Marcel Gauchet invité du 7'-9 sur France Inter 17 février 2014

http://www.franceinter.fr/emission-le-79-marcel-gauchet

J'y ai entendu des choses intéressantes : à savoir que pour utiliser internet, les élèves doivent apprendre encore plus. Sans connaissances solides, on ne peut maîtriser internet.

Maîtriser Internet me semble très ambitieux !  :lol: 

Plaisanterie à part, on ne profite vraiment du numérique que quand on a formé son esprit sans lui. Ce qui ne veut pas dire qu'on doit en exclure l'utilisation ponctuelle, voire régulière s'agissant de certains outils numériques dans certaines disciplines.

Mais encore une fois toujours distinguer l'utilisation par le professeur et celle par les élèves.

Et aussi se fixer comme objectif de savoir penser sans Internet, au lieu de considérer que nous n'avons plus besoin de mémoire, voire de notre tête comme le répète Michel Serres.

De ce point de vue penser que la refondation de l'école doit être numérique est consternant.



Merci pour le lien, Isis39.

ça veut dire quoi, maitriser internet?

Plaisanterie à part, on ne profite vraiment du numérique que quand on a formé son esprit sans lui.

On a tout de même assez peu de recul sur la question :/ Et il faudrait s'entendre sur "profiter". Et sur le numérique d'ailleurs. Rien de plus numérique qu'un livre par exemple...

Et comme on n'a pas de recul, autant se précipiter en bonne logique dans l'école numérique.

C'est vrai que les élèves, quand on leur parle de numérique, pensent tout de suite à des livres.  

La transcription de ce qu'a dit exactement Marcel Gauchet :

Marcel Gauchet a écrit:Il faut apprendre encore beaucoup plus pour être en mesure de fonctionner efficacement sur Internet. En réalité, ce devant quoi nous sommes avec l'irruption de ces techniques, c'est une exigence de hausse du niveau des acquisitions des enfants et des jeunes pour avoir le bon usage de ces instruments.

Et comme on n'a pas de recul, autant se précipiter en bonne logique dans l'école numérique.

Je ne pense pas non plus être allé dans ce sens. Je suis simplement moins catégorique, et j'observe avec curiosité les changements qu'opère "le numérique" (en gros les technologies de l'information) sur la société. Certaines problématiques sont anciennes, d'autres émergent, mais je crois que ça nécessite un gros effort d'analyse (et un certain optimisme pour moi). Par ailleurs, ça n’empêche pas l'adulte de contrôler l'usage de l'instrument en question, on ne parachute pas une personne au dessus de l'atlantique pour lui apprendre à nager...

ça n’empêche pas l'adulte de contrôler l'usage de l'instrument en question, on ne parachute pas une personne au dessus de l'atlantique pour lui apprendre à nager...

essaye...
L'impregnation des enfants dans le numérique dès le plus jeune âge n'est plus contrôlable: c'est un fait. Il suffit d'avoir des enfants pour constater que quelles que soient nos opinions, on ne peut pas les mettre à l'écart des portables, jeux vidéos et autres utilisations.
Le problème que l'on peut maîtriser c'est celui de l'école et décider de la place et du niveau où l'on utilise le numérique. Or la réalité est tout autre:
On fonce tête baissée, et d'ailleurs les intendants ou les instances administratives (Conseils régionaux etc) sont quasi les seuls à vraiment décider des investissements. Et sur bien d'autres raisons que la réflexion pédagogique.
On décide de la technique et après on initie une réflexion sur ses utilisations. Bref on fait comme d'hab: la fuite en avant.

iphigénie a écrit:L'impregnation des enfants dans le numérique dès le plus jeune âge n'est plus contrôlable: c'est un fait. Il suffit d'avoir des enfants pour constater que quelles que soient nos opinions, on ne peut pas les mettre à l'écart des portables, jeux vidéos et autres utilisations.

Il n'est pas tant question de mettre à l'écart que de mettre à distance : c'est d'ailleurs là que s'observe la nouvelle fracture numérique entre les familles. Un usage supervisé, progressif, intelligent et créatif du numérique, c'est tout à fait possible mais ça demande de l'investissement et de la persévérance. Mais pour cela il ne faut pas céder aux injonctions de la modernité : la tablette à six mois, le portable au collège ou même de plus en plus dès le primaire, les écrans et Internet dans la chambre d'enfant etc.

Tous ces écrans n'entrent pas dans la vie des enfants sans le consentement des parents. Et cette entrée se fait le plus souvent sans accompagnement parce que les écrans donnent l'illusion de l'autonomie et que c'est d'ailleurs ce qui est recherché en eux.

J'ai un collègue qui a refusé farouchement d'avoir une télé chez lui. Et qui a choisi pour son fils de l'instruire lui-même à la maison jusqu'au lycée, au lieu du circuit scolaire: à l'adolescence, son gamin s'est très normalement et tout autant qu'un autre vautré sur les matches de foot et les films pornos chez les copains...
Sans défendre une utilisation inconsciente du numérique , il est très difficile aujourd'hui de contrôler son usage par les enfants sauf à les mettre sous cloche et créer ainsi d'autres problèmes...: d'ailleurs à l'école nous avons déjà bien du mal à contourner les copier-coller sur internet, n'est-ce pas...  
C'est bien pourquoi je te rejoins sur le fait que si l'école à son tour glisse dans le tout numérique sans réelle réflexion, par idéologie de suivre " la modernité" (au lieu de la contrôler justement, de la mettre à distance et en interrogation, comme cela devrait être sa fonction) c'est très inquiétant.

Comme je te le disais, Iphigénie, il n'est pas question de vivre hors du numérique ou du reste du monde, mais d'en circonscrire les limites. Je pense - au contraire de toi - qu'il est possible de contrôler les usages du numérique : cela suppose de ne pas livrer l'enfant seul à l'écran nomade ou dans la chambre.

the educator a écrit:j'observe avec curiosité les changements qu'opère "le numérique" (en gros les technologies de l'information) sur la société.

Et moi j'observe avec consternation ses ravages sur une culture de l'écrit, en particulier dans le cadre scolaire.

Certaines problématiques sont anciennes, d'autres émergent, mais je crois que ça nécessite un gros effort d'analyse (et un certain optimisme pour moi).

Personnellement j'ai le sentiment d'avoir fourni un petit effort d'analyse à ce sujet depuis plusieurs années.  :lol: 

Et l'école n'a pas besoin d'optimisme, mais de pragmatisme. Mettre les enfants en difficulté face à des ressources en ligne du CNED, comme c'est le cas avec D'Col pour prendre un exemple concret, c'est ce que l'école peut faire de pire au nom de la béatitude face aux nouvelles technologies.

Mettre les enfants en difficulté face à des ressources en ligne du CNED, comme c'est le cas avec D'Col pour prendre un exemple concret, c'est ce que l'école peut faire de pire au nom de la béatitude face aux nouvelles technologies.

On est d'accord, c'est une connerie sans nom, mais ce n'est pas parce que le numerique à l'école est piloté par des crétins qui n'y comprennent rien que le bébé est à jeter avec l'eau du bain.

Personnellement j'ai le sentiment d'avoir fourni un petit effort d'analyse à ce sujet depuis plusieurs années.

Plusieurs années c'est quoi? les "digital natives" (concept de merde) n'arrivent qu'à peine sur le marché du travail, et dans la vie citoyenne... Les mutations sont seulement en train de s'amorcer (plus ou moins bien). dur dur d'y voir clair...

Isis39 a écrit:http://www.franceinter.fr/emission-le-79-marcel-gauchet
J'y ai entendu des choses intéressantes : à savoir que pour utiliser internet, les élèves doivent apprendre encore plus. Sans connaissances solides, on ne peut maîtriser internet.

Oui, c'était intéressant d'entendre, relayées par une pointure, les préoccupations quotidiennes des enseignants les plus sceptiques face aux merveilles du numérique proclamées par les thuriféraires de Microsoft, en effet. Cela dit, on ne peut pas dire que ce qu'il a présenté soit d'une originalité bouleversante : toute personne qui fait encore des cours au lieu de brasser du vent ne peut que souscrire à des propos qu'elle s'est elle-même déjà tenus en son for intérieur.

the educator a écrit:

Plaisanterie à part, on ne profite vraiment du numérique que quand on a formé son esprit sans lui.

On a tout de même assez peu de recul sur la question :/ Et il faudrait s'entendre sur "profiter". Et sur le numérique d'ailleurs. Rien de plus numérique qu'un livre par exemple...

En effet, quand on dit "numérique", la première chose qui vient à l'esprit de chacun, c'est livre  :abk: 

non, et justement: soit on emploie pas les bons mots (ce que je disais ici), soit on ne s'est pas suffisamment posé la question.

relayées par une pointure

Mais une pointure en quoi??

face aux merveilles du numérique proclamées par les thuriféraires de Microsoft

Je te trouve quand même hyper réducteur, et caricatural. Les bons, les mauvais?

Cripure a écrit:

Isis39 a écrit:http://www.franceinter.fr/emission-le-79-marcel-gauchet
J'y ai entendu des choses intéressantes : à savoir que pour utiliser internet, les élèves doivent apprendre encore plus. Sans connaissances solides, on ne peut maîtriser internet.

Oui, c'était intéressant d'entendre, relayées par une pointure, les préoccupations quotidiennes des enseignants les plus sceptiques face aux merveilles du numérique proclamées par les thuriféraires de Microsoft, en effet. Cela dit, on ne peut pas dire que ce qu'il a présenté soit d'une originalité bouleversante : toute personne qui fait encore des cours au lieu de brasser du vent ne peut que souscrire à des propos qu'elle s'est elle-même déjà tenus en son for intérieur.

C'est exactement ce que j'ai pensé ce matin...

Comme je te le disais, Iphigénie, il n'est pas question de vivre hors du numérique ou du reste du monde, mais d'en circonscrire les limites. Je pense - au contraire de toi - qu'il est possible de contrôler les usages du numérique : cela suppose de ne pas livrer l'enfant seul à l'écran nomade ou dans la chambre.

trouve-moi un enfant qui n'a pas de copains...
Bien sûr que nous n'allons pas, nous qui sommes enseignants, mettre une télé dans la chambre de nos gosses ou les laisser aller sur n'importe quel site (encore que là, déjà, c'est moins sûr). Mais mes secondes ont à 95% la télé dans leur chambre et tous ont un smartphone et presque tous arrivent avec des casques autour du coup-edit:et du cou   : je ne vois pas comment empêcher cela. Sauf en écartant l'école du numérique à tout va pour leur expliquer qu'il y a autre chose, et comme dit Gauchet, des choses à savoir pour vraiment utiliser internet.

Mais au fait, a-t-on fait des études sérieuses sur l'utilisation que nos ados font d'internet ? Je ne parle pas de sondages ou de questionnaires, hein... D'après les quelques témoignages que j'ai de l'entourage, c'est porno+téléchargements de n'importe quoi qu'on n'écoute/ne regarde pas+FB. Mais bon, ce n'est pas très représentatif

Déjà les pubs pornos abondent sur tous les sites de streaming, comme par hasard...Et il n'y a qu'à voir les images qu'ils font tourner sur twitter pour être édifié sur Petite Poucette.

iphigénie a écrit:Déjà les pubs pornos abondent sur tous les sites de streaming, comme par hasard...Et il n'y a qu'à voir les images qu'ils font tourner sur twitter pour être édifié sur Petite Poucette.

Une poussette culbutée dans le fossé, de toute évidence...

Comme me disait une génitrice d'apprenant :
« Il a la télé (par satellite) dans sa chambre mais il ne la regarde pas, il travaille. »
Si vous le dites, chère madame.

Et quand il reçoit une copine, c'est pour réviser les maths ?  

D'après les quelques témoignages que j'ai de l'entourage, c'est porno+téléchargements de n'importe quoi qu'on n'écoute/ne regarde pas+FB.

C'est assez réaliste, principalement réseau social + jeux en ligne (essentiellement des petits jeux de merde gavés de pub) + des conneries en vidéo (je range le porno dedans, dans le voyeurisme) et autres. Le téléchargement, ça concerne une "élite".
Mais avec un adulte autour, c'est plus compliqué.

trouve-moi un enfant qui n'a pas de copains...

pareil pour la cigarette, l'alcool, la drogue, les wheelings en mobylette, la baise, la torture de petits animaux, les armes, le feu, etc... it's a wild world haha.

pareil pour la cigarette, l'alcool, la drogue, les wheelings en mobylette, la baise, la torture de petits animaux, les armes, le feu, etc... it's a wild world haha.

Voilà, mais tout le reste on ne cherche pas à l'introduire dans l'école pour être en phase avec son temps. C'est tout le problème.

iphigénie a écrit:

pareil pour la cigarette, l'alcool, la drogue, les wheelings en mobylette, la baise, la torture de petits animaux, les armes, le feu, etc... it's a wild world haha.

Voilà, mais tout le reste on ne cherche pas à l'introduire dans l'école pour être en phase avec son temps. C'est tout le problème.

Voilà. On a tous fait des conneries, c'est d'ailleurs important d'en faire, mais l'école n'en faisait pas la voie du succès...

Je ne suis pas d'accord. Dans ma matière, l'introduction du numérique est une vraie avancée. Je ne me vois pas refaire des cours (notamment de géographie) à l'ancienne avec seulement un tableau noir (enfin vert).

Isis39 a écrit:Je ne suis pas d'accord. Dans ma matière, l'introduction du numérique est une vraie avancée. Je ne me vois pas refaire des cours (notamment de géographie) à l'ancienne avec seulement un tableau noir (enfin vert).

Oh, je ne pense pas que ce soit ce point qui est en question. Le numérique que vous utilisez en géo pour faire voir a toutes les chances d'être un outil indispensable, en effet.