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- Mike92Niveau 10
On dira ce qu'on voudra, vu la précision linguistique germanique et le flou du vocabulaire français, on a tout à gagner à revenir à l'original si l'on peut. Je l'ai encore vérifié aujourd'hui avec Nietzsche. Le français emploie un seul mot pour dix nuances de sens, l'allemand 10 mots pour 10 nuances...
- InvitéP2Niveau 5
Bah ... c'est le problème de toute traduction en général : comment projeter une pensée, qui n'a pas d'autre "substance" que la langue dans laquelle elle s'exprime, dans une autre langue qui n'est jamais isomorphe à la première ? Problème à peu près insoluble, notamment lorsque la langue-source est une langue aussi synthétique que l'allemand (pour les substantifs) ou, pire, le latin. En ce sens, les balancements médiatement/immédiatement et présentation/représentation me semblent être des compromis pertinents, dans l'économie générale du texte de Kant, pour rendre les oppositions, respectivement mittelbar/unmittelbar et Darstellung/Vorstellung. J'ai moi-même, jadis, avoué ma plus grande perplexité face aux traductions institutionnelles de "ich mußte also das Wissen aufheben, um zum Glauben Platz zu bekommen" (CRP, AK III, 19) (cf. traduire "Glaube" et "aufheben" chez Kant).Mike92 a écrit:On dira ce qu'on voudra, vu la précision linguistique germanique et le flou du vocabulaire français, on a tout à gagner à revenir à l'original si l'on peut. Je l'ai encore vérifié aujourd'hui avec Nietzsche. Le français emploie un seul mot pour dix nuances de sens, l'allemand 10 mots pour 10 nuances...
- philannDoyen
Et t'es vraiment pas la seule !!! Mon ancien prof de phi allemande m'avait même copieusement engueulée pour avoir fait travaillé mes étudiants dessus (malgré l'édition corrigée) !PauvreYorick a écrit:OK; il faudra que je la regarde, quand même. Je pensais beaucoup de mal de la 1re édition.
Elle est parfois fautive...et parfois pas vraiment en français... Mais dans certains cas, elle rend mieux le sens littéral. Bref, on a pas vraiment d'autres choix que de travailler avec plusieurs trad.
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2014-2015: poste fixe dans les Hauts de Seine
2013-2014: certifiée stagiaire dans les Hauts de Seine
2011-2013: prof. contractuelle dans l'Essonne
- User17706Bon génie
Au prix d'autres sacrifices, s'agissant de la fameuse phrase de la préface, j'avais proposé à des étudiants «j'ai dû faire en sorte que la foi prenne la relève du savoir». C'est la suggestion de Derrida moins ses inconvénients, si j'ose dire (peut-être par ailleurs que «croyance» est meilleur); et ça me paraît, dans le contexte, correct, à condition de ne surtout pas s'engager à traduire d'une façon similaire toute occurrence de aufheben.
- Mike92Niveau 10
Il me fallut donc mettre le savoir de côté pour faire place à la foi
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Fais bon accueil aux étrangers, car toi aussi, tu seras un étranger. (Roger Ikor)
site : http://allemand-postbac.npage.de
manuels publiés : http://www.decitre.fr/auteur/141431/Michel+Luciani/
- InvitéP2Niveau 5
J'explique brièvement dans la note citée supra pourquoi cette traduction ne me satisfait pas. Mais, bien entendu, je vous invite, en tant que germaniste, à prendre part au débat !Mike92 a écrit:Il me fallut donc mettre le savoir de côté pour faire place à la foi
Même remarque (à peu près).PauvreYorick a écrit:Au prix d'autres sacrifices, s'agissant de la fameuse phrase de la préface, j'avais proposé à des étudiants «j'ai dû faire en sorte que la foi prenne la relève du savoir». C'est la suggestion de Derrida moins ses inconvénients, si j'ose dire (peut-être par ailleurs que «croyance» est meilleur); et ça me paraît, dans le contexte, correct, à condition de ne surtout pas s'engager à traduire d'une façon similaire toute occurrence de aufheben
- Mike92Niveau 10
le Wissen et le Glaube relèvent de deux domaines (noumène - phénomène, s'expérimente - donne un accord à) qui ne peuvent avoir de continuité, donc le aufgeben ne peut dépasser, surmonter, etc. "Mettre de côté" a bien les deux sens en français : ne pas utiliser provisoirement et conserver. Raison de ma proposition. Glaube a bien les 2 sens de a) croyance avec peut-être un début de raison, donc puisé dans le phénoménal ; b) la foi au sens purement religieux, qui ne relève pas du phénoménal (malgré le cas des expériences mystiques et interprétations existentielles à base religieuse, qui nous conduiraient trop loin). On n'est pas dans le phénoménal mêm minime, donc c'est bien la foi qui convient en français. (à moins que mon appréhension du terme croyance soit biaisé ?).Philippe Jovi a écrit:J'explique brièvement dans la note citée supra pourquoi cette traduction ne me satisfait pas. Mais, bien entendu, je vous invite, en tant que germaniste, à prendre part au débat .Mike92 a écrit:Il me fallut donc mettre le savoir de côté pour faire place à la foi
P.S.: avec sursumer, vous prenez le chemin des traducteurs de Freud aux PUF, ce qui me dispense d'en dire plus.
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- SacapusHabitué du forum
le Duden vous donne tort aussi.Baba a écrit:(Au fait, quand on appelle à l'aide en allemand on se dispense de la préposition : "Hilfe!")
(Et la préposition c'est um, de toute façon )
Édit : mais bien sûr, histoire de me contredire, je vois que Mozart utilise le zu dans la flûte enchantée...
http://www.duden.de/rechtschreibung/zu_Hilfe
"um Hilfe rufen" est la manière correcte de dire "appeler au secours", mais cet appel est l'abréviation de "((kommt) zu) Hilfe"
- BabayagaGrand sage
Oui, mais quand on dit : "A l'aide !", ça vient d'"appeler à l'aide", pas de "venir en aide". Donc l'erreur logique c'est de mettre um.
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Je ne gère plus la rubrique en accès restreint, adressez-vous à Hermione, merci
- Mike92Niveau 10
on se demande où est la logique qui cherche dans le français ce qui est un idiomatisme allemand... Wo ist denn die Logik, wenn idiomatische deutsche Redewendungen anhand von französischen Erläuterungen erraten, bzw. falsch verstanden werden?
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- User17706Bon génie
Je m'exprimais sous le patronage et la protection de Schikaneder: j'avais pris soin de ne prendre aucun risque...
- InvitéP2Niveau 5
C'est plus compliqué que ça (chez Kant, c'est toujours "plus compliqué que ça" : quand j'expliquais un texte de Kant à mes élèves, je m'amusais souvent à parodier Woody Allen en leur demandant "Vous m'avez compris ?", et lorsque, parfois -rarement !-, la réponse était positive, je leur rétorquais "Alors, c'est que je me suis mal exprimé !"). Du point de vue théorique le noumène est au phénomène ce que le connaître (Wissen") est à au penser (Denken). Quant à la connaissance (Wissen) et à la foi-croyance (Glaube), ce sont deux des trois degrés de la créance (Fürwahrhalten) avec l'opinion (Meinen), la première étant suffisante subjectivement et objectivement, la seconde subjectivement mais non objectivement, la troisième ni subjectivement, ni objectivement. Toutefois, Kant indique que les "objets" (au sens logique, non pas empirique, du terme) de la raison pure pratique (l'existence de Dieu, l'immortalité de l'âme et la liberté) sont postulés par un acte de foi-croyance (Glaube). Cependant, dans la mesure où ces actes de foi-croyance sont des exigences rationnelles et non quelque chose comme l'effet d'une révélation, je suis gêné par la traduction institutionnelle de Glaube par "foi" qui , en français, est un terme trop fortement connoté à mon goût. D'où le problème que je posais ...Mike92 a écrit:le Wissen et le Glaube relèvent de deux domaines (noumène - phénomène, s'expérimente - donne un accord à) qui ne peuvent avoir de continuité, donc le aufgeben ne peut dépasser, surmonter, etc. "Mettre de côté" a bien les deux sens en français : ne pas utiliser provisoirement et conserver. Raison de ma proposition. Glaube a bien les 2 sens de a) croyance avec peut-être un début de raison, donc puisé dans le phénoménal ; b) la foi au sens purement religieux, qui ne relève pas du phénoménal (malgré le cas des expériences mystiques et interprétations existentielles à base religieuse, qui nous conduiraient trop loin). On n'est pas dans le phénoménal mêm minime, donc c'est bien la foi qui convient en français. (à moins que mon appréhension du terme croyance soit biaisé ?)
- Mike92Niveau 10
ah oui, c'est compliqué ! merci pour ces explications, je vais creuser.. à mon (petit) niveau, s'entend. Pour un croyant "traditionnel", la foi est une décision, un engagement libre, une sorte de pari, une confiance accordée — ce qui rend bien le terme grec : pistis : foi-confiance accordée. Je vois qu'on entre avec Kant dans un autre univers. Merci !
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- User17706Bon génie
@Mike92: notez bien que rien ne permet stricto sensu d'exclure que la foi soit une sorte de «confiance librement accordée» (même si ce n'est pas dans ce genre de termes que Kant s'exprime habituellement, mais enfin il nous faut bien penser à la fois dans les nôtres et dans les siens); mais il est vrai que Kant prend soin d'établir une grande continuité entre les exigences de la raison et cette «foi» ou «croyance» qui vient les prolonger ou les couronner. Donc, il est parfaitement exact qu'il n'y a rien de plus contraire à Kant que l'idée d'une révélation qui produirait un effet de manière indépendante de la raison; cela laisse tout de même encore un peu de marge à l'interprétation, et c'est encore une affaire d'interprétation que de décider si la croyance ou la foi, telle que Kant la pose ou la reconstruit, est vraiment totalement réductible à cette exigence rationnelle (c'est une interprétation qui est possible et d'ailleurs qui existe). Personnellement je traduis assez spontanément par «foi» mais la traduction par «croyance» ne me paraît pas moins bonne.
Ce sont de toute façon des nuances, très importantes évidemment (assez pour que le terme de «nuances» ne soit peut-être pas le bon), qui échappent tôt ou tard à la traduction proprement dite, puisque, comme le montre le raisonnement même de Philippe Jovi (dans l'article du blog ou ici même), elles ne deviennent véritablement claires que dans un travail de lecture qui prend en compte l'oeuvre entière. Nous sommes bien contraints de nous satisfaire de ce fait, qu'il n'existe pas de traduction de cette petite phrase qui soit capable d'en fixer le sens de façon suffisamment univoque pour dispenser de cette lecture et d'un commentaire. Cela ne me paraît pas particulièrement inquiétant, d'ailleurs, puisque ces difficultés existent y compris à l'intérieur d'une seule et même langue.
Autrement dit, un allemand qui aurait à comprendre la phrase en question détachée de toute l'oeuvre n'aurait aucune chance de la comprendre mieux que nous, même sans l'écran supplémentaire de la traduction.
Ce sont de toute façon des nuances, très importantes évidemment (assez pour que le terme de «nuances» ne soit peut-être pas le bon), qui échappent tôt ou tard à la traduction proprement dite, puisque, comme le montre le raisonnement même de Philippe Jovi (dans l'article du blog ou ici même), elles ne deviennent véritablement claires que dans un travail de lecture qui prend en compte l'oeuvre entière. Nous sommes bien contraints de nous satisfaire de ce fait, qu'il n'existe pas de traduction de cette petite phrase qui soit capable d'en fixer le sens de façon suffisamment univoque pour dispenser de cette lecture et d'un commentaire. Cela ne me paraît pas particulièrement inquiétant, d'ailleurs, puisque ces difficultés existent y compris à l'intérieur d'une seule et même langue.
Autrement dit, un allemand qui aurait à comprendre la phrase en question détachée de toute l'oeuvre n'aurait aucune chance de la comprendre mieux que nous, même sans l'écran supplémentaire de la traduction.
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