- Docteur OXGrand sage
http://www.lemonde.fr/ecole-primaire-et-secondaire/article/2013/12/03/il-y-a-toujours-eu-de-bons-et-de-mauvais-eleves-mais-l-ecart-est-devenu-un-gouffre_3524682_1473688.html
Une cinquantaine d'enseignants ont répondu à l'appel à témoignages lancé sur LeMonde.fr à la suite de la publication de l'enquête PISA sur le niveau des élèves de 15 ans. Nous en publions une sélection.
« Les résultats de l'étude PISA sont le reflet de ce que je constate sur le terrain », par Emeline, professeure en zone d'éducation prioritaire (ZEP) depuis le début de sa carrière il y a onze ans.
« Je ne suis pas du tout surprise par les résultats de l'étude PISA qui sont le reflet de ce que je constate sur le terrain. Il y a toujours eu de « bons » et de « mauvais » élèves dans les classes mais l'écart entre les uns et les autres est devenu un gouffre ces dernières années. La constatation est particulièrement alarmante pour les 6e que nous avons accueillis cette année dans mon établissement. On ne peut qu'être interpellé par les différences de niveau incroyables qui se sont déjà installées entre des élèves de seulement 11 ans. Alors que certains maîtrisent ce qui semble être le bagage normal pour un enfant sorti du primaire, d'autres nous arrivent en collège sans avoir la moindre base dans quelque domaine que ce soit. Et pourtant, ils sortent des mêmes écoles, ont eu les mêmes instituteurs. Il y a quelque chose de profondément perturbant à constater que certains peuvent passer cinq ou six ans en primaire sans en retirer rien du tout. On se sent alors désarmé quand on nous demande de faire nos programmes de collège, qui supposent un certain nombre d'acquis chez nos élèves, avec des gamins qui sont incapables d'écrire une phrase simple dans un français correct ou de mettre en route la moindre réflexion. »
« Mes élèves de 6e ignorent en général ce que signifie multiplier ou soustraire », par Mary, 60 ans, enseignante en SVT depuis 1978, Charentes-Maritime
«Lors de la première enquête PISA, il y a environ dix ans, on s'était dit, avec les collègues, que c'était exagéré, que cela ne correspondait pas à ce qu'on faisait. C'était une enquête anglo-saxonne, nous étions l'exception. Et puis j'ai regardé ce qui était demandé et j'ai vu que les questions étaient pertinentes. C'est une enquête qui nous interpelle. Ce qu'elle dit se vérifie au quotidien. J'ai bien sûr constaté une diminution des compétences de mes élèves.Par exemple, je suis très frappée de constater que mes 6e ne savent pas le sens des mots « horizontal » ou « vertical ». Ce n'est qu'un exemple mais ils manquent de vocabulaire et en général ignorent ce que signifie multiplier, soustraire. Et je ne parle pas de diviser... Ils sont très anxieux de savoir ce que « je veux » pour réponse. J'ai beaucoup de mal à les habituer à écrire leur idée afin qu'on en discute ensuite. Ils veulent tout apprendre par cœur et s'ils n'y arrivent pas (qui y arriverait ?) ils capitulent et basculent dans le « à quoi ça va me servir plus tard ? ». En effet, l'école ne s'occupe plus d'introduire du rêve et de la passion dans la tête des élèves. »
« Les tests PISA ne correspondent pas à ce que l'on apprend en France », par Stéphane, 45 ans, enseignant au Havre (Haute-Normandie)
« Même si la baisse du niveau des élèves est incontestable, j'accorde assez peu de crédit à cette enquête PISA, parce que les critères sont biaisés, et surtout parce que j'ai participé à une session PISA avec des élèves me montrant que, comme toute étude statistique, on pouvait lui faire dire ce que l'on voulait. D'abord l'étude compare des villes (Shanghaï) et des Etats ! Pourquoi ne pas comparer Paris et Shanghai alors ? Ou Pékin et Grenoble ?Et puis je suis perplexe sur la façon de comparer les pays où il y a une culture de la réussite, avec une pression sociale terrible, avec le système français, plus démocratique.
Ensuite, les tests ne correspondent pas à ce que l'on apprend en France : dans beaucoup de pays on utilise le questionnaire à choix multiples, mais très peu en France. Si l'on formait nos élèves à ce type d'exercice, les résultats seraient totalement différents. (...) Que l'école française soit perfectible, tout le monde en convient, mais elle fonctionne plutôt bien, et elle fonctionnerait encore mieux si chaque ministre ne défaisait pas ce que son prédécesseur a fait! Ce qui est vrai, par ailleurs, c'est qu'on accueille des élèves qui il y a environ dix ans n'auraient pas intégré le lycée.»
« Une méconnaissance de plus en plus grande des tables de multiplication », par Simone, professeur de mathématiques en collège.
« Je ne suis pas étonnée. L'enquête PISA met surtout en évidence l'échec des réformes précédentes, notamment celle de l'école primaire et la disparition des écoles normales qui ne peuvent plus apporter les bases et la pédagogie nécessaires pour enseigner le calcul à des instituteurs principalement littéraires. Professeur de mathématiques en collège je constate une méconnaissance de plus en plus grande des tables de multiplication et du calcul mental, par l'utilisation des calculatrices, ainsi que de la compréhension fine des opérations de base. Je constate aussi de plus en plus l'arrivée en collège d'élèves qui ont été « laissés au fond de la classe » avec beaucoup des lacunes mais aussi avec un grand désir d'apprendre, ce qui prouve qu'on ne leur à pas accordé tout l'attention nécessaire en primaire. En ce qui concerne le collège les professeurs doivent travailler l'empathie vis à vis des élèves et abandonner la sélection par l'échec. »
« Ce que je constate n'est pas une vraie baisse de niveau mais une appréhension de ce qui touche aux chiffres », par Guillaume, 35 ans, Reims, enseignant.
« Je suis professeur en économie gestion pour les sections de STMG (anciennement STG). Ce que je constate n'est pas une vraie baisse de niveau mais une appréhension de ce qui touche aux chiffres. Des élèves de terminale ont du mal à comprendre un pourcentage, un chiffre. Tous les calculs passent par la calculatrice, même les plus simples. Les lycéens ont de vrais problèmes à comprendre les chiffres et butent sur la résolution de problèmes. Mais en général, ce n'est que le cumul d'autres problèmes. J'ai été amené à aider des 1ères en math. Je me suis aperçu que le vrai problème était une question de compréhension et de lecture de l'énoncé, donc un problème de maitrise de langue. Aujourd'hui, en section de comptabilité, les élèves fuient ces formations car les chiffres les effraient et sont rapidement en difficulté face à une compréhension chiffrée. »
« Le niveau global des élèves semble se détériorer de manière continue », par Thomas, professeur d'histoire-géo à Dunkerque.
« J'enseigne dans un collège du Nord depuis dix ans. Cet établissement n'est pas en ZEP mais est loin d'être favorisé socialement. Ma constatation est la suivante: le niveau global des élèves me semble se détériorer de manière continue. Premièrement, le vocabulaire des élèves s'appauvrit, de même que la maîtrise de la langue. Résultat des courses: même les élèves sérieux et motivés se retrouvent limités dans leur raisonnement par le manque des mots, des concepts... Quelles explications ? Peut-être les modes de vie (écrans omniprésents, rythme de vie...), peut-être également des programmes scolaires qui laissent peu de place à l'acquisition d'un vocabulaire riche et nuancé. Deuxièmement, il me semble que les élèves de manière assez généralisée ne mémorisent pas. Les conjugaisons sont rabattues depuis le CE1 et pourtant les verbes usuels au présent de l'indicatif sont trop souvent victimes de barbarismes. »
« Cela fait longtemps que les profs dénoncent la baisse du niveau », par Marjolaine, enseignante depuis quinze ans.
« Cela fait bien longtemps que les profs dénoncent la baisse du niveau, en privé, dans des ouvrages publiés, dans les médias.... et depuis tout ce temps on les traite comme des psychopathes réactionnaires ou des mythomanes!! Il faut des études extérieures pour créer une réaction ! Les corrections des épreuves du bac sont devenues une épreuve pour les enseignants tellement le niveau des sujet est bas et les consignes de correction d'un laxisme aberrant. Le pire c'est que la baisse du niveau a depuis longtemps gagné l'université. Si les profs d'aujourd'hui sont recrutés à Bac +5 et plus à Bac +3, c'est tout simplement parce qu'avec un bac +5 aujourd'hui, on a le même niveau disciplinaire qu'avec un bac +3 d'il y a dix ans ! Mais contrairement à ce qui se passait encore il y a dix ans, ce ne sont plus des étudiants comptant parmi les meilleurs des promos de Maîtrise/master qui se préparent à l'enseignement, loin de là. Ceux qui sont intelligents donc lucides quant à la dégradation des conditions de travail et de rémunération préfèrent aller voir ailleurs. La boucle est bouclée. Bon courage pour sortir du cercle vicieux ! »
« Un allègement et un recentrage sur les fondamentaux sont nécessaires », par Francis, 54 ans , Nantes , enseignant SVT.
« Enseignant en collège depuis trente ans , je confirme ce constat [de PISA]. Certaines copies de mes élèves de sixième sont illisibles et vides de sens, d'autres sont remarquables ! Cela est nouveau et alarmant . Au fil du temps, les différents ministres de l'éducation ont alourdi les programmes en primaire. Le travail des élèves et des professeurs des écoles est devenu très lourd et difficile : les écarts se creusent , c'est logique. Un allègement et un recentrage sur les fondamentaux sont nécessaires. La réforme actuelle de M . Peillon ne changera rien sur l'apprentissage des fondamentaux et ne fera qu'accentuer les écarts entre le petit écolier chanceux de Paris qui aura accès aux activités encadrées par des professionnels et l'autre écolier largué sur un terrain à jouer au foot. »
- User17706Bon génie
«Bon courage pour sortir du cercle vicieux». Ouaip. Pas impossible, mais ça va être brutal. Si quelque chose est tenté. Pas dit.
- RoninMonarque
Il va falloir du brutal, du lourd, qui tache les murs.
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- DinosauraHabitué du forum
La démagogie et le court-termisme politiciens (sans compter que le statu quo favorise en fait les élites - économiques, s'entend - en place) me laissent assez dubitative quant à un changement de cap radical.
Il n'aurait jamais fallu substituer au droit à l'éducation pour tous le droit à la réussite pour tous (partant, en nivelant par le bas les exigences, seules à même pourtant de produire de l'égalité, et en ruinant les notions d'efforts et de travail nécessaires à la réussite).
Je sais, je tresse des idées maintes fois rebattues (et pas rabattues, d'ailleurs...), mais je crois qu'on en est arrivé à un point du système éducatif où il s'agit de l'état d'équilibre propre au totalitarisme mou qui gouverne nos sociétés démocratiques (formellement) et qui arrange bien les fameux 1% tout en endormant sans heurts (et en les berçant d'illusions) les masses déculturées contemporaines (et que l'on a coupées de toute mémoire ouvrière et politique, au sens noble du terme). État d'équilibre faisant que les choses ne changeront vraisemblablement pas, pas dans le sens d'une instruction de masse qui élève chacun au plus haut de ses possibilités en tout cas...
Pour que rien ne change, il faut que tout change...
Il n'aurait jamais fallu substituer au droit à l'éducation pour tous le droit à la réussite pour tous (partant, en nivelant par le bas les exigences, seules à même pourtant de produire de l'égalité, et en ruinant les notions d'efforts et de travail nécessaires à la réussite).
Je sais, je tresse des idées maintes fois rebattues (et pas rabattues, d'ailleurs...), mais je crois qu'on en est arrivé à un point du système éducatif où il s'agit de l'état d'équilibre propre au totalitarisme mou qui gouverne nos sociétés démocratiques (formellement) et qui arrange bien les fameux 1% tout en endormant sans heurts (et en les berçant d'illusions) les masses déculturées contemporaines (et que l'on a coupées de toute mémoire ouvrière et politique, au sens noble du terme). État d'équilibre faisant que les choses ne changeront vraisemblablement pas, pas dans le sens d'une instruction de masse qui élève chacun au plus haut de ses possibilités en tout cas...
Pour que rien ne change, il faut que tout change...
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"Le plus esclave est celui qui ignore ses chaînes."
- miss teriousDoyen
Zut, j'ai posté le même article dans un autre topic sur Pisa. M'enfin, les collègues y auront ainsi doublement accès.
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"Ni ange, ni démon, juste sans nom." (Barbey d'AUREVILLY, in. Une histoire sans nom)
"Bien des choses ne sont impossibles que parce qu'on s'est accoutumé à les regarder comme telles." DUCLOS
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