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- abricotedapiExpert spécialisé
@John : Je ne dis pas que ces scènes n'ont pas d'intérêt, justement, je me dis qu'elles peuvent en avoir un malgré la réaction qu'elles provoquent chez moi, c'est pour cela que je demande à ceux qui ont vu cet intérêt de me l'expliquer.
Tous les exemples que tu donnes ne me choquent pas du tout et effectivement dans ces cas là je ne remets pas en cause l'intérêt de l'oeuvre.
C'est vraiment les scènes précises de ces livres qui m'ont choquées. J'ai eu le sentiment que j'avais raison de me choquer, parce que je ne voyais pas comment on pouvait accepter de telles scènes. Mais je me dis qu'au-delà de cette impression il y a peut-être quelque chose que je ne vois pas. J'ai l'impression de me choquer pour rien et de passer à côté d'autre chose, je me dis que mon jugement est peut-être extrême.
Il est fort possible que je m'exprime mal ! C'est justement parce que j'ai du mal à cerner tout cela, à juger ma première impression, que je suis venue en parler ici.
Et (désolée je réponds un peu dans le désordre), dans ma logique, au contraire, je devrais trouver la Charogne de Baudelaire intéressante parce que je vois derrière l'image laide et repoussante l'intérêt (j'ai envie de dire littéraire, pour le coup, mais je ne sais plus si j'emploie bien le terme ici) du poème. Du coup, il ne me dérange pas du tout. Et si je vois l'intérêt de ce poème, c'est parce que, puisque c'est du Baudelaire, je sais/je sens/j'ai appris que ça devait avoir un intérêt.
Pseudo et Rikki décrivent bien ce que j'ai ressenti.
Tous les exemples que tu donnes ne me choquent pas du tout et effectivement dans ces cas là je ne remets pas en cause l'intérêt de l'oeuvre.
C'est vraiment les scènes précises de ces livres qui m'ont choquées. J'ai eu le sentiment que j'avais raison de me choquer, parce que je ne voyais pas comment on pouvait accepter de telles scènes. Mais je me dis qu'au-delà de cette impression il y a peut-être quelque chose que je ne vois pas. J'ai l'impression de me choquer pour rien et de passer à côté d'autre chose, je me dis que mon jugement est peut-être extrême.
Il est fort possible que je m'exprime mal ! C'est justement parce que j'ai du mal à cerner tout cela, à juger ma première impression, que je suis venue en parler ici.
Et (désolée je réponds un peu dans le désordre), dans ma logique, au contraire, je devrais trouver la Charogne de Baudelaire intéressante parce que je vois derrière l'image laide et repoussante l'intérêt (j'ai envie de dire littéraire, pour le coup, mais je ne sais plus si j'emploie bien le terme ici) du poème. Du coup, il ne me dérange pas du tout. Et si je vois l'intérêt de ce poème, c'est parce que, puisque c'est du Baudelaire, je sais/je sens/j'ai appris que ça devait avoir un intérêt.
Pseudo et Rikki décrivent bien ce que j'ai ressenti.
- Reine MargotDemi-dieu
Non mais Abricotedapi je pense que ta réaction est exactement ce qui est recherché par l'auteur, donc c'est normal!
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Quand tout va mal, quand il n'y a plus aucun espoir, il nous reste Michel Sardou
La famille Bélier
- JPhMMDemi-dieu
abricotedapi a écrit:Lire ces scènes est assez dérangeant, en tout cas moi ça m'a dérangée et je me demande donc s'il y a un intérêt que je n'ai pas compris.
Et si la réponse était dans la question, mais réponse qui ne serait qu'une autre question ?
En effet, si ces scènes te sont dérangeantes, alors l'intérêt est dans ce dérangement. D'où la question : pourquoi te (ou nous, si tu préfères) sont-elles dérangeantes ? Ou, pour être plus explicite, pourquoi n'avons nous pas la liberté de les trouver non dérangeantes ? Après tout, il existe ailleurs des scènes qui devraient être bien plus dérangeantes. Si Sade ne disait rien, elles ne seraient pas dérangeantes, mais juste ridicules et grotesques. Ce n'est pas le cas. Pourquoi ? Sade n'a-t-il pas trouvé une clé dont il est fier de nous montrer l'insoupçonnable efficacité ? Et d'en faire de la littérature. Provoquer l'émotion obscure là où elle se cache, par des moyens minimaux, et l'interroger, et... etc.
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- PseudoDemi-dieu
xphrog a écrit:Provence a écrit:J'adore l'allure ingénue de l'avatar associée au titre!
+1
Oui, enfin, l'abricot, hein, ce n'est pas toujours ingénu... Me demande si Sade n'a pas écrit un truc sur un abricot cousu.
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"Il faut encore avoir du chaos en soi pour pouvoir enfanter une étoile qui danse" Nietzsche
- yogiSage
JPhMM a écrit:abricotedapi a écrit:Lire ces scènes est assez dérangeant, en tout cas moi ça m'a dérangée et je me demande donc s'il y a un intérêt que je n'ai pas compris.
Et si la réponse était dans la question, mais réponse qui ne serait qu'une autre question ?
En effet, si ces scènes te sont dérangeantes, alors l'intérêt est dans ce dérangement. D'où la question : pourquoi te (ou nous, si tu préfères) sont-elles dérangeantes ? Ou, pour être plus explicite, pourquoi n'avons nous pas la liberté de les trouver non dérangeantes ? Après tout, il existe ailleurs des scènes qui devraient être bien plus dérangeantes. Si Sade ne disait rien, elles ne seraient pas dérangeantes, mais juste ridicules et grotesques. Ce n'est pas le cas. Pourquoi ? Sade n'a-t-il pas trouvé une clé dont il est fier de nous montrer l'insoupçonnable efficacité ? Et d'en faire de la littérature. Provoquer l'émotion obscure là où elle se cache, par des moyens minimaux, et l'interroger, et... etc.
Sade,par ses scènes obscènes et vomitives, fait surtout une sacrée critique des curetons,entre autres!
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"Jboirai du lait le jour où les vaches mangeront du raisin!"
- thrasybuleDevin
Il me semble que l'abricot est un terme argotique bien connu...
- User5899Demi-dieu
Ca dépend de quelles crevettesabricotedapi a écrit:Sauf que lire des pages sur les crevettes ne me dérange pas du tout !
- User5899Demi-dieu
Si, dans Justine, justement, je crois bien qu'ils font prendre la mère par le valet qui a la vérole et lui cousent l'abricot ensuite.Pseudo a écrit:Oui, enfin, l'abricot, hein, ce n'est pas toujours ingénu... Me demande si Sade n'a pas écrit un truc sur un abricot cousu.xphrog a écrit:
+1
Une scène culte pour la prochaine réunion de parents d'élèves
- yogiSage
Quand je citais Sade en cours de philo,ma prof (chignon strict et lunettes sévères)s'insurgeait et disait que jamais elle ne lirait des choses aussi dégoûtantes:je lui répondais qu'elle avait l'esprit bien étriqué pour un prof dont la matière est censée ouvrir les esprits!
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"Jboirai du lait le jour où les vaches mangeront du raisin!"
- thrasybuleDevin
Bien répondu! Ca ne devait pas être une grande fan de Blanchot et de Bataille non plus.yogi a écrit:Quand je citais Sade en cours de philo,ma prof (chignon strict et lunettes sévères)s'insurgeait et disait que jamais elle ne lirait des choses aussi dégoûtantes:je lui répondais qu'elle avait l'esprit bien étriqué pour un prof dont la matière est censée ouvrir les esprits!
- yogiSage
On a tellement rien appris qu'on se procurait les cours d'un prof d'un autre lycée. Elle nous faisait des QCM débiles alors qu'en L,on avait soif de lecture et d'écriture.On a tellement râlé qu'elle n'a jamais plus eu de L.thrasybule a écrit:yogi a écrit:Quand je citais Sade en cours de philo,ma prof (chignon strict et lunettes sévères)s'insurgeait et disait que jamais elle ne lirait des choses aussi dégoûtantes:je lui répondais qu'elle avait l'esprit bien étriqué pour un prof dont la matière est censée ouvrir les esprits!
Bien répondu! Ca ne devait pas être une grande fan de Blanchot et de Bataille non plus.
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"Jboirai du lait le jour où les vaches mangeront du raisin!"
- abricotedapiExpert spécialisé
JPhMM (je ne cite pas parce que les boutons et l'interface ont changé et je m'y perds...), les questions que tu soulèves sont intéressantes, merci ! Mais pourquoi interroger le dégoût face à la pédophilie (par exemple) ? Pour dire qu'au fond on aurait tort d'être choqué par ça ? Pour interroger la morale qui nous fait décréter que telle chose est bonne et que telle autre chose est mauvaise ?
Yogi, je vois bien moi-même que rejeter Sade de cette façon est idiot, c'est d'ailleurs bien pour ça que je suis venue ici. Tu le citais à quel sujet ?
(Quant à mon pseudo, je vous dis zut )
Yogi, je vois bien moi-même que rejeter Sade de cette façon est idiot, c'est d'ailleurs bien pour ça que je suis venue ici. Tu le citais à quel sujet ?
(Quant à mon pseudo, je vous dis zut )
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- Spoiler:
- 2024-2025 : en poste fixe !!
2023-2024 (TZR) AFA : 2 classes de 6e (PP 6e)
2022-2023 (TZR) AFA : 1 classe de 5e, 2 classes de 4e, 1 classe de 3e (PP 5e)
2021-2022 (TZR) 2 remplacements : 2 classes de 5e, 1 classe de 6e / 3 classes de 6e
2020-2021 (TZR) AFA 2 collèges dont le RAD : 2 classes de 5e, 1 classe de 4e (PP 5e) + 1 classe de 6e
2019-2020 (TZR) AFA RAD : 2 classes de 6e, 2 classes de 5e (PP 6e)
2018-2019 (TZR) AFA : 4 classes de 6e
2014-2018 : quatre ans en poste fixe (8 classes de 6e, 4 classes de 4e, 3 classes de 5e, 2 classes de 3e et 4 x PP 6e)
2013-2014 (stagiaire) : 2 classes de 5e, 1 classe de 6e
- yogiSage
Je crois que j'avais dit que le non-dit était beaucoup plus parlant que l'obscénité évidente.abricotedapi a écrit:JPhMM (je ne cite pas parce que les boutons et l'interface ont changé et je m'y perds...), les questions que tu soulèves sont intéressantes, merci ! Mais pourquoi interroger le dégoût face à la pédophilie (par exemple) ? Pour dire qu'au fond on aurait tort d'être choqué par ça ? Pour interroger la morale qui nous fait décréter que telle chose est bonne et que telle autre chose est mauvaise ?
Yogi, je vois bien moi-même que rejeter Sade de cette façon est idiot, c'est d'ailleurs bien pour ça que je suis venue ici. Tu le citais à quel sujet ?
(Quant à mon pseudo, je vous dis zut )
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"Jboirai du lait le jour où les vaches mangeront du raisin!"
- LarssonNiveau 8
Non, c'est dans La Philosophie dans le boudoir, 7ème dialogue.Cripure a écrit:Si, dans Justine, justement, je crois bien qu'ils font prendre la mère par le valet qui a la vérole et lui cousent l'abricot ensuite.Pseudo a écrit:
Oui, enfin, l'abricot, hein, ce n'est pas toujours ingénu... Me demande si Sade n'a pas écrit un truc sur un abricot cousu.
Une scène culte pour la prochaine réunion de parents d'élèves
- User5899Demi-dieu
Vous avez raison. Avec Augustin le jardinier, non ? Que l'on "socratise" (voilà une expression qui m'a toujours fait lire Platon autrement )Larsson a écrit:Non, c'est dans La Philosophie dans le boudoir, 7e dialogue.Cripure a écrit:Si, dans Justine, justement, je crois bien qu'ils font prendre la mère par le valet qui a la vérole et lui cousent l'abricot ensuite.
Une scène culte pour la prochaine réunion de parents d'élèves
- JPhMMDemi-dieu
A me relire, je ne trouve pas que mes questions soient intéressantes. :lol:abricotedapi a écrit:JPhMM (je ne cite pas parce que les boutons et l'interface ont changé et je m'y perds...), les questions que tu soulèves sont intéressantes, merci ! Mais pourquoi interroger le dégoût face à la pédophilie (par exemple) ? Pour dire qu'au fond on aurait tort d'être choqué par ça ? Pour interroger la morale qui nous fait décréter que telle chose est bonne et que telle autre chose est mauvaise ?
Yogi, je vois bien moi-même que rejeter Sade de cette façon est idiot, c'est d'ailleurs bien pour ça que je suis venue ici. Tu le citais à quel sujet ?
(Quant à mon pseudo, je vous dis zut )
J'aurais pu parler de pouvoir, de liberté, de limite, de mécanique des chairs, de désir de quelqu'un et du désir d'un acte, du sens de "objet du désir", de Nietzsche, de l'inconscient qui est un corps, de l'interdit, de son érotisme, donc de cet objet étrange : la désirabilité de l'interdit, de Bataille, de Freud, et de la mort aussi. Et des mots pour les dire. Et de notre capacité à lire ce qui nous semble si étranger, mais que nous reconnaissons comme lisible, puisque cela nous dégoute. Etc etc etc.
Oui, bon, posez plutôt la question à Abraxas.
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Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- PseudoDemi-dieu
abricotedapi a écrit:JPhMM (je ne cite pas parce que les boutons et l'interface ont changé et je m'y perds...), les questions que tu soulèves sont intéressantes, merci ! Mais pourquoi interroger le dégoût face à la pédophilie (par exemple) ? Pour dire qu'au fond on aurait tort d'être choqué par ça ? Pour interroger la morale qui nous fait décréter que telle chose est bonne et que telle autre chose est mauvaise ?
Yogi, je vois bien moi-même que rejeter Sade de cette façon est idiot, c'est d'ailleurs bien pour ça que je suis venue ici. Tu le citais à quel sujet ?
(Quant à mon pseudo, je vous dis zut )
Pourquoi interroger la pédophilie ? Mais parce que (et je vais me faire lyncher, mais ce n'est pas moi qui le dit, ce sont les psy) le désir pour un jeune est toujours possible. Ressentir du désir pour une enfant/un jeune est courant parait-il, même s'il est détourné (et donc en grande partie inconscient). En revanche, il fait horreur (c'est pour cela que l'inconscient le détourne d’ailleurs).
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- LarssonNiveau 8
Je ne pense pas qu'il faille mettre toute l'oeuvre de Sade sur le même plan : la Justine ou Les 120 journées de Sodome ne sont pas du tout de la même trempe qu'Aline et Valcour. Ce roman épistolaire contient, selon les mots de J-M Goulemot, "toute la sensibilité du 18ème siècle de Prévost à Laclos" (préface de l'édition "Livre de poche"), et il se distingue par sa quasi absence de scènes scabreuses.
Ensuite, beaucoup ignore que Sade était un des plus célèbres tragédiens du théâtre de la fin du 18ème avec Marie-Joseph Chénier (le frère d'André). Sans être au niveau de la tragédie voltairienne, son oeuvre théâtrale fait partie d'une des plus abouties de ce siècle, du moins en ce qui concerne le genre de la tragédie.
Je ne pense pas que Sade aurait survécu à l'épreuve du temps si son oeuvre avait été uniquement licencieuse : des récits de cette sorte, il y en a eus depuis l'Antiquité. Son oeuvre est certes scabreuse, mais elle est aussi philosophique : Aline et Valcour est sous-titré "Le Roman philosophique"; le terme apparaît également dans La Philosophie dans le boudoir, dont je vous invite à lire le 5ème dialogue qui comporte un essai intitulé "Français, encore un effort si vous voulez être républicains". Pour élargir le champ de cette littérature scabreuse-philosophique à d'autres auteurs, l'on peut également citer Thérèse philosophe, attribué à Boyer d'Argens. Je rappelle aussi qu'André Breton avait placé Sade dans sa liste des écrivains précurseurs du Surréalisme. De même, Sade étant mort en 1814, il n'y a aucun doute qu'il ait été lu par les préromantiques (Chateaubriand, très certainement). Des études ont montré son influence littéraire sur les écrivains du 19ème siècle, dont Flaubert.
Lors des longues démonstrations de ses pervers philosophes, Sade est en constant dialogue avec Diderot, Voltaire, Rousseau, voire Montesquieu. Notamment, lorsqu'il aborde les thématiques matérialistes, déistes, athéistes, puis celles de la nature humaine et de l'ordre social. A mon sens on ne peut se passer de Sade dans l'étude des philosophes des Lumières : il est l'aboutissement de toute une pensée.
Dernière chose, je pense que ce serait une erreur de lire l'oeuvre de Sade avec les yeux d'un lecteur du 21ème siècle : ce serait la décontextualiser, or pour comprendre une oeuvre, il me semble qu'il ne faille justement pas l'arracher à son contexte littéraire, bien sûr, mais également historique, idéologique voire sociologique. Le risque serait de ne rien y comprendre. Pour donner un autre exemple que celui de Sade, lire Louis-Ferdinand Céline sans envisager la situation de la petite bourgeoisie au lendemain de la 1ère Guerre mondiale, risque que notre regard de lecteur soit biaisé par un mode de pensée qui n'était pas celui des années 1920-30 (voire postérieur, si l'on ne s'en tient pas uniquement au Voyage au bout de la nuit).
Voilà, moi j'apprécie l'oeuvre de Sade, mais je conçois qu'elle puisse être une excellent vomitif pour certains. Je précise tout de même, que ce ne sont pas les morceaux licencieux que je savoure, mais davantage ceux philosophiques mis dans la bouche d'excellents rhéteurs pervers dont l'art oratoire n'a rien à envier à celui d'un Bossuet.
Ensuite, beaucoup ignore que Sade était un des plus célèbres tragédiens du théâtre de la fin du 18ème avec Marie-Joseph Chénier (le frère d'André). Sans être au niveau de la tragédie voltairienne, son oeuvre théâtrale fait partie d'une des plus abouties de ce siècle, du moins en ce qui concerne le genre de la tragédie.
Je ne pense pas que Sade aurait survécu à l'épreuve du temps si son oeuvre avait été uniquement licencieuse : des récits de cette sorte, il y en a eus depuis l'Antiquité. Son oeuvre est certes scabreuse, mais elle est aussi philosophique : Aline et Valcour est sous-titré "Le Roman philosophique"; le terme apparaît également dans La Philosophie dans le boudoir, dont je vous invite à lire le 5ème dialogue qui comporte un essai intitulé "Français, encore un effort si vous voulez être républicains". Pour élargir le champ de cette littérature scabreuse-philosophique à d'autres auteurs, l'on peut également citer Thérèse philosophe, attribué à Boyer d'Argens. Je rappelle aussi qu'André Breton avait placé Sade dans sa liste des écrivains précurseurs du Surréalisme. De même, Sade étant mort en 1814, il n'y a aucun doute qu'il ait été lu par les préromantiques (Chateaubriand, très certainement). Des études ont montré son influence littéraire sur les écrivains du 19ème siècle, dont Flaubert.
Lors des longues démonstrations de ses pervers philosophes, Sade est en constant dialogue avec Diderot, Voltaire, Rousseau, voire Montesquieu. Notamment, lorsqu'il aborde les thématiques matérialistes, déistes, athéistes, puis celles de la nature humaine et de l'ordre social. A mon sens on ne peut se passer de Sade dans l'étude des philosophes des Lumières : il est l'aboutissement de toute une pensée.
Dernière chose, je pense que ce serait une erreur de lire l'oeuvre de Sade avec les yeux d'un lecteur du 21ème siècle : ce serait la décontextualiser, or pour comprendre une oeuvre, il me semble qu'il ne faille justement pas l'arracher à son contexte littéraire, bien sûr, mais également historique, idéologique voire sociologique. Le risque serait de ne rien y comprendre. Pour donner un autre exemple que celui de Sade, lire Louis-Ferdinand Céline sans envisager la situation de la petite bourgeoisie au lendemain de la 1ère Guerre mondiale, risque que notre regard de lecteur soit biaisé par un mode de pensée qui n'était pas celui des années 1920-30 (voire postérieur, si l'on ne s'en tient pas uniquement au Voyage au bout de la nuit).
Voilà, moi j'apprécie l'oeuvre de Sade, mais je conçois qu'elle puisse être une excellent vomitif pour certains. Je précise tout de même, que ce ne sont pas les morceaux licencieux que je savoure, mais davantage ceux philosophiques mis dans la bouche d'excellents rhéteurs pervers dont l'art oratoire n'a rien à envier à celui d'un Bossuet.
- yogiSage
Lars, tout à fait d'accord,merci pour ce long message bien expliqué.Il résonne en moi. Je suis admiratrice des Lumières et Sade en fait partie.
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"Jboirai du lait le jour où les vaches mangeront du raisin!"
- supersosoSage
Non non Cripure, vous avez tout à fait raison. C'est comme ça qu'il faut lire les dialogues. Platon joue beaucoup avec les figures de l'éraste et de l'éromène, dans le Phèdre par exemple, sauf que Socrate passe d'une figure à l'autre en fonction des besoins discursifs et du contenu.Cripure a écrit:Vous avez raison. Avec Augustin le jardinier, non ? Que l'on "socratise" (voilà une expression qui m'a toujours fait lire Platon autrement )Larsson a écrit:
Non, c'est dans La Philosophie dans le boudoir, 7e dialogue.
Bon je m'éloigne du sujet initial, là
- Invité31Sage
Raphaël Enthoven a consacré il y a quelques semaines une série de ses émissions sur France Cul à Sade. Son étude est assez inégale (je me souviens avoir bondi au début de la première, je ne sais plus pourquoi, mais ensuite c'était mieux).
- bikkhouHabitué du forum
C'est bien qu'un connaisseur averti nous éclaire.Larsson a écrit:
Lors des longues démonstrations de ses pervers philosophes, Sade est en constant dialogue avec Diderot, Voltaire, Rousseau, voire Montesquieu. Notamment, lorsqu'il aborde les thématiques matérialistes, déistes, athéistes, puis celles de la nature humaine et de l'ordre social. A mon sens on ne peut se passer de Sade dans l'étude des philosophes des Lumières : il est l'aboutissement de toute une pensée.
Dernière chose, je pense que ce serait une erreur de lire l'oeuvre de Sade avec les yeux d'un lecteur du 21ème siècle : ce serait la décontextualiser, or pour comprendre une oeuvre, il me semble qu'il ne faille justement pas l'arracher à son contexte littéraire, bien sûr, mais également historique, idéologique voire sociologique. Le risque serait de ne rien y comprendre. Pour donner un autre exemple que celui de Sade, lire Louis-Ferdinand Céline sans envisager la situation de la petite bourgeoisie au lendemain de la 1ère Guerre mondiale, risque que notre regard de lecteur soit biaisé par un mode de pensée qui n'était pas celui des années 1920-30 (voire postérieur, si l'on ne s'en tient pas uniquement au Voyage au bout de la nuit).
Voilà, moi j'apprécie l'oeuvre de Sade, mais je conçois qu'elle puisse être une excellent vomitif pour certains. Je précise tout de même, que ce ne sont pas les morceaux licencieux que je savoure, mais davantage ceux philosophiques mis dans la bouche d'excellents rhéteurs pervers dont l'art oratoire n'a rien à envier à celui d'un Bossuet.
Reste cependant une question, pour moi.
J'ai du mal à comprendre la stratégie, en terme de communication, de ces auteurs hors-norme : le propos, parfois insoutenable, exclut un grand nombre de lecteurs, même les plus curieux, même les plus ouverts.
L'attrait littéraire ne suffit pas et le discours n'atteint qu'une toute petite minorité de lecteurs avertis à cause du contenu licencieux de ces pages... à quoi bon, finalement ?
Je pense à ma dernière expérience de "dégoût" quand je découvrais les premières nouvelles de Microfictions, de Jauffret. C'était tellement énorme que j'ai eu l'impression que l'auteur me lançait un défi... que je n'ai pas réussi à relever, même si j'ai goûté pleinement l'expérience.
On doit s'interroger sur les oeuvres, oui. S'interroger sur nous-mêmes, lecteurs, et sur nos réactions, c'est important aussi.
- PseudoDemi-dieu
Je ne sais pas si un auteur (et Sade en particulier) a une stratégie de communication.
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"Il faut encore avoir du chaos en soi pour pouvoir enfanter une étoile qui danse" Nietzsche
- bikkhouHabitué du forum
Pseudo a écrit:Je ne sais pas si un auteur (et Sade en particulier) a une stratégie de communication.
Les termes sont mal choisis, mais l'idée intelligible, non ?
Et Larsson qui nous encourageait à ne pas décontextualiser...
- LarssonNiveau 8
Moi qui croyait me faire lyncher en faisant l'apologie de Sade... Finalement, je ne regrette pas de m'être lancé
Pour continuer, je ne sais pas si Sade écrivait pour être publié... Nul doute qu'il savait pertinemment que tous les éditeurs refuseraient ses romans. Il y a de fortes chances pour que ses romans aient connu des éditions clandestines, certainement en Hollande, et qu'ils circulaient surtout sous le manteau par le biais de copies manuscrites.
Or, si ses romans circulaient sous le manteau, c'est donc qu'ils intéressaient un certain type de lectorat. Peut-être réduit, mais lectorat quand même.
J'ajouterais que la littérature licencieuse pullulait durant la seconde moitié du 18ème, et qu'il n'y a pas que Sade qui s'y est illustré. Le nom du divin marquis est sûrement arrivé jusqu'à nous car son oeuvre a été la plus prolifique et la plus aboutie.
Pour les autres auteurs de cette littérature licencieuse, il faudrait lire les 2 tomes "Romanciers libertins du 18ème siècle" en Pléiade, magnifiques éditions illustrées de gravures d'époque (pour que le plaisir des images s'ajoute à celui des mots )
Pour continuer, je ne sais pas si Sade écrivait pour être publié... Nul doute qu'il savait pertinemment que tous les éditeurs refuseraient ses romans. Il y a de fortes chances pour que ses romans aient connu des éditions clandestines, certainement en Hollande, et qu'ils circulaient surtout sous le manteau par le biais de copies manuscrites.
Or, si ses romans circulaient sous le manteau, c'est donc qu'ils intéressaient un certain type de lectorat. Peut-être réduit, mais lectorat quand même.
J'ajouterais que la littérature licencieuse pullulait durant la seconde moitié du 18ème, et qu'il n'y a pas que Sade qui s'y est illustré. Le nom du divin marquis est sûrement arrivé jusqu'à nous car son oeuvre a été la plus prolifique et la plus aboutie.
Pour les autres auteurs de cette littérature licencieuse, il faudrait lire les 2 tomes "Romanciers libertins du 18ème siècle" en Pléiade, magnifiques éditions illustrées de gravures d'époque (pour que le plaisir des images s'ajoute à celui des mots )
- AbraxasDoyen
Oui, à la fin de la Philosophie dans le boudoir.Pseudo a écrit:xphrog a écrit:
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Oui, enfin, l'abricot, hein, ce n'est pas toujours ingénu... Me demande si Sade n'a pas écrit un truc sur un abricot cousu.
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