- Docteur OXGrand sage
http://devine.over-blog.fr/article-on-n-arrete-pas-le-projet-112505231.html
Très bon article de notre ami Ali Devine sur les projets d'établissement...
Téléchargez aussi la petite présentation powerpoint
Très bon article de notre ami Ali Devine sur les projets d'établissement...
Le moment est venu, pour les collèges et les lycées de l'Académie de Créteil, d'opérer la révision triennale de leur projet d'établissement. Il s'agit de rédiger un texte qui, après avoir tracé à grands traits le portrait de chaque bahut, définit les objectifs à atteindre et la façon d'y parvenir. C'est une sorte de feuille de route qui, sans être vraiment contraignante, a certaines retombées concrètes, notamment l'attribution ou non de moyens supplémentaires par l'Education nationale et les collectivités locales.
Il est intéressant de noter que le projet d'établissement était à l'origine une spécificité des collèges et lycées classés en zone d'éducation prioritaire ("comment comptez-vous procéder pour instruire les petits pauvres ?") et qu'il s'est rapidement universalisé, compensation inévitable de la massification de l'enseignement. Le bien-fondé de cette démarche n'est remis en question ni par la droite, qui y voit un moyen de favoriser une autonomie croissante des établissements et une logique de contractualisation, ni par la gauche, qui dispose là d'un bel aiguillon pour stimuler la créativité pédagogique des professeurs.
Ces derniers témoignent par ailleurs d'un intérêt des plus limités à l'égard du projet d'établissement, et selon mon expérience c'est pour trois grandes raisons :
-ils sont englués dans les soucis du quotidien ;
-la plupart de leurs initiatives s'épanouissent en dehors du cadre institutionnel ;
-les enseignants considèrent de façon pratiquement unanime que l'essentiel se joue en cours, devant les classes, dans les matières fondamentales, et cette base n'est pas directement évoquée dans le fameux manifeste. Un lycée qui s'en tiendrait à une affirmation telle que "Nous nous efforçons de donner de bons cours pour bien préparer nos élèves au baccalauréat", ce lycée-là aurait ma sympathie ; mais il se ferait tailler en pièces par sa tutelle, qui ne manquerait pas de lui poser de nombreuses questions. Où en sont vos partenariats institutionnels ? Quelle remédiation privilégiez-vous pour les élèves décrocheurs ? Par quelles modalités validez-vous l'acquisition des items du Socle commun ? Pourquoi ne pas solliciter le label Eco Ecoles ? Que cent fleurs fleurissent, qu'en toutes choses l'innovation sévisse !
Par ailleurs l'idée que nous avons peu de prise sur les véritables problèmes fait aussi largement consensus. Dans mon lycée, le travail scolaire est souvent rendu difficile par le fait que les effectifs sont nombreux, que beaucoup d'élèves arrivent avec un niveau très faible, que les parents des classes moyennes essaient d'éviter que leurs enfants n'échouent chez nous, que le bâti est médiocre voire indigne, etc. Que pouvons-nous faire à tout cela ? Si beaux que soient les dispositifs échafaudés, ils ne nous paieront pas le double vitrage qui nous permettrait d'isoler nos classes des bruits de l'extérieur et de nous faire entendre des élèves n° 34 et 35, là-bas, au dernier rang.
Bien entendu proviseurs et principaux sont tenus de mener avec leurs enseignants une belle opération de démocratie participative en leur demandant ce qu'ils souhaitent mettre au juste dans le fameux projet d'établissement. Les discussions, toutefois, sont assez étroitement cadrées puisque une idée ne peut être retenue que si elle est compatible avec le projet académique, document de référence aussi peu contestable qu'un mandement de Monseigneur. A Créteil ce texte est, comme on pouvait s'y attendre, un modèle de politiquement correct (il faut "créer les conditions du vivre bien et ensemble" et "ne laisser personne au bord du chemin"). Il comporte aussi sa juste dose de modernisme. Le mot "numérique" figure 17 fois dans ses pages, le mot "livre"... eh bien, le mot "livre" n'y figure pas -pas plus d'ailleurs que "pensée", "savoir" ou "effort".
En feuilletant ce catalogue de préconisations enthousiastes, je me suis senti un peu honteux, un peu triste. La mise en place prochaine car souhaitée par le recteur d'une "semaine académique de l'altérité" me paraît un projet effarant, tout comme le "passeport Art et culture" (ausweis bitte) et mille autres joliesses à venir. Je ne tiens mon cahier de texte en ligne qu'avec dilettantisme, et je ne suis demandeur ni de tableau blanc interactif ni de dispositifs nomades dont je ne vois même pas à quoi ils peuvent correspondre. Le volontarisme bureaucratique dont témoigne notamment la prolifération en métastases des chartes, tableaux de bord et autres protocoles, me paraît relever de la vaine gesticulation. Au final le constat de la différence abyssale entre la vision que j'ai de mon métier et la définition par ma hiérarchie de ce qu'il doit être ou devenir à brève échéance fait naître en moi un doute pénible. Suis-je digne, au fond, d'enseigner dans l'Académie de Créteil ? Ne devrais-je pas demander ma mutation dans les années 1890 ?
Il faudra pourtant se rendre à la réunion de concertation, et faire aussi, chez nous, un prhôjé d'établissement. Alors, pour apporter une contribution au débat, j'ai jeté quelques idées, non sur le papier, mais dans un Powerpoint -ce qui semble indiquer que je suis sur la voie de la sagesse. Les curieux pourront hasarder un coup d'oeil ici.
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- retraitéeDoyen
Il y a plus de 10 ans, dans le lycée où j'exerçais alors, les professeurs, unanimes, avaient projeté de "traiter le programme" autant que faire se pourrait, et, grosso modo, c'était tout. Inutile de dire que ce projet avait été accueilli fraîchement par l'administration!
- LefterisEsprit sacré
Je l'ai mis, une fois, dans la case "projets envisagés" du formulaire (rose, pour les deux sexes d'ailleurs... ) qui nous est remis en fin d'annéeretraitée a écrit:Il y a plus de 10 ans, dans le lycée où j'exerçais alors, les professeurs, unanimes, avaient projeté de "traiter le programme" autant que faire se pourrait, et, grosso modo, c'était tout. Inutile de dire que ce projet avait été accueilli fraîchement par l'administration!
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"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)
Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.
Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
- User5899Demi-dieu
C'est ce que j'écris en tête du cahier de textes dans chaque classe. "Projet annuel : terminer le programme en faisant en sorte que les élèves l'aient compris".Lefteris a écrit:Je l'ai mis, une fois, dans la case "projets envisagés" du formulaire (rose, pour les deux sexes d'ailleurs... ) qui nous est remis en fin d'annéeretraitée a écrit:Il y a plus de 10 ans, dans le lycée où j'exerçais alors, les professeurs, unanimes, avaient projeté de "traiter le programme" autant que faire se pourrait, et, grosso modo, c'était tout. Inutile de dire que ce projet avait été accueilli fraîchement par l'administration!
Bah, c'est clair, non ?
- roxanneOracle
Ce qu'il y a, c'est que chez nous, nous avons une bande d'activistes du Projet, c'est la course en Juin et ceux qui annoncent qu'ils vont juste faire bosser les gamins se font mal voir voir même reprendre en réunion .On a même un super GO qui gère les petits déj des élèves, les choré pour le cde, qui fait vendre des rubans pour le SIDA;Ah oui accessoirement, il est prof d'eps...Autant dire que les Projets ont de beaux jours.
- If_Then_ElseNiveau 9
On sauvera le monde avec un projet pédagogique bien ficelé!
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« On n'enseigne pas ce que l'on sait ou ce que l'on croit savoir : on n'enseigne et on ne peut enseigner que ce que l'on est. »
- doublecasquetteEnchanteur
If_Then_Else a écrit:On sauvera le monde avec un projet pédagogique bien ficelé!
Et comment !
- Spoiler:
- http://www.instruire.fr/
- adelaideaugustaFidèle du forum
Docteur OX a écrit:http://devine.over-blog.fr/article-on-n-arrete-pas-le-projet-112505231.html
Très bon article de notre ami Ali Devine sur les projets d'établissement...
Le moment est venu, pour les collèges et les lycées de l'Académie de Créteil, d'opérer la révision triennale de leur projet d'établissement. Il s'agit de rédiger un texte qui, après avoir tracé à grands traits le portrait de chaque bahut, définit les objectifs à atteindre et la façon d'y parvenir. C'est une sorte de feuille de route qui, sans être vraiment contraignante, a certaines retombées concrètes, notamment l'attribution ou non de moyens supplémentaires par l'Education nationale et les collectivités locales.
Il est intéressant de noter que le projet d'établissement était à l'origine une spécificité des collèges et lycées classés en zone d'éducation prioritaire ("comment comptez-vous procéder pour instruire les petits pauvres ?") et qu'il s'est rapidement universalisé, compensation inévitable de la massification de l'enseignement. Le bien-fondé de cette démarche n'est remis en question ni par la droite, qui y voit un moyen de favoriser une autonomie croissante des établissements et une logique de contractualisation, ni par la gauche, qui dispose là d'un bel aiguillon pour stimuler la créativité pédagogique des professeurs.
Ces derniers témoignent par ailleurs d'un intérêt des plus limités à l'égard du projet d'établissement, et selon mon expérience c'est pour trois grandes raisons :
-ils sont englués dans les soucis du quotidien ;
-la plupart de leurs initiatives s'épanouissent en dehors du cadre institutionnel ;
-les enseignants considèrent de façon pratiquement unanime que l'essentiel se joue en cours, devant les classes, dans les matières fondamentales, et cette base n'est pas directement évoquée dans le fameux manifeste. Un lycée qui s'en tiendrait à une affirmation telle que "Nous nous efforçons de donner de bons cours pour bien préparer nos élèves au baccalauréat", ce lycée-là aurait ma sympathie ; mais il se ferait tailler en pièces par sa tutelle, qui ne manquerait pas de lui poser de nombreuses questions. Où en sont vos partenariats institutionnels ? Quelle remédiation privilégiez-vous pour les élèves décrocheurs ? Par quelles modalités validez-vous l'acquisition des items du Socle commun ? Pourquoi ne pas solliciter le label Eco Ecoles ? Que cent fleurs fleurissent, qu'en toutes choses l'innovation sévisse !
Par ailleurs l'idée que nous avons peu de prise sur les véritables problèmes fait aussi largement consensus. Dans mon lycée, le travail scolaire est souvent rendu difficile par le fait que les effectifs sont nombreux, que beaucoup d'élèves arrivent avec un niveau très faible, que les parents des classes moyennes essaient d'éviter que leurs enfants n'échouent chez nous, que le bâti est médiocre voire indigne, etc. Que pouvons-nous faire à tout cela ? Si beaux que soient les dispositifs échafaudés, ils ne nous paieront pas le double vitrage qui nous permettrait d'isoler nos classes des bruits de l'extérieur et de nous faire entendre des élèves n° 34 et 35, là-bas, au dernier rang.
Bien entendu proviseurs et principaux sont tenus de mener avec leurs enseignants une belle opération de démocratie participative en leur demandant ce qu'ils souhaitent mettre au juste dans le fameux projet d'établissement. Les discussions, toutefois, sont assez étroitement cadrées puisque une idée ne peut être retenue que si elle est compatible avec le projet académique, document de référence aussi peu contestable qu'un mandement de Monseigneur. A Créteil ce texte est, comme on pouvait s'y attendre, un modèle de politiquement correct (il faut "créer les conditions du vivre bien et ensemble" et "ne laisser personne au bord du chemin"). Il comporte aussi sa juste dose de modernisme. Le mot "numérique" figure 17 fois dans ses pages, le mot "livre"... eh bien, le mot "livre" n'y figure pas -pas plus d'ailleurs que "pensée", "savoir" ou "effort".
En feuilletant ce catalogue de préconisations enthousiastes, je me suis senti un peu honteux, un peu triste. La mise en place prochaine car souhaitée par le recteur d'une "semaine académique de l'altérité" me paraît un projet effarant, tout comme le "passeport Art et culture" (ausweis bitte) et mille autres joliesses à venir. Je ne tiens mon cahier de texte en ligne qu'avec dilettantisme, et je ne suis demandeur ni de tableau blanc interactif ni de dispositifs nomades dont je ne vois même pas à quoi ils peuvent correspondre. Le volontarisme bureaucratique dont témoigne notamment la prolifération en métastases des chartes, tableaux de bord et autres protocoles, me paraît relever de la vaine gesticulation. Au final le constat de la différence abyssale entre la vision que j'ai de mon métier et la définition par ma hiérarchie de ce qu'il doit être ou devenir à brève échéance fait naître en moi un doute pénible. Suis-je digne, au fond, d'enseigner dans l'Académie de Créteil ? Ne devrais-je pas demander ma mutation dans les années 1890 ?
Il faudra pourtant se rendre à la réunion de concertation, et faire aussi, chez nous, un prhôjé d'établissement. Alors, pour apporter une contribution au débat, j'ai jeté quelques idées, non sur le papier, mais dans un Powerpoint -ce qui semble indiquer que je suis sur la voie de la sagesse. Les curieux pourront hasarder un coup d'oeil ici.
Téléchargez aussi la petite présentation powerpoint
Que peut-on attendre de bon venant de l'académie de Créteil ? Je ne porte pas de jugement sur les individus en question, de peur de me faire modérer.
http://www.ac-creteil.fr/id/94/c13/ien13_fichiers/enseigner_les_sciences.pdf
C'est sous la direction de ce (censuré) de Giordan, professeur des Universités, tout comme Meirieu, qu'a été publié ce monstrueux "Phonèmécédaire", le "Faunographe", pourvoyeur à 100 % des orthophonistes.
- ParatgeNeoprof expérimenté
« S’engager dans un “projet” c’est manifester son dynamisme, son esprit d’initiative, son adhésion à ce système compétitif et parcellisé…ce n’est pas critiquer, ni militer, ni douter. Le “projet humanitaire” remplace le combat politique. Il est évaluable immédiatement et remplaçable par un autre projet. Il annule le long terme et la nécessité de s’intégrer durablement à un collectif. Dans leur étude sur Le nouvel esprit du capitalisme, Ève Chiapello et Gérard Boltanski montrent que si le mot “hiérarchie”, qui venait en tête des mots employés dans des ouvrages de management dans les années soixante, a complètement disparu des années quatre-vingt-dix, en revanche, le hit parade contemporain du management de l’entreprise capitaliste (nombre de fois cité dans le même ouvrage) revient sans conteste à PROJET.
En engageant les jeunes dans des dynamiques multiples de projets, les travailleurs sociaux leur apprennent à morceler leurs désirs, leurs vies, leurs idéaux. On leur interdit de n’avoir qu’un projet qui durerait toute une vie : vocation, métier, mariage… et on les dresse à l’éphémère, à la mobilité, à l’employabilité d’eux-mêmes dans un monde présenté comme instable et qui n’a jamais été aussi stable : de la stabilité de la marchandise capitaliste pour toujours, pour tous et en tous lieux. Pratiquer une “pédagogie par projets” c’est enseigner l’adaptation au court terme, et la renonciation aux idéaux qui structurent une vie, une personne, un groupe social. »
En engageant les jeunes dans des dynamiques multiples de projets, les travailleurs sociaux leur apprennent à morceler leurs désirs, leurs vies, leurs idéaux. On leur interdit de n’avoir qu’un projet qui durerait toute une vie : vocation, métier, mariage… et on les dresse à l’éphémère, à la mobilité, à l’employabilité d’eux-mêmes dans un monde présenté comme instable et qui n’a jamais été aussi stable : de la stabilité de la marchandise capitaliste pour toujours, pour tous et en tous lieux. Pratiquer une “pédagogie par projets” c’est enseigner l’adaptation au court terme, et la renonciation aux idéaux qui structurent une vie, une personne, un groupe social. »
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