- OlympiasProphète
Trouvé sur Médiapart, ce billet sur l'Education prioritaire.
http://blogs.mediapart.fr/edition/educateurs-prioritaires/article/011013/vous-etes-en-zep-monsieur-pas-henri-iv
Les pressions pour faire baisser le niveau de nos exigences en ZEP se multiplient. L'opinion publique (voir ici), le ministère (voir ici), nos inspecteurs (voir ici), les élèves et parfois nous-mêmes, professeurs, agissons, plus ou moins consciemment, pour ne plus avoir en ZEP les mêmes objectifs et finalités qu'ailleurs.
Il y a à peine 2 ans j'ai reçu la visite d'un inspecteur. Après avoir assisté à ma séance d'une heure, il m'a dit : « Ce que vous faites est trop difficile, vous n'êtes pas à Henri IV ici, M. Lanoë ». Je dois dire que je n'ai pas bien compris. Au nom de quoi mes élèves, très majoritairement issus de milieux défavorisés, ne pourraient-ils pas avoir un accès à la pensée, aux langues, à l'histoire, au français, égal aux autres élèves ? Ils souffrent déjà du cumul de toutes les inégalités possibles : sociales, économiques territoriales...il faudrait en plus que je devienne l'artisan d'une inégalité supplémentaire ? Inimaginable.
En France, me suis-je rappelé, les hommes naissent égaux en droit. L'accès au savoir en est assurément un. Les programmes scolaires du secondaire sont logiquement destinés à tous les élèves de France. Les examens passés à la fin du collège et du lycée doivent permettre d'obtenir des diplômes nationaux dont la valeur est la même pour tous, à Neuilly-sur-Seine ou dans les quartiers nord de Marseille.
Je ne peux pas nier les difficultés et problèmes spécifiques posés par les élèves de ZEP. Notre pédagogie en tient compte et nous rusons pour les intéresser. Ils n'aiment pas l'inconnu, aiment en rester à ce qu'ils connaissent et maîtrisent. La peur de l'échec est ici plus grande qu'ailleurs car il fait partie du quotidien. Le travail en petits groupes, le suivi individualisé et les pédagogies différenciées permettent d'aider efficacement les élèves en difficulté. Dans nos classes, nous ne renonçons jamais, sur le fond, à enseigner les mêmes choses que partout ailleurs. Nos exigences en terme de savoirs fondamentaux ne visent qu'à permettre l'accès aux questions plus complexes abordées ça et là dans les programmes scolaires.
Non au collège inique
Nombreux, pourtant, sont ceux qui estiment que le collège unique est une ineptie. Ils considèrent que beaucoup d'élèves seraient mieux ailleurs, en apprentissage par exemple, avant même 14 ans. Le grand danger est d'orienter trop tôt les élèves, de les cataloguer « pas fait pour les études » beaucoup trop jeunes. A l'adolescence, ils sont encore en pleine construction intellectuelle et peu ont la capacité de se projeter. Beaucoup d'adultes et de parents ne le comprennent pas car ils ont souvent oublié qu'ils voulaient encore être rock star ou champion du monde à 12 ans. Lorsqu'un jeune élève veut entrer dans la vie active le plus rapidement possible, c'est aussi et souvent parce qu'il n'a pas encore compris l'intérêt que représente l'acquisition d'une solide culture générale. Elle est pourtant facteur d'équilibre, une fois qu'il tente de s'intégrer au monde du travail. C'est elle qui permet d'évoluer, de comprendre, de progresser dans le monde professionnel.
Ce qu'on peut pardonner à un adolescent de 14 ans, on ne peut pas l'accepter venant d'un adulte, professeur qui plus est. Lorsqu'on entend dans la bouche de certains profs : « Celui-là ne comprend rien, il serait mieux à bosser » ...c'est l'aveu d'une défaite mais certainement pas de l'élève. Ce qui est inquiétant, c'est que certains professeurs qui sont pourtant censés faire vivre cet idéal républicain d'un accès massif à une culture certes complexe mais commune, baissent les bras. Il est difficile d'enseigner en Zep, d'intéresser les élèves aux programmes qui leur sont proposés. La vraie difficulté ne réside pas dans la complexité de ces programmes mais dans la capacité qu'ont les enseignants à persuader leurs élèves de la valeur du savoir. Comment accorder de la valeur à un savoir au rabais ?
http://blogs.mediapart.fr/edition/educateurs-prioritaires/article/011013/vous-etes-en-zep-monsieur-pas-henri-iv
Les pressions pour faire baisser le niveau de nos exigences en ZEP se multiplient. L'opinion publique (voir ici), le ministère (voir ici), nos inspecteurs (voir ici), les élèves et parfois nous-mêmes, professeurs, agissons, plus ou moins consciemment, pour ne plus avoir en ZEP les mêmes objectifs et finalités qu'ailleurs.
Il y a à peine 2 ans j'ai reçu la visite d'un inspecteur. Après avoir assisté à ma séance d'une heure, il m'a dit : « Ce que vous faites est trop difficile, vous n'êtes pas à Henri IV ici, M. Lanoë ». Je dois dire que je n'ai pas bien compris. Au nom de quoi mes élèves, très majoritairement issus de milieux défavorisés, ne pourraient-ils pas avoir un accès à la pensée, aux langues, à l'histoire, au français, égal aux autres élèves ? Ils souffrent déjà du cumul de toutes les inégalités possibles : sociales, économiques territoriales...il faudrait en plus que je devienne l'artisan d'une inégalité supplémentaire ? Inimaginable.
En France, me suis-je rappelé, les hommes naissent égaux en droit. L'accès au savoir en est assurément un. Les programmes scolaires du secondaire sont logiquement destinés à tous les élèves de France. Les examens passés à la fin du collège et du lycée doivent permettre d'obtenir des diplômes nationaux dont la valeur est la même pour tous, à Neuilly-sur-Seine ou dans les quartiers nord de Marseille.
Je ne peux pas nier les difficultés et problèmes spécifiques posés par les élèves de ZEP. Notre pédagogie en tient compte et nous rusons pour les intéresser. Ils n'aiment pas l'inconnu, aiment en rester à ce qu'ils connaissent et maîtrisent. La peur de l'échec est ici plus grande qu'ailleurs car il fait partie du quotidien. Le travail en petits groupes, le suivi individualisé et les pédagogies différenciées permettent d'aider efficacement les élèves en difficulté. Dans nos classes, nous ne renonçons jamais, sur le fond, à enseigner les mêmes choses que partout ailleurs. Nos exigences en terme de savoirs fondamentaux ne visent qu'à permettre l'accès aux questions plus complexes abordées ça et là dans les programmes scolaires.
Non au collège inique
Nombreux, pourtant, sont ceux qui estiment que le collège unique est une ineptie. Ils considèrent que beaucoup d'élèves seraient mieux ailleurs, en apprentissage par exemple, avant même 14 ans. Le grand danger est d'orienter trop tôt les élèves, de les cataloguer « pas fait pour les études » beaucoup trop jeunes. A l'adolescence, ils sont encore en pleine construction intellectuelle et peu ont la capacité de se projeter. Beaucoup d'adultes et de parents ne le comprennent pas car ils ont souvent oublié qu'ils voulaient encore être rock star ou champion du monde à 12 ans. Lorsqu'un jeune élève veut entrer dans la vie active le plus rapidement possible, c'est aussi et souvent parce qu'il n'a pas encore compris l'intérêt que représente l'acquisition d'une solide culture générale. Elle est pourtant facteur d'équilibre, une fois qu'il tente de s'intégrer au monde du travail. C'est elle qui permet d'évoluer, de comprendre, de progresser dans le monde professionnel.
Ce qu'on peut pardonner à un adolescent de 14 ans, on ne peut pas l'accepter venant d'un adulte, professeur qui plus est. Lorsqu'on entend dans la bouche de certains profs : « Celui-là ne comprend rien, il serait mieux à bosser » ...c'est l'aveu d'une défaite mais certainement pas de l'élève. Ce qui est inquiétant, c'est que certains professeurs qui sont pourtant censés faire vivre cet idéal républicain d'un accès massif à une culture certes complexe mais commune, baissent les bras. Il est difficile d'enseigner en Zep, d'intéresser les élèves aux programmes qui leur sont proposés. La vraie difficulté ne réside pas dans la complexité de ces programmes mais dans la capacité qu'ont les enseignants à persuader leurs élèves de la valeur du savoir. Comment accorder de la valeur à un savoir au rabais ?
- InviteeFVénérable
J'ai vécu la même chose, les mêmes reproches de la part de mon ipr lors de mon inspection de titularisation.
Merci pour le partage de ce témoignage, Olympias
J'aurais aimé être capable d'en écrire une partie...
Merci pour le partage de ce témoignage, Olympias
J'aurais aimé être capable d'en écrire une partie...
- caperucitaGuide spirituel
En même temps, quand un inspecteur vient te voir en ZEP et qu'il s'étonne du niveau de tes élèves, en sous entendant (ou pas d'ailleurs) que tu les prépares mal, qu'ils n'ont pas un bon niveau etc... sans tenir compte du contexte et de la réalité du terrain, ben c'est pas mieux...
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Premier néo-commandement : Je ne mettrai point de S au futur !!!
Par contre,si j'avais un marteau, je cognerais le jour, je cognerais la nuit, j'y mettrais tout mon coeur !
- Marie LaetitiaBon génie
ça c'est la phrase que je ne PEUX PLUS entendre... Non, ils ne se projettent pas et dans dix ans, pas sûr qu'ils se projettent davantage... Ils seront au pied du mur en revanche. Un adolescent peut penser à l'avenir, il est insaisissable, flou, incertain, mais il peut tout à fait y penser et bosser en attendant...A l'adolescence, ils sont encore en pleine construction intellectuelle et peu ont la capacité de se projeter.
Et non tous les mômes ne sont pas heureux à l'école!
_________________
Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)
Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...
Et on ne dit pas "voir(e) même" mais "voire" ou "même".
- DhaiphiGrand sage
En même temps, ce n'est pas l'objectif premier non plus.Marie Laetitia a écrit:Et non tous les mômes ne sont pas heureux à l'école!
_________________
De toutes les écoles que j’ai fréquentées, c’est l’école buissonnière qui m’a paru la meilleure.
[Anatole France]
J'aime les regretteurs d'hier qui voudraient changer le sens des rivières et retrouver dans la lumière la beauté d'Ava Gardner.
[Alain Souchon]
- InviteeFVénérable
Tout à fait!caperucita a écrit:En même temps, quand un inspecteur vient te voir en ZEP et qu'il s'étonne du niveau de tes élèves, en sous entendant (ou pas d'ailleurs) que tu les prépares mal, qu'ils n'ont pas un bon niveau etc... sans tenir compte du contexte et de la réalité du terrain, ben c'est pas mieux...
- User5899Demi-dieu
Ah, il est temps de consulterMarie Laetitia a écrit:ça c'est la phrase que je ne PEUX PLUS entendre...A l'adolescence, ils sont encore en pleine construction intellectuelle et peu ont la capacité de se projeter.
- moonGrand sage
Merci beaucoup pour ce texte Olympias, qui décrit bien la situation...Les élèves de ZEP ont aussi surtout droit au beau, au vrai et au difficile...le prémâché, la démagogie, c'est les mépriser...d'ailleurs souvent ils protègent leur territoire culturel et ne voient pas forcément d'un bon oeil l'incursion de l'institution dans leur zone à eux, quand on s'attaque aux textes des chanteurs qu'ils aiment par exemple.
N'importe qui aura vu un de ces élèves dans un musée ou en train d'écouter les Misérables peut le comprendre. Toute la difficultés consiste à ne pas faire de culture au rabais, tout en leur apprenant à lire.
N'importe qui aura vu un de ces élèves dans un musée ou en train d'écouter les Misérables peut le comprendre. Toute la difficultés consiste à ne pas faire de culture au rabais, tout en leur apprenant à lire.
- User17706Bon génie
Tout en applaudissant à l'idée que baisser les exigences en ZEP est la pire chose (et la plus méprisante) à faire, je trouve malgré tout le texte un peu maladroit. Il est possible, en effet, que l'intention de l'unique déclaration de l'inspecteur soit celle que lui prête l'article. Il est possible également (au sens où le lecteur n'en sait rien, et, s'il réfléchit, ne manquera pas de se poser la question, et de regretter qu'on ne lui donne pas réellement les moyens d'écarter cette hypothèse) que par la même phrase, l'inspecteur estime devoir suggérer une inadaptation du discours au niveau à un instant t (par exemple un manque de progressivité plutôt que d'exigence).
Autrement dit, je me demande si c'est un texte qui peut en conscience être approuvé par quelqu'un d'autre qu'un professeur...
Autrement dit, je me demande si c'est un texte qui peut en conscience être approuvé par quelqu'un d'autre qu'un professeur...
- DhaiphiGrand sage
Et quand l'exigence aboutit à la rupture ?j'essaie a écrit:Tout en applaudissant à l'idée que baisser les exigences en ZEP est la pire chose
La question sera alors de savoir si une culture "light" n'est pas préférable à pas de culture du tout (sachant qu'il n'est jamais trop tard pour combler ses lacunes).
NB :il n'est pas nécessaire de m'éparpiller façon puzzle, je sors.
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De toutes les écoles que j’ai fréquentées, c’est l’école buissonnière qui m’a paru la meilleure.
[Anatole France]
J'aime les regretteurs d'hier qui voudraient changer le sens des rivières et retrouver dans la lumière la beauté d'Ava Gardner.
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