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- JohnMédiateur
http://www.courrierinternational.com/article/2013/08/06/la-litterature-nous-rend-elle-meilleurs?page=all
Extraits :
Extraits :
NON – Ou, en tout cas, cela reste à prouver
—Gregory Currie —The New York Times (extraits) New York
Je suppose que vous serez d’accord avec moi pour dire que la fréquentation de fictions littéraires stimulantes pour l’intellect est bonne pour nous.
C’est l’une des raisons pour lesquelles nous déplorons le nivellement par le bas des programmes scolaires et l’essor d’Internet et de sa culture de l’hyperlien. Peut-être ne lisons-nous pas tous de la “grande littérature”, mais nous pouvons nous sentir coupables de ne pas le faire et penser que c’est l’une des choses qui nous empêchent de franchir la barre de l’excellence. Connaître l’histoire d’Anna Karénine, des bonnes gens de Middlemarch [de George Eliot] ou de Marcel Proust ne permettrait-il pas de développer notre imagination et d’affiner notre sensibilité morale et sociale ? [...]
Quel type de preuve pourrions-nous fournir ? Eh bien, nous pourrions donner des exemples précis de personnes devenues plus aimantes et plus sages grâce à leur contact avec la littérature. Mais pouvez-vous être sûr que cet ami si intelligent, généreux, attentif aux autres et qui lit Proust est devenu cet homme-là en partie à cause de ses lectures ? Est-ce que ce ne pourrait pas être le contraire ? Que les gens brillants, compréhensifs et socialement compétents aient plus d’inclination que les autres à goûter les tableaux complexes des interactions humaines que l’on trouve dans la littérature ?
OUI – Elle développe l’empathie
Réagissant dans Time Magazine à l’article de Gregory Currie, l’essayiste Annie Murphy Paul réplique que si, il existe des preuves. Et de citer des articles publiés en 2006 et 2009 par Raymond Mar, psychologue à l’université York au Canada, et Keith Oatley, professeur émérite de psychologie cognitive à l’université de Toronto, qui rapportent que “les gens qui lisent souvent des fictions écrites semblent mieux à même d’éprouver de l’empathie, de comprendre les autres et de se mettre à leur place”.
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"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
"La nostalgie, c'est plus ce que c'était" (Simone Signoret)
- cannelle21Grand Maître
Article très intéressant. Merci.
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Il y a des gens si bêtes que si une idée apparaissait à la surface de leur cerveau, elle se suiciderait, terrifiée de solitude.
- LeclochardEmpereur
Merci pour le lien.
Je suis persuadé que la littérature rend meilleur. Proust fait partie de ceux qui changent notre manière de percevoir le monde.
Je suis persuadé que la littérature rend meilleur. Proust fait partie de ceux qui changent notre manière de percevoir le monde.
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Quelqu'un s'assoit à l'ombre aujourd'hui parce que quelqu'un d'autre a planté un arbre il y a longtemps. (W.B)
- CarabasVénérable
Rendre meilleurs, je ne pense pas. Déjà parce que tous les livres n'illustrent pas une bonne conduite à tenir (et heureusement). Ce ne sont pas des modes d'emploi pour bien se tenir en société. Ensuite parce que nous ne sommes pas complètement des éponges. Croire qu'on devient meilleur en lisant, c'est la même croyance que celle qui affirme que lire des choses immorales rend immoral. C'est d'ailleurs au nom de cette croyance qu'on n'aimait pas que les jeunes filles lisent des romans. Par nos lectures, on se forme, on s'ouvre, mais je ne pense pas qu'on devienne "meilleur". D'ailleurs, quels sont les critères qui nous permettent de juger?
Donner peut-être un peu plus d'ouverture d'esprit et d'empathie, je le crois. D'ailleurs, ça avait été prouvé chez les enfants. Les enfants lecteurs de romans se mettaient plus facilement à la place des autres. On me dira que c'est une première étape.
Donner peut-être un peu plus d'ouverture d'esprit et d'empathie, je le crois. D'ailleurs, ça avait été prouvé chez les enfants. Les enfants lecteurs de romans se mettaient plus facilement à la place des autres. On me dira que c'est une première étape.
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Les chances uniques sur un million se réalisent neuf fois sur dix.
Terry Pratchett
- A.vanWordenNiveau 6
On te dira qu'une première étape, c'est toujours mieux que rien.
Ceci étant, le débat posé l'est en des termes dont la binarité plutôt limitée me chagrine plus qu'elle ne me convainc. Est-on "meilleur" - plus ouvert à la complexité des pensées des êtres, plus intelligent, plus empathique, etc. - parce qu'on fréquente la littérature ou fréquente-t-on la littérature parce qu'on est "meilleur" ??... C'est encore le coup de l'œuf et de la poule, est-ce que nos expériences de "lecteurs", si elles servent à quelque chose, ne devraient pas justement nous éviter de donner dans ce genre de panneaux ?... :|
J'incline en tout cas à penser que nos vies et nos lectures s'influencent mutuellement sans cesse, c'est une relation dynamique, perpétuellement cyclique, et, si l'on ajoute à l'équation les infinies variété et complexité de chacun des deux termes en présence, qui ne peut donner aucun résultat "fixe" et facilement prévisible dans l'absolu*.
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* Sur ce dernier point : au chercheur qui semble s'indigner qu'un Obama lecteur de poésie signe aussi des ordres d'utilisation de drones, je conseillerais la lecture de Dans le château de Barbe-bleu de George Steiner, dont la réflexion sur la culture s'élabore à partir de l'exemple autrement plus radical de la proximité des salons de Weimer et du camp de Buchenwald...
Ceci étant, le débat posé l'est en des termes dont la binarité plutôt limitée me chagrine plus qu'elle ne me convainc. Est-on "meilleur" - plus ouvert à la complexité des pensées des êtres, plus intelligent, plus empathique, etc. - parce qu'on fréquente la littérature ou fréquente-t-on la littérature parce qu'on est "meilleur" ??... C'est encore le coup de l'œuf et de la poule, est-ce que nos expériences de "lecteurs", si elles servent à quelque chose, ne devraient pas justement nous éviter de donner dans ce genre de panneaux ?... :|
J'incline en tout cas à penser que nos vies et nos lectures s'influencent mutuellement sans cesse, c'est une relation dynamique, perpétuellement cyclique, et, si l'on ajoute à l'équation les infinies variété et complexité de chacun des deux termes en présence, qui ne peut donner aucun résultat "fixe" et facilement prévisible dans l'absolu*.
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* Sur ce dernier point : au chercheur qui semble s'indigner qu'un Obama lecteur de poésie signe aussi des ordres d'utilisation de drones, je conseillerais la lecture de Dans le château de Barbe-bleu de George Steiner, dont la réflexion sur la culture s'élabore à partir de l'exemple autrement plus radical de la proximité des salons de Weimer et du camp de Buchenwald...
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- LeclochardEmpereur
Avoir un peu plus d'empathie ou d'ouverture d'esprit, ce n'est pas devenir meilleur ?Carabas a écrit:Rendre meilleurs, je ne pense pas. Déjà parce que tous les livres n'illustrent pas une bonne conduite à tenir (et heureusement). Ce ne sont pas des modes d'emploi pour bien se tenir en société. Ensuite parce que nous ne sommes pas complètement des éponges. Croire qu'on devient meilleur en lisant, c'est la même croyance que celle qui affirme que lire des choses immorales rend immoral. C'est d'ailleurs au nom de cette croyance qu'on n'aimait pas que les jeunes filles lisent des romans. Par nos lectures, on se forme, on s'ouvre, mais je ne pense pas qu'on devienne "meilleur". D'ailleurs, quels sont les critères qui nous permettent de juger?
Donner peut-être un peu plus d'ouverture d'esprit et d'empathie, je le crois. D'ailleurs, ça avait été prouvé chez les enfants. Les enfants lecteurs de romans se mettaient plus facilement à la place des autres. On me dira que c'est une première étape.
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Quelqu'un s'assoit à l'ombre aujourd'hui parce que quelqu'un d'autre a planté un arbre il y a longtemps. (W.B)
- User5899Demi-dieu
Bon. Et maintenant : les lecteurs améliorent-ils la littérature ?
- InvitéP2Niveau 5
Leclochard a écrit:Je suis persuadé que la littérature rend meilleur. Proust fait partie de ceux qui changent notre manière de percevoir le monde.
Pour un commentaire (rapide) de ce passage, cf. Philosophie et Littérature."La grandeur de l'art véritable, au contraire de celui que M. de Norpois eût appelé un jeu de dilettante, c'était de retrouver, de ressaisir, de nous faire connaître cette réalité loin de laquelle nous vivons, de laquelle nous nous écartons de plus en plus au fur et à mesure que prend plus d'épaisseur et d'imperméabilité la connaissance conventionnelle que nous lui substituons, cette réalité que nous risquerions fort de mourir sans avoir connue, et qui est tout simplement notre vie.
La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature. Cette vie qui en un sens, habite à chaque instant chez tous les hommes aussi bien que chez l'artiste. Mais ils ne la voient pas parce qu'ils ne cherchent pas à l'éclaircir. Et ainsi leur passé est encombré d'innombrables clichés qui restent inutiles parce que l'intelligence ne les a pas"développés". Notre vie ; et aussi la vie des autres car le style pour l'écrivain aussi bien que la couleur pour le peintre est une question non de technique, mais de vision. Il est la révélation, qui serait impossible par des moyens directs et conscients de la différence qualitative qu'il y a dans la façon dont nous apparaît le monde, différence qui, s'il n'y avait pas l'art, resterait le secret éternel de chacun. Par l'art seulement nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n'est pas le même que le nôtre et dont les paysages nous seraient restés aussi inconnus que ceux qu'il peut y avoir dans la lune. Grâce à l'art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier et autant qu'il y a d'artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition, plus différents les uns des autres que ceux qui roulent dans l'infini, et bien des siècles après qu'est éteint le foyer dont il émanait, qu'il s'appelât Rembrandt ou Ver Meer, nous envoient encore leur rayon spécial"(Proust, le Temps Retrouvé, 2284-2285)
- JPhMMDemi-dieu
Si tel était le cas, alors les gens de culture littéraire seraient (moralement) meilleurs que les gens sans culture littéraire. Resterait alors à assumer ce que dit ce corollaire direct.La littérature nous rend-elle meilleurs ?
Notez que l'implication fonctionne aussi quand on remplace "gens" par "civilisations". Avec les conséquences que vous imaginez...
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- RuthvenGuide spirituel
Rousseauiste ! :lol!:JPhMM a écrit:Si tel était le cas, alors les gens de culture littéraire seraient (moralement) meilleurs que les gens sans culture littéraire. Resterait alors à assumer ce que dit ce corollaire direct.La littérature nous rend-elle meilleurs ?
Notez que l'implication fonctionne aussi quand on remplace "gens" par "civilisations". Avec les conséquences que vous imaginez...
- InvitéP2Niveau 5
Lisez Proust et vous comprendrez où est le problème (il n'est pas là où vous croyez qu'il est).JPhMM a écrit:Si tel était le cas, alors les gens de culture littéraire seraient (moralement) meilleurs que les gens sans culture littéraire. Resterait alors à assumer ce que dit ce corollaire direct.La littérature nous rend-elle meilleurs ?
Notez que l'implication fonctionne aussi quand on remplace "gens" par "civilisations". Avec les conséquences que vous imaginez...
- JPhMMDemi-dieu
Qui vous dit que je n'ai pas lu Proust ?
A l'inverse, je suis presque certain que vous maîtrisez Dans le château de Barbe-Bleue.
A l'inverse, je suis presque certain que vous maîtrisez Dans le château de Barbe-Bleue.
Nous savons aussi — et cette fois-ci les preuves sont solides, bien que la raison s'obstine à les ignorer — que des qualités évidentes de finesse littéraire et de sens esthétique peuvent voisiner, chez un même individu, avec des attitudes barbares, délibérément sadiques. Des hommes comme Hans Frank, qui avait la haute main sur la « solution finale » en Europe de l'Est, étaient des connaisseurs exigeants, et parfois même de bons interprètes, de Bach et de Mozart. On compte parmi les ronds-de-cuir de la torture et de la chambre à gaz des admirateurs de Goethe ou des amoureux de Rilke. Il est trop facile de dire que « ces hommes ne comprenaient rien aux poèmes qu'ils lisaient ou à la musique qu'ils possédaient et interprétaient si bien ». Rien ne permet d'affirmer qu'ils étaient moins ouverts que quiconque au génie humain, aux forces morales qui modèlent la littérature et l'art.
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Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- MrBrightsideEmpereur
Vérité universelle néo #1: JPhMM a presque tout lu.JPhMM a écrit:Qui vous dit que je n'ai pas lu Proust ?
Vérité universelle néo #2: si JPhMM ne l'a pas lu, Nadejda l'a lu. Et vice-versa.
- JPhMMDemi-dieu
C'est gentil, mais non.
D'autant que sinon, je n'aurais presque plus rien à lire.
D'autant que sinon, je n'aurais presque plus rien à lire.
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Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- MrBrightsideEmpereur
N'empêche, vous m'impressionnez dans les topics lectures :shock:JPhMM a écrit:C'est gentil, mais non.
D'autant que sinon, je n'aurais presque plus rien à lire.
- NadejdaGrand sage
Tu as dû te tromper de pseudo !MrBrightside a écrit:Vérité universelle néo #1: JPhMM a presque tout lu.JPhMM a écrit:Qui vous dit que je n'ai pas lu Proust ?
Vérité universelle néo #2: si JPhMM ne l'a pas lu, Nadejda l'a lu. Et vice-versa.
- AnagrammeFidèle du forum
:lol:Ruthven a écrit:Rousseauiste ! :lol!:JPhMM a écrit:Si tel était le cas, alors les gens de culture littéraire seraient (moralement) meilleurs que les gens sans culture littéraire. Resterait alors à assumer ce que dit ce corollaire direct.La littérature nous rend-elle meilleurs ?
Notez que l'implication fonctionne aussi quand on remplace "gens" par "civilisations". Avec les conséquences que vous imaginez...
- AnagrammeFidèle du forum
C'est moi, c'est moi ! Non,...je blague !Nadejda a écrit:Tu as dû te tromper de pseudo !MrBrightside a écrit:Vérité universelle néo #1: JPhMM a presque tout lu.JPhMM a écrit:Qui vous dit que je n'ai pas lu Proust ?
Vérité universelle néo #2: si JPhMM ne l'a pas lu, Nadejda l'a lu. Et vice-versa.
- OlympiasProphète
Indéniablement...Leclochard a écrit:Avoir un peu plus d'empathie ou d'ouverture d'esprit, ce n'est pas devenir meilleur ?Carabas a écrit:Rendre meilleurs, je ne pense pas. Déjà parce que tous les livres n'illustrent pas une bonne conduite à tenir (et heureusement). Ce ne sont pas des modes d'emploi pour bien se tenir en société. Ensuite parce que nous ne sommes pas complètement des éponges. Croire qu'on devient meilleur en lisant, c'est la même croyance que celle qui affirme que lire des choses immorales rend immoral. C'est d'ailleurs au nom de cette croyance qu'on n'aimait pas que les jeunes filles lisent des romans. Par nos lectures, on se forme, on s'ouvre, mais je ne pense pas qu'on devienne "meilleur". D'ailleurs, quels sont les critères qui nous permettent de juger?
Donner peut-être un peu plus d'ouverture d'esprit et d'empathie, je le crois. D'ailleurs, ça avait été prouvé chez les enfants. Les enfants lecteurs de romans se mettaient plus facilement à la place des autres. On me dira que c'est une première étape.
- AbraxasDoyen
C'est vraiment très américain de poser un problème esthétique en termes moraux…
Et pour répondre à certain(e)s : je connais des lecteurs féroces, des lecteurs imbibés de littérature, qui ont fini par perdre tout sens moral parce que la littérature a si bien envahi leur vie qu'ils traitent les personnes réelles comme des êtres de papier.
Et puis tout dépend de ce que l'on a lu, et à quel âge. Par exemple, imaginez un gosse d'une dizaine d'années lisant par exemple ceci :
"« Il n’y a aucune comparaison entre ce qu’éprouvent les autres et ce que nous ressentons : la plus forte dose de douleur chez les autres doit assurément être nulle pour nous, et le plus léger chatouillement de plaisir, éprouvé par nous, nous touche ; donc nous devons à tel prix que ce soit, préférer ce léger chatouillement qui nous délecte, à cette somme immense des malheurs d’autrui, qui ne saurait nous atteindre. »
Eh bien, dans sa vie future, il n'aura eu de cesse d'expérimenter le principe, et les conséquences peuvent en être douloureuses. Dans la vie réelle, les "traces de verges" ne s'effacent pas aussi bien que sur la peau de Justine.
Vous allez me dire, Sade à dix ans… Mais le Général Dourakine ou les Malheurs de Sophie auront à peu près les mêmes effets.
Sans compter que la littérature peut rendre très malheureux — et que souffrir n'améliore en rien le sens moral, au contraire. Voir Wilde dont le plus grand chagrin fut la mort de Lucien de Rubempré.
Et pour répondre à certain(e)s : je connais des lecteurs féroces, des lecteurs imbibés de littérature, qui ont fini par perdre tout sens moral parce que la littérature a si bien envahi leur vie qu'ils traitent les personnes réelles comme des êtres de papier.
Et puis tout dépend de ce que l'on a lu, et à quel âge. Par exemple, imaginez un gosse d'une dizaine d'années lisant par exemple ceci :
"« Il n’y a aucune comparaison entre ce qu’éprouvent les autres et ce que nous ressentons : la plus forte dose de douleur chez les autres doit assurément être nulle pour nous, et le plus léger chatouillement de plaisir, éprouvé par nous, nous touche ; donc nous devons à tel prix que ce soit, préférer ce léger chatouillement qui nous délecte, à cette somme immense des malheurs d’autrui, qui ne saurait nous atteindre. »
Eh bien, dans sa vie future, il n'aura eu de cesse d'expérimenter le principe, et les conséquences peuvent en être douloureuses. Dans la vie réelle, les "traces de verges" ne s'effacent pas aussi bien que sur la peau de Justine.
Vous allez me dire, Sade à dix ans… Mais le Général Dourakine ou les Malheurs de Sophie auront à peu près les mêmes effets.
Sans compter que la littérature peut rendre très malheureux — et que souffrir n'améliore en rien le sens moral, au contraire. Voir Wilde dont le plus grand chagrin fut la mort de Lucien de Rubempré.
- InvitéP2Niveau 5
La question n'est pas "la littérature rend-elle bon ?" mais "la littérature rend-elle meilleur ?" (Toujours lire l'énoncé du problème). Et quand bien même ... utiliseriez-vous le même argument (la reductio ad Hitlerum si chère aux anti-Lumières) si la question était de savoir si les mathématiques (ou le badminton, ou le macramé, ou ...) rendent bon celui qui les pratique ?JPhMM a écrit:Qui vous dit que je n'ai pas lu Proust ?
A l'inverse, je suis presque certain que vous maîtrisez Dans le château de Barbe-Bleue.
Nous savons aussi — et cette fois-ci les preuves sont solides, bien que la raison s'obstine à les ignorer — que des qualités évidentes de finesse littéraire et de sens esthétique peuvent voisiner, chez un même individu, avec des attitudes barbares, délibérément sadiques. Des hommes comme Hans Frank, qui avait la haute main sur la « solution finale » en Europe de l'Est, étaient des connaisseurs exigeants, et parfois même de bons interprètes, de Bach et de Mozart. On compte parmi les ronds-de-cuir de la torture et de la chambre à gaz des admirateurs de Goethe ou des amoureux de Rilke. Il est trop facile de dire que « ces hommes ne comprenaient rien aux poèmes qu'ils lisaient ou à la musique qu'ils possédaient et interprétaient si bien ». Rien ne permet d'affirmer qu'ils étaient moins ouverts que quiconque au génie humain, aux forces morales qui modèlent la littérature et l'art.
Mais non ! C'est une hyperbole ! Sans compter que s'il est un auteur qui n'a eu de cesse de séparer littérature et morale, c'est bien Oscar Wilde.Abraxas a écrit:Sans compter que la littérature peut rendre très malheureux — et que souffrir n'améliore en rien le sens moral, au contraire. Voir Wilde dont le plus grand chagrin fut la mort de Lucien de Rubempré.
Soit dit en passant : je m'étonne qu'il faille s'employer à défendre ici une thèse qui, tout au moins pour des enseignants et des aspirants-enseignants, devrait être une évidence !
- JPhMMDemi-dieu
Ah mais l'auteur évoque aussi les mathématiques dans ce cadre. Du reste, je suis très étonné que vous usiez de l'accusation de reductio ad Hitlerum à l'encontre de l'argument de George Steiner.Philippe Jovi a écrit:La question n'est pas "la littérature rend-elle bon ?" mais "la littérature rend-elle meilleur ?" (Toujours lire l'énoncé du problème). Et quand bien même ... utiliseriez-vous le même argument (la reductio ad Hitlerum si chère aux anti-Lumières) si la question était de savoir si les mathématiques (ou le badminton, ou le macramé, ou ...) rendent bon celui qui les pratique ?JPhMM a écrit:Qui vous dit que je n'ai pas lu Proust ?
A l'inverse, je suis presque certain que vous maîtrisez Dans le château de Barbe-Bleue.
Nous savons aussi — et cette fois-ci les preuves sont solides, bien que la raison s'obstine à les ignorer — que des qualités évidentes de finesse littéraire et de sens esthétique peuvent voisiner, chez un même individu, avec des attitudes barbares, délibérément sadiques. Des hommes comme Hans Frank, qui avait la haute main sur la « solution finale » en Europe de l'Est, étaient des connaisseurs exigeants, et parfois même de bons interprètes, de Bach et de Mozart. On compte parmi les ronds-de-cuir de la torture et de la chambre à gaz des admirateurs de Goethe ou des amoureux de Rilke. Il est trop facile de dire que « ces hommes ne comprenaient rien aux poèmes qu'ils lisaient ou à la musique qu'ils possédaient et interprétaient si bien ». Rien ne permet d'affirmer qu'ils étaient moins ouverts que quiconque au génie humain, aux forces morales qui modèlent la littérature et l'art.
Disons qu'une évidence m'est toujours suspecte.Philippe Jovi a écrit:Soit dit en passant : je m'étonne qu'il faille s'employer à défendre ici une thèse qui, tout au moins pour des enseignants et des aspirants-enseignants, devrait être une évidence !
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- AbraxasDoyen
Quelle thèse devrait être évidente ? Si la séparation de l'esthétique et de la morale est évidente (thèse de Wilde, de Gide — et la mienne : "Un livre est bien écrit ou mal écrit, et c'est tout"), alors la littérature (ni aucun art, quel qu'il soit, y compris la mathématique) n'a rien à voir avec la morale. Il faut être sacrément platonicien (hein, le kaloskagathon) pour croire que le Beau peut amener au Bon. Le culte du Beau rend autiste — alors que la morale est censée aller vers l'autre. Plus je vieillis, plus je renferme la littérature sur une poignée d'œuvres, que ne partage plus qu'avec les "happy few" chers à Stendhal. Autant dire que mon sens moral en a pris un coup.Philippe Jovi a écrit:Mais non ! C'est une hyperbole ! Sans compter que s'il est un auteur qui n'a eu de cesse de séparer littérature et morale, c'est bien Oscar Wilde.Abraxas a écrit:Sans compter que la littérature peut rendre très malheureux — et que souffrir n'améliore en rien le sens moral, au contraire. Voir Wilde dont le plus grand chagrin fut la mort de Lucien de Rubempré.
Soit dit en passant : je m'étonne qu'il faille s'employer à défendre ici une thèse qui, tout au moins pour des enseignants et des aspirants-enseignants, devrait être une évidence !
Je suis spécialiste de la littérature sadienne — et sadique. On y remarque une chose : les traces laissées sur la peau humaine par les divers instruments utilisés dans ces fictions sont décrites systématiquement comme des traces d'écriture — c'est comme si on écrivait sur du papier. Alors, quand on commence à considérer des créatures de chair comme des créatures de papier, croyez-moi, on a moins de scrupule à les déchirer — au propre ou au figuré. Je ne vois pas là-dedans quoi que ce soit qui ait un quelconque rapport avec la morale. Les livres ne rendent pas meilleurs — ou alors, meilleurs en flagellations diverses — au propre et au figuré.
- InvitéP2Niveau 5
Que la littérature rend meilleur. Il faut bien que la littérature rende meilleur, en quelque façon, en quelque sens que ce soit, celui ou celle à qui elle s'adresse. Sinon pourquoi, depuis la nuit des temps, se serait-on évertué à l'enseigner ? Et, plus simplement encore, pourquoi donc la lirait-on ? La réponse est à ce point tautologique que l'on ferait mieux de se demander, précisément, en quel sens elle rend meilleur, c'est-à-dire quelles sont les compétences, performances, dispositions, aptitudes, vertus, etc. que la fréquentation de la littérature améliore chez son lecteur. A contrario, on pourrait se demander ce qui fait défaut à ceux qui s'en tiennent (ou en sont tenus) éloignés.Abraxas a écrit:Quelle thèse devrait être évidente ?
Cette thèse là, en revanche, est beaucoup moins évidente (ou, si vous préférez, évidente depuis moins longtemps). Cf. les démêlés d'un Sade, d'un Wilde, d'un Flaubert, d'un Baudelaire ou, plus près de nous, d'un Céline, à raison de leurs écrits.Abraxas a écrit:Si la séparation de l'esthétique et de la morale est évidente (thèse de Wilde, de Gide — et la mienne : "Un livre est bien écrit ou mal écrit, et c'est tout")
Abraxas a écrit:alors la littérature (ni aucun art, quel qu'il soit, y compris la mathématique) n'a rien à voir avec la morale.
Que la littérature ne rende pas moralement meilleur n'implique nullement que la littérature ne rende pas du tout meilleur.Abraxas a écrit:Je ne vois pas là-dedans quoi que ce soit qui ait un quelconque rapport avec la morale. Les livres ne rendent pas meilleurs — ou alors, meilleurs en flagellations diverses — au propre et au figuré.
Pas du tout. D'abord parce que bien d'autres auteurs (Plotin, Aristote, Spinoza, Kant, Hegel, Nietzsche, Bergson, Proust, Wittgenstein, etc) ont établi une relation entre le Beau et le Bien. Ensuite parce que, contrairement justement aux moralistes du XVII° (Bossuet, Pascal, La Rochefoucauld, La Bruyère, etc.) le lien qu'ils font ne pointe pas vers la morale mais vers l'éthique. Et l'éthique, contrairement à la morale (cf.Spinoza : morale ou éthique), n'est pas une doctrine d'évaluation des actes sur une échelle normative pré-établie assortie d'un système de jugements de valeur destinés à faire l'éloge ou le blâme de l'agent, mais une propension globale à discerner, aimer et vouloir ce qui fait la valeur de l'existence humaine.Abraxas a écrit:Il faut être sacrément platonicien (hein, le kaloskagathon) pour croire que le Beau peut amener au Bon
J'aurais plutôt dit le contraire, mais bon ....Abraxas a écrit:Le culte du Beau rend autiste — alors que la morale est censée aller vers l'autre
J'abonde tout à fait dans votre sens.Abraxas a écrit:]Plus je vieillis, plus je renferme la littérature sur une poignée d'œuvres
Ce que vous dites et intéressant et recoupe, en partie, ce que dit Bataille dans le chapitre consacré à Sade dans la Littérature et le Mal. Mais, derechef, pourquoi lirait-on (et ferait-on lire) Sade ? Pourquoi irait-on voir (et conseillerait-on d'aller voir) le testament cinématographique de Pasolini (Salo o le 120 giornate di Sodoma) inspiré de Sade ? Il y a probablement dans ces oeuvres quelque chose d'important qui nous modifie et par quoi l'on souhaite se voir modifier (ce qui est caractéristique de l'attitude éthique), non ?Abraxas a écrit:Je suis spécialiste de la littérature sadienne — et sadique. On y remarque une chose : les traces laissées sur la peau humaine par les divers instruments utilisés dans ces fictions sont décrites systématiquement comme des traces d'écriture — c'est comme si on écrivait sur du papier. Alors, quand on commence à considérer des créatures de chair comme des créatures de papier, croyez-moi, on a moins de scrupule à les déchirer — au propre ou au figuré.
- AlExpert spécialisé
Je pense que ça rend plus intelligent. "Meilleur" en ce sens là...
pour Sade, la fascination pour le mal, le plaisir de la transgression... ne suffisent-ils pas ?
pour Sade, la fascination pour le mal, le plaisir de la transgression... ne suffisent-ils pas ?
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"C’est le grand nuage des ambitions moroses qui étouffe la voix d’Éros."
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