L'infant de Parme d'Elisabeth Badinter

Elisabeth Badinter raconte comment les philosophes des Lumières ont été chargés de faire l'éducation de l'infant de Parme, Ferdinand, et chargés d'en faire un prince éclairé. Rien ne fut négligé : on recruta les meilleurs précepteurs de l'époque, dont Condillac notamment qui appliqua une pédagogie nouvelle fondée sur l'induction, comme dans l'Emile de Rousseau. Pourtant, la désillusion fut rude : Ferdinand, tiraillé entre une éducation française inspirée des Lumières et un tropisme naturel vers la bigoterie, fut surtout un souverain jouisseur et médiocre…
Elisabeth Badinter ne tranche pas, mais deux explications à ce magistral échec sont possibles :
- ou bien l'infant était borné, limité et la meilleure éducation n'y peut rien. C'est la théorie de d'Alembert : "J'espérais un peu de l'infant duc de Parme,attendu la bonne éducation qu'il a eue ; mais où il n'y a point d'âme, l'éducation n'a rien à faire" mais cela exonère les philosophes à bon compte, qui font porter la responsabilité sur la nature de l'élève.
- ou bien l'éducation qui a été dispensée a été inadaptée, mais c'était pourtant ce qu'on faisait de mieux, Ferdinand était entouré par des précepteurs qualifiés et on ne peut pas dire qu'il appartenait à un milieu défavorisé. Dans ces conditions, il aurait dû réussir et son échec revient à reporter la faute sur l'enseignant.
Comment la meilleure éducation a-t-elle pu échouer à ce point ?

Je n'ai pas lu le livre mais je me méfie beaucoup de l'oeuvre d'historienne d'Elisabeth Badinter (son illustre l'Amour en plus comporte des erreurs de méthode et d'appréciation assez grossières).
il me semble que la réponse se situe à moyen terme : le personnage était vraisemblablement limité ET l'éducation n'était pas adaptée. Un peu comme si vous mettiez le meilleur prof du collège de France devant un enfant de six ans : c'est pas fait pour, dans un sens comme dans l'autre.

Par ailleurs le meilleur souverain élève des Lumières, le plus cultivé, c'est Louis XVI, et quand on voit où ça l'a mené, ben...

Elaïna a écrit:Je n'ai pas lu le livre mais je me méfie beaucoup de l'oeuvre d'historienne d'Elisabeth Badinter (son illustre l'Amour en plus comporte des erreurs de méthode et d'appréciation assez grossières).
il me semble que la réponse se situe à moyen terme : le personnage était vraisemblablement limité ET l'éducation n'était pas adaptée. Un peu comme si vous mettiez le meilleur prof du collège de France devant un enfant de six ans : c'est pas fait pour, dans un sens comme dans l'autre.

Cela m'intéresse: lesquelles? En quelques mots, je ne veux pas abuser de ton temps.

Orlanda, très rapidement : en gros, Badinter confond sentiment maternel et expression écrite du sentiment maternel. Pas mal d'historiens, depuis Philippe Ariès, ont montré que contrairement à ce qu'on a longtemps pensé, les gens se projetaient bien avant le XVIIIe siècle dans les petits enfants, s'y intéressaient, et souffraient lorsque les petits enfants mouraient en bas âge (alors qu'Ariès et consorts estiment que comme l'enfant était une "denrée périssable", les gens ne s'y attachaient pas). Badinter n'y échappe pas : elle semble estimer que tant qu'on ne lit pas ce sentiment dans les archives, il n'existe pas.

Merci à toi!