- ThalieGrand sage
“Les inégalités n’ont pas disparu, elles ont juste été repoussées plus loin dans le cursus scolaire.”
En France, en 2013, 70 % des enfants d’ouvriers n’ont pas d’opportunités de promotion sociale. Face à ce constat, le sociologue Camille Peugny appelle à réinventer une école “vraiment” démocratique.
Dénoncé dès 1970 par Pierre Bourdieu, le mécanisme du déterminisme social se perpétue depuis les années 80. Selon le sociologue Camille Peugny, pour déjouer les pièges de notre école méritocratique et élitiste, il faut mettre l’accent sur le primaire et promouvoir la formation tout au long de la vie.
Qu’avez-vous voulu démontrer avec votre nouveau livre ?
Camille Peugny - Que la France de 2013 est loin d’être un paradis de la mobilité sociale et de l’égalité des chances. Quelques années après la fin de leurs études, 70 % des enfants d’ouvriers exercent aujourd’hui un emploi d’ouvrier ou d’employé. A l’inverse, 70 % des enfants de cadres exercent un emploi d’encadrement. C’est dire à quel point la reproduction des inégalités demeure forte. En réalité, depuis le début des années 1980, elle n’a pas diminué. Cela a des conséquences importantes en termes de défiance, de pessimisme, de cohésion sociale.
Est-ce un constat partagé par tous les sociologues, même par ceux qui insistent sur la mobilité sociale ?
La mobilité sociale existe : 30 % des enfants d’ouvriers connaissent une vraie promotion sociale et il n’y a heureusement pas de déterminisme absolu. Mais personne ne peut nier que notre milieu social a une influence sur nos destins et nos parcours. En trente ans, l’égalité des chances entre les enfants favorisés et les défavorisés n’a pas du tout progressé. Ce qui interroge notamment notre système éducatif. L’école s’est largement massifiée mais cela ne s’est pas traduit par une augmentation de la mobilité sociale. C’est un constat qui doit interpeller la société tout entière.
Comment expliquer cet échec ?
D’abord, il ne faut pas exagérer la portée de la massification scolaire. Prenons l’exemple du baccalauréat : 50 % des enfants d’ouvriers aujourd’hui n’ont pas le baccalauréat ; seuls 20 % d’entre eux obtiennent le baccalauréat général. Contrairement à ce que l’on entend parfois, non, on ne “donne” pas le bac à tout le monde. Second point : qui dit massification ne dit pas démocratisation. Si les enfants des classes populaires ont des scolarités plus longues qu’avant, les enfants des milieux favorisés aussi. Les inégalités n’ont pas disparu, elles ont juste été repoussées plus loin dans le cursus scolaire.
L’élitisme de l’école n’est-il pas son principal vice ?
Oui, et c’est le troisième élément, fondamental : notre système éducatif est profondément élitiste. La France est l’un des pays de l’OCDE où l’origine sociale pèse le plus sur les résultats scolaires. Le mépris relatif dans lequel est tenu l’enseignement primaire est un autre signe de cet élitisme, tout comme l’abandon par les pouvoirs publics des premiers cycles universitaires au profit du système des classes préparatoires et des grandes écoles.
Quel rôle joue le diplôme dans cette structuration élitiste ?
Un rôle central. La France est l’un des pays de l’OCDE où le diplôme exerce la plus forte emprise sur la trajectoire sociale. Avec un paradoxe criant : le diplôme a une importance cruciale mais il est obtenu à l’issue d’une compétition scolaire faussée dès le départ.
Que pensez-vous des discours dominants sur le mérite ?
Nous sommes envahis par ces discours. “Quand on veut, on peut”, entend-on sur toutes les lèvres. Ces discours sont dangereux : ils entretiennent l’idée selon laquelle les individus seraient les seuls responsables de leurs parcours, et donc de leurs échecs. Eh bien non.
La jeunesse actuelle est-elle une génération sacrifiée ?
Les jeunes sont les premières victimes de la précarisation du monde du travail. Sans même parler du chômage, la part des jeunes de 18 à 25 ans en contrat précaire a été multipliée par trois au cours des trente dernières années. Les politiques publiques, en excluant par exemple les moins de 25 ans de la protection sociale et notamment du RSA, sont également responsables des poches de pauvreté qui s’étendent dans la jeunesse. Mais ce qu’il faut comprendre, c’est que les jeunes de 2013 sont la deuxième génération de la crise. Ils sont les enfants des cohortes nées au début des années 1960, qui lorsqu’elles s’insèrent sur le marché du travail au début des années 1980 font déjà face à un taux de chômage des jeunes actifs à plus de 20 %. Voici une autre grille de lecture de la reproduction des inégalités : une société écartelée par trente ans de précarisation des conditions d’existence, c’est une société dans laquelle l’avantage et le désavantage social se transmettent entre les générations…
Quel regard portez-vous sur les politiques éducatives déployées ces dernières années ?
Le dernier rapport de l’OCDE a montré qu’entre 1995 et 2010 la France est le seul pays où le taux de scolarisation des 15-19 ans a baissé (de 89 % à 84 %). Ce décrochage est très inquiétant mais la nation a longtemps semblé consacrer toute son énergie à débattre des moyens pour envoyer davantage de boursiers dans les grandes écoles, alors que ces dernières ne concernent qu’une infime minorité d’étudiants ! C’est un non-sens. Il serait bien plus urgent de concentrer les moyens sur l’enseignement primaire.
C’est bien ce que veut faire le ministre de l’Education nationale, Vincent Peillon.
Il prend acte du fait qu’on ne peut pas recréer de la mobilité sociale sans commencer par le premier niveau de l’enseignement ; c’est un vrai progrès. Mais les politiques publiques continuent à valoriser les filières élitistes, notamment dans l’enseignement supérieur, où les premiers cycles universitaires crient famine tandis que l’Etat continue à dépenser trois fois plus pour un élève de classe préparatoire que pour un étudiant de licence.
Comment inventer ce que vous appelez une école “vraiment” démocratique ?
Il faut faire en sorte que les inégalités sociales cessent de se creuser dès les premières années à l’école. Pour cela, il n’y a pas de miracle : il faut plus de moyens – la France dépense 20 % de moins pour l’enseignement primaire que la moyenne des pays de l’OCDE -, des classes moins chargées, des changements dans les pratiques éducatives. Mais même cela ne suffirait pas. Dans nos sociétés écartelées par la mondialisation, où l’exigence de mobilité ou d’adaptabilité ne cesse d’être répétée, tout ne peut pas être joué à 18 ou 22 ans. Il faut multiplier les occasions de formation, tout au long de la vie. C’est le sens du dispositif universel d’accès à la formation que je propose dans mon livre, pour remédier à cet autre mal français : aujourd’hui, la formation professionnelle profite davantage aux cadres qu’aux ouvriers.
Existe-t-il des pays modèles ?
Les pays occidentaux où la reproduction sociale reste la plus forte sont les Etats-Unis et le Royaume-Uni. En Europe, on observe un gradient géographique – du Sud où la reproduction est forte, au Nord où elle est beaucoup plus faible. Il est alors très tentant de faire le lien avec la nature des politiques publiques menées dans les pays scandinaves. Les jeunes accèdent à l’autonomie grâce à une forte intervention de l’Etat. La formation tout au long de la vie y est pensée en articulation avec la formation initiale. A 18 ans, les jeunes Danois disposent de soixante mois de formation, qu’ils peuvent utiliser en formation initiale ou plus tard, ce qui favorise le retour en formation. C’est une autre conception de l’égalité, dont la France ferait bien de s’inspirer, même s’il ne s’agit pas de transposer mécaniquement un modèle.
La France reste donc une société de classes ?
La période des Trente Glorieuses a fait croire à certains que les classes sociales étaient mortes, enterrées par le développement des classes moyennes. Or, depuis une quinzaine d’années, les inégalités augmentent à nouveau, en termes de revenus ou de patrimoine. Ce que montre également la persistance d’une si forte reproduction sociale, c’est que l’émergence d’une vaste société “moyenne” relève du mirage. Les destins à ce point contrastés des enfants des classes populaires et des enfants mieux nés soulignent à quel point il subsiste des univers de vie différents dans la société française.
Le Destin au berceau – Inégalités et reproduction sociale (Seuil, La République des idées), 128 p. 12 €
http://www.lesinrocks.com/2013/04/10/actualite/des-destins-tres-francais-11383786/
Grrr...C'est encore et toujours la faute de l'école. Que peuvent-ils reprocher à un système méritocratique ?
En France, en 2013, 70 % des enfants d’ouvriers n’ont pas d’opportunités de promotion sociale. Face à ce constat, le sociologue Camille Peugny appelle à réinventer une école “vraiment” démocratique.
Dénoncé dès 1970 par Pierre Bourdieu, le mécanisme du déterminisme social se perpétue depuis les années 80. Selon le sociologue Camille Peugny, pour déjouer les pièges de notre école méritocratique et élitiste, il faut mettre l’accent sur le primaire et promouvoir la formation tout au long de la vie.
Qu’avez-vous voulu démontrer avec votre nouveau livre ?
Camille Peugny - Que la France de 2013 est loin d’être un paradis de la mobilité sociale et de l’égalité des chances. Quelques années après la fin de leurs études, 70 % des enfants d’ouvriers exercent aujourd’hui un emploi d’ouvrier ou d’employé. A l’inverse, 70 % des enfants de cadres exercent un emploi d’encadrement. C’est dire à quel point la reproduction des inégalités demeure forte. En réalité, depuis le début des années 1980, elle n’a pas diminué. Cela a des conséquences importantes en termes de défiance, de pessimisme, de cohésion sociale.
Est-ce un constat partagé par tous les sociologues, même par ceux qui insistent sur la mobilité sociale ?
La mobilité sociale existe : 30 % des enfants d’ouvriers connaissent une vraie promotion sociale et il n’y a heureusement pas de déterminisme absolu. Mais personne ne peut nier que notre milieu social a une influence sur nos destins et nos parcours. En trente ans, l’égalité des chances entre les enfants favorisés et les défavorisés n’a pas du tout progressé. Ce qui interroge notamment notre système éducatif. L’école s’est largement massifiée mais cela ne s’est pas traduit par une augmentation de la mobilité sociale. C’est un constat qui doit interpeller la société tout entière.
Comment expliquer cet échec ?
D’abord, il ne faut pas exagérer la portée de la massification scolaire. Prenons l’exemple du baccalauréat : 50 % des enfants d’ouvriers aujourd’hui n’ont pas le baccalauréat ; seuls 20 % d’entre eux obtiennent le baccalauréat général. Contrairement à ce que l’on entend parfois, non, on ne “donne” pas le bac à tout le monde. Second point : qui dit massification ne dit pas démocratisation. Si les enfants des classes populaires ont des scolarités plus longues qu’avant, les enfants des milieux favorisés aussi. Les inégalités n’ont pas disparu, elles ont juste été repoussées plus loin dans le cursus scolaire.
L’élitisme de l’école n’est-il pas son principal vice ?
Oui, et c’est le troisième élément, fondamental : notre système éducatif est profondément élitiste. La France est l’un des pays de l’OCDE où l’origine sociale pèse le plus sur les résultats scolaires. Le mépris relatif dans lequel est tenu l’enseignement primaire est un autre signe de cet élitisme, tout comme l’abandon par les pouvoirs publics des premiers cycles universitaires au profit du système des classes préparatoires et des grandes écoles.
Quel rôle joue le diplôme dans cette structuration élitiste ?
Un rôle central. La France est l’un des pays de l’OCDE où le diplôme exerce la plus forte emprise sur la trajectoire sociale. Avec un paradoxe criant : le diplôme a une importance cruciale mais il est obtenu à l’issue d’une compétition scolaire faussée dès le départ.
Que pensez-vous des discours dominants sur le mérite ?
Nous sommes envahis par ces discours. “Quand on veut, on peut”, entend-on sur toutes les lèvres. Ces discours sont dangereux : ils entretiennent l’idée selon laquelle les individus seraient les seuls responsables de leurs parcours, et donc de leurs échecs. Eh bien non.
La jeunesse actuelle est-elle une génération sacrifiée ?
Les jeunes sont les premières victimes de la précarisation du monde du travail. Sans même parler du chômage, la part des jeunes de 18 à 25 ans en contrat précaire a été multipliée par trois au cours des trente dernières années. Les politiques publiques, en excluant par exemple les moins de 25 ans de la protection sociale et notamment du RSA, sont également responsables des poches de pauvreté qui s’étendent dans la jeunesse. Mais ce qu’il faut comprendre, c’est que les jeunes de 2013 sont la deuxième génération de la crise. Ils sont les enfants des cohortes nées au début des années 1960, qui lorsqu’elles s’insèrent sur le marché du travail au début des années 1980 font déjà face à un taux de chômage des jeunes actifs à plus de 20 %. Voici une autre grille de lecture de la reproduction des inégalités : une société écartelée par trente ans de précarisation des conditions d’existence, c’est une société dans laquelle l’avantage et le désavantage social se transmettent entre les générations…
Quel regard portez-vous sur les politiques éducatives déployées ces dernières années ?
Le dernier rapport de l’OCDE a montré qu’entre 1995 et 2010 la France est le seul pays où le taux de scolarisation des 15-19 ans a baissé (de 89 % à 84 %). Ce décrochage est très inquiétant mais la nation a longtemps semblé consacrer toute son énergie à débattre des moyens pour envoyer davantage de boursiers dans les grandes écoles, alors que ces dernières ne concernent qu’une infime minorité d’étudiants ! C’est un non-sens. Il serait bien plus urgent de concentrer les moyens sur l’enseignement primaire.
C’est bien ce que veut faire le ministre de l’Education nationale, Vincent Peillon.
Il prend acte du fait qu’on ne peut pas recréer de la mobilité sociale sans commencer par le premier niveau de l’enseignement ; c’est un vrai progrès. Mais les politiques publiques continuent à valoriser les filières élitistes, notamment dans l’enseignement supérieur, où les premiers cycles universitaires crient famine tandis que l’Etat continue à dépenser trois fois plus pour un élève de classe préparatoire que pour un étudiant de licence.
Comment inventer ce que vous appelez une école “vraiment” démocratique ?
Il faut faire en sorte que les inégalités sociales cessent de se creuser dès les premières années à l’école. Pour cela, il n’y a pas de miracle : il faut plus de moyens – la France dépense 20 % de moins pour l’enseignement primaire que la moyenne des pays de l’OCDE -, des classes moins chargées, des changements dans les pratiques éducatives. Mais même cela ne suffirait pas. Dans nos sociétés écartelées par la mondialisation, où l’exigence de mobilité ou d’adaptabilité ne cesse d’être répétée, tout ne peut pas être joué à 18 ou 22 ans. Il faut multiplier les occasions de formation, tout au long de la vie. C’est le sens du dispositif universel d’accès à la formation que je propose dans mon livre, pour remédier à cet autre mal français : aujourd’hui, la formation professionnelle profite davantage aux cadres qu’aux ouvriers.
Existe-t-il des pays modèles ?
Les pays occidentaux où la reproduction sociale reste la plus forte sont les Etats-Unis et le Royaume-Uni. En Europe, on observe un gradient géographique – du Sud où la reproduction est forte, au Nord où elle est beaucoup plus faible. Il est alors très tentant de faire le lien avec la nature des politiques publiques menées dans les pays scandinaves. Les jeunes accèdent à l’autonomie grâce à une forte intervention de l’Etat. La formation tout au long de la vie y est pensée en articulation avec la formation initiale. A 18 ans, les jeunes Danois disposent de soixante mois de formation, qu’ils peuvent utiliser en formation initiale ou plus tard, ce qui favorise le retour en formation. C’est une autre conception de l’égalité, dont la France ferait bien de s’inspirer, même s’il ne s’agit pas de transposer mécaniquement un modèle.
La France reste donc une société de classes ?
La période des Trente Glorieuses a fait croire à certains que les classes sociales étaient mortes, enterrées par le développement des classes moyennes. Or, depuis une quinzaine d’années, les inégalités augmentent à nouveau, en termes de revenus ou de patrimoine. Ce que montre également la persistance d’une si forte reproduction sociale, c’est que l’émergence d’une vaste société “moyenne” relève du mirage. Les destins à ce point contrastés des enfants des classes populaires et des enfants mieux nés soulignent à quel point il subsiste des univers de vie différents dans la société française.
Le Destin au berceau – Inégalités et reproduction sociale (Seuil, La République des idées), 128 p. 12 €
http://www.lesinrocks.com/2013/04/10/actualite/des-destins-tres-francais-11383786/
Grrr...C'est encore et toujours la faute de l'école. Que peuvent-ils reprocher à un système méritocratique ?
- RoninMonarque
Je suis d'accord avec certains points. Néanmoins, pas la peine de faire une "enquête", il lui suffisait de lire neo en détail !
Ceci étant cette éternelle question des moyens ça évite quand même de poser celle des méthodes. Parce que les méthodes IUFM, même avec un budget multiplié par deux ça donnera de l'échec.
Ceci étant cette éternelle question des moyens ça évite quand même de poser celle des méthodes. Parce que les méthodes IUFM, même avec un budget multiplié par deux ça donnera de l'échec.
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- ThalieGrand sage
Lisant un autre post sur Néo, je trouve une réponse parfaite à cette article :
Le pédagogisme facteur d'échec
Liliane Lurçat
Article paru dans Philosophie politique, "Ecole et démocratie", n°10, novembre 1999, P.U.F..
I. Le modèle américain
L'école française est devenue l'école des sciences de l'éducation. Dans cette école, les sociologues et les pédagogistes rejettent la singularité de la personne au nom de déterminismes liés principalement à l'origine sociale(1). Dans les IUFM on prétend former des professionnels de l'enseignement, sans tenir compte des disciplines à enseigner. En réalité la pédagogie n'est pas séparable des connaissances à transmettre, elle prend des formes différentes selon les disciplines. A l'inverse, le pédagogisme sépare la pédagogie des disciplines, il veut se situer au-dessus des connaissances à transmettre, auxquelles il substitue un arsenal de techniques et de procédés.
Pour comprendre l'école française d'aujourd'hui, il faut connaître l'évolution de l'école aux États-Unis. L'école de masse telle qu'elle est actuellement développée en France s'inspire de l'école publique américaine, dont la massification a été entreprise dès le début de ce siècle. La grave crise que traverse l'école publique américaine, ravagée par l'illettrisme et par la violence, ne freine nullement l'enthousiasme des réformateurs pour les sciences de l'éducation et pour l'égalitarisme.
C'est aux États-Unis que la mise en oeuvre des théories des sciences de l'éducation a été généralisée en premier lieu. On s'est contenté ici de reprendre et d'imiter les pratiques américaines. Nul besoin de penser l'école française dans son histoire et dans sa spécificité: on disposait d'un modèle qu'on peut plaquer littéralement pour être scientifique et pour aller dans le sens de l'histoire. Il suffisait donc de s'en servir.
Un problème politique
L'idée qu'on peut changer le monde en agissant sur les enfants, écrit Hannah Arendt(2), est une utopie politique mise en œuvre dans les régimes dictatoriaux. Mais, "dans un pays d'immigrants, le rôle politique que joue bel et bien l'éducation, le fait que les écoles ne servent pas seulement à américaniser les enfants mais affectent aussi leurs parents, et contribuent à se défaire d'un monde ancien pour entrer dans un nouveau, tout cela entretient l'illusion que grâce à l'éducation des enfants un nouveau monde est en train de s'édifier."
La gravité de la crise de l'éducation tient au rôle que joue la notion d'égalité en Amérique. Dès 1910, écrit Jacques Barzun, au cours de la dernière phase du libéralisme, on a proclamé l'émancipation de tout le monde, y compris les enfants; on a ainsi abouti à un égalitarisme absolu.(3) C'est ainsi qu'on nie le rôle des aptitudes ou des dons et qu'on refuse toute oligarchie, y compris l'oligarchie fondée sur le mérite, car, dit Hannah Arendt, la méritocratie contredit le principe de démocratie égalitaire.
La massification de l'enfance(4) est apparue aux États-Unis bien avant l'existence de la télévision. Elle a consisté dans l'abandon des enfants par les adultes, car seul le groupe a été pris en considération. Livrés à eux-mêmes ou abandonnés à la tyrannie du groupe, écrit Arendt, les enfants ont réagi soit par le conformisme, soit par la délinquance juvénile. La signification de la crise de l'éducation est liée au caractère politique de ce pays, poursuit-elle. "Nulle part les problèmes d'éducation d'une société de masse ne se sont posés avec tant d'acuité, et nulle part ailleurs les théories pédagogiques modernes n'ont été acceptées de façon si servile et si peu critique (…). Cette crise annonce la faillite des méthodes modernes d'éducation."
Aux origines des sciences de l'éducation
Claude Allègre redécouvre (mais le sait-il?) la pensée de Stanley Hall, quand il annonce que désormais l'enfant est au centre du système éducatif. Stanley Hall, "prêtre, prophète, poète et savant" selon la description de Daniel Boorstin(5), s'initie à la psychologie expérimentale en Allemagne avant de fonder en 1889 la Clark University à Worcester (Massachussets) Il en fait un établissement pilote dans le domaine de la psychologie et de son application à la pédagogie. L'étude de l'enfant devait, dans son optique, conduire à réviser les conceptions qu'on se faisait des programmes scolaires. Jusqu'à son époque, écrit Stanley Hall, l'éducation était scolocentrique, maintenant elle allait devenir pédocentrique. Stanley Hall a élaboré sa psychologie de l'enfant à partir de dizaines de milliers de questionnaires. Il en a tiré des normes pour définir la croissance intellectuelle et physique des enfants.
A partir de ses études statistiques, Stanley Hall veut réviser non seulement les programmes scolaires, mais la conception même de l'idée de programme. Il annonce :" Nous devons dépasser le fétichisme de l'alphabet, de la table de multiplication, de la grammaire, des gammes, du livre". Prévoyant le déclin de la grammaire et le règne de la langue parlée dans l'Amérique du XXe siècle, il annonce que la grammaire, la rhétorique et la syntaxe seraient remplacées par les "arts du langage", plus démocratiques, et l'expression orale en public.
Dès 1902, et je cite toujours Boorstin, tandis que l'enseignement secondaire gratuit était devenu une institution, il passe à l'étude de l'adolescence. Il demande dans son livre The high school as the People's College qu'on attache moins d'importance à l'exercice répétitif, à la discipline, au savoir faire ou à l'exactitude, et davantage à la liberté et à l'intérêt personnel. Il demande que la communauté des adolescents se développe et se gouverne elle-même, comme n'importe quelle autre communauté aux Etats Unis.
Le débat public rapporté par Boorstin entre Stanley Hall et Charles W. Eliot pose la question du sens à donner au mot égalité. Deux conceptions s'affrontent pour prendre la direction des nouvelles écoles secondaires américaines. Eliot croyait que "toute éducation démocratique avait pour devoir non seulement d'instruire l'ensemble de la population mais aussi d'encourager le développement d'une aristocratie naturelle afin que la communauté tout entière reçoive les fruits de l'épanouissement de ses citoyens les plus capables". Pour Eliot, la démocratie consiste aussi à mettre toutes les disciplines sur un plan d'égalité, et l'étudiant choisit ce qu'il veut étudier.
Les adversaires d'Eliot ont à leur tête Stanley Hall et son disciple John Dewey, chef de file de l'Education Nouvelle. Boorstin écrit d'eux: ils se firent les champions de ceux que Hall appelait "la grande armée des incapables". Dans le projet d'Eliot, l'école secondaire est uniforme et les matières sont enseignées de la même façon à tous les élèves. Stanley Hall s'interroge: "que deviendrait la foule de ceux chez qui les déterminismes de l'hérédité entraînent un ralentissement ou même l'arrêt du développement mental?" Réponse d'Eliot: " tout directeur d'école qui organiserait les études en fonction de ces incapables serait un individu professionnellement dément". Eliot pensait en termes de matières d'enseignement; Stanley Hall, John Dewey et leurs disciples voulaient affranchir les élèves de la notion même de programme.
John Dewey, qui devint par la suite "l'éducateur le plus influent du XXe siècle", ouvre une école-laboratoire à l'Université de Chicago. Il insiste sur l'activité dans un cadre champêtre, la ferme telle qu'il l'avait connue dans son enfance. Il supprime les vieux concepts de discipline, de matières d'enseignement et même de programme d'études. Toutes les matières devaient être réunies dans des activités communes. La high school, écrit Boorstin, est le produit achevé de l'Education Nouvelle.
La destruction de l'enseignement
Selon Jacques Barzun(6), l'illettrisme fonctionnel touche soixante millions d'Américains. Il y a eu un très bon système scolaire qui a été détruit par une doctrine pernicieuse sur la manière d'apprendre. En réalité, écrit-il, l'enseignement est un art et il ne peut être réduit à une science imposant une méthodologie. Au fil des articles rassemblés dans son livre, Jacques Barzun fait des constats accablants. On n'apprend plus à lire aux jeunes, l'illettrisme atteint la majorité de la population. On est revenu à une époque où seule une élite savait lire et écrire. A l'origine de ce désastre, cinquante années de folie dans l'utilisation de la méthode look-and-say associée à l'idée que les enfants de pauvres, de Noirs, d'Hispaniques, ne peuvent pas apprendre. Car être défavorisé est considéré à présent comme une entrave insurmontable pour apprendre. C'est une absurdité criminelle écrit Barzun, ce sont les particularités de l'école qui bloquent l'apprentissage en lecture, en écriture et en calcul. Quelles sont, s'interroge Barzun, les raisons qui ont conduit l'Amérique à devenir un pays où l'illettrisme s'est tellement développé? Ce n'est ni l'ignorance, ni la pauvreté, ni les instincts barbares. C'est une pensée progressiste caractérisée par l'amour de la liberté et le désir d'innover qui est à l'origine de cette situation.
On a voulu rendre les enfants créateurs, mais la créativité ne peut être un objet d'apprentissage car elle ne s'enseigne pas. L'enfant doit apprendre les rudiments avant de "créer " un poème.
La doctrine look-and-say d'enseignement de la lecture a été popularisée en France et imposée dans les lieux de formation par les scientistes de la lecture(7). On part de l'idée que le lecteur entraîné n'a pas besoin de nommer chaque lettre et c'est le modèle imposé au débutant, quintessence de l'anti-méthode, écrit Barzun. Les forces hostiles à l'alphabétisation, à la lecture, au mot, se trouvent dans le scientisme qui depuis 75 ans préfère les nombres aux mots, le faire à la pensée, l'expérience à la tradition.
La science est devenue une superstition, écrit Barzun, il a fallu plus d'un demi-siècle pour commencer à comprendre l'erreur de look-and-say, non pas en partant des défauts de la méthode mais en partant d'une autre étude. Le cheminement a été le même en France puisqu'il a fallu que les idées exprimées dans cette autre étude soient connues en France pour que certains scientistes de la lecture osent évoquer discrètement la possibilité d'un retour en arrière(8).
Les dîplomés de la high school ne savent pas lire et écrire de manière acceptable. Ils connaissent très peu d'histoire et de géographie. Ils sont très ignorants en mathématiques, sciences et langues étrangères écrit Barzun. On ne peut pas demander aux élèves de connaître ce qu'on a refusé de leur transmettre. L'antidote consisterait à retrouver l'unité et la continuité de la pensée par l'unité et la continuité dans le travail. La généralisation trop rapide de l'enseignement secondaire à partir de 1900 n'a pas permis de former des professeurs. Engagés hâtivement, souvent peu instruits, ils ont transmis leur insuffisance et ils ont contribué à enfoncer les élèves dans la violence et dans la grossièreté.
II. L'école française, une école sous influence
De l'égalité des droits à l'égalité des personnes
L'école unique est un thème qui a été lancé par les Compagnons de l'Université Nouvelle en 1921 et qui a inspiré les rédacteurs du plan Langevin-Wallon(1947) de réforme de l'enseignement. Dans ce plan, il était question d'égalité des droits des enfants: "Tous les enfants, quelles que soient leurs origines familiales, sociales, ethniques, ont un droit égal au développement maximum que leur personnalité comporte. Ils ne doivent trouver d'autres limitations que celles de leurs aptitudes".
Dans la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989, il n'est plus question d'égalité des droits mais d'égalité des élèves: "Pour assurer l'égalité et la réussite des élèves, l'enseignement est adapté à leur diversité par une continuité éducative au cours de chaque cycle et tout au long de la scolarité".
Selon Guy Berger(9) l'hétérogénéité des élèves justifie les transformations apportées à l'école française. Dès la fin des années 50, le débat sur le collège unique a fait émerger l'idée selon laquelle on doit tenir compte de l'hétérogénéité des élèves, en adaptant l'enseignement à l'ensemble de la population. Dans les années 1970 on introduit l'enseignement différencié, le travail autonome, la pédagogie du projet. En même temps les relations des professeurs avec les élèves sont modifiées, on passe de l'information à la communication, de la transmission à la négociation. La création des zones d'éducation prioritaires est une décision importante dans laquelle on peut voir l'interprétation à la française de l'affirmative action. Ce dernier mouvement est né aux États-Unis à la suite des émeutes noires de 1964-1968.
On accuse la politique d'affirmative action d'être inégalitaire au profit des anciens opprimés, écrit Daniel Boorstin. Guy Berger reprend cette idée à son compte pour justifier la création des ZEP. Les ZEP sont d'une certaine manière inconstitutionnelles, écrit-il, puisque selon les principes de la Constitution le service public offert à tous les citoyens doit être identique, quel que soit le lieu où il est assuré.
Les sciences de l'éducation dans l'école
Lors de la création des IUFM, Philippe Meirieu a été sollicité par le recteur Bancel pour définir notamment les capacités requises pour enseigner. Il est à présent directeur de l'Institut National de la Recherche Pédagogique. C'est un pédagogiste, partisan de l'égalité des élèves. Dans de nombreux ouvrages il défend des conceptions où le pédagogisme tient un rôle déterminant dans l'école(10).
On peut citer les idées suivantes: l'école doit s'attacher à faire acquérir des capacités méthodologiques communes à tous les apprentissages. On ne doit pas introduire des notions sans restituer les conditions de leur apparition: les élèves devraient vivre en raccourci la genèse des connaissances et se les approprier activement. Meirieu veut se situer dans une perspective "transdisciplinaire", il refuse toute légitimité au découpage habituel en disciplines, car les disciplines perdent toute chance de servir la mission de l'Ecole si elles ne s'ordonnent pas autour d'un axe commun fourni par les pédagogues (pédagogistes). L'évaluation joue un rôle fondamental, elle doit être l'objet essentiel des préoccupations des élèves.
Meirieu se défend des critiques nombreuses de tous ceux qui contestent les sciences de l'éducation et le rôle qu'on veut leur faire jouer dans la réorganisation de l'école. La loi d'orientation, écrit-il, a permis la professionnalisation du métier d'enseignant grâce à la création des IUFM. Ce sont les "militants pédagogiques" qui ont fourni des formateurs, des conseillers, des chefs d'établissement et des inspecteurs. Le projet de Meirieu est ouvertement et explicitement politique: "Pour notre part, nous faisons clairement et absolument le choix de la prééminence absolue du politique."(11) Il veut lutter contre une société duale, non fraternelle, pour créer enfin, grâce à l'école, une société fraternelle. Il défend l'hégémonie des pédagogistes contre les républicains "intégristes" et les "ultra libéraux thatchériens". Il justifie la massification de l'école car "le mixage des enfants de tous les niveaux permettra d'unifier les pensées en une pensée commune". Dans l'école de ses rêves il ne doit y avoir ni redoublement, ni orientation précoce, ni compétition, ni hiérarchisation des élèves en bons, moyens, mauvais. Car ce n'est plus l'école de l'instruction obligatoire, mais l'école obligatoire.
Les idées de Meirieu reprennent l'esprit des sciences de l'éducation américaines, avec en particulier le refus de la transmission. Il dénigre systématiquement l'instruction. Les deux objectifs qu'il assigne à l'école obligatoire sont "l'acquisition d'une culture commune et la construction de la Loi". Pour lui l'école n'est pas un service, mais une institution, qu'il met sur le même plan que l'armée et la justice. Comparaison qu'il justifie en invoquant le caractère nécessairement autoritaire de ces deux dernières. En somme, dans la conception qu'il défend, le service militaire obligatoire serait remplacé par treize années d'endoctrinement obligatoire.
L'angélisme du discours masque difficilement une volonté politique que dénonçait déjà Hannah Arendt: la volonté de changer la société en agissant sur les enfants. Le modèle égalitariste de la high school semble le fasciner aussi, mais il est plus proche de la position de Stanley Hall et de son élève John Dewey que de celle de Charles W. Eliot, qui affirmait la nécessité d'une oligarchie fondée sur le mérite. Enfin, Meirieu récuse l'idée d'un échec lié à la destruction des méthodes de transmission des automatismes de base, destruction bien mise en évidence par Jacques Barzun. En somme, il participe à l'entreprise de délégitimation des connaissances, des valeurs et de leur transmission, dont les effets dévastateurs sont déjà connus.
* * *
L'imitation non critique d'une école en crise a des raisons multiples. Ce n'est pas seulement la séduction des méthodes nouvelles d'éducation appliquées à une grande échelle aux Etats-Unis. L'école américaine ouverte à toutes les nouveautés a été la terre d'élection du scientisme. Les sciences de l'éducation se sont imposées comme un pouvoir politique au sein de l'école, décidant non seulement de la manière d'enseigner mais également du découpage des disciplines et de leur légitimité. La manière d'enseigner la lecture imposée par les scientistes a contribué à l'illettrisme de masse. La gestion des disciplines par les sciences de l'éducation débouche sur l'annihilation de secteurs entiers de la connaissance dans l'école publique.
Un facteur politique domine les autres, c'est l'ambiguïté du modèle d'école que donne un pays d'immigrants. Cette ambiguïté, bien analysée par Hannah Arendt, amène à utiliser des méthodes dictatoriales dans des buts d'intégration: on rabote les différences pour assimiler les nouveaux venus. Mais tout bascule quand on veut passer de l'égalité des droits à l'égalité des personnes, en imposant à tous le même vide intellectuel et culturel aux effets barbarisants. La massification de l'enfance et de la jeunesse ainsi réalisée produit partout des phénomènes semblables. Faut-il s'étonner quand on observe, en France aussi, la coïncidence du conformisme de masse et de la montée de la délinquance juvénile ?
http://www.sauv.net/lurcat1.htm
Le pédagogisme facteur d'échec
Liliane Lurçat
Article paru dans Philosophie politique, "Ecole et démocratie", n°10, novembre 1999, P.U.F..
I. Le modèle américain
L'école française est devenue l'école des sciences de l'éducation. Dans cette école, les sociologues et les pédagogistes rejettent la singularité de la personne au nom de déterminismes liés principalement à l'origine sociale(1). Dans les IUFM on prétend former des professionnels de l'enseignement, sans tenir compte des disciplines à enseigner. En réalité la pédagogie n'est pas séparable des connaissances à transmettre, elle prend des formes différentes selon les disciplines. A l'inverse, le pédagogisme sépare la pédagogie des disciplines, il veut se situer au-dessus des connaissances à transmettre, auxquelles il substitue un arsenal de techniques et de procédés.
Pour comprendre l'école française d'aujourd'hui, il faut connaître l'évolution de l'école aux États-Unis. L'école de masse telle qu'elle est actuellement développée en France s'inspire de l'école publique américaine, dont la massification a été entreprise dès le début de ce siècle. La grave crise que traverse l'école publique américaine, ravagée par l'illettrisme et par la violence, ne freine nullement l'enthousiasme des réformateurs pour les sciences de l'éducation et pour l'égalitarisme.
C'est aux États-Unis que la mise en oeuvre des théories des sciences de l'éducation a été généralisée en premier lieu. On s'est contenté ici de reprendre et d'imiter les pratiques américaines. Nul besoin de penser l'école française dans son histoire et dans sa spécificité: on disposait d'un modèle qu'on peut plaquer littéralement pour être scientifique et pour aller dans le sens de l'histoire. Il suffisait donc de s'en servir.
Un problème politique
L'idée qu'on peut changer le monde en agissant sur les enfants, écrit Hannah Arendt(2), est une utopie politique mise en œuvre dans les régimes dictatoriaux. Mais, "dans un pays d'immigrants, le rôle politique que joue bel et bien l'éducation, le fait que les écoles ne servent pas seulement à américaniser les enfants mais affectent aussi leurs parents, et contribuent à se défaire d'un monde ancien pour entrer dans un nouveau, tout cela entretient l'illusion que grâce à l'éducation des enfants un nouveau monde est en train de s'édifier."
La gravité de la crise de l'éducation tient au rôle que joue la notion d'égalité en Amérique. Dès 1910, écrit Jacques Barzun, au cours de la dernière phase du libéralisme, on a proclamé l'émancipation de tout le monde, y compris les enfants; on a ainsi abouti à un égalitarisme absolu.(3) C'est ainsi qu'on nie le rôle des aptitudes ou des dons et qu'on refuse toute oligarchie, y compris l'oligarchie fondée sur le mérite, car, dit Hannah Arendt, la méritocratie contredit le principe de démocratie égalitaire.
La massification de l'enfance(4) est apparue aux États-Unis bien avant l'existence de la télévision. Elle a consisté dans l'abandon des enfants par les adultes, car seul le groupe a été pris en considération. Livrés à eux-mêmes ou abandonnés à la tyrannie du groupe, écrit Arendt, les enfants ont réagi soit par le conformisme, soit par la délinquance juvénile. La signification de la crise de l'éducation est liée au caractère politique de ce pays, poursuit-elle. "Nulle part les problèmes d'éducation d'une société de masse ne se sont posés avec tant d'acuité, et nulle part ailleurs les théories pédagogiques modernes n'ont été acceptées de façon si servile et si peu critique (…). Cette crise annonce la faillite des méthodes modernes d'éducation."
Aux origines des sciences de l'éducation
Claude Allègre redécouvre (mais le sait-il?) la pensée de Stanley Hall, quand il annonce que désormais l'enfant est au centre du système éducatif. Stanley Hall, "prêtre, prophète, poète et savant" selon la description de Daniel Boorstin(5), s'initie à la psychologie expérimentale en Allemagne avant de fonder en 1889 la Clark University à Worcester (Massachussets) Il en fait un établissement pilote dans le domaine de la psychologie et de son application à la pédagogie. L'étude de l'enfant devait, dans son optique, conduire à réviser les conceptions qu'on se faisait des programmes scolaires. Jusqu'à son époque, écrit Stanley Hall, l'éducation était scolocentrique, maintenant elle allait devenir pédocentrique. Stanley Hall a élaboré sa psychologie de l'enfant à partir de dizaines de milliers de questionnaires. Il en a tiré des normes pour définir la croissance intellectuelle et physique des enfants.
A partir de ses études statistiques, Stanley Hall veut réviser non seulement les programmes scolaires, mais la conception même de l'idée de programme. Il annonce :" Nous devons dépasser le fétichisme de l'alphabet, de la table de multiplication, de la grammaire, des gammes, du livre". Prévoyant le déclin de la grammaire et le règne de la langue parlée dans l'Amérique du XXe siècle, il annonce que la grammaire, la rhétorique et la syntaxe seraient remplacées par les "arts du langage", plus démocratiques, et l'expression orale en public.
Dès 1902, et je cite toujours Boorstin, tandis que l'enseignement secondaire gratuit était devenu une institution, il passe à l'étude de l'adolescence. Il demande dans son livre The high school as the People's College qu'on attache moins d'importance à l'exercice répétitif, à la discipline, au savoir faire ou à l'exactitude, et davantage à la liberté et à l'intérêt personnel. Il demande que la communauté des adolescents se développe et se gouverne elle-même, comme n'importe quelle autre communauté aux Etats Unis.
Le débat public rapporté par Boorstin entre Stanley Hall et Charles W. Eliot pose la question du sens à donner au mot égalité. Deux conceptions s'affrontent pour prendre la direction des nouvelles écoles secondaires américaines. Eliot croyait que "toute éducation démocratique avait pour devoir non seulement d'instruire l'ensemble de la population mais aussi d'encourager le développement d'une aristocratie naturelle afin que la communauté tout entière reçoive les fruits de l'épanouissement de ses citoyens les plus capables". Pour Eliot, la démocratie consiste aussi à mettre toutes les disciplines sur un plan d'égalité, et l'étudiant choisit ce qu'il veut étudier.
Les adversaires d'Eliot ont à leur tête Stanley Hall et son disciple John Dewey, chef de file de l'Education Nouvelle. Boorstin écrit d'eux: ils se firent les champions de ceux que Hall appelait "la grande armée des incapables". Dans le projet d'Eliot, l'école secondaire est uniforme et les matières sont enseignées de la même façon à tous les élèves. Stanley Hall s'interroge: "que deviendrait la foule de ceux chez qui les déterminismes de l'hérédité entraînent un ralentissement ou même l'arrêt du développement mental?" Réponse d'Eliot: " tout directeur d'école qui organiserait les études en fonction de ces incapables serait un individu professionnellement dément". Eliot pensait en termes de matières d'enseignement; Stanley Hall, John Dewey et leurs disciples voulaient affranchir les élèves de la notion même de programme.
John Dewey, qui devint par la suite "l'éducateur le plus influent du XXe siècle", ouvre une école-laboratoire à l'Université de Chicago. Il insiste sur l'activité dans un cadre champêtre, la ferme telle qu'il l'avait connue dans son enfance. Il supprime les vieux concepts de discipline, de matières d'enseignement et même de programme d'études. Toutes les matières devaient être réunies dans des activités communes. La high school, écrit Boorstin, est le produit achevé de l'Education Nouvelle.
La destruction de l'enseignement
Selon Jacques Barzun(6), l'illettrisme fonctionnel touche soixante millions d'Américains. Il y a eu un très bon système scolaire qui a été détruit par une doctrine pernicieuse sur la manière d'apprendre. En réalité, écrit-il, l'enseignement est un art et il ne peut être réduit à une science imposant une méthodologie. Au fil des articles rassemblés dans son livre, Jacques Barzun fait des constats accablants. On n'apprend plus à lire aux jeunes, l'illettrisme atteint la majorité de la population. On est revenu à une époque où seule une élite savait lire et écrire. A l'origine de ce désastre, cinquante années de folie dans l'utilisation de la méthode look-and-say associée à l'idée que les enfants de pauvres, de Noirs, d'Hispaniques, ne peuvent pas apprendre. Car être défavorisé est considéré à présent comme une entrave insurmontable pour apprendre. C'est une absurdité criminelle écrit Barzun, ce sont les particularités de l'école qui bloquent l'apprentissage en lecture, en écriture et en calcul. Quelles sont, s'interroge Barzun, les raisons qui ont conduit l'Amérique à devenir un pays où l'illettrisme s'est tellement développé? Ce n'est ni l'ignorance, ni la pauvreté, ni les instincts barbares. C'est une pensée progressiste caractérisée par l'amour de la liberté et le désir d'innover qui est à l'origine de cette situation.
On a voulu rendre les enfants créateurs, mais la créativité ne peut être un objet d'apprentissage car elle ne s'enseigne pas. L'enfant doit apprendre les rudiments avant de "créer " un poème.
La doctrine look-and-say d'enseignement de la lecture a été popularisée en France et imposée dans les lieux de formation par les scientistes de la lecture(7). On part de l'idée que le lecteur entraîné n'a pas besoin de nommer chaque lettre et c'est le modèle imposé au débutant, quintessence de l'anti-méthode, écrit Barzun. Les forces hostiles à l'alphabétisation, à la lecture, au mot, se trouvent dans le scientisme qui depuis 75 ans préfère les nombres aux mots, le faire à la pensée, l'expérience à la tradition.
La science est devenue une superstition, écrit Barzun, il a fallu plus d'un demi-siècle pour commencer à comprendre l'erreur de look-and-say, non pas en partant des défauts de la méthode mais en partant d'une autre étude. Le cheminement a été le même en France puisqu'il a fallu que les idées exprimées dans cette autre étude soient connues en France pour que certains scientistes de la lecture osent évoquer discrètement la possibilité d'un retour en arrière(8).
Les dîplomés de la high school ne savent pas lire et écrire de manière acceptable. Ils connaissent très peu d'histoire et de géographie. Ils sont très ignorants en mathématiques, sciences et langues étrangères écrit Barzun. On ne peut pas demander aux élèves de connaître ce qu'on a refusé de leur transmettre. L'antidote consisterait à retrouver l'unité et la continuité de la pensée par l'unité et la continuité dans le travail. La généralisation trop rapide de l'enseignement secondaire à partir de 1900 n'a pas permis de former des professeurs. Engagés hâtivement, souvent peu instruits, ils ont transmis leur insuffisance et ils ont contribué à enfoncer les élèves dans la violence et dans la grossièreté.
II. L'école française, une école sous influence
De l'égalité des droits à l'égalité des personnes
L'école unique est un thème qui a été lancé par les Compagnons de l'Université Nouvelle en 1921 et qui a inspiré les rédacteurs du plan Langevin-Wallon(1947) de réforme de l'enseignement. Dans ce plan, il était question d'égalité des droits des enfants: "Tous les enfants, quelles que soient leurs origines familiales, sociales, ethniques, ont un droit égal au développement maximum que leur personnalité comporte. Ils ne doivent trouver d'autres limitations que celles de leurs aptitudes".
Dans la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989, il n'est plus question d'égalité des droits mais d'égalité des élèves: "Pour assurer l'égalité et la réussite des élèves, l'enseignement est adapté à leur diversité par une continuité éducative au cours de chaque cycle et tout au long de la scolarité".
Selon Guy Berger(9) l'hétérogénéité des élèves justifie les transformations apportées à l'école française. Dès la fin des années 50, le débat sur le collège unique a fait émerger l'idée selon laquelle on doit tenir compte de l'hétérogénéité des élèves, en adaptant l'enseignement à l'ensemble de la population. Dans les années 1970 on introduit l'enseignement différencié, le travail autonome, la pédagogie du projet. En même temps les relations des professeurs avec les élèves sont modifiées, on passe de l'information à la communication, de la transmission à la négociation. La création des zones d'éducation prioritaires est une décision importante dans laquelle on peut voir l'interprétation à la française de l'affirmative action. Ce dernier mouvement est né aux États-Unis à la suite des émeutes noires de 1964-1968.
On accuse la politique d'affirmative action d'être inégalitaire au profit des anciens opprimés, écrit Daniel Boorstin. Guy Berger reprend cette idée à son compte pour justifier la création des ZEP. Les ZEP sont d'une certaine manière inconstitutionnelles, écrit-il, puisque selon les principes de la Constitution le service public offert à tous les citoyens doit être identique, quel que soit le lieu où il est assuré.
Les sciences de l'éducation dans l'école
Lors de la création des IUFM, Philippe Meirieu a été sollicité par le recteur Bancel pour définir notamment les capacités requises pour enseigner. Il est à présent directeur de l'Institut National de la Recherche Pédagogique. C'est un pédagogiste, partisan de l'égalité des élèves. Dans de nombreux ouvrages il défend des conceptions où le pédagogisme tient un rôle déterminant dans l'école(10).
On peut citer les idées suivantes: l'école doit s'attacher à faire acquérir des capacités méthodologiques communes à tous les apprentissages. On ne doit pas introduire des notions sans restituer les conditions de leur apparition: les élèves devraient vivre en raccourci la genèse des connaissances et se les approprier activement. Meirieu veut se situer dans une perspective "transdisciplinaire", il refuse toute légitimité au découpage habituel en disciplines, car les disciplines perdent toute chance de servir la mission de l'Ecole si elles ne s'ordonnent pas autour d'un axe commun fourni par les pédagogues (pédagogistes). L'évaluation joue un rôle fondamental, elle doit être l'objet essentiel des préoccupations des élèves.
Meirieu se défend des critiques nombreuses de tous ceux qui contestent les sciences de l'éducation et le rôle qu'on veut leur faire jouer dans la réorganisation de l'école. La loi d'orientation, écrit-il, a permis la professionnalisation du métier d'enseignant grâce à la création des IUFM. Ce sont les "militants pédagogiques" qui ont fourni des formateurs, des conseillers, des chefs d'établissement et des inspecteurs. Le projet de Meirieu est ouvertement et explicitement politique: "Pour notre part, nous faisons clairement et absolument le choix de la prééminence absolue du politique."(11) Il veut lutter contre une société duale, non fraternelle, pour créer enfin, grâce à l'école, une société fraternelle. Il défend l'hégémonie des pédagogistes contre les républicains "intégristes" et les "ultra libéraux thatchériens". Il justifie la massification de l'école car "le mixage des enfants de tous les niveaux permettra d'unifier les pensées en une pensée commune". Dans l'école de ses rêves il ne doit y avoir ni redoublement, ni orientation précoce, ni compétition, ni hiérarchisation des élèves en bons, moyens, mauvais. Car ce n'est plus l'école de l'instruction obligatoire, mais l'école obligatoire.
Les idées de Meirieu reprennent l'esprit des sciences de l'éducation américaines, avec en particulier le refus de la transmission. Il dénigre systématiquement l'instruction. Les deux objectifs qu'il assigne à l'école obligatoire sont "l'acquisition d'une culture commune et la construction de la Loi". Pour lui l'école n'est pas un service, mais une institution, qu'il met sur le même plan que l'armée et la justice. Comparaison qu'il justifie en invoquant le caractère nécessairement autoritaire de ces deux dernières. En somme, dans la conception qu'il défend, le service militaire obligatoire serait remplacé par treize années d'endoctrinement obligatoire.
L'angélisme du discours masque difficilement une volonté politique que dénonçait déjà Hannah Arendt: la volonté de changer la société en agissant sur les enfants. Le modèle égalitariste de la high school semble le fasciner aussi, mais il est plus proche de la position de Stanley Hall et de son élève John Dewey que de celle de Charles W. Eliot, qui affirmait la nécessité d'une oligarchie fondée sur le mérite. Enfin, Meirieu récuse l'idée d'un échec lié à la destruction des méthodes de transmission des automatismes de base, destruction bien mise en évidence par Jacques Barzun. En somme, il participe à l'entreprise de délégitimation des connaissances, des valeurs et de leur transmission, dont les effets dévastateurs sont déjà connus.
* * *
L'imitation non critique d'une école en crise a des raisons multiples. Ce n'est pas seulement la séduction des méthodes nouvelles d'éducation appliquées à une grande échelle aux Etats-Unis. L'école américaine ouverte à toutes les nouveautés a été la terre d'élection du scientisme. Les sciences de l'éducation se sont imposées comme un pouvoir politique au sein de l'école, décidant non seulement de la manière d'enseigner mais également du découpage des disciplines et de leur légitimité. La manière d'enseigner la lecture imposée par les scientistes a contribué à l'illettrisme de masse. La gestion des disciplines par les sciences de l'éducation débouche sur l'annihilation de secteurs entiers de la connaissance dans l'école publique.
Un facteur politique domine les autres, c'est l'ambiguïté du modèle d'école que donne un pays d'immigrants. Cette ambiguïté, bien analysée par Hannah Arendt, amène à utiliser des méthodes dictatoriales dans des buts d'intégration: on rabote les différences pour assimiler les nouveaux venus. Mais tout bascule quand on veut passer de l'égalité des droits à l'égalité des personnes, en imposant à tous le même vide intellectuel et culturel aux effets barbarisants. La massification de l'enfance et de la jeunesse ainsi réalisée produit partout des phénomènes semblables. Faut-il s'étonner quand on observe, en France aussi, la coïncidence du conformisme de masse et de la montée de la délinquance juvénile ?
http://www.sauv.net/lurcat1.htm
- ParatgeNeoprof expérimenté
Le titre même de l’article, « Les inégalités n’ont pas disparu, elles ont juste été repoussées plus loin dans le cursus scolaire », semble tellement banal mais il y a un progrès !
En effet il n’y a pas si longtemps, un tel constat était rarissime chez les pédagogistes qui allaient proclamant partout la « démocratisation » universelle. Constat qui n’est quand même pas admis par tous nos bons apôtres, ceux-ci ayant un gros problème avec la réalité.
Cependant la conclusion de l’article est la même que d’habitude, c’est la même vulgate : c’est parce que la « pédagogie » prétendument nouvelle, les « réformes » et autres « innovations » pseudo-décisives n’ont pas été assez appliquées que les résultats ne sont pas à la hauteur !
Ou comment confondre causes et conséquences, toujours ce déni du réel…
En effet il n’y a pas si longtemps, un tel constat était rarissime chez les pédagogistes qui allaient proclamant partout la « démocratisation » universelle. Constat qui n’est quand même pas admis par tous nos bons apôtres, ceux-ci ayant un gros problème avec la réalité.
Cependant la conclusion de l’article est la même que d’habitude, c’est la même vulgate : c’est parce que la « pédagogie » prétendument nouvelle, les « réformes » et autres « innovations » pseudo-décisives n’ont pas été assez appliquées que les résultats ne sont pas à la hauteur !
Ou comment confondre causes et conséquences, toujours ce déni du réel…
- RoninMonarque
Oui mais le réel c'est vulgaire, le réel ça remet en cause l'Utopie...
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- ParatgeNeoprof expérimenté
Ronin a écrit:Oui mais le réel c'est vulgaire, le réel ça remet en cause l'Utopie...
Je rappelle toujours le slogan orwellien des Cahiers pédagogiques qui veulent créer un Homme nouveau ou comment utiliser nos enfants :
« Changer l'école pour changer la société, changer la société pour changer l'école ».
- RoninMonarque
C'est tout à fait ce que je pense. Et à ce compte là l’École sera toujours en échec même en triplant les "moyens". Tant que l'objectif politique primera sur le reste...
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- JPhMMDemi-dieu
Slogan d'une profonde bêtise.Paratge a écrit:« Changer l'école pour changer la société
Qu'on m'explique précisément comment l'école pourrait faire disparaitre les inégalités ?
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- ParatgeNeoprof expérimenté
Tant qu'on nous bassinera avec le vivrensemble, en gonflant les taux de réussite à la manière soviétique, l'avenir radieux est repoussé au « calendrier grec » comme dirait un chercheur en siansedeléduk.
- Numéro 6Niveau 6
4 éléments:
- Qu'il y ait 30% des jeunes qui échappent à leur éducation maternelle, me semble à moi plutôt une très bonne performance, sinon au nom de quels égos surdimensionnés les enseignants souhaiteraient supplanter l'éducation familiale ?
- L'élitisme n'est à mon avis "pas forcément" un vice. quelques études statistiques ont pu montrer que les filières "élitistes" (anciennes classes S des lycées) étaient paradoxalement les plus socialement indifférenciées.
- Supprimons le "diplôme élitiste" et nous verrons l'accession facilitée des "fils de".... de fait sans plus aucune concurrence.
- “Quand on veut, on peut”... certes, ce n'est pas toujours vrai... mais un peu de "vouloir".... ça aide.... non ?
- Qu'il y ait 30% des jeunes qui échappent à leur éducation maternelle, me semble à moi plutôt une très bonne performance, sinon au nom de quels égos surdimensionnés les enseignants souhaiteraient supplanter l'éducation familiale ?
- L'élitisme n'est à mon avis "pas forcément" un vice. quelques études statistiques ont pu montrer que les filières "élitistes" (anciennes classes S des lycées) étaient paradoxalement les plus socialement indifférenciées.
- Supprimons le "diplôme élitiste" et nous verrons l'accession facilitée des "fils de".... de fait sans plus aucune concurrence.
- “Quand on veut, on peut”... certes, ce n'est pas toujours vrai... mais un peu de "vouloir".... ça aide.... non ?
- IgniatiusGuide spirituel
Etrangement, je trouve plutôt positive l'analyse de Peugny : l'extrait que tu mets en titre, Thalie, est lui-même annonciateur de de prises de conscience à venir.
Et le fait que l'accent soit mis sur le primaire me paraît plein de bon sens : une fois que cela sera fait, je pense qu'on constatera que les méthodes qui auront permis d'y arriver sont aux antipodes des pédagogistes.
Le fait intéressant, c'est qu'on lise ce genre d'analyses dans la presse bobo.
Et le fait que l'accent soit mis sur le primaire me paraît plein de bon sens : une fois que cela sera fait, je pense qu'on constatera que les méthodes qui auront permis d'y arriver sont aux antipodes des pédagogistes.
Le fait intéressant, c'est qu'on lise ce genre d'analyses dans la presse bobo.
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"Celui qui se perd dans sa passion est moins perdu que celui qui perd sa passion."
St Augustin
"God only knows what I'd be without you"
Brian Wilson
- egometDoyen
JPhMM a écrit:Slogan d'une profonde bêtise.Paratge a écrit:« Changer l'école pour changer la société
Qu'on m'explique précisément comment l'école pourrait faire disparaitre les inégalités ?
Et slogan dangereux, comme tous les slogans.
Sinon, j'ai une petite question, sans doute naïve: qu'est-ce qu'on pourrait considérer comme un bon taux de mobilité sociale, à supposer d'ailleurs que l'objectif soit raisonnable? 30% des fils d'ouvriers qui ne sont pas ouvriers, sans être époustouflant, ce n'est pas ridicule. Si les jeunes se repartissaient absolument sans tenir compte de l'origine de leurs parents, quelle proportion des fils d'ouvriers seraient eux-mêmes ouvriers ou employés?
D'ailleurs, c'est une impression, ou il y a un biais dans la phrase "70 % des enfants d’ouvriers exercent aujourd’hui un emploi d’ouvrier ou d’employé"?
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Primum non nocere.
Ubi bene, ibi patria.
Mes livres, mes poèmes, réflexions pédagogiques: http://egomet.sanqualis.com/
- egometDoyen
Numéro 6 a écrit:4 éléments:
- Qu'il y ait 30% des jeunes qui échappent à leur éducation maternelle, me semble à moi plutôt une très bonne performance, sinon au nom de quels égos surdimensionnés les enseignants souhaiteraient supplanter l'éducation familiale ?
- L'élitisme n'est à mon avis "pas forcément" un vice. quelques études statistiques ont pu montrer que les filières "élitistes" (anciennes classes S des lycées) étaient paradoxalement les plus socialement indifférenciées.
- Supprimons le "diplôme élitiste" et nous verrons l'accession facilitée des "fils de".... de fait sans plus aucune concurrence.
- “Quand on veut, on peut”... certes, ce n'est pas toujours vrai... mais un peu de "vouloir".... ça aide.... non ?
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Prenons garde, pour Peillon et les pédagogistes, le rôle de l'école est justement de soustraire l'enfant à l'influence de ses parents, pour le mettre sous le contrôle de l’État. C'est manifestement l'objectif de la réforme des rythmes scolaires. C'est peut-être aussi un des buts secondaires du "mariage pour tous", en transformant le sens du mariage (reconnaissance sociale d'un amour plutôt que fondement de la famille). Le renforcement de la carte scolaire va dans le même sens. Il ne faut pas qu'on puisse échapper à l'emprise de l’État.
Il y a une grande naïveté à croire qu'on peut se passer d'élites. En dernière analyse, tout régime politique est oligarchique.
Ce qui importe, ce n'est pas l'existence d'une élite. C'est de savoir sur quels critères cette élite se constitue, s'il est possible d'y accéder et si son action est profitable au reste de la société. L'oligarchie fondée sur le talent et la compétence est encore ce qu'on a trouvé de mieux. Ce serait bien d'avoir une véritable aristocratie (au sens étymologique).
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Primum non nocere.
Ubi bene, ibi patria.
Mes livres, mes poèmes, réflexions pédagogiques: http://egomet.sanqualis.com/
- badinNiveau 7
Quel gloubiboulga!
+ 100
Prenons garde, pour Peillon et les pédagogistes, le rôle de l'école est justement de soustraire l'enfant à l'influence de ses parents, pour le mettre sous le contrôle de l’État. C'est manifestement l'objectif de la réforme des rythmes scolaires. C'est peut-être aussi un des buts secondaires du "mariage pour tous", en transformant le sens du mariage (reconnaissance sociale d'un amour plutôt que fondement de la famille). Le renforcement de la carte scolaire va dans le même sens. Il ne faut pas qu'on puisse échapper à l'emprise de l’État.
Il y a une grande naïveté à croire qu'on peut se passer d'élites. En dernière analyse, tout régime politique est oligarchique.
Ce qui importe, ce n'est pas l'existence d'une élite. C'est de savoir sur quels critères cette élite se constitue, s'il est possible d'y accéder et si son action est profitable au reste de la société. L'oligarchie fondée sur le talent et la compétence est encore ce qu'on a trouvé de mieux. Ce serait bien d'avoir une véritable aristocratie (au sens étymologique).
- badinNiveau 7
Je n'ai pas réussi à extraire la citation, je réitère donc: quel GLOUBIBOULGA!!
- egometDoyen
badin a écrit:Je n'ai pas réussi à extraire la citation, je réitère donc: quel GLOUBIBOULGA!!
J'explique donc.
Si je considère non pas le principe de légitimité du régime (sa propagande), mais la réalité du pouvoir, je dois constater qu'il y a toujours un petit nombre d'hommes qui dirigent. Jamais aucun peuple n'a gouverné. Au mieux ce sont les représentants du peuple qui gouvernent. Et il n'est pas facile de les désigner de façon satisfaisante. De l'autre côté, jamais aucun tyran n'a pu gouverner totalement seul. Le pire des dictateurs doit au moins tenir compte de l'avis de quelques grands généraux. C'est en ce sens qu'on peut dire que tout régime est oligarchique. Je crois que l'idée vient de Machiavel. Mais elle pourrait tout aussi bien être admise par des anarchistes ou des libéraux.
Partant de ce constat, la question est de savoir comment on recrute les gouvernants, et de façon plus large les élites. Idéalement, on cherchera les meilleurs, ou ceux qui sont les plus utiles au reste de la population. L'aristocratie, c'est étymologiquement le gouvernement des meilleurs.
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Primum non nocere.
Ubi bene, ibi patria.
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- User5899Demi-dieu
Euh, c'est moi, là, ou :shock: :shock: ?egomet a écrit:Prenons garde, pour Peillon et les pédagogistes, le rôle de l'école est justement de soustraire l'enfant à l'influence de ses parents, pour le mettre sous le contrôle de l’État. C'est manifestement l'objectif de la réforme des rythmes scolaires. C'est peut-être aussi un des buts secondaires du "mariage pour tous", en transformant le sens du mariage (reconnaissance sociale d'un amour plutôt que fondement de la famille).
- JPhMMDemi-dieu
Faut excuser egomet, il vient de lire six fois Denis de Rougemont, ça l'a marqué.Cripure a écrit:Euh, c'est moi, là, ou :shock: :shock: ?egomet a écrit:Prenons garde, pour Peillon et les pédagogistes, le rôle de l'école est justement de soustraire l'enfant à l'influence de ses parents, pour le mettre sous le contrôle de l’État. C'est manifestement l'objectif de la réforme des rythmes scolaires. C'est peut-être aussi un des buts secondaires du "mariage pour tous", en transformant le sens du mariage (reconnaissance sociale d'un amour plutôt que fondement de la famille).
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- User5899Demi-dieu
Il me semble plutôt que Rougemont place la noblesse du mariage dans la force et la liberté de l'engagement consenti.JPhMM a écrit:Faut excuser egomet, il vient de lire six fois Denis de Rougemont, ça l'a marqué.Cripure a écrit:Euh, c'est moi, là, ou :shock: :shock: ?egomet a écrit:Prenons garde, pour Peillon et les pédagogistes, le rôle de l'école est justement de soustraire l'enfant à l'influence de ses parents, pour le mettre sous le contrôle de l’État. C'est manifestement l'objectif de la réforme des rythmes scolaires. C'est peut-être aussi un des buts secondaires du "mariage pour tous", en transformant le sens du mariage (reconnaissance sociale d'un amour plutôt que fondement de la famille).
- thrasybuleDevin
"Il n'est de roman que de l'amour mortel, c'est-à-dire de l'amour menacé et condamné par la vie même".
Ce "roman" de Rougemont ne m'a pas aidé à mettre de l'ordre dans mon bordel! Qu'il soit maudit!
Un de mes grands souvenirs de lecture.
Ce "roman" de Rougemont ne m'a pas aidé à mettre de l'ordre dans mon bordel! Qu'il soit maudit!
Un de mes grands souvenirs de lecture.
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