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- thrasybuleDevin
Arrêtez de vous gausser de ma débilounette! Comme disent les inconnus: " Les Nabilas sont nos amis/ Il faut les aimer aussi!" :chanson: :chanson: :chanson: :aav: :aav:
- albertine02Expert spécialisé
débilounette, ça lui va bien.
quand je pense qu'elle a des vergetures.....
quand je pense qu'elle a des vergetures.....
- Mum'Niveau 3
C'est parfois un peu hard.
(Contexte historique : Etats-unis, fin XIXème, début XXème. Les immigrantes japonaises débarquent, au sens propre, fuyant un destin de paysanne tout tracé, et tombent de Charybde en Sylla. Deviendront domestiques, ouvrières sous payées ou prostituées, sans aucun espoir de retrouver une vie décente au Japon.)
Elles ont tout quitté une fois, leur culture et leur langue, et l'herbe n'est pas plus verte. 50 ans plus tard, on leur demandera de s'exiler à nouveau, car elles sont devenues des "ennemies de guerre" en puissance. Je parle bien sûr de la guerre de 78. )
"Sur le bateau, nous conservions la photographie de notre époux dans un minuscule médaillon ovale suspendu à notre cou au bout d'une longue chaîne. Nous la gardions dans une bourse en soie, une vieille boîte thé, un coffret de laque rouge, la vieille enveloppe marron qui nous l'avait apportée d'Amérique. (...).
Sur le bateau nous ne pouvions imaginer en voyant notre mari pour la première fois, nous n'aurions aucune idée de qui il était. Que ces hommes massés, aux casquettes en tricot, aux manteaux noirs miteux, qui nous attendaient sur le quai, ne ressemblaient en rien aux beaux jeunes gens des photographies. Que les portraits envoyés dans les enveloppes dataient de vingt ans. Que les lettres qu'ils nous avaient adressées avaient été rédigées par d'autres, des professionnels à la belle écriture, dont le métier consistait à raconter des mensonges pour ravir le coeur. Qu'en entendant l'appel de nos noms, depuis le quai, l'une d'entre nous se couvrirait les yeux en se détournant - je veux rentrer chez moi - mais que les autres baisseraient la tête, lisseraient leur kimono et franchiraient la passerelle pour débarquer dans le jour encore tiède. Nous voilà en Amérique, nous dirions-nous, il n'y a pas à nous inquiéter. Et nous aurions tort.
(...)
Nous avons accouché sous un chêne, l'été, par quarante-cinq degrés. Nous avons accouché près d'un poêle à bois dans la pièce unique de notre cabane par la plus froide nuit de l'année. Nous avons accouché sur des îles venteuses du Delta, six mois après notre arrivée, nos bébés étaient minuscules, translucides, et sont morts au bout de 3 jours. Nous avons accouché neuf mois après notre arrivée, de bébés parfaits, à la tête couverte de cheveux noirs. Nous avons accouché dans des campements poussièreux, parmi les vignes, à Elk, Grove et Florin. Nous avons accouché dans des fermes reculées d'Imperal Valley, avec la seule aide de nos maris, qui avaient tout appris dans Le compagnon de la ménagère. Mettez une casserole d'eau à bouillir...
(...) Nous avons accouché dans des petites bourgades où aucun médecin n'acceptait de nous assister, et nous avons dû nous débrouiller nous-mêmes avec le placenta. J'ai souvent vu a mère faire ça. (...) Nous avons accouché après avoir fait nos adieux à notre patronne, Mrs Lippincott, qui ne voulait pas que ses hôtes soient accueillis à la porte par une domestique enceinte. Cela ne serait pas convenable. (...) Nous avons accouché alors que notre mari jouait à Chinatown, et quand il est rentré ivre au matin, nous sommes restées 5 jours sans lui adresser la parole. Il a perdu tout l'argent de la saison en une nuit. Nous avons accouché l'année du Singe.
(... Il y en a 5 pages comme ça.)
Certaines des nôtres travaillaient vite pour les impressionner. Pour leur montrer que nous étions aussi rapides que les hommes, si ce n'est plus, pour cueillir les prunes, tailler les betteraves, mettre les oignons dans des sacs et les fruits rouges dans des caissettes. D'autres parce qu'elles avaient passé toute leur enfance dans des rizières, pieds nus, et qu'elles savaient déjà s'y prendre. D'autres encore parce que leurs maris les avaient prévenues que, dans le cas contraire, ils les renverraient au pays par le premier bateau. J'ai demandé une femme forte et courageuse. Certaines d'entre nous venaient de la ville et allaient lentement car auparavant elle n'avaient jamais manié la houe. "C'est le travail plus facile, en Amérique", nous disait-on. Certaines, qui s'étaient montrées toute leur vie faibles et maladives, au bout d'un semaine passée dans les citronneraies de Riverside, se sentaient désormais plus robustes qu'un boeuf. L'une des nôtres s'est évanouie avant d'avoir achevé de désherber son premie rang. D'autres trimaient en pleurant. Juraient. Nous souffrions toutes,(...) notre dos ne s'en remettrait jamais."
(Contexte historique : Etats-unis, fin XIXème, début XXème. Les immigrantes japonaises débarquent, au sens propre, fuyant un destin de paysanne tout tracé, et tombent de Charybde en Sylla. Deviendront domestiques, ouvrières sous payées ou prostituées, sans aucun espoir de retrouver une vie décente au Japon.)
Elles ont tout quitté une fois, leur culture et leur langue, et l'herbe n'est pas plus verte. 50 ans plus tard, on leur demandera de s'exiler à nouveau, car elles sont devenues des "ennemies de guerre" en puissance. Je parle bien sûr de la guerre de 78. )
"Sur le bateau, nous conservions la photographie de notre époux dans un minuscule médaillon ovale suspendu à notre cou au bout d'une longue chaîne. Nous la gardions dans une bourse en soie, une vieille boîte thé, un coffret de laque rouge, la vieille enveloppe marron qui nous l'avait apportée d'Amérique. (...).
Sur le bateau nous ne pouvions imaginer en voyant notre mari pour la première fois, nous n'aurions aucune idée de qui il était. Que ces hommes massés, aux casquettes en tricot, aux manteaux noirs miteux, qui nous attendaient sur le quai, ne ressemblaient en rien aux beaux jeunes gens des photographies. Que les portraits envoyés dans les enveloppes dataient de vingt ans. Que les lettres qu'ils nous avaient adressées avaient été rédigées par d'autres, des professionnels à la belle écriture, dont le métier consistait à raconter des mensonges pour ravir le coeur. Qu'en entendant l'appel de nos noms, depuis le quai, l'une d'entre nous se couvrirait les yeux en se détournant - je veux rentrer chez moi - mais que les autres baisseraient la tête, lisseraient leur kimono et franchiraient la passerelle pour débarquer dans le jour encore tiède. Nous voilà en Amérique, nous dirions-nous, il n'y a pas à nous inquiéter. Et nous aurions tort.
(...)
Nous avons accouché sous un chêne, l'été, par quarante-cinq degrés. Nous avons accouché près d'un poêle à bois dans la pièce unique de notre cabane par la plus froide nuit de l'année. Nous avons accouché sur des îles venteuses du Delta, six mois après notre arrivée, nos bébés étaient minuscules, translucides, et sont morts au bout de 3 jours. Nous avons accouché neuf mois après notre arrivée, de bébés parfaits, à la tête couverte de cheveux noirs. Nous avons accouché dans des campements poussièreux, parmi les vignes, à Elk, Grove et Florin. Nous avons accouché dans des fermes reculées d'Imperal Valley, avec la seule aide de nos maris, qui avaient tout appris dans Le compagnon de la ménagère. Mettez une casserole d'eau à bouillir...
(...) Nous avons accouché dans des petites bourgades où aucun médecin n'acceptait de nous assister, et nous avons dû nous débrouiller nous-mêmes avec le placenta. J'ai souvent vu a mère faire ça. (...) Nous avons accouché après avoir fait nos adieux à notre patronne, Mrs Lippincott, qui ne voulait pas que ses hôtes soient accueillis à la porte par une domestique enceinte. Cela ne serait pas convenable. (...) Nous avons accouché alors que notre mari jouait à Chinatown, et quand il est rentré ivre au matin, nous sommes restées 5 jours sans lui adresser la parole. Il a perdu tout l'argent de la saison en une nuit. Nous avons accouché l'année du Singe.
(... Il y en a 5 pages comme ça.)
Certaines des nôtres travaillaient vite pour les impressionner. Pour leur montrer que nous étions aussi rapides que les hommes, si ce n'est plus, pour cueillir les prunes, tailler les betteraves, mettre les oignons dans des sacs et les fruits rouges dans des caissettes. D'autres parce qu'elles avaient passé toute leur enfance dans des rizières, pieds nus, et qu'elles savaient déjà s'y prendre. D'autres encore parce que leurs maris les avaient prévenues que, dans le cas contraire, ils les renverraient au pays par le premier bateau. J'ai demandé une femme forte et courageuse. Certaines d'entre nous venaient de la ville et allaient lentement car auparavant elle n'avaient jamais manié la houe. "C'est le travail plus facile, en Amérique", nous disait-on. Certaines, qui s'étaient montrées toute leur vie faibles et maladives, au bout d'un semaine passée dans les citronneraies de Riverside, se sentaient désormais plus robustes qu'un boeuf. L'une des nôtres s'est évanouie avant d'avoir achevé de désherber son premie rang. D'autres trimaient en pleurant. Juraient. Nous souffrions toutes,(...) notre dos ne s'en remettrait jamais."
- Mum'Niveau 3
Vous trouvez ça comment ?
Ça déchire grave, non ?
Ça déchire grave, non ?
- Mum'Niveau 3
Du côté de Ibsen, peut-être ? (La maison de poupée, extrait)
Helmer.-Quitter ton foyer , ton mari et tes enfants ! et tu ne penses pas a ce que les gens vont dire
Nora.-Je ne veux pas en tenir compte . Je sais uniquement que c'est nécessaire pour moi
Helmer.-Oh c'est révoltant ! tu peux donc manquer a tes devoirs les plus sacrés .
Nora.- Que considère-tu comme les devoirs les plus sacrés ?
Helmer.- Ai-je besoin de te dire ? Est-ce que ce ne sont pas tes devoirs envers ton mari et les enfants ?
Nora.- J'ai d'autres devoirs tout aussi sacré .
Helmer.- Mais non ! de quels devoirs pourait-il s'agir ?
Nora.- Mes devoirs envers moi-même.
Helmer.-tu es avant tout épouse et mère
Nora.- Je crois plus a cela . Je crois que je suis avant tout un être humain au même titre que toi .... ou que je dois en tout cas essayer de le devenir . je sais bien que la plupart des gens sont d'accord avec toi , Torvald , qu'on trouve ce genre de choses dans les livres . Mais je ne peux plus me contenter de ce que disent la plupart des gens et de ce qui est écrit dans les livres . Je dois refléchir a ces choses-la par moi-même pour essayer d'y voir clair
Helmer.-Quitter ton foyer , ton mari et tes enfants ! et tu ne penses pas a ce que les gens vont dire
Nora.-Je ne veux pas en tenir compte . Je sais uniquement que c'est nécessaire pour moi
Helmer.-Oh c'est révoltant ! tu peux donc manquer a tes devoirs les plus sacrés .
Nora.- Que considère-tu comme les devoirs les plus sacrés ?
Helmer.- Ai-je besoin de te dire ? Est-ce que ce ne sont pas tes devoirs envers ton mari et les enfants ?
Nora.- J'ai d'autres devoirs tout aussi sacré .
Helmer.- Mais non ! de quels devoirs pourait-il s'agir ?
Nora.- Mes devoirs envers moi-même.
Helmer.-tu es avant tout épouse et mère
Nora.- Je crois plus a cela . Je crois que je suis avant tout un être humain au même titre que toi .... ou que je dois en tout cas essayer de le devenir . je sais bien que la plupart des gens sont d'accord avec toi , Torvald , qu'on trouve ce genre de choses dans les livres . Mais je ne peux plus me contenter de ce que disent la plupart des gens et de ce qui est écrit dans les livres . Je dois refléchir a ces choses-la par moi-même pour essayer d'y voir clair
- AnacycliqueÉrudit
Ça déchire tellement grave que... P.Rossa ne répond plus. :lol!: Effraaaaaayant !Mum' a écrit:Vous trouvez ça comment ?
Ça déchire grave, non ?
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"Faire ce que l'on dit et dire ce que l'on fait. Passer aux actes afin de faire sa part."
- retraitéeDoyen
Un extrait de Diderot, que j'avais donné il y a des lustres en devoir (seconde)
Sur les femmes
[…] La femme malheureuse dans les villes est plus malheureuse encore au fond des forêts. Écoutez le discours d’une Indienne des rives de l’Orénoque, et écoutez-le, si vous pouvez, sans être ému. Le missionnaire jésuite Gumilla lui reprochait d’avoir fait mourir une fille dont elle était accouchée, en lui coupant le nombril trop court : « Plût à Dieu, père, lui dit-elle, plût à Dieu qu’au moment où ma mère me mit au monde, elle eût eu assez d’amour et de compassion pour épargner à son enfant tout ce que j’ai enduré et tout ce que j’endurerai jusqu’à la fin de mes jours ! Si ma mère m’eût étouffée en naissant, je serais morte, mais je n’aurais pas senti la mort et j’aurais échappé à la plus malheureuse des conditions. Combien j’ai souffert ! et qui sait ce qu’il me reste à souffrir jusqu’à ce que je meure ? Représente-toi bien, père, les peines qui sont réservées à une Indienne parmi ces Indiens. Ils nous accompagnent dans les champs avec leur arc et leurs flèches ; nous y allons, nous, chargées d’un enfant qui pend à nos mamelles et d’un autre que nous portons dans une corbeille. Ils vont tuer un oiseau ou prendre un poisson ; nous bêchons la terre, nous, et après avoir supporté toute la fatigue de la culture, nous supportons toute celle de la moisson. Ils reviennent le soir sans aucun fardeau ; nous, nous leur apportons des racines pour leur nourriture, et du maïs pour leur boisson. De retour chez eux, ils vont s’entretenir avec leurs amis ; nous, nous allons chercher du bois et de l’eau pour préparer leur souper. Ont-ils mangé, ils s’endorment ; nous, nous passons presque toute la nuit à moudre le maïs et à leur faire la chica. Et quelle est la récompense de nos veilles ? Ils boivent leur chica, ils s’enivrent, et quand ils sont ivres ils nous traînent par les cheveux et nous foulent aux pieds. Ah ! père, plût à Dieu que ma mère m’eût étouffée en naissant ! Tu sais toi-même si nos plaintes sont justes ; ce que je te dis, tu le vois tous les jours. Mais notre plus grand malheur tu ne saurais le connaître. Il est triste pour la pauvre Indienne de servir son mari comme une esclave, aux champs accablée de sueurs, et au logis privée du repos ; mais il est affreux de le voir, au bout de vingt ans, prendre une autre femme plus jeune qui n’a pas de jugement. Il s’attache à elle ; elle nous frappe, elle frappe nos enfants, elle nous commande, elle nous traite comme ses servantes, et au moindre murmure qui nous échapperait, une branche d’arbre levée… Ah ! père, comment veux-tu que nous supportions cet état ? Qu’a de mieux à faire une Indienne que de soustraire son enfant à une servitude mille fois pire que la mort ? Plût à Dieu, père, je te le répète, que ma mère m’eût assez aimée pour m’enterrer lorsque je naquis ! Mon cœur n’aurait pas tant à souffrir ni mes yeux à pleurer… »
Femmes, que je vous plains ! Il n’y avait qu’un dédommagement à vos maux, et si j’avais été législateur, peut-être l’eussiez-vous obtenu : affranchies de toute servitude, vous auriez été sacrées en quelque endroit que vous eussiez paru.
DIDEROT. 1772
Sur les femmes
[…] La femme malheureuse dans les villes est plus malheureuse encore au fond des forêts. Écoutez le discours d’une Indienne des rives de l’Orénoque, et écoutez-le, si vous pouvez, sans être ému. Le missionnaire jésuite Gumilla lui reprochait d’avoir fait mourir une fille dont elle était accouchée, en lui coupant le nombril trop court : « Plût à Dieu, père, lui dit-elle, plût à Dieu qu’au moment où ma mère me mit au monde, elle eût eu assez d’amour et de compassion pour épargner à son enfant tout ce que j’ai enduré et tout ce que j’endurerai jusqu’à la fin de mes jours ! Si ma mère m’eût étouffée en naissant, je serais morte, mais je n’aurais pas senti la mort et j’aurais échappé à la plus malheureuse des conditions. Combien j’ai souffert ! et qui sait ce qu’il me reste à souffrir jusqu’à ce que je meure ? Représente-toi bien, père, les peines qui sont réservées à une Indienne parmi ces Indiens. Ils nous accompagnent dans les champs avec leur arc et leurs flèches ; nous y allons, nous, chargées d’un enfant qui pend à nos mamelles et d’un autre que nous portons dans une corbeille. Ils vont tuer un oiseau ou prendre un poisson ; nous bêchons la terre, nous, et après avoir supporté toute la fatigue de la culture, nous supportons toute celle de la moisson. Ils reviennent le soir sans aucun fardeau ; nous, nous leur apportons des racines pour leur nourriture, et du maïs pour leur boisson. De retour chez eux, ils vont s’entretenir avec leurs amis ; nous, nous allons chercher du bois et de l’eau pour préparer leur souper. Ont-ils mangé, ils s’endorment ; nous, nous passons presque toute la nuit à moudre le maïs et à leur faire la chica. Et quelle est la récompense de nos veilles ? Ils boivent leur chica, ils s’enivrent, et quand ils sont ivres ils nous traînent par les cheveux et nous foulent aux pieds. Ah ! père, plût à Dieu que ma mère m’eût étouffée en naissant ! Tu sais toi-même si nos plaintes sont justes ; ce que je te dis, tu le vois tous les jours. Mais notre plus grand malheur tu ne saurais le connaître. Il est triste pour la pauvre Indienne de servir son mari comme une esclave, aux champs accablée de sueurs, et au logis privée du repos ; mais il est affreux de le voir, au bout de vingt ans, prendre une autre femme plus jeune qui n’a pas de jugement. Il s’attache à elle ; elle nous frappe, elle frappe nos enfants, elle nous commande, elle nous traite comme ses servantes, et au moindre murmure qui nous échapperait, une branche d’arbre levée… Ah ! père, comment veux-tu que nous supportions cet état ? Qu’a de mieux à faire une Indienne que de soustraire son enfant à une servitude mille fois pire que la mort ? Plût à Dieu, père, je te le répète, que ma mère m’eût assez aimée pour m’enterrer lorsque je naquis ! Mon cœur n’aurait pas tant à souffrir ni mes yeux à pleurer… »
Femmes, que je vous plains ! Il n’y avait qu’un dédommagement à vos maux, et si j’avais été législateur, peut-être l’eussiez-vous obtenu : affranchies de toute servitude, vous auriez été sacrées en quelque endroit que vous eussiez paru.
DIDEROT. 1772
- adelaideaugustaFidèle du forum
Palombella Rossa a écrit:Nous cherchons, pour les faire lire à haute voix par des élèves d'option théâtre (devant une charmante ministre aux yeux de biche), des textes pas tropplombennuyeux sur le féminisme, la condition des femmes -- poèmes ou prose, peu importe, à partir du moment où c'est oralisable sans être bafouillable...
- zigotineHabitué du forum
J'aime beaucoup ce texte de Voltaire:
- Spoiler:
- L’éducation des filles, Voltaire (1761)
MELINDE : Eraste sort d’ici, et je vous vois plongée dans une rêverie profonde. Il est jeune, bien fait, spirituel, riche, aimable, et je vous pardonne de rêver.
SOPHRONIE : Il est tout ce que vous dites, je l’avoue.
MELINDE : Et de plus, il vous aime.
SOPHRONIE : Je l’avoue encore.
MELINDE : Je crois que vous n’êtes pas insensible pour lui.
SOPHRONIE : C’est un troisième aveu que mon amitié ne craint point de vous faire.
MELINDE : Ajoutez-y un quatrième ; je vois que vous épouserez bientôt Eraste.
SOPHRONIE : Je vous dirai, avec la même confiance, que je ne l’épouserai jamais.
MELINDE : quoi ! votre mère s’oppose à un parti si sortable ?
SOPHRONIE : Non, elle me laisse la liberté du choix ; j’aime Eraste et je ne l’épouserai pas.
MELINDE : Et quelle raison pouvez-vous avoir de vous tyranniser ainsi vous-même ?
SOPHRONIE : La crainte d’être tyrannisée. Eraste a de l’esprit, mais il l’a impérieux et mordant ; il a des grâces, mais il en ferait bientôt usage pour d’autres que pour moi : je ne veux pas être la rivale d’une de ces personnes qui vendent leurs charmes, qui donnent malheureusement de l’éclat à celui qui les achète, qui révoltent la moitié d’une ville par leur faste, qui ruinent l’autre par l’exemple, et qui triomphent en public du malheur d’une honnête femme réduite à pleurer dans la solitude. J’ai une forte inclination pour Eraste, mais j’ai étudié son caractère ; il a trop contredit mon inclination : je veux être heureuse ; je ne le serais pas avec lui ; j’épouserai Ariste, que j’estime, et que j’espère aimer.
MELINDE : Vous êtes raisonnable pour votre âge. Il n’y a guère de filles que la crainte d’un avenir fâcheux empêche de jouir d’un présent agréable. Comment pouvez-vous avoir un tel empire sur vous-même ?
SOPHRONIE : Ce peu de raison, je le dois à l’éducation que m’a donnée ma mère. Elle ne m’a point élevée dans un couvent, parce que ce n’était pas dans un couvent que j’étais destinée à vivre. Je plains les filles dont les mères ont confié la première jeunesse à des religieuses, comme elles ont laissé le soin de leur première enfance à des nourrices étrangères. J’entends dire que dans ces couvents, comme dans la plupart des collèges où les jeunes gens sont élevés, on n’apprend guère que ce qu’il faut oublier pour toute sa vie ; on ensevelit dans la stupidité les premiers de vos beaux jours. Vous ne sortez guère de votre prison que pour être promise à un inconnu qui vient vous épier à la grille ; quel qu’il soit, vous le regardez comme un libérateur, et, fût-il un singe, vous vous croyez trop heureuse : vous vous donnez à lui sans le connaître ; vous vivez avec lui sans l’aimer. C’est un marché qu’on a fait sans vous, et bientôt après les deux parties se repentent.Ma mère m’a crue digne de penser de moi-même, et de choisir un jour un époux moi-même. Si j’étais née pour gagner ma vie, elle m’aurait appris à réussir dans les ouvrages convenables à mon sexe ; mais, née pour vivre dans la société, elle m’a fait instruire de bonne heure dans tout ce qui regarde la société ; elle a formé mon esprit, en me faisant craindre les écueils du bel esprit ; elle m’a menée à tous les spectacles choisis qui peuvent inspirer le goût sans corrompre les mœurs, où l’on étale encore plus les dangers des passions que leurs charmes, où la bienséance règne, où l’on apprend à penser et à s’exprimer. La tragédie m’a paru souvent l’école de la grandeur d’âme ; la comédie, l’école des bienséances ; et j’ose dire que ces instructions, qu’on ne regarde que comme les amusements, m’ont été plus utiles que les livres. Enfin, ma mère m’a toujours regardée comme un être pensant dont il fallait cultiver l’âme, et non comme une poupée qu’on ajuste, qu’on montre, et qu’on renferme le moment d’après.
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