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- CondorcetOracle
Je trouve pour ma part très inquiétant qu'après des concours de recrutement difficiles couronnant une formation universitaire assez complète, il soit craint de "donner trop de liberté à des professeurs". Quant à l'idée qu'un professeur ne saurait pas séparer la connaissance établie de l'opinion, elle traduit le peu de confiance dans laquelle la société tient l'école et me laisse pantois.
La lettre d'Al-Qalam souligne les points qui font problèmes. En outre, certains volets sont très légers sur le plan scientifique "Médias et opinion publique" pour ne pas le nommer.
La lettre d'Al-Qalam souligne les points qui font problèmes. En outre, certains volets sont très légers sur le plan scientifique "Médias et opinion publique" pour ne pas le nommer.
- Nightcrawler1Niveau 7
condorcet a écrit:Je trouve pour ma part très inquiétant qu'après des concours de recrutement difficiles couronnant une formation universitaire assez complète, il soit craint de "donner trop de liberté à des professeurs". Quant à l'idée qu'un professeur ne saurait pas séparer la connaissance établie de l'opinion, elle traduit le peu de confiance dans laquelle la société tient l'école et me laisse pantois.
J'ai souvenir d'une bibliographie sélective de l'agrégation sur la construction européenne où les livres importants (avec le plus d'étoiles) étaient tous europhiles. Pour discuter tous les jours en salle des profs (et pour me connaitre) je vois bien que la neutralité n'existe pas même si l'on chacun essaye bien sûr de l'atteindre.
- Collier de BarbeNeoprof expérimenté
Le conservatisme et le neutralisme de certains de mes collègues n'en finit pas de m'étonner...
_________________
CdB
@AbbeCordillere
- Marcel KhrouchtchevEnchanteur
Collier de Barbe a écrit:Le conservatisme et le neutralisme de certains de mes collègues n'en finit pas de m'étonner...
Le lycée a toujours eu 15-20 ans de retard sur la recherche, c'est un fait. La plupart des collègues n'ont plus ouvert de manuel universitaire depuis leurs études. C'est navrant et dommage, mais c'est comme ça. Du coup, comment s'étonner?
Par contre, si par "conservatisme" vous entendez la défense de la chronologie (encore une fois pas pour l'ériger en idole, mais parce qu'elle sert à contextualiser et que c'est le sens de notre métier) et le refus de laisser le monopole à des problématiques uniquement contemporaines, alors je me revendique "conservateur" selon votre définition.
- AuroreEsprit éclairé
Certes. La liberté pédagogique ne saurait cependant exister sans un cadre national fixant des objectifs annuels à atteindre pour chaque niveau.condorcet a écrit:Je trouve pour ma part très inquiétant qu'après des concours de recrutement difficiles couronnant une formation universitaire assez complète, il soit craint de "donner trop de liberté à des professeurs".
En tant qu'institution et émanation d'une puissance publique jugée autoritaire et jacobine, cela fait plus de quarante ans que l'école fait partie des institutions à abattre, et les acteurs qui s'y emploient - pour des raisons multiples et variées - n'ont jamais été aussi nombreux.condorcet a écrit:Quant à l'idée qu'un professeur ne saurait pas séparer la connaissance établie de l'opinion, elle traduit le peu de confiance dans laquelle la société tient l'école et me laisse pantois.
De même, la connaissance établie et l'opinion se valent dès lors que la vie publique est sujette à la "personnalisation" et régie par les "valeurs émotionnelles". Il n'y a plus lieu - et il n'y a plus de temps, d'ailleurs - d'élaborer des idées étayées de manière rationnelle : nul besoin de recourir à l'argumentation à l'heure de la com' toute puissante, de la formule choc et de la petite phrase.
- AuroreEsprit éclairé
+1Marcel Khrouchtchev a écrit:
Par contre, si par "conservatisme" vous entendez la défense de la chronologie (encore une fois pas pour l'ériger en idole, mais parce qu'elle sert à contextualiser et que c'est le sens de notre métier) et le refus de laisser le monopole à des problématiques uniquement contemporaines, alors je me revendique "conservateur" selon votre définition.
A quoi sert l'invocation incantatoire à la modernité et au progrès si ce dernier devient une fin en soi et si on ne sait plus très bien où il doit nous mener ? Par définition, le progrès n'en est pas un lorsqu'il conduit à des régressions - le cas des nouveaux programmes d'histoire illustre bien ce cas de figure.
- Nightcrawler1Niveau 7
Marcel Khrouchtchev a écrit:Collier de Barbe a écrit:Le conservatisme et le neutralisme de certains de mes collègues n'en finit pas de m'étonner...
Le lycée a toujours eu 15-20 ans de retard sur la recherche, c'est un fait. La plupart des collègues n'ont plus ouvert de manuel universitaire depuis leurs études. C'est navrant et dommage, mais c'est comme ça. Du coup, comment s'étonner?
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Le terme conservatisme ne signifie rien. Personnellement, je puise (et je fais confiance à mes collègues pour procéder de même) systématiquement aux sources les plus récentes, principalement dans l'historiographie anglo-saxonne. Or, je suis frappé que ce sont les innovations que l'on nous vend qui sont les plus décalées par rapport aux apports historiographiques. Comment justifier que l'étude que l'UE en TES/L ne mentionne pas les travaux de Cohen sur les liens entre la communauté européenne et Vichy parus l'année dernière? Pourquoi les travaux de Pedroncini sur les mutineries de 17 ne sont pas évoqués et qu'on est resté à l'interprétation marxiste de la question? Pourquoi les programmes sont-ils dans une logique de déconstruction alors que le monde anglo-saxon est en train de revenir à l'étude de l'histoire diplomatique des Etats, la french theory y étant dépassée?
Pourquoi Limore Yagil n'est pas
Je pense y voir un recul net de l'historiographie française universitaire (qui est patent par exemple dans certains ouvrages de l'histoire de France de Belin truffée d'erreurs grossières (je pense à celui d'Abril sur la période 1830-1871).
Après, nous sommes toujours les conservateurs de quelqu'un et que c'est bien pour cela qu'ouvrir les vannes peut être irresponsable, d'autant plus que je suis frappé de l'absence de recul critique que certains peuvent avoir sur leur savoir et leur formation universitaire. Sans la dénigrer, elle est forcément lacunaire et devrait inciter à se cantonner à un modeste rôle de transmission plutôt que de verser dans le témoignage. Du moins, je me sens incapable de fournir les "clefs" de compréhension du monde contemporain aux élèves. Le risque d'endoctrinement est trop grand.
Donc, je pense que nous sommes toujours les conservateurs de quelqu'un d'autre.
- Collier de BarbeNeoprof expérimenté
Marcel Khrouchtchev a écrit:Collier de Barbe a écrit:Le conservatisme et le neutralisme de certains de mes collègues n'en finit pas de m'étonner...
Le lycée a toujours eu 15-20 ans de retard sur la recherche, c'est un fait. La plupart des collègues n'ont plus ouvert de manuel universitaire depuis leurs études. C'est navrant et dommage, mais c'est comme ça. Du coup, comment s'étonner?
Par contre, si par "conservatisme" vous entendez la défense de la chronologie (encore une fois pas pour l'ériger en idole, mais parce qu'elle sert à contextualiser et que c'est le sens de notre métier) et le refus de laisser le monopole à des problématiques uniquement contemporaines, alors je me revendique "conservateur" selon votre définition.
Non, non, je réagissais à cette idée qu'on était là juste pour faire passer de la culture générale. C'est une définition de notre métier et surtout du rôle et de l'intérêt de nos matières qui me semble invraisemblablement minimaliste. Mais ça regarde la conscience de chacun...
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@AbbeCordillere
- CondorcetOracle
Aurore a écrit:Certes. La liberté pédagogique ne saurait cependant exister sans un cadre national fixant des objectifs annuels à atteindre pour chaque niveau.condorcet a écrit:Je trouve pour ma part très inquiétant qu'après des concours de recrutement difficiles couronnant une formation universitaire assez complète, il soit craint de "donner trop de liberté à des professeurs".En tant qu'institution et émanation d'une puissance publique jugée autoritaire et jacobine, cela fait plus de quarante ans que l'école fait partie des institutions à abattre, et les acteurs qui s'y emploient - pour des raisons multiples et variées - n'ont jamais été aussi nombreux.condorcet a écrit:Quant à l'idée qu'un professeur ne saurait pas séparer la connaissance établie de l'opinion, elle traduit le peu de confiance dans laquelle la société tient l'école et me laisse pantois.
De même, la connaissance établie et l'opinion se valent dès lors que la vie publique est sujette à la "personnalisation" et régie par les "valeurs émotionnelles". Il n'y a plus lieu - et il n'y a plus de temps, d'ailleurs - d'élaborer des idées étayées de manière rationnelle : nul besoin de recourir à l'argumentation à l'heure de la com' toute puissante, de la formule choc et de la petite phrase.
Entre des objectifs nationaux et un guide millimétré (Eduscol), il y a un fossé aussi...
- Collier de BarbeNeoprof expérimenté
doctor who a écrit:Collier de Barbe a écrit:Marcel Khrouchtchev a écrit:Collier de Barbe a écrit:Le conservatisme et le neutralisme de certains de mes collègues n'en finit pas de m'étonner...
Le lycée a toujours eu 15-20 ans de retard sur la recherche, c'est un fait. La plupart des collègues n'ont plus ouvert de manuel universitaire depuis leurs études. C'est navrant et dommage, mais c'est comme ça. Du coup, comment s'étonner?
Par contre, si par "conservatisme" vous entendez la défense de la chronologie (encore une fois pas pour l'ériger en idole, mais parce qu'elle sert à contextualiser et que c'est le sens de notre métier) et le refus de laisser le monopole à des problématiques uniquement contemporaines, alors je me revendique "conservateur" selon votre définition.
Non, non, je réagissais à cette idée qu'on était là juste pour faire passer de la culture générale. C'est une définition de notre métier et surtout du rôle et de l'intérêt de nos matières qui me semble invraisemblablement minimaliste. Mais ça regarde la conscience de chacun...
Sans doute est-ce aussi minimaliste que de lui attribuer un rôle de compréhension du monde contemporain. C'est émasculer une discipline aussi riche que l'histoire. Il y a plusieurs objectifs à mener de front, il faut l'assumer.
Cher DW je suis entier autant dans mon esprit que dans mon pantalon
Il n'est pas question de leçon de morale mais juste de reconnaître l'évidence que notre pratique de l'histoire est toujours ancrée dans des considérations contemporaines. Et arrêtons de nous cacher derrière notre petit doigt, l'histoire consiste bien en une étude critique contextualisée du passé, mais évidemment que cet examen et cette réflexion avec les élèves ne se déroulent pas d'une manière neutre et "objective" (montrez moi d'ailleurs de l'histoire objective) qui est neutre en enseignant le colonialisme? L'histoire du XXe ?
Je vous concède que la formule "les clefs du monde contemporain" est d'une grandiloquence maladroite mais qui ne passe pas son temps a répondre aux questions a partir du très contemporain?
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- Nightcrawler1Niveau 7
C'est amusant de voir combien vous pensez que transmettre la culture générale est un objectif 'minimalsite". Ceci montre à quel point vous avez intériorisé la dégradation de l'idéal scientifique et culturel de l'histoire.
Il y a de cela moins d'un siècle, la culture général était justement ce qui permettait d'accéder au pouvoir (et l'est d'ailleurs encore malgré les efforts pour l'en déloger).
Avant de clore le débat à la requête d'al qalam (mais on peut le reprendre ailleurs si vous le désirez), je réponds à :
"qui est neutre en enseignant le colonialisme? L'histoire du XXe ?"
Moi. Du moins j'essaye et quand j'échoue j'ai honte. Je remarque même que j'ai tendance à chercher à présenter sous un jour peu reluisant les mouvements politiques ou les événements qui emportent mon assentiment et à dédiaboliser ceux que je condamne.
Il y a une différence entre être incapable de faire de l'histoire objective (ce qui est le cas de tout le monde) et accepter ce fait et s'en réjouir.
Il y a de cela moins d'un siècle, la culture général était justement ce qui permettait d'accéder au pouvoir (et l'est d'ailleurs encore malgré les efforts pour l'en déloger).
Avant de clore le débat à la requête d'al qalam (mais on peut le reprendre ailleurs si vous le désirez), je réponds à :
"qui est neutre en enseignant le colonialisme? L'histoire du XXe ?"
Moi. Du moins j'essaye et quand j'échoue j'ai honte. Je remarque même que j'ai tendance à chercher à présenter sous un jour peu reluisant les mouvements politiques ou les événements qui emportent mon assentiment et à dédiaboliser ceux que je condamne.
Il y a une différence entre être incapable de faire de l'histoire objective (ce qui est le cas de tout le monde) et accepter ce fait et s'en réjouir.
- Collier de BarbeNeoprof expérimenté
Cher nightcrawler
C'est un débat épistémologique assez stupéfiant quand même.
Enfin je pense que sans doute que vous jouez un peu sur les mots. Pour ce qui est de l'assertion "culture générale", elle me déplaît car c'est comme si ce que l'on faisait était accessoire et servait juste à nos élèves à briller en société. Or vous savez bien que l'on contribue à former (un peu) leur vision du monde. Et encore une fois, on est pas en train d'enseigner à des adultes mais bien à des jeunes qui fourmillent de questions et qu'on va pas laisser seuls, avec un contenu "neutre"...
Vous allez me dire que vous ne conduisez pas vos élèves à conclure que le colonialisme a été fondamentalement un système d'exploitation et d'asservissement par exemple? Quelle est cette neutralité que vous mettez en avant? On pourrait croire à un dossier spécial Historia (j'exagère mais que voulez vous)
Nous pratiquons une discipline dans laquelle le jugement a un rôle clé. Pondéré, argumenté, critiqué, discuté mais jugement, évaluation il y a, à la fin. Je ne m'en réjouis pas, c'est un fait.
C'est un débat épistémologique assez stupéfiant quand même.
Enfin je pense que sans doute que vous jouez un peu sur les mots. Pour ce qui est de l'assertion "culture générale", elle me déplaît car c'est comme si ce que l'on faisait était accessoire et servait juste à nos élèves à briller en société. Or vous savez bien que l'on contribue à former (un peu) leur vision du monde. Et encore une fois, on est pas en train d'enseigner à des adultes mais bien à des jeunes qui fourmillent de questions et qu'on va pas laisser seuls, avec un contenu "neutre"...
Vous allez me dire que vous ne conduisez pas vos élèves à conclure que le colonialisme a été fondamentalement un système d'exploitation et d'asservissement par exemple? Quelle est cette neutralité que vous mettez en avant? On pourrait croire à un dossier spécial Historia (j'exagère mais que voulez vous)
Nous pratiquons une discipline dans laquelle le jugement a un rôle clé. Pondéré, argumenté, critiqué, discuté mais jugement, évaluation il y a, à la fin. Je ne m'en réjouis pas, c'est un fait.
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CdB
@AbbeCordillere
- Marcel KhrouchtchevEnchanteur
Collier de Barbe a écrit:Cher nightcrawler
C'est un débat épistémologique assez stupéfiant quand même.
Enfin je pense que sans doute que vous jouez un peu sur les mots. Pour ce qui est de l'assertion "culture générale", elle me déplaît car c'est comme si ce que l'on faisait était accessoire et servait juste à nos élèves à briller en société. Or vous savez bien que l'on contribue à former (un peu) leur vision du monde. Et encore une fois, on est pas en train d'enseigner à des adultes mais bien à des jeunes qui fourmillent de questions et qu'on va pas laisser seuls, avec un contenu "neutre"...
Vous allez me dire que vous ne conduisez pas vos élèves à conclure que le colonialisme a été fondamentalement un système d'exploitation et d'asservissement par exemple? Quelle est cette neutralité que vous mettez en avant? On pourrait croire à un dossier spécial Historia (j'exagère mais que voulez vous)
Nous pratiquons une discipline dans laquelle le jugement a un rôle clé. Pondéré, argumenté, critiqué, discuté mais jugement, évaluation il y a, à la fin. Je ne m'en réjouis pas, c'est un fait.
Alors là, je souscris à chaque mot (même si je continue à regretter qu'on ne s'intéresse qu'à la contemporaine, mais là je sais que je n'ai aucune chance de voir un jour les choses changer).
- Nightcrawler1Niveau 7
Pour continuer le débat avec Collier de Barbe en un lieu plus propice.
Non, je considère que ce n'est pas mon rôle de dire aux élèves que le colonialisme est un modèle d'exploitation asservissant, etc... Je préfère nettement pratiquer des descriptions graphiques (appuyées sur des consensus historiques scientifiques, sachant que chaque école historique à ses lubies), donner beaucoup de détails bruts de décoffrage et les laisser se débrouiller tout seuls avec cela.
Le but de l'histoire est à mon avis de constituer des engrenages intellectuels (c'est à cela que sert la culture générale, outre le fait de rendre la vie plus agréable, ce qui est tout de même la base de l'enseignement). A ce titre, utiliser Werth pour montrer l'engrenage intellectuel permettant à Staline de justifier la répression de la fin des années 30 est beaucoup plus intéressant que d'utiliser Werth pour porter un jugement sur le stalinisme du type "c'est pas bien de tuer".
Nous devons apprendre à nos élèves à analyser, pas à juger et l'analyse se fait de la manière la plus féconde en dehors du monde contemporain. Sinon, nul professeur n'aurait un magistère suprême le gardant des considérations de café du commerce.
Non, je considère que ce n'est pas mon rôle de dire aux élèves que le colonialisme est un modèle d'exploitation asservissant, etc... Je préfère nettement pratiquer des descriptions graphiques (appuyées sur des consensus historiques scientifiques, sachant que chaque école historique à ses lubies), donner beaucoup de détails bruts de décoffrage et les laisser se débrouiller tout seuls avec cela.
Le but de l'histoire est à mon avis de constituer des engrenages intellectuels (c'est à cela que sert la culture générale, outre le fait de rendre la vie plus agréable, ce qui est tout de même la base de l'enseignement). A ce titre, utiliser Werth pour montrer l'engrenage intellectuel permettant à Staline de justifier la répression de la fin des années 30 est beaucoup plus intéressant que d'utiliser Werth pour porter un jugement sur le stalinisme du type "c'est pas bien de tuer".
Nous devons apprendre à nos élèves à analyser, pas à juger et l'analyse se fait de la manière la plus féconde en dehors du monde contemporain. Sinon, nul professeur n'aurait un magistère suprême le gardant des considérations de café du commerce.
- CondorcetOracle
Marcel Khrouchtchev a écrit:Collier de Barbe a écrit:Cher nightcrawler
C'est un débat épistémologique assez stupéfiant quand même.
Enfin je pense que sans doute que vous jouez un peu sur les mots. Pour ce qui est de l'assertion "culture générale", elle me déplaît car c'est comme si ce que l'on faisait était accessoire et servait juste à nos élèves à briller en société. Or vous savez bien que l'on contribue à former (un peu) leur vision du monde. Et encore une fois, on est pas en train d'enseigner à des adultes mais bien à des jeunes qui fourmillent de questions et qu'on va pas laisser seuls, avec un contenu "neutre"...
Vous allez me dire que vous ne conduisez pas vos élèves à conclure que le colonialisme a été fondamentalement un système d'exploitation et d'asservissement par exemple? Quelle est cette neutralité que vous mettez en avant? On pourrait croire à un dossier spécial Historia (j'exagère mais que voulez vous)
Nous pratiquons une discipline dans laquelle le jugement a un rôle clé. Pondéré, argumenté, critiqué, discuté mais jugement, évaluation il y a, à la fin. Je ne m'en réjouis pas, c'est un fait.
Alors là, je souscris à chaque mot (même si je continue à regretter qu'on ne s'intéresse qu'à la contemporaine, mais là je sais que je n'ai aucune chance de voir un jour les choses changer).
Pas si sûr
- Marie LaetitiaBon génie
Nightcrawler, entièrement d'accord avec toi ! (je t'épouserais bien mais bon... )
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Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)
Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...
Et on ne dit pas "voir(e) même" mais "voire" ou "même".
- Collier de BarbeNeoprof expérimenté
Nightcrawler1 a écrit:Pour continuer le débat avec Collier de Barbe en un lieu plus propice.
Non, je considère que ce n'est pas mon rôle de dire aux élèves que le colonialisme est un modèle d'exploitation asservissant, etc... Je préfère nettement pratiquer des descriptions graphiques (appuyées sur des consensus historiques scientifiques, sachant que chaque école historique à ses lubies), donner beaucoup de détails bruts de décoffrage et les laisser se débrouiller tout seuls avec cela.
Le but de l'histoire est à mon avis de constituer des engrenages intellectuels (c'est à cela que sert la culture générale, outre le fait de rendre la vie plus agréable, ce qui est tout de même la base de l'enseignement). A ce titre, utiliser Werth pour montrer l'engrenage intellectuel permettant à Staline de justifier la répression de la fin des années 30 est beaucoup plus intéressant que d'utiliser Werth pour porter un jugement sur le stalinisme du type "c'est pas bien de tuer".
Nous devons apprendre à nos élèves à analyser, pas à juger et l'analyse se fait de la manière la plus féconde en dehors du monde contemporain. Sinon, nul professeur n'aurait un magistère suprême le gardant des considérations de café du commerce.
Bon alors de deux choses l'une, ou bien on est en plein malentendu ou bien vous vous moquez un petit peu, je crois.
Comme vous, comme tous les collègues, je pratique et fais pratiquer le commentaire de documents, évidemment, c'est la base même de notre beau métier. Maintenant, vous écrivez (et je pense que vous exagérez un brin ou alors il faut vite que je mute vers votre paradis pédagogique)
"[et je les laisse] se débrouiller tout seuls avec cela" sous entendu, ils étudient eux-mêmes ces documents et en tirent eux-mêmes les conclusions justes et parfaitement formulées qui s'imposent. Donc filant le même exemple que précédemment, vous donnez une tapée de documents sur la colonisation française en Algérie, et vos élèves (en parfaite autonomie j'imagine) aboutissent à une compréhension optimale de l'ensemble et caractérise eux-mêmes ce système colonial français (quoi? une belle amitié incomprise? un système inégalitaire? ou bien aller vers l'essence du colonialisme, mystère)
Ecoutez, en 10 ans d'enseignement à la fac, au collège, au lycée, je n'ai rencontré qu'une infime minorité d'élèves ou d'étudiants capables d'analyser et de comprendre "par eux-mêmes" et d'en tirer les conclusions qui s'imposent, c'est-à-dire justement formulées, reprenant les termes, concepts & idées nécessaires...
Vous dites que ça marche mieux en dehors du monde contemporain, il faudra me justifier cette affirmation. J'ai plutôt l'impression que plus on s'éloigne de l'époque présente plus leur appréhension des phénomènes devient hasardeuse.
Enfin je n'ai jamais envisagé de "magistère moral". Mais vous ne ferez pas croire que vos argumentations en classe, les titres de vos parties sont strictement descriptives et ne comportent pas l'once d'une interprétation (c'est-à-dire un jugement). Comment alors vos élèves arriveraient-ils à construire des problématique interprétatives?
Et comme vous lisez l'anglais, je suis sûr que vous connaissez cet incontournable?
http://www.amazon.com/That-Noble-Dream-Objectivity-Historical/dp/0521357454
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@AbbeCordillere
- Nightcrawler1Niveau 7
En fait, le malentendu que nous avons (et loin de moi l'idée de me moquer j'aurais autre chose à faire si je ne respectais pas vos positions et si votre propos ne m'intéressait pas que de continuer la discussion), c'est que je pratique très peu le commentaire de documents. Justement parce que le commentaire de documents (outre qu'il fait perdre du temps de manière très importante dans le cadre d'une classe, synonyme de déperdition du savoir par rapport à nos programmes) est une pratique que j'ai toujours trouvée très biaisée dans le secondaire (on choisit son corpus pour faire arriver les élèves au but pédagogique que l'on s'est fixé. Le problème c'est que le corpus dans le monde réel est toujours contradictoire, ce qui est insuffisament montré dans le secondaire).
Au contraire, le cours magistral est plus efficace pour faire passer les débats historiographiques et donner suffisament de détails permettant aux élèves de constituer des engrenages intellectuels d'analyse, A CONDITION qu'il ne soit pas dicté mais que les élèves soient en autonomie pour sa restitution, ce qui leur permet de faire le tri (après un entraînement méthodologique important en prise de notes et sélection de l'information).
Je considère la culture générale comme une forme d'érosion de l'esprit de l'élève. A mesure qu'il est confronté à son flot, son esprit va prendre une tournure (un pli aurait dit le géographe Vidal de la Blache). C'est ce pli qu'il conservera toute sa vie pour analyser tous les problèmes auxquels il sera confronté.
Je crois que c'est l'un des grands impensés de l'histoire au secondaire à l'heure actuelle et je suis arrivé à une conclusion étonnante : moins les élèves font de commentaires en classe, plus ils maîtrisent facilement la technique car ils ont mis à profit les cours magistraux présentant des visions contradictoires des événements pour développer leur esprit critique de manière naturelle (et pas artificielle et orientée comme cela arrive trop souvent si l'on se focalise sur le commentaire de documents).
C'est pour cela que dans le cadre de l'éducation de nos matières, je crois que la manière la plus efficace pour être le plus progressiste est de pratiquer le cours magistral en prise de notes autonome de l'élève et que le conservatisme réside dans l'étude de document (à la progression fléchée en plus!). C'est la seule manière que j'ai pu trouver (je ne dis pas détenir la vérité par rapport à tous les publics) pour faire de mes élèves des sujets intellectuellement indépendants.
Au contraire, le cours magistral est plus efficace pour faire passer les débats historiographiques et donner suffisament de détails permettant aux élèves de constituer des engrenages intellectuels d'analyse, A CONDITION qu'il ne soit pas dicté mais que les élèves soient en autonomie pour sa restitution, ce qui leur permet de faire le tri (après un entraînement méthodologique important en prise de notes et sélection de l'information).
Je considère la culture générale comme une forme d'érosion de l'esprit de l'élève. A mesure qu'il est confronté à son flot, son esprit va prendre une tournure (un pli aurait dit le géographe Vidal de la Blache). C'est ce pli qu'il conservera toute sa vie pour analyser tous les problèmes auxquels il sera confronté.
Je crois que c'est l'un des grands impensés de l'histoire au secondaire à l'heure actuelle et je suis arrivé à une conclusion étonnante : moins les élèves font de commentaires en classe, plus ils maîtrisent facilement la technique car ils ont mis à profit les cours magistraux présentant des visions contradictoires des événements pour développer leur esprit critique de manière naturelle (et pas artificielle et orientée comme cela arrive trop souvent si l'on se focalise sur le commentaire de documents).
C'est pour cela que dans le cadre de l'éducation de nos matières, je crois que la manière la plus efficace pour être le plus progressiste est de pratiquer le cours magistral en prise de notes autonome de l'élève et que le conservatisme réside dans l'étude de document (à la progression fléchée en plus!). C'est la seule manière que j'ai pu trouver (je ne dis pas détenir la vérité par rapport à tous les publics) pour faire de mes élèves des sujets intellectuellement indépendants.
- Invité19Esprit sacré
sauf que pour l'autonomie intellectuelle notamment pour la prise de notes, parfois ça ne passe pas. Il y a des établissements où on a beau tout essayer, rien à faire même en term, et d'autres (plus rares) où ça passe sans qu'on ait besoin de faire grand chose.
Donc ça me fait un peu rigoler...
Donc ça me fait un peu rigoler...
- Nightcrawler1Niveau 7
La question qui mérite d'être posée est : pourquoi en Terminale les élèves ne se sont pas construits suffisament pour être capables de développer une autonomie dans la prise de notes? (qui est la base de la vie professionnelle des cadres).
Etonnament je remarque que dans mon pays d'accueil où le système scolaire est beaucoup plus magistral (sans malheureusement l'autonomie qui donne la valeur à ce système), les élèves, bien plus défavorisés qu'en France socialement, s'en sortent (et je ne parle pas de mon lycée mais de lycées locaux non privilégiés où j'ai pu le constater).
Donc, lier le problème au niveau social (qui a bien sûr une incidence) ne résout pas le fond du problème. Comment se fait-il qu'avec un enseignement en France où les mises en activité occupent une place importante (parfois majeure), nous arrivons avec des élèves qui n'ont pas d'autonomie intellectuelle suffisante pour écrire deux pages en une heure à la fin de leur scolarité de manière libre?
N'y a-t-il pas un problème de méthode systémique? A mon avis, c'est ce problème qu'il convient de résoudre pour être un progressiste, plutôt que de chercher à se demander quelle vision du monde leur insuffler (ils se la construiront bien tous seuls lorsqu'ils auront leur autonomie intelelctuelle).
Etonnament je remarque que dans mon pays d'accueil où le système scolaire est beaucoup plus magistral (sans malheureusement l'autonomie qui donne la valeur à ce système), les élèves, bien plus défavorisés qu'en France socialement, s'en sortent (et je ne parle pas de mon lycée mais de lycées locaux non privilégiés où j'ai pu le constater).
Donc, lier le problème au niveau social (qui a bien sûr une incidence) ne résout pas le fond du problème. Comment se fait-il qu'avec un enseignement en France où les mises en activité occupent une place importante (parfois majeure), nous arrivons avec des élèves qui n'ont pas d'autonomie intellectuelle suffisante pour écrire deux pages en une heure à la fin de leur scolarité de manière libre?
N'y a-t-il pas un problème de méthode systémique? A mon avis, c'est ce problème qu'il convient de résoudre pour être un progressiste, plutôt que de chercher à se demander quelle vision du monde leur insuffler (ils se la construiront bien tous seuls lorsqu'ils auront leur autonomie intelelctuelle).
- Invité19Esprit sacré
je suis bien d'accord avec ton diagnostic, mais je pense que dans des classes qui ont un niveau social défavorisé, la mise en activité est souvent la solution envisagée le plus souvent (dès le collège) parce qu'il y a un tel problème de maîtrise de la langue qu'un embryon de magistral est impensable.
enfin, je dis peut être de grosses conneries.
mais il est certain qu'habituer les élèves à du magistral, ne serait ce qu'en dictant beaucoup au départ, leur permet d'acquérir plus vite la prise de notes je pense.
je crois qu'il y a aussi de la mauvaise foi et des blocages : quand j'ai passé une vidéo à mes élèves de seconde sur les méfaits de la Révolution verte, ils ont pris des notes et m'ont restitué l'essentiel des idées (à plusieurs certes...)
Quand j'essaye d'appliquer ça dans mes cours; impossible (ou alors ça devient le bordel, je ne peux même pas changer 2 mots sans avoir des protestations). Comme s'ils se mettaient "en mode" dictée et déconnectaient tout neurone.
enfin, je dis peut être de grosses conneries.
mais il est certain qu'habituer les élèves à du magistral, ne serait ce qu'en dictant beaucoup au départ, leur permet d'acquérir plus vite la prise de notes je pense.
je crois qu'il y a aussi de la mauvaise foi et des blocages : quand j'ai passé une vidéo à mes élèves de seconde sur les méfaits de la Révolution verte, ils ont pris des notes et m'ont restitué l'essentiel des idées (à plusieurs certes...)
Quand j'essaye d'appliquer ça dans mes cours; impossible (ou alors ça devient le bordel, je ne peux même pas changer 2 mots sans avoir des protestations). Comme s'ils se mettaient "en mode" dictée et déconnectaient tout neurone.
- Nightcrawler1Niveau 7
Je pense que tu as raison.
Mais en tant que républicain cela me choque car cela revient à tolérer un fonctionnement à deux vitesses du système éducatif. Si c'est le cas, on en arrive considérer que les mises en activité renforcent la reproduction des inégalités sociales.
On arrive à un sujet plus grave que les débats maronniers sur l'objectivité ou la politisation de l'histoire.
J'aurais tendance à dire que ce n'est pas de la faute de tes élèves : on leur a inculqué un comportement régressif depuis la tendre enfance. Au niveau de la Seconde, c'est mort (ou du moins très difficile). J'ai remarqué qu'un élève qui n'a jamais pris de notes jusqu'à la Terminale, quelque soit son niveau, n'en prendra jamais aussi bien s'il s'y met à ce moment qu'un élève qui pratique depuis l'adolescence. Je suis sûr que la puberté a une influence là-dessus (c'est un instinct de terrain, appuyé sur aucune étude scientifique).
Mais en tant que républicain cela me choque car cela revient à tolérer un fonctionnement à deux vitesses du système éducatif. Si c'est le cas, on en arrive considérer que les mises en activité renforcent la reproduction des inégalités sociales.
On arrive à un sujet plus grave que les débats maronniers sur l'objectivité ou la politisation de l'histoire.
J'aurais tendance à dire que ce n'est pas de la faute de tes élèves : on leur a inculqué un comportement régressif depuis la tendre enfance. Au niveau de la Seconde, c'est mort (ou du moins très difficile). J'ai remarqué qu'un élève qui n'a jamais pris de notes jusqu'à la Terminale, quelque soit son niveau, n'en prendra jamais aussi bien s'il s'y met à ce moment qu'un élève qui pratique depuis l'adolescence. Je suis sûr que la puberté a une influence là-dessus (c'est un instinct de terrain, appuyé sur aucune étude scientifique).
- Collier de BarbeNeoprof expérimenté
@Nightcrawler
J'avoue ne pas réussir a suivre votre argumentation.
Donc les élèves se débrouillent tout seul..mais en fait ce qu'ils font seuls c'est de suivre votre cours magistral en prenant des notes (ce qui est super, bien sur)
Ce cours magistral est j'imagine construit comme un exposé argumentatif et votre propos vivement problématisé... Ou est alors votre "neutralité" alors? Ou vous voulez nous convaincre qu'au lycée vos élèves se livrent à chaque fois au débat historiographique ? (J'ai dû enseigner l'historio' en fac, c'était extraordinairement difficile)
Donc en fait je pense que vous faites comme nous tous, vous leur présentez un cours problématisé et équilibré dans lequel passe de gré ou de force votre interprétation et vos jugements sur ce que vous avez compris de l'historiographie...
Pour ce qui est de la prise de notes, c'est assez simple, quand la maîtrise de la langue et le vocabulaire sont absents, la prise de notes est impossible ou très difficile...
J'avoue ne pas réussir a suivre votre argumentation.
Donc les élèves se débrouillent tout seul..mais en fait ce qu'ils font seuls c'est de suivre votre cours magistral en prenant des notes (ce qui est super, bien sur)
Ce cours magistral est j'imagine construit comme un exposé argumentatif et votre propos vivement problématisé... Ou est alors votre "neutralité" alors? Ou vous voulez nous convaincre qu'au lycée vos élèves se livrent à chaque fois au débat historiographique ? (J'ai dû enseigner l'historio' en fac, c'était extraordinairement difficile)
Donc en fait je pense que vous faites comme nous tous, vous leur présentez un cours problématisé et équilibré dans lequel passe de gré ou de force votre interprétation et vos jugements sur ce que vous avez compris de l'historiographie...
Pour ce qui est de la prise de notes, c'est assez simple, quand la maîtrise de la langue et le vocabulaire sont absents, la prise de notes est impossible ou très difficile...
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CdB
@AbbeCordillere
- Nightcrawler1Niveau 7
Notre point de départ venait de vos remarques sur l'opportunité de réduire le nombre de thèmes pour donner plus de liberté au professeur et pour qu'il s'en serve pour éclairer les enjeux contemporains aux élèves.
Dans tous les cas, je suis en désaccord avec vous pour les raisons déjà évoquées.
J'avoue même que la problématisation est à mon avis le deuxième gros impensé de notre profession. Dans la vie réelle avez-vous jamais rencontré des problématiques? Nos élèves non plus (par contre l'historiographie si elle est présentée sous la forme de bons dilemnes les déstabilise toujours agréablement).
J'avoue que je fais des cours de moins en moins problématisés et de plus "incarnés" (présentant l'engrenage des événements) dans la mesure où je cherche à faire comprendre aux élèves l'incertitude de la décision historique. Avec mes 1ères, je leur demande même de trouver eux-mêmes des problématiques structurant un cours chronologique ayant duré deux mois (je l'ai fait pour le thème 1) avant de réorganiser les connaissances selon celles-ci. Leurs réponses m'ont étonné!
La problématique a pour tendance d'étriquer les cours magistraux et d'en faire des chemins balisés à sens unique en niant la complexité et l'incertitude. C'est un mal nécessaire par rapport à nos publics mais quand quelqu'un qui en redemande et veut en plus le politiser, je dis non!
Si vous relisez mes messages, j'ai indiqué que je n'ai pas la prétention à arriver à la neutralité qui n'existe pas. Mais ce n'est pas parce qu'un athé est persuadé que Dieu n'existe pas qu'il va chercher à profaner toutes les églises qu'il croise!
Ce que j'aimerais c'est que vous m'expliquiez en quoi vous considérez la transmission de la culture générale en histoire "une preuve de conservatisme et de neutralisme" comme vous l'avez dit dans un de vos messages. Je ne suis pas sûr de cerner ce que vous entendez par là.
Dans tous les cas, je suis en désaccord avec vous pour les raisons déjà évoquées.
J'avoue même que la problématisation est à mon avis le deuxième gros impensé de notre profession. Dans la vie réelle avez-vous jamais rencontré des problématiques? Nos élèves non plus (par contre l'historiographie si elle est présentée sous la forme de bons dilemnes les déstabilise toujours agréablement).
J'avoue que je fais des cours de moins en moins problématisés et de plus "incarnés" (présentant l'engrenage des événements) dans la mesure où je cherche à faire comprendre aux élèves l'incertitude de la décision historique. Avec mes 1ères, je leur demande même de trouver eux-mêmes des problématiques structurant un cours chronologique ayant duré deux mois (je l'ai fait pour le thème 1) avant de réorganiser les connaissances selon celles-ci. Leurs réponses m'ont étonné!
La problématique a pour tendance d'étriquer les cours magistraux et d'en faire des chemins balisés à sens unique en niant la complexité et l'incertitude. C'est un mal nécessaire par rapport à nos publics mais quand quelqu'un qui en redemande et veut en plus le politiser, je dis non!
Si vous relisez mes messages, j'ai indiqué que je n'ai pas la prétention à arriver à la neutralité qui n'existe pas. Mais ce n'est pas parce qu'un athé est persuadé que Dieu n'existe pas qu'il va chercher à profaner toutes les églises qu'il croise!
Ce que j'aimerais c'est que vous m'expliquiez en quoi vous considérez la transmission de la culture générale en histoire "une preuve de conservatisme et de neutralisme" comme vous l'avez dit dans un de vos messages. Je ne suis pas sûr de cerner ce que vous entendez par là.
- Collier de BarbeNeoprof expérimenté
Je ne politise rien du tout dans le sens où je ne fais pas part à mes élèves de mes opinions politiques, ni ce qu'il faut penser de tel ou tel événement en cours. Ils ont d'ailleurs le droit à leur entière liberté de pensée et d'expression(dans la mesure de la légalité) C'est juste cette lubie du "ah non mais moi je ne prends jamais parti dans mon cours", tout serait transparent, bien convenable, ça me fatigue, on sent des conceptions "objectivistes" mal digérées.
Évidemment que nos conceptions transparaissent dans tous nos cours, la simple façon d'aborder les différents thèmes, les outils, les auteurs, les référents utilisés tout se conjuguent pour trahir une certaine vision du monde. Et oui, moi je souhaite que mes élèves aient les idées clairs sur certains points: sur ce qui se passe à Munich en 1938 et pourquoi, sur Vichy, sur 1958 (un vrai trou noir des mémoires officielles) etc. C'est comme ça qu'on m'a appris l'histoire qui est bien sûr une réflexion qui part du présent et qui y revient sans cesse et qui doit nourrir un certain sens civique (sinon autant enseigner le bridge, les échecs ou le yoga). D'autres collègues d'autres sensibilités attireront leur attention sur d'autre thème, et c'est tant mieux!
Et dire comme je le lis chez certains collègues "ah non, moi, c'est juste pour la culture générale que j'interviens" je trouve cela problématique quand en tant qu'historien on ne peux manquer de connaître l'importance des mémoires, leurs poids dans la vie démocratique, etc.
J'ai envie que mes élèves en quittant le lycée comprennent qu'untel qui dit que le Front Populaire est responsable de la défaite de 1940 est un âne, que tel autre qui aboie contre "l'invasion étrangère" reproduit un discours xénophobe que l'on entend depuis la fin du XIXe (dans les conditions décrites par G. Noiriel par exemple), etc.
Pour moi, ça ça constitue une culture générale et politique (oh le gros mot)...
Évidemment que nos conceptions transparaissent dans tous nos cours, la simple façon d'aborder les différents thèmes, les outils, les auteurs, les référents utilisés tout se conjuguent pour trahir une certaine vision du monde. Et oui, moi je souhaite que mes élèves aient les idées clairs sur certains points: sur ce qui se passe à Munich en 1938 et pourquoi, sur Vichy, sur 1958 (un vrai trou noir des mémoires officielles) etc. C'est comme ça qu'on m'a appris l'histoire qui est bien sûr une réflexion qui part du présent et qui y revient sans cesse et qui doit nourrir un certain sens civique (sinon autant enseigner le bridge, les échecs ou le yoga). D'autres collègues d'autres sensibilités attireront leur attention sur d'autre thème, et c'est tant mieux!
Et dire comme je le lis chez certains collègues "ah non, moi, c'est juste pour la culture générale que j'interviens" je trouve cela problématique quand en tant qu'historien on ne peux manquer de connaître l'importance des mémoires, leurs poids dans la vie démocratique, etc.
J'ai envie que mes élèves en quittant le lycée comprennent qu'untel qui dit que le Front Populaire est responsable de la défaite de 1940 est un âne, que tel autre qui aboie contre "l'invasion étrangère" reproduit un discours xénophobe que l'on entend depuis la fin du XIXe (dans les conditions décrites par G. Noiriel par exemple), etc.
Pour moi, ça ça constitue une culture générale et politique (oh le gros mot)...
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CdB
@AbbeCordillere
- Nightcrawler1Niveau 7
Merci pour l'explication.
Je ne suis pas d'accord sur le fait que l'histoire se nourrit du présent (mais je suis géographe et pas contemporanéiste). Par exemple, traiter de l'édit de Caracalla à la lumière du présent me semble être de la haute voltige.
C'est sans doute parce que je suis un partisan de l'étude par le temps long et je considère qu'il n'y a rien de plus subversif qu'une culture générale permettant de montrer les recoupements géographiques entre guerres napoléoniennes et première guerre mondiale par exemple.
Je crois que nous n'avons pas la même vision du politique. Pour moi, Noiriel est beaucoup plus dans une logique moralisante justement. Le livre que j'avais lu de lui m'avait donné l'idée d'être un livre à thèse plutôt qu'un foisonnement intellectuel car justement très schématique. Pour moi, les livres d'histoire qui apportent réellement un discours "politique"sont plutôt les livres de synthèse très large (je suis un grand admirateur de "Naissance du monde moderne" de Bayly par exemple) ou alors ultra documentés et bruts de décoffrage (en ce moment, je pense à ceux de Service sur l'URSS).
Après, j'ai une vision peut-être de l'engagement politique : plutôt que de donner des certitudes et des valeurs, je considère qu'un bon enseignement politique doit surtout léguer des incertitudes et des doutes à l'élève.
Je ne suis pas d'accord sur le fait que l'histoire se nourrit du présent (mais je suis géographe et pas contemporanéiste). Par exemple, traiter de l'édit de Caracalla à la lumière du présent me semble être de la haute voltige.
C'est sans doute parce que je suis un partisan de l'étude par le temps long et je considère qu'il n'y a rien de plus subversif qu'une culture générale permettant de montrer les recoupements géographiques entre guerres napoléoniennes et première guerre mondiale par exemple.
Je crois que nous n'avons pas la même vision du politique. Pour moi, Noiriel est beaucoup plus dans une logique moralisante justement. Le livre que j'avais lu de lui m'avait donné l'idée d'être un livre à thèse plutôt qu'un foisonnement intellectuel car justement très schématique. Pour moi, les livres d'histoire qui apportent réellement un discours "politique"sont plutôt les livres de synthèse très large (je suis un grand admirateur de "Naissance du monde moderne" de Bayly par exemple) ou alors ultra documentés et bruts de décoffrage (en ce moment, je pense à ceux de Service sur l'URSS).
Après, j'ai une vision peut-être de l'engagement politique : plutôt que de donner des certitudes et des valeurs, je considère qu'un bon enseignement politique doit surtout léguer des incertitudes et des doutes à l'élève.
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