sert à rien, mais est utile à tout.
- OudemiaBon génie
Le pire c'est qu'il y a des parents demandeurs, anciens latinistes eux-mêmes, qui ne comprennent pas pourquoi les exigences ne sont plus les mêmes.
Combien de temps le latin restera-t-il au concours général ? par quels élèves sera-t-il présenté ?
Combien de temps le latin restera-t-il au concours général ? par quels élèves sera-t-il présenté ?
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