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Robin
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E. Kant, Critique de la Raison pure (Préface) Empty E. Kant, Critique de la Raison pure (Préface)

par Robin 26/11/2012, 08:29
Emmanuel Kant (Immanuel en allemand) est un philosophe allemand, fondateur de l’« idéalisme transcendantal ». Né le 22 avril 1724 à Königsberg, capitale de la Prusse-Orientale, il y est mort le 12 février 1804. Grand penseur de l'Aufklärung (Les Lumières), Kant a exercé une influence considérable sur l'idéalisme allemand, le néokantisme, la philosophie analytique, la phénoménologie et la philosophie postmoderne. Son œuvre, considérable et diverse dans ses intérêts, mais centrée autour des trois Critiques, à savoir la Critique de la raison pure, la Critique de la raison pratique et la Critique de la faculté de juger, fait ainsi l'objet d'appropriations et d'interprétations successives et divergentes.

S’il est vrai, comme Kant l’indique dans l’ouvrage, que la philosophie est la tâche qui consiste à répondre à ces trois questions : “Que puis-je savoir ?”, “Que dois-je faire ?” et “Que m’est-il permis d’espérer ?”, on peut dire que la Critique de la raison pure est une réponse à la première de ces questions, tandis que la Critique de la raison pratique (1788) répond à la deuxième et la Critique de la faculté de juger (1790) en partie à la troisième.

La tâche du philosophe consiste à “déterminer :

1) la source du savoir humain,

2) l’étendue de l’usage possible et utile de tout savoir, et enfin

3) les limites de la raison”.

La conscience de cette tâche est constitutive de la philosophie ; elle a donc animé les philosophes depuis toujours, mais Kant l’aborde avec une lucidité et une rigueur exceptionnelles et lui apporte des réponses qui ont définitivement marqué le développement de la philosophie. L’idée directrice et l’hypothèse déterminante de la théorie kantienne de la connaissance est que la connaissance n’est pas l’appréhension par l’esprit, sous forme d’une copie ou d’un reflet, d’une réalité en soi, qu’il s’agirait de restituer telle qu’elle est avant d’être appréhendée et connue, mais que l’objet connu est constitué à travers l’acte même de la connaissance, à partir des données de l’expérience.

Ce renversement de perspective, désigné par l’expression de “révolution copernicienne”, du fait d’une analogie affirmée par Kant entre sa démarche et celle de l’astronome Copernic, est au centre de la Préface de la seconde édition de la Critique de la raison pure.

Aux élèves :

Pour vous aider à vous orienter dans cette préface, je reproduis ici une fiche établie par Ole Hanson-Love pour son introduction à la préface de la Critique de la raison pure (Hatier 2002), cet ouvrage n'étant plus disponible.

RESUME de la Préface de la seconde édition de la Critique de la raison pure

LES CHANGEMENTS DE LA SECONDE ÉDITION

Les corrections apportées à la seconde édition de la Critique de la raison pure concernent seulement la formulation de certaines difficultés. Rien n'a été changé aux propositions avancées et à leur démonstration, car la Critique de la Raison Pure forme un système dans lequel tout se tient (chaque partie existe en vue du tout et le tout en vue de chaque partie), et tout changement produirait inévitablement des contradictions. Soucieux de poursuivre son œuvre, qui doit notamment conduire à une métaphysique de la nature et une métaphysique des mœurs, l'auteur met ainsi un terme à son travail sur la première de ses trois Critiques.

COMMENT TROUVER LA VOIE SÛRE DE LA SCIENCE ?

§ 1. À quoi reconnaît-on que des connaissances rationnelles (mettant en œuvre des principes inhérents à la raison, qui ne sont donc pas tirés de l'expérience) forment une véritable science ? L'auteur répond dans un premier temps de manière négative: les hésitations, les désaccords sont la preuve qu'il s'agit encore de tâtonnements et non de "la voie sûre de la science". La réponse positive passe par l'examen de trois sciences effectives : la logique, la mathématique et la physique.

LA LOGIQUE

§ 2. La logique est apparemment un exemple positif de connaissance rationnelle. Connue depuis Aristote, elle n'a pas subi de changements notables et paraît quasiment achevée lorsqu'on la considère dans sa limitation, c'est-à-dire en tant que science des règles de toute pensée qui vise à établir le vrai (indépendamment du contenu particulier de cette pensée).

§ 3, Mais cette limitation spécifique, en vertu de laquelle la logique est une science formelle et n'a pas d'objet hors d'elle, la raison n'y ayant affaire qu'à elle-même, la met à part des autres sciences, qui visent la connaissance d'objets. En ce sens, le cas de la logique n'est pas exemplaire. La logique est certes rationnelle, mais elle n'est pas une science à proprement parler, elle est le « vestibule » de la science.

§ 4. La science véritable est une connaissance en tant qu'elle a un objet hors d'elle, avec lequel elle établit une relation, et elle est rationnelle dans la mesure où cette relation s'établit à partir de ses propres principes ou concepts, qui sont a priori, c'est-à-dire indépendants - en eux-mêmes - de ce à quoi ils s'appliquent.

LA MATHÉMATIQUE ET LA LOGIQUE

§ 5.Ces deux connaissances, dont nul ne peut contester qu'elles sont des sciences, illustrent précisément cette caractérisation. Elles ont un objet distinct de la raison (les figures et les nombres ; les phénomènes), qu'elles déterminent de manière a priori. Elles pourraient donc apporter une réponse à la question posée.

Après une longue période de tâtonnements, la mathématique a trouvé la voie sûre d'une science grâce à une révolution de sa manière de penser qui a été le fait d'un seul homme. Celui-ci a compris qu'au lieu de vouloir reconnaître les propriétés dans la figure géométrique qui se présente, il fallait construire cette figure à partir des exigences de la pensée.

Le tâtonnement de la physique a encore été beaucoup plus long, et la révolution de la manière de penser y a été le fait de plusieurs hommes.

§ 8. L'exemple des récentes découvertes en physique (Galilée, Torricelli, Stahl) montre que la raison doit prendre les devants et interroger l'expérience à partir de ses principes. Elle ne peut trouver dans la nature que ce qu'elle y met elle-même à partir de son propre plan.

LA METAPHYSIQUE

§ 9. À l'opposé de la mathématique et la physique, la métaphysique n'a pas encore trouvé la voie sûre de la science. Connaissance rationnelle qui veut tout saisir a priori, indépendamment de toute expérience, elle n'est encore qu'un terrain de luttes sur lequel ses partisans s'affrontent sans fin et sans succès.

§ 10. Les questions qu'elle poursuit sont de celles que l'homme doit immanquablement se poser, alors qu'elle ne semble pas pouvoir y répondre. Son échec est une mise en cause de la raison. Cette situation est-elle sans remède ?

LA RÉVOLUTION COPERNICIENNE

§ 11. L'exemple de la mathématique et de la physique peut conduire à une réponse qui permettrait à la métaphysique de trouver la voie sûre d'une science. Cette réponse prend son point de départ dans une hypothèse qui renverse entièrement le présupposé fondamental d'après lequel la connaissance serait le« reflet » ou la « copie », dans l'esprit, de ce qui existe hors de lui. Au lieu que ce soit l'esprit qui se règle sur les choses, comme on l'admet communément, ne seraient-ce pas les choses qui se règlent sur l'esprit ? Un tel renversement est analogue à celui qu'a effectué l'astronome Copernic confronté aux difficultés qui résultent de l'hypothèse selon laquelle les étoiles tourneraient autour du spectateur supposé immobile, il se demanda si ce ne serait pas plutôt le spectateur qui tournerait, les étoiles restant immobiles. D'où l'idée d'une « révolution copernicienne », qui rend possible une connaissance a priori.

LA LIMITATION DU SAVOIR

§ 12. Ce renversement dans la conception de la connaissance a pour conséquence une limitation essentielle de celle-ci. Les concepts a priori mettent en forme des objets fournis par l'expérience, et c'est cette synthèse qui constitue la connaissance. Dès lors, hors du champ de l'expérience, il n'y a pas de connaissance possible. Cette limitation paraît ruiner la métaphysique dans sa prétention à connaître ce qui est au-de là de l'expérience (le suprasensible : l'âme, la liberté, Dieu). La connaissance n'atteint que les phénomènes (les choses telles qu'elles se manifestent dans l'expérience), les choses en soi sont inconnaissables. Mais au-delà de ce qui est connu par l'entendement, ce qui est pensé par la raison peut être mis au fondement de la pratique.

LA CRITIQUE

§ 13. La "Critique de la raison pure" a pour objet une révolution radicale de la métaphysique. Elle est la méthode (chemin), non la science elle-même, dont elle délimite cependant le système et les contours.

§ 14. Négative lorsqu'elle limite la connaissance spéculative, la Critique est positive lorsqu'elle libère, du même coup, l'usage pratique de la raison pure. La connaissance spéculative est limitée aux objets de l'expérience ; les choses en soi ne peuvent être connues, mais elles peuvent être pensées. Il est dès lors possible d'admettre que les phénomènes, objets de notre connaissance, sont entièrement déterminés et qu'une chose en soi, que nous pouvons penser mais jamais connaître, comme l'âme humaine par exemple, est libre.

§ 15. La Critique n'est préjudiciable qu'aux prétentions des écoles, qui se croyaient dépositaires de la connaissance des réalités suprasensibles ; elles devront dorénavant se limiter à la culture des preuves de l'immortalité de l'âme, de la liberté de la volonté et de l'existence de Dieu auxquelles les hommes ont toujours été sensibles. La Critique mettra fin aux querelles des métaphysiciens dès lors que les gouvernements prendront soin de préserver sa liberté.

§ 16. Sans une Critique préalable du pouvoir de la raison, la démarche de celle-ci prend la forme illégitime du dogmatisme. A partir de la Critique, une métaphysique en tant que science devient possible, selon le procédé de la démonstration rigoureuse à partir de principes a priori assurés.

VOCABULAIRE

A PRIORI/ A POSTERIORI

Ces expressions latines signifient respectivement« en partant de ce qui vient avant » et « en partant de ce qui vient après » ;elles ont alors un sens temporel. A partir de Kart, ce sens devient logique en philosophie : est a priori ce qui précède logiquement l'expérience et qui est donc indépendant de celle-ci (les catégories et concepts purs de l'entendement, les formes de la sensibilité, c'est-à-dire l'espace et le temps) mais constitue la condition de notre appréhension de l'expérience. Est a posteriori ce qui découle de l'expérience, en dépend et ne peut pas être établi autrement qu'à partir d'elle. L'apriori est formel et pur, l'a posteriori relève de l'expérience. L'universel et le nécessaire sont la marque des concepts a priori.

CHOSE EN SOI/PHÉNOMÈNE

La chose en soi désigne le réel tel qu'il est en lui-même, indépendamment de la connaissance qu'on en a. Le phénomène désigne le réel tel qu'il est connu, tel qu'il est pour nous, c'est-à-dire tel qu'il se manifeste au sujet connaissant : à la sensibilité qui appréhende le réel dans les formes a priori de l'espace et du temps, et à l'entendement qui place les intuitions ainsi formées sous les catégories et les concepts purs. La chose en soi nous est inconnaissable ; nous pouvons seulement dire ce qu'elle n'est pas, qu'elle restreint les prétentions de la connaissance sensible et qu'elle doit être nécessairement supposée au fondement des phénomènes. Le phénomène est le réel non tel qu'il es' en soi, mais par rapport à nous et notre pouvoir de connaître ; il est objet d'expérience.

CONCEPT

Le concept est une représentation abstraite et générale, qui réunit des caractéristiques propres à une classe d'objets. Il est une forme, ou règle d'unification du divers, issue de l'entendement qui a besoin d'être appliquée à une matière pour constituer une connaissance effective ; cette matière lui est fournie par la sensibilité au moyen des intuitions. Le concept peut être pur, il appartient alors à l'entendement et s'appelle une catégorie s'il est premier (et non dérivé d'autres concepts purs) ; il peut aussi être empirique, c'est-à-dire tiré de l'expérience à partir de l'application à celle-ci de certains concepts purs.

CRITIQUE

La critique est l'examen des conditions de possibilité d'un usage légitime de notre pouvoir de connaître ; elle est la connaissance de soi de la raison. Elle doit instituer « un tribunal qui garantisse [la raison] dans ses prétentions légitimes et puisse en retour condamner toutes ses usurpations sans fondements, non pas d'une manière arbitraire, mais au nom de ses lois éternelles et immuables. » (Critique de la raison pure, PUF, p. 7.) Elle est à cet égard une propédeutique (ou exercice préliminaire) à la métaphysique en tant que recherche d'une connaissance pure a priori (Critique de la raison pure, PUF, p. 563).

DOGMATISME

Le dogmatisme est la croyance en la toute-puissance de la raison, la prétention de progresser par l'usage de la raison pure sans une critique préalable du pouvoir de cette raison. En revanche, le « procédé
dogmatique » est la démarche démonstrative rigoureuse que doit adopter la science, en s'appuyant sur des principes a priori sûrs.

ENTENDEMENT

L'entendement est le pouvoir d'unifier, au moyen de règles, les données sensibles que la sensibilité fournit sous la forme des intuitions. Il fournit, quant à lui, les concepts qui sont « vides » sans les intuitions, tandis que les intuitions sont « aveugles » sans les concepts (Critique de la raison pure). L'usage des catégories et des concepts qui en dépendent est limité aux données sensibles, c'est-à-dire à l'expérience. L'entendement se distingue de la raison, qui manifeste le besoin d'une unité plus haute en s'élevant par le moyen des idées et des principes au-dessus de l'expérience, que ce soit pour élaborer l'unité de toutes les connaissances (raison théorique) ou pour dire ce qui doit être (raison pratique).

INCONDITIONNÉ

« Le principe propre de l'usage de la raison en général (dans son usage logique) est de trouver, pour la connaissance conditionnée de l'entendement, l'inconditionné qui en achèvera l'unité. » (Critique de la raison pure, PUF, p. 259.)

INTUITION

L'intuition est la représentation immédiate d'un objet, qui nous le donne à connaître, et constitue la matière de nos connaissances, à laquelle le concept apporte la forme. « Des pensées sans contenu sont vides, des intuitions sans concept, aveugles. » (Critique de la raison pure, PUF, p. 77.)

LOGIQUE

La logique est la science qui traite de la forme des raisonnements, indépendamment de leurs contenus ou objets. On appelle validité la conformité de ces raisonnements aux lois formelles de la pensée. Kant distingue la logique (celle qu'il nomme simplement « logique » dans la Préface de la seconde édition) et la logique transcendantale, qui établit la possibilité d'une connaissance a priori des objets.

MÉTAPHYSIQUE

La métaphysique ou « philosophie première » est définie depuis Aristote comme la connaissance des premières causes et des premiers principes. Or la Critique de la raison pure conteste radicalement la possibilité même d'une telle connaissance, c'est-à-dire d'une connaissance d'objets suprasensibles, hors du champ de toute expérience possible, parce qu'elle excède les limites de notre pouvoir de connaître que cette Critique s'efforce justement d'établir. En ce sens, la métaphysique est pour Kant une entreprise vaine. Mais cette même Critique veut rétablir en son vrai sens l'intention métaphysique : elle est alors une connaissance rationnelle pure (en cela elle se distingue de toute connaissance empirique), mais une connaissance de principes rationnels déterminés (et en cela elle s'oppose à la logique, qui est purement formelle). En tant que métaphysique de la nature, elle contient les principes purs de la connaissance théorique de toutes choses ; en tant que métaphysique des mœurs, elle contient les principes qui président à l'usage pratique de la raison et qui sont alors indépendants de toute anthropologie ou connaissance de l'homme, nécessairement établie à partir de l'expérience. En ce sens positif, la métaphysique suppose la Critique, qui seule la rend possible et qu'elle-même accomplit ou achève.

PRATIQUE

La pratique est le domaine de ce qui est possible par liberté. Ce terme désigne donc le champ des actions humaines en tant qu'elles relèvent d'une volonté qui peut être déterminée par la raison pratique sous la forme de la loi morale.

RAISON

Dans son sens large, la raison est la faculté qui fournit des principes a priori, d'une part pour la connaissance (raison théorique ou spéculative), d'autre part pour l'action (raison pratique). Au sens étroit, dans lequel elle se distingue de l'entendement, elle unifie les connaissances élaborées par l'entendement.

SCIENCE

Toute science est un système de connaissances, par opposition à un simple agrégat ; elle doit être ordonnée par des principes et liée par l'idée d'un tout (idée qui ne se précise cependant qu'en cours de progression).

SENSIBILITÉ

La sensibilité est « la capacité de recevoir (réceptivité) des représentations grâce à la manière dont nous sommes affectés par des objets. » (Critique de la raison pure, PUF, p. 53.) La représentation que fournit la sensibilité, qui se rapporte de manière immédiate aux objets, contrairement aux concepts qui s'y rapportent de manière médiate, est une intuition. L'intuition est déjà en elle-même une mise en forme du « pur divers » de la sensation par la sensibilité, au moyen des formes a priori de la sensibilité, l'espace et le temps, qui constituent l'« intuition pure » lorsqu'on les considère indépendamment de tout objet empirique.

SPÉCULATION/SPÉCULATIF

La raison spéculative cherche à déterminer ce qui est, par opposition à ce qui doit être, et qui est objet de la raison pratique. En un sens plus restreint, la démarche spéculative est celle qui vise la connaissance d'objets qui sont hors de l'expérience.

FICHE REALISEE PAR OLE HANSEN-LOVE pour son Introduction à la Préface de la Critique de la raison pure (Hatier, 2002)
Hervé Hervé
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E. Kant, Critique de la Raison pure (Préface) Empty Re: E. Kant, Critique de la Raison pure (Préface)

par Hervé Hervé 26/11/2012, 23:03
Merci.

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« Et je demande aux économistes politiques, aux moralistes, s’ils ont déjà calculé le nombre d’individus qu’il est nécessaire de condamner à la misère, à un travail disproportionné, au découragement, à l’infantilisation, à une ignorance crapuleuse, à une détresse invincible, à la pénurie absolue, pour produire un riche ? » (Almeida Garrett cité parJosé Saramago).
Ronub
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E. Kant, Critique de la Raison pure (Préface) Empty Re: E. Kant, Critique de la Raison pure (Préface)

par Ronub 28/2/2013, 16:39
Merci pour ce "digest" de Kant qui a de nouveau éveillé mon intérêt depuis les années-lycée (comme élève !) suite à mes remarques sur le sujet de la PMA. J'ai alors retrouvé un impératif catégorique qui résumait une partie de mes opinions sur le sujet de la légalisation du dépôt de sperme ou d'ovule : « Agis de façon telle que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans toute autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen. ». Aussi j'aimerais savoir quels sont les principaux contradicteurs de Kant (postérieurs à celui-ci) dans le domaine moral ?
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yphrog
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E. Kant, Critique de la Raison pure (Préface) Empty Re: E. Kant, Critique de la Raison pure (Préface)

par yphrog 5/3/2013, 01:53
Nietzche, Hegel, Marx...

John Rawls essaie de nous convaincre, dans la lignée de Kant, qu'on peut adopter la voile d'ignorance comme position d'origine, c'est à dire qu'on peut abstraire de notre propre condition sociale -- et de notre contingence historique, linguistique, même de notre genre/sexe (un contrat familial serait-il antérieur au contrat social?) -- pour aspirer à l'universalité.

Ishmael Reed a écrit:I am outside of history. / i wish i had some peanuts, / it looks hungry there in its cage.
i am inside of history. / its2 hungrier than i thot1.

Je suis à l'extérieur de l'histoire. c'est dommage que je n'ai pas de cacahuètes, on dirait qu'elle a faim là dans sa cage.
je suis à l'intérieur de l'histoire. elle a plus faim que ce que je ne le croyais.



1thought. http://fr.wikipedia.org/wiki/Thot . ("Le respect que Thot inspire lui vient de son savoir illimité.")

2its = it's ? ou pas ?... e.g. je suis à l'intérieur de l'histoire, (de) son plus-faim que (celle du) Je-qui-se-la-joue-Thot.

Rawls essaie aussi de traiter la hierarchie des impératifs catégoriques qui entrent en conflit dans A Theory of Justice [Je mens pour sauver une vie, or je ne peux pas ériger "mentir" en maxime universel d'action morale, car je traite celle/celui à qui je mens comme moyen.]

Je n'étais pas très convaincu. D'autres pourront mieux te répondre que moi...
Robin
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E. Kant, Critique de la Raison pure (Préface) Empty Re: E. Kant, Critique de la Raison pure (Préface)

par Robin 5/3/2013, 08:20
Ronub a écrit:Merci pour ce "digest" de Kant qui a de nouveau éveillé mon intérêt depuis les années-lycée (comme élève !) suite à mes remarques sur le sujet de la PMA. J'ai alors retrouvé un impératif catégorique qui résumait une partie de mes opinions sur le sujet de la légalisation du dépôt de sperme ou d'ovule : « Agis de façon telle que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans toute autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen. ». Aussi j'aimerais savoir quels sont les principaux contradicteurs de Kant (postérieurs à celui-ci) dans le domaine moral ?

Charles Péguy a violemment critiqué Kant ("Kant a les mains propres, mais il n'a pas de mains.") sa notion de "loi morale" et son "impératif catégorique". D'une manière générale, la morale kantienne entre en conflit avec la psychologie et la théorie de "l'amour propre" (F. de la Rochefoucauld) qui nie la possibilité d'une "action purement désintéressée" et jusqu'à la validité d'une telle action, ainsi qu'avec ceux qui ne croient pas au "libre-arbitre" (Spinoza par exemple). Hans Jonas (Le principe responsabilité) élargit les principes de la morale en prescrivant des devoirs vis-à-vis de la nature et des générations futures, ce qui n'est pas contradictoire. Mais Jonas ne fonde pas la morale sur la pureté des intentions, mais sur la responsabilité vis-à-vis du futur et pas seulement du présent et du "prochain" et privilégie la dimension cognitive de la morale (savoir pour agir), contrairement à Kant.


Dernière édition par Robin le 5/3/2013, 09:43, édité 2 fois
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E. Kant, Critique de la Raison pure (Préface) Empty Re: E. Kant, Critique de la Raison pure (Préface)

par Robin 5/3/2013, 08:36
Hans Jonas reproche à Kant d'avoir minimisé la dimension cognitive de l'éthique au profit de la volonté et de la loi morale (l'impératif catégorique).

L'éthique doit acquérir une dimension cognitive - nous n'avons pas le droit de refuser de savoir - (par exemple au sujet du réchauffement climatique, des déchets nucléaires, de la déforestation, de l'utilisation des pesticides, de la condition animale dans l'industrie agro-alimentaire, des manipulations génétiques...) ; Hans Jonas se pose la question de savoir si la nature a des droits, au même titre que l'homme (il est étrange, bien qu'inévitable que cette question fasse scandale, au même titre que la question des "droits des animaux")...

La morale traditionnelle est "anthropocentrique" et ne s'occupe pas des conséquences à long terme de l'agir humain. La sphère dont elle s'occupe est limitée, aussi bien dans l'espace que dans le temps.

"Sans doute les anciennes prescriptions de l'éthique du "prochain" - les prescriptions de la justice, de la miséricorde, de l'honnêteté, etc., en leur immédiateté intime, sont-elles toujours valables pour la sphère la plus proche, quotidienne, de l'interaction humaine. Mais cette sphère est surplombée par le domaine croissant de l'agir collectif dans lequel l'acteur, l'acte et l'effet ne sont plus les mêmes que dans la sphère de la proximité et qui par l'énormité de ses forces impose à l'éthique une nouvelle dimension de responsabilité jamais imaginée auparavant." (Le Principe Responsabilité, p. 31)
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E. Kant, Critique de la Raison pure (Préface) Empty Re: E. Kant, Critique de la Raison pure (Préface)

par Ronub 6/3/2013, 13:54
Merci à Xphrog pour son ouverture sur J Rawls et sa théorie de la justice et à Robin pour ses références. Cela m'a donné des perspectives de lecture qu'il va falloir maintenant que je hiérarchise.
Pour faire réponse à Robin, je ne pense pas spontanément que la psychologie vienne s'opposer à Kant car elle permet à la personne d'agir en limitant "d'être agi" par son inconscient.
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yphrog
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E. Kant, Critique de la Raison pure (Préface) Empty Re: E. Kant, Critique de la Raison pure (Préface)

par yphrog 6/3/2013, 22:00
-- swish --

(ton avatar Very Happy)

Merci à toi, Ronub, ça faisait un moment que je voulais essayer de mieux comprendre Reed. (j'ai oublié de mettre le titre: Dualism in Ralph Ellison's Invisible Man)

Et en composant mon message j'ai beaucoup pensé à Leonard Harris, qui nous charierait quand on était en route pour notre cours de Sartre: "Still jumpin through them dialectical hoops, eh?" Razz)

Je pense que Feuerbach pourrait être intéressant comme lecture aussi, source pour Marx et sans doute Nietzsche aussi.
Ronub
Ronub
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E. Kant, Critique de la Raison pure (Préface) Empty Re: E. Kant, Critique de la Raison pure (Préface)

par Ronub 6/3/2013, 22:30
Merci au connaisseur Xphrog, à tous niveaux. Wink
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