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par retraitée Mar 3 Déc 2013 - 14:29
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Vincent Peillon sera certainement très attentif à la publication de l’enquête internationale PISA sur les performances des élèves de 15 ans en 2012. Les résultats, n’a-t-il pas manqué de rappeler, révéleront à coup sûr que les écarts entre les élèves qui réussissent et ceux qui sont en grande difficulté se sont « accrus dans des proportions inacceptables ». En conséquence, a martelé Vincent Peillon, il faudra, encore une fois, « refonder l’école », en proposant, pour la bonne cause, de déshabiller Jean pour faire semblant d’habiller Paul. Ce projet s’inscrit dans une plus large réforme du statut enseignant dont les premiers à faire les frais semblent devoir être les quelques six mille professeurs de prépas qui se voient imposer un régime plutôt sec.

Rappelons que le service, à savoir la charge horaire, d’un professeur de Classe Préparatoire aux Grandes Ecoles varie entre huit et dix heures par semaine. Plutôt huit ou neuf pour celui qui a une classe de deuxième année, c’est-à-dire une classe d’examen, de plus de 36 élèves, et plutôt dix pour celui qui a une classe de première année de 20 élèves. La réforme Peillon prévoit que tous les professeurs de prépas passeraient à dix heures.

La majorité de ces enseignants ayant des classes d’examen et des effectifs lourds (il n’est pas rare de trouver cinquante élèves par classes en prépa) verraient ainsi leur service s’alourdir de manière très significative sans aucune contrepartie financière. En outre, la réforme conduirait à une diminution de la rémunération des heures supplémentaires, d’où une baisse très importante des revenus. Afin de justifier sa mesure, Vincent Peillon a déclaré que cet aménagement permettrait de dégager vingt millions d’euros qui permettrait d’alléger au contraire l’horaire des professeurs enseignant en ZEP, à savoir en Zone d’Education Prioritaire, c’est-à dire les établissements les plus difficiles. Ce faisant, Vincent Peillon joue très habilement la carte d’une démagogie rusée. Il a tout à fait conscience que l’opinion publique sera prompte à ne considérer que le chiffre de huit ou dix heures de service en prépas et ne manquera pas de dénoncer les « privilégiés » qui bénéficient d’un système aussi avantageux.

Evidemment, il faut avoir conscience que ces huit ou dix heures de présence devant les élèves représentent une faible partie du travail d’un professeur. Préparer une heure de cours en prépa requiert deux ou trois heures de recherches ou de préparation en amont. Essayez de bricoler un cours sur l’usage de la métaphore chez Proust, la conception du temps bergsonien ou l’algèbre bilinéaire et vous comprendrez assez rapidement que vous risquez d’y sacrifier un peu plus qu’une pause-café. Deux heures de plus, cela représente éventuellement une classe supplémentaire, soit une quarantaine ou une cinquantaine de copies en plus. Et corriger une copie de prépa prend presque plus de temps que de lire un ouvrage de Vincent Peillon.

Evidemment, les enseignants des classes préparatoires sont dans une très mauvaise position pour présenter ces arguments. Comme l’écrivait Arthur Schopenhauer dans L’art d’avoir toujours raison : « Si vous n’avez pas d’argumentum ad rem, ni même d’ad hominem, vous pouvez en faire un ad auditores, c.-à-d. une objection invalide, mais invalide seulement pour un expert. […] Montrer que votre objection est invalide nécessitera une explication longue faisant référence à des branches de la science dont vous débattez et le public n’est pas spécialement disposé à l’écouter. » (Stratagème XXVIII). Vincent Peillon a donc choisi de placer les professeurs de CPGE en position de profiteurs face aux enseignants de ZEP, dont il s’improvise le défenseur. Le ministre de l’Education Nationale se fait soudain Robin des Bois et Thierry la Fronde, il vole aux riches pour donner aux pauvres, défendant avec courage un idéal de partage et de solidarité. Mais les choses ne sont jamais aussi belles que l’on voudrait qu’elles soient. Huit mille profs de prépa, ce n’est pas beaucoup pour commencer. Même en les ponctionnant très largement, le ministre a concédé ne pouvoir tirer que vingt millions d’euros. Cela ne pèse pas lourd face au un milliard et cent trente et un millions d’euros que représente le budget des ZEP en 2012, d’après le rapport d’information n°1295 du 23 juillet 2013. Détail amusant, ce rapport mentionne d’ailleurs bien les fameux vingt millions qui doivent servir à « la mise en place d’une prime modulable » valorisant « l’engagement des personnels, notamment dans des missions, activités et responsabilités nouvelles »1 Valorisation impressionnante : les 112 173 professeurs du premier et second degré en ZEP ont perçu pour l’année 2012 une prime d’un montant de cent quarante euros. Hurray for Robin Hood ! Réduire de 10 à 20% (par mois) la rémunération des enseignants de CPGE pour financer quelques centaines d’euros de prime par an, voilà le principe de vases communicants défendu par Vincent Peillon. L’un des vases est tout de même beaucoup plus gros que l’autre.

L’autre argument avancé, cette fois par la Cour des comptes, est la trop importante rémunération des professeurs de classe préparatoire, qui est estimé à 10 7000 euros en fin de carrière. Un argument qui a ulcéré les intéressés qui ont démontré rapidement, barème officiel à l’appui, que la vénérable institution s’était quelque peu égarée dans son empressement à venir au secours du ministre au cœur d’or et que la rémunération d’un professeur de CPGE en fin de carrière est deux fois moins importante. Pour s’approcher des niveaux astronomiques avancés par le rapport de la cour, il faudrait cumuler autant d’heures supplémentaires et d’heures de khôlles que d’heures de cours ce dont aucun enseignant en CPGE n’est capable en termes d’emploi du temps. Un professeur de prépas perçoit le même traitement qu’un agrégé du secondaire, soit environ 2200 euros en début de carrière et un salaire moyen annuel de 53733 €, soit 41364 € net (en comparaison, le salaire moyen des cadres est évalué à 54 100 € brut en France en 2012). En 2011, quand Luc Châtel avait voulu accélérer sa politique de réforme de l’éducation, il avait commencé par avancer qu’il « avait connaissance » de professeurs gagnant « 4500 € par mois » au bas mot. Les professeurs certifiés arrivant, en milieu de carrière, soit après dix ans d’exercice, à peine à 1800 € par mois avaient apprécié le flou artistique entourant les sources d’information du ministre en particulier en regard de l’énormité du chiffre avancé.

Qu’importe le caractère erroné, voire mensonger, de ces informations. Le but ici recherché est bien de présenter notre courageux ministre de l’éducation comme le champion de l’égalité face à l’élitisme le plus détestable. Qu’importe donc si les moyens invoqués sont en réalité bien insuffisants pour renflouer la politique des Zones d’Education Prioritaire, dont le bilan est aujourd’hui contesté. Il s’agit non pas tant de faire valoir un calcul économique qu’un biais idéologique : si l’on ne peut réellement mettre en place une véritable politique de promotion de la réussite à l’école, autant donc s’attaquer à ce qui dépasse et aux forteresses de l’élitisme, à savoir les classes préparatoires, temple de la discrimination sociale. Les classes préparatoires sont un système sélectif et élitiste pour la bonne raison que ces filières d’excellence sont intrinsèquement attachées au système des grandes écoles (Polytechnique, Centrale, HEC…). Mais l’argument de l’élitisme tombe aussi en partie à plat si l’on prend en compte l’existence des prépas ECT (Economique et Commercial option Technologique), TSI (Technologie et Sciences Industrielles) et ATS (Adaptation Technicien Supérieur) qui permettent d’ouvrir les CPGE à des élèves ou des étudiants venus des filières technologiques et de BTS.

Les prépas peuvent donc s’avérer être de véritables instruments de promotion sociale et non pas seulement un organe de reproduction des élites. La méritocratie ne semble cependant plus être au goût du jour. Le système de formation des classes préparatoires, qui n’est déjà plus gratuit depuis quelques mois par volonté gouvernementale, est aujourd’hui menacé par un égalitarisme niveleur, dont les excès peuvent avoir des conséquences économiques préoccupantes si l’on considère en effet que les CPGE fournissent une grande partie du futur personnel hautement qualifié sur lequel peut encore s’appuyer la compétitivité du pays. Les étudiants de CPGE, qui soutiennent en grand nombre leurs professeurs, ne semblent d’ailleurs pas s’y tromper.



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par retraitée Mar 3 Déc 2013 - 14:32
Au fait, combien gagnent les membres de la Cour des Comptes? L'hermine dontils se parent n'est-elle pas elle aussi obsolète ?
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