Une élève demande : pourquoi fait-on de l'analyse littéraire ?

Bonjour !

Aujourd'hui, une élève de 1ere STMG1, toujours attentive et sérieuse, me demande, alors que je réexplique les épreuves du bac :
"Mais pourquoi fait-on de l'analyse littéraire?"
C'était une vraie question sérieuse, pas une provocation du style "ça sert à rien".
Elle a ajouté : pour moi, le français, c'est la grammaire, la conjugaison, l'orthographe... la maîtrise de la langue.
Je considère important que l'on sache pourquoi on fait quelque chose, donc, à vraie question, vraie réponse, alors, je vous soumets celle que je lui ai donnée, vous me direz si vous auriez ajouté ou modifié quelque chose...
Je me suis souvent moi-même posé la question.
Car, après tout, la lecture analytique telle que nous la pratiquons n'est pas indispensable au goût pour la littérature, l'histoire littéraire et la réflexion, et moi-même je n'aimais pas trop cela au lycée, je trouvais que cela faisait perdre leur charme aux textes,ou au mieux que cela n'apportait pas grand chose. Mais j'avais une professeure exécrable.
Elle avait l'air satisfaite, mais c'est toujours difficile de savoir...
Voici ce que je lui ai dit, en gros :
1) Cela permet de mieux lire, en prenant l'habitude d'aller au fond des choses et de découvrir parfois ce qui est sous-entendu par les mots. On a donc une meilleure conscience du langage et de ses enjeux, y compris ensuite dans tout ce qu'on lit et entend dans sa vie d'adulte, et on prend aussi conscience de l'importance d'employer les bons mots, et les nuances, pour s'exprimer avec justesse.
2) On peut prendre plaisir à maitriser des textes intimement plutôt que de les survoler (vraie culture, mémoire plus durable), et à savoir comprendre et exprimer pourquoi un texte est resté célèbre, pourquoi il est beau, émouvant, passionnant, unique.
3) En analysant la manière dont l'écriture est ciselée par les auteurs, on acquiert plus de vocabulaire, et peut-être, pour certains, des manières d'écrire plus justes, plus poétiques que l'on réussit à s'approprier.
4) On apprend aussi à comprendre des tournures grammaticales complexes, ce qui revient à faire de la grammaire et à s'armer pour décrypter le jargon de certaines personnes ou les écrits ardus de certains domaines professionnels.
5) Comme dans de nombreuses autres matières, on apprend à structurer sa pensée, à gagner en méthode, ce qui est utile dans tout domaine personnel et professionnel.

c'est surtout la deuxième de tes réponses que je retiendrais....
la littérature, c'est de l'art.
Et elle leur parle d'eux.....jamais un auteur ne m'a autant parlé que Proust, et je le dois à un prof.

j'évite, surtout en lycée, de donner, dans ce genre de cas, une réponse utilitariste.

Oui, mais on peut lire, s'intéresser à l'art, et à la littérature, et trouver cet exercice précis rébarbatif.
Elle ne demande pas à quoi sert la littérature (elle aime ça), mais pourquoi on doit passer par l'exercice du commentaire.

Ça sert à mieux lire à haute voix, pour les transmettre aux autres.
Ça sert à mieux connaître les textes (connaître au sens propre: les garder en mémoire)
Ça sert à avoir le plaisir d'en parler avec d'autres.
Ça sert à s'accaparer les idées et techniques des auteurs pour les "réutiliser", dans toutes sortes de circonstances.

Merci nlm, ça recoupe certaines choses que je lui ai dites...

C'est ainsi que l'on apprend à écrire. En sachant lire.
Et quand je lis une bonne part de la production actuelle, je me dis que de moins en moins d'auteurs ont appris à lire.

mamamanette a écrit:Elle ne demande pas à quoi sert la littérature (elle aime ça), mais pourquoi on doit passer par l'exercice du commentaire.

Ben c'est un exercice d'admiration.
Un commentaire, ça répond le plus objectivement possible à la question : "pouquoi ce texte est-il génial ?"

De belles choses ont été dites.

Je répondrais que ça sert à devenir plus intelligent. Interpréter permet d'élever son goût au-delà de la simple opinion. On peut détester Voltaire, le trouver ennuyeux, c'est une opinion tout à fait respectable. Mais si l'on a appris à interpréter (et donc à lire, et donc à écrire), on peut le trouver ennuyeux tout en reconnaissant un grand écrivain. L'intelligence n'est pas utilitaire. De même, en grammaire, on apprend à se servir des outils de la langue, et on devient plus intelligent en comprenant comment la langue fonctionne.