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Lefteris
Esprit sacré

Un normalien qui enseigne en Seine-Saint-Denis, est-ce "une forme de gâchis" ?  - Page 6 Empty Re: Un normalien qui enseigne en Seine-Saint-Denis, est-ce "une forme de gâchis" ?

par Lefteris Dim 28 Oct 2012 - 12:06
Marcel Khrouchtchev a écrit:Ça c'est évident que la meilleure façon de tenir une classe, c'est la compétence disciplinaire.
Là, je m'inscris en faux : quand on est dans des classes, voire des établissements entiers d'élèves braqués contre le savoir, contre le principe même de venir à l'école, essayer de tirer vers le haut est une arme à double tranchant.
Sinon, on peut raisonner par l'absurde : dans les établissements où c'est le bordel permanent, cela signifie qu'aucun enseignant n'a de compétence disciplinaire.
Marcel Khrouchtchev
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par Marcel Khrouchtchev Dim 28 Oct 2012 - 12:09
Evidemment, si une recette magique fonctionnait, tout le monde l'emploierait. J'avoue que je me suis mal exprimé. Je voulais dire que c'était une condition nécessaire, mais non suffisante. Être au point "scientifiquement" est incontournable, sinon on se fait marcher dessus. Mais ce n'est malheureusement toujours pas suffisant.
Merci de m'avoir forcé à mieux exprimer ma pensée.
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par User5899 Dim 28 Oct 2012 - 12:36
Marcel Khrouchtchev a écrit:Je me demande si on ne pose pas le problème à l'envers: quel intérêt ces jeunes auraient-ils à suivre l'enseignement de personnes formées à des choses très pointues et élitistes? Il y a un véritable problème d'adéquation entre la formation des normaliens et ce qu'est l'enseignement secondaire en général.
Écoutez, je comprends votre façon de poser le problème, mais franchement, l'enseignement secondaire meurt aussi de personnels mal formés parfois, pour ne pas dire que d'aucuns sont de simples animateurs, constamment pris en défaut sur leurs connaissances disciplinaires (et comment en irait-il autrement quand un concours permet à quelqu'un qui a 5 de moyenne de devenir professeur titulaire, qu'un simple examen recalerait sans coup férir ?). Donc des gens très solides dans le secondaire, oui, mille fois oui, demain et aujourd'hui comme hier ! Marre des latinistes qui butent sur la traduction de deux phrases, de matheux qui demandent à 8h moins 5 aux collègues plus anciens le matin le corrigé des exos qu'ils ont donnés, des forums où l'on se penche pendant des pages sur les fondements de la dissertation.
*Lady of Shalott*
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par *Lady of Shalott* Dim 28 Oct 2012 - 12:37
Lefteris a écrit:
Marcel Khrouchtchev a écrit:Ça c'est évident que la meilleure façon de tenir une classe, c'est la compétence disciplinaire.
Là, je m'inscris en faux : quand on est dans des classes, voire des établissements entiers d'élèves braqués contre le savoir, contre le principe même de venir à l'école, essayer de tirer vers le haut est une arme à double tranchant.
Sinon, on peut raisonner par l'absurde : dans les établissements où c'est le bordel permanent, cela signifie qu'aucun enseignant n'a de compétence disciplinaire.

J'approuve, j'applaudis, je plussoie !! Un normalien qui enseigne en Seine-Saint-Denis, est-ce "une forme de gâchis" ?  - Page 6 2252222100 Wink
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par User5899 Dim 28 Oct 2012 - 12:39
Marcel Khrouchtchev a écrit:Oh non, ce n'est pas ce que je veux dire. Mais dans ce cas, il faut d'autres programmes et d'autres exigences au baccalauréat. Parce que pour avoir le baccalauréat aujourd'hui, il est effectivement inutile d'avoir des enseignants qui sortent de l'ENS.
On ne travaille pas en lycée pour le Baccalauréat. Il y a le Baccalauréat à la fin, cet examen devenu étique et ridicule, qui ne fait plus trembler que les correcteurs impressionnables qui n'ont pas atteint les 13 de moyenne fixés par l'IPR de garde. Heureusement qu'on travaille autant que possible à un niveau un peu supérieur. Sinon, pourquoi se lever le matin ?
Marcel Khrouchtchev
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par Marcel Khrouchtchev Dim 28 Oct 2012 - 12:42
Cripure a écrit:Écoutez, je comprends votre façon de poser le problème, mais franchement, l'enseignement secondaire meurt aussi de personnels mal formés parfois, pour ne pas dire que d'aucuns sont de simples animateurs, constamment pris en défaut sur leurs connaissances disciplinaires (et comment en irait-il autrement quand un concours permet à quelqu'un qui a 5 de moyenne de devenir professeur titulaire, qu'un simple examen recalerait sans coup férir ?). Donc des gens très solides dans le secondaire, oui, mille fois oui, demain et aujourd'hui comme hier ! Marre des latinistes qui butent sur la traduction de deux phrases, de matheux qui demandent à 8h moins 5 aux collègues plus anciens le matin le corrigé des exos qu'ils ont donnés, des forums où l'on se penche pendant des pages sur les fondements de la dissertation.

Je suis assez d'accord avec vous, c'est pour cela qu'ensuite j'ai insisté sur la nécessaire compétence disciplinaire des enseignants (c'est une conviction très forte chez moi). Par contre, même si je suis d'accord avec vous sur le constat de la mauvaise formation initiale, je ne pense pas que les notes aux concours soient un bon indicateur, car ce sont bien des notes de concours et non d'examen. J'ai eu un 6 à l'oral de l'agrégation, ça ne m'a pas empêché de l'avoir, notamment grâce à un 19 sur le commentaire d'un texte (de Flavius Josèphe d'ailleurs, je m'en vante puisque je discute avec un professeur de lettres classiques Very Happy ): je ne pense pas que mon oral valait si peu et je suis absolument certain que mon écrit ne valait pas tant. Mais à un concours, le but est de faire ces choix, de créer un classement, et ce ne sont pas des notes d'examens.
Par contre, le vrai problème (et finalement je rejoins tout à fait votre constat), il est que l'on a gravement abaissé le niveau des DEA/DESS pour en faire des masters que n'importe qui peut avoir, même en faisant des fautes d'orthographe à la pelle.
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par Marcel Khrouchtchev Dim 28 Oct 2012 - 12:45
Cripure a écrit:On ne travaille pas en lycée pour le Baccalauréat. Il y a le Baccalauréat à la fin, cet examen devenu étique et ridicule, qui ne fait plus trembler que les correcteurs impressionnables qui n'ont pas atteint les 13 de moyenne fixés par l'IPR de garde. Heureusement qu'on travaille autant que possible à un niveau un peu supérieur. Sinon, pourquoi se lever le matin ?

Encore une fois d'accord avec vous! Mais le fait est que, pour les élèves (et leurs parents, et l'administration), l'objectif à court terme est le baccalauréat, que c'est à cette aune que bien souvent les enseignants du secondaire sont jugés (en tout cas, dans mon ancien lycée, cela déterminait la répartition des terminales). C'est bien malheureux, j'en conviens, mais la plupart des élèves ont bien compris qu'il ne servait à rien d'en faire trop, puisque de toute façon on allait avoir le baccalauréat. Ceux qui bossent un peu l'ont avec la mention TB.
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par Invité19 Dim 28 Oct 2012 - 12:53
Marcel Khrouchtchev a écrit:
Cripure a écrit:On ne travaille pas en lycée pour le Baccalauréat. Il y a le Baccalauréat à la fin, cet examen devenu étique et ridicule, qui ne fait plus trembler que les correcteurs impressionnables qui n'ont pas atteint les 13 de moyenne fixés par l'IPR de garde. Heureusement qu'on travaille autant que possible à un niveau un peu supérieur. Sinon, pourquoi se lever le matin ?

Encore une fois d'accord avec vous! Mais le fait est que, pour les élèves (et leurs parents, et l'administration), l'objectif à court terme est le baccalauréat, que c'est à cette aune que bien souvent les enseignants du secondaire sont jugés (en tout cas, dans mon ancien lycée, cela déterminait la répartition des terminales). C'est bien malheureux, j'en conviens, mais la plupart des élèves ont bien compris qu'il ne servait à rien d'en faire trop, puisque de toute façon on allait avoir le baccalauréat. Ceux qui bossent un peu l'ont avec la mention TB.

Suspect encore une fois je ne suis pas d'accord ; mes élèves stressent pour le bac et vu nos résultats, ils ne peuvent... et chez moi ceux qui bossent "un peu" auront avec un peu de chance une mention AB ou rien du tout.
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par Invité Dim 28 Oct 2012 - 12:55
Voilà, j'ai connu le même cas de figure que Oiseau l'an dernier. Pour certains élèves, avoir le bac est encore un vrai défi...
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par Marcel Khrouchtchev Dim 28 Oct 2012 - 13:01
C'est bien dommage quand on voit ce qu'il est devenu et la façon dont on nous demande de le corriger Sad
J'ai eu des terminales pendant 6 ans dans un lycée de centre-ville pas plus favorisé que ça, mais évidemment largement au-dessus de certains établissements dits "sensibles". Il était très difficile de les motiver par la crainte du baccalauréat, car ils avaient vu le spectacle désolant des générations précédentes qui l'avaient eu sans rien faire.
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Invité19
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par Invité19 Dim 28 Oct 2012 - 13:03
Marcel Khrouchtchev a écrit:C'est bien dommage quand on voit ce qu'il est devenu et la façon dont on nous demande de le corriger Sad
J'ai eu des terminales pendant 6 ans dans un lycée de centre-ville pas plus favorisé que ça, mais évidemment largement au-dessus de certains établissements dits "sensibles". Il était très difficile de les motiver par la crainte du baccalauréat, car ils avaient vu le spectacle désolant des générations précédentes qui l'avaient eu sans rien faire.

j'ai des élèves très difficiles à motiver... parce qu'ils ne croient plus du tout au bac. Et hélas, certains d'entre eux sont bien loin de l'avoir...

évidemement, dans mon lycée du 93, qui a pourtant aussi en partie un recrutement de "centre ville" (mais du 93...) n'a rien à voir avec un lycée moyen de centre ville de province.
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par Marcel Khrouchtchev Dim 28 Oct 2012 - 13:06
Ne plus croire au baccalauréat est naturel. On cherche à le donner à tout le monde et l'on a donc dévalorisé. Et pour ceux qui n'ont pas le niveau pour l'avoir, même "allégé", ça donne le sentiment que l'on est "bon à rien", alors que le problème est surtout celui de l'orientation. Tous les élèves ne sont pas faits pour aller jusqu'au baccalauréat, il faut en prendre conscience. Pour amener x% d'une génération à aller au baccalauréat, on a préféré (comme souvent) niveler par le bas en abaissant le niveau de l'examen plutôt que de chercher à amener x% des élèves au niveau de l'examen.
Mike92
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par Mike92 Dim 28 Oct 2012 - 13:13
En tout cas, pour les LV, avoir moins de 12/20 au bac est quasiment impossible : 10/20 sont donnés pour la compréhension : on coche la bonne case (sur 4) ou on met des énoncés dans l'ordre. Puis il y a deux fois 10 lignes à rédiger. La première et unique fois où j'ai corrigé ce type de bac, j'arrivais à 13/20 de moyenne sur 100 copies ; j'ai téléphoné à Arcueil pour leur dire ma perplexité. "C'est très bien", m'a-t-on répondu !!
D'où la nécessité de dire aux terminales qui veulent faire une prépa littéraire ou économique qu'il vaut mieux aller dans les pays étrangers pour pouvoir suivre en prépa..

_________________
Fais bon accueil aux étrangers, car toi aussi, tu seras un étranger. (Roger Ikor)
site : http://allemand-postbac.npage.de
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par Invité Dim 28 Oct 2012 - 13:16
Et pourtant, j'en ai mis, des notes en dessous de 12, l'an dernier.... Ce n'est pas l"épreuve en soi qui est incongrue.
Mais c'est vrai que les barêmes sont insensés, on offre quasiment des bonnes notes à tout le monde...
A Tuin
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par A Tuin Dim 28 Oct 2012 - 13:21
Oiseau phenix a écrit: :shock:

tout dépend à quel niveau il enseigne aussi, mais tout de même, je suis choquée de lire cette phrase...

Idem. Après, qu'un tel fasse normale sup', c'est un choix. Après c'est à assumer, je ne voix pas ce que le lieu d'enseignement vient faire là dedans.
Marcel Khrouchtchev
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par Marcel Khrouchtchev Dim 28 Oct 2012 - 13:24
Quand même, on ne peut pas nier que quand un jeune étudiant brillant de CPGE veut faire de la recherche, on le pousse à faire l'ENS. C'est cette déconnexion entre les promesses d'une carrière universitaire et la réalité de l'enseignement secondaire dans des endroits difficiles qui pose question. Mais, comme l'a justement souligné Collier de Barbe, certains le vivent bien et ne sont pas aigris. Mais quand ils font le choix de l'ENS, on ne les informe peut-être pas suffisamment des conséquences que cela peut avoir.
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User5899
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par User5899 Dim 28 Oct 2012 - 13:27
Mike92 a écrit:En tout cas, pour les LV, avoir moins de 12/20 au bac est quasiment impossible : 10/20 sont donnés pour la compréhension : on coche la bonne case (sur 4) ou on met des énoncés dans l'ordre. Puis il y a deux fois 10 lignes à rédiger. La première et unique fois où j'ai corrigé ce type de bac, j'arrivais à 13/20 de moyenne sur 100 copies ; j'ai téléphoné à Arcueil pour leur dire ma perplexité. "C'est très bien", m'a-t-on répondu !!
D'où la nécessité de dire aux terminales qui veulent faire une prépa littéraire ou économique qu'il vaut mieux aller dans les pays étrangers pour pouvoir suivre en prépa..
C'est en effet une source d'émerveillement que de vice-présider un jury de bac L, et donc d'avoir les registres avec l'ensemble des notes sous les yeux. Les notes de langues vivantes (anglais et espagnol) d'une part, d'arts plastiques d'autre part (pour les L spécialistes) sont proprement hallucinantes. Surtout qu'en littérature, on a parfois l'occasion de rencontrer un peu d'anglais, et que le constat de la nullité des candidats est simple à établir. Quant aux arts plastiques coef 7, c'est simple. Quand c'est bon, la note est 20. Quand ce n'est pas bon, c'est 19 yesyes
Edgar
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par Edgar Mer 31 Oct 2012 - 10:45
A mon avis, faire un petit stage ouvrier en tant qu'enseignant dans le mauvais 93 ne peut faire de mal à personne. Pour ce qui est du décalage avec un ENS, je commencerais à parler du décalage avec un bon certifié, qui est déjà gigantesque, sans parler des agrégés docteurs qui officient (peu nombreux) en collège ZEP. Point de gâchis donc à ce stade mais au contraire une expérience de terrain, une confrontation à une certaine réalité sans laquelle il me semble que tout travail sur l' éducation et la pédagogie aujourd'hu, même menée par un brillant ENS, n'a pas la moindre valeur utilitaire et reste un simple jeu intellectuel.

Mais gâchis il y a lorsque l'on s'échoue dans ces zones difficiles, j'entends par là que l'on perd l'énergie, l'envie, ou l'idée de larguer les amarres pour suivre sa route vers un autre port. Car on y apprend certes, mais on y perd aussi beaucoup sur le plan intellectuel et dans la maîtrise de sa matière sur le plan scientifique, épuisé que l'on est à régler des conflits stupides et violents, à tenter d'expliquer au jeune Bakari ou à Kevina, qui sont en 4eme, où se place le verbe dans la phrase simple, ou tenter de faire comprendre à Karen ou Youssef, en 3eme, qu'il n'y a que 3 formes dans la conjugaison du verbe BE en anglais, ce qu'ils ne sauront de toutes façons jamais, et là je suis d'accord avec eux, ce dont ils n'auront jamais besoin dans la vie ( voir d'ailleurs post sur le célèbre Anelka).

Le professeur finit par régresser doucement dans sa matière car la fatigue aidant et parfois l'ennui quotidien font que l'on n'a pas la force de se maintenir, de chercher, de continuer à apprendre des choses dont on pense qu'elles ne nous serviront plus à rien à nous non plus.

La Seine St Denis , oui (et j'y inclus toutes les "Seine St Denis" de France, vers Toulouse, Montpellier, Marseille, Amiens ...), mais il faut garder à l'esprit qu'à l'instar de ces élèves, il faut rapidement en partir.

nuages
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par nuages Mer 31 Oct 2012 - 10:58
Edgar a écrit:Mais gâchis il y a lorsque l'on s'échoue dans ces zones difficiles, j'entends par là que l'on perd l'énergie, l'envie, ou l'idée de larguer les amarres pour suivre sa route vers un autre port. Car on y apprend certes, mais on y perd aussi beaucoup sur le plan intellectuel (...)Le professeur finit par régresser doucement dans sa matière car la fatigue aidant et parfois l'ennui quotidien font que l'on n'a pas la force de se maintenir, de chercher, de continuer à apprendre des choses dont on pense qu'elles ne nous serviront plus à rien à nous non plus. La Seine St Denis , oui (et j'y inclus toutes les "Seine St Denis" de France, vers Toulouse, Montpellier, Marseille, Amiens ...), mais il faut garder à l'esprit qu'à l'instar de ces élèves, il faut rapidement en partir.

Un normalien qui enseigne en Seine-Saint-Denis, est-ce "une forme de gâchis" ?  - Page 6 2252222100 je trouve ces réflexions sur l'érosion profondément justes, même si elles sont amères, et valables pour bien des établissements déshérités du 93 ou d'ailleurs
mav80
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par mav80 Mer 31 Oct 2012 - 11:29
Edgar a écrit:

La Seine St Denis , oui (et j'y inclus toutes les "Seine St Denis" de France, vers Toulouse, Montpellier, Marseille, Amiens ...), mais il faut garder à l'esprit qu'à l'instar de ces élèves, il faut rapidement en partir.
Merci collègue (??????) de votre aimable appréciation à propos d'un secteur où une petite fille de prolo est devenue, sans quitter la région, agrégée hors classe.
C'est avec ce genre de discours qu'on désertifie des régions - les médecins non plus ne veulent pas s'installer dans la Creuse, la Lozère, etc.
Bon séjour à Neuilly à la Cuisse de Jupiter
Edgar
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par Edgar Mer 31 Oct 2012 - 11:44
mav80 a écrit:
Edgar a écrit:

La Seine St Denis , oui (et j'y inclus toutes les "Seine St Denis" de France, vers Toulouse, Montpellier, Marseille, Amiens ...), mais il faut garder à l'esprit qu'à l'instar de ces élèves, il faut rapidement en partir.
Merci collègue (??????) de votre aimable appréciation à propos d'un secteur où une petite fille de prolo est devenue, sans quitter la région, agrégée hors classe.
C'est avec ce genre de discours qu'on désertifie des régions - les médecins non plus ne veulent pas s'installer dans la Creuse, la Lozère, etc.
Bon séjour à Neuilly à la Cuisse de Jupiter

Je ne comprends pas bien votre remarque. Je n'ai pas écrit "à" Amiens, mais "vers" Amiens, et je voulais simplement inclure dans cette idée de zones difficiles illustrées par le 93, d'autres zones aussi difficiles de France, ayant les les mêmes caractéristiques que le 93. Amiens Nord par exemple ne me semble pas très différent de la Seine St Denis. La banlieue de Montpellier, que je trouve presque plus repoussante encore que le 93, car il y a le même environnement mais avec un côté encore plus négligé de certaines villes du sud.

L'exemple de la Creuse ou de la Lozère n'ont par ailleurs pas de rapport avec la problématique de la surqualification de l'enseignement en zones urbaines difficiles.

Avez-vous fait toute votre carrière d'agrégée jusqu'à la hors classe en zone sensible? Avez-vous exercé en zone difficile durant les 15 dernières années ?
Lefteris
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par Lefteris Mer 31 Oct 2012 - 11:58
Edgar a écrit:A mon avis, faire un petit stage ouvrier en tant qu'enseignant dans le mauvais 93 ne peut faire de mal à personne. Pour ce qui est du décalage avec un ENS, je commencerais à parler du décalage avec un bon certifié, qui est déjà gigantesque, sans parler des agrégés docteurs qui officient (peu nombreux) en collège ZEP. Point de gâchis donc à ce stade mais au contraire une expérience de terrain, une confrontation à une certaine réalité sans laquelle il me semble que tout travail sur l' éducation et la pédagogie aujourd'hu, même menée par un brillant ENS, n'a pas la moindre valeur utilitaire et reste un simple jeu intellectuel.

Mais gâchis il y a lorsque l'on s'échoue dans ces zones difficiles, j'entends par là que l'on perd l'énergie, l'envie, ou l'idée de larguer les amarres pour suivre sa route vers un autre port. Car on y apprend certes, mais on y perd aussi beaucoup sur le plan intellectuel et dans la maîtrise de sa matière sur le plan scientifique, épuisé que l'on est à régler des conflits stupides et violents, à tenter d'expliquer au jeune Bakari ou à Kevina, qui sont en 4eme, où se place le verbe dans la phrase simple, ou tenter de faire comprendre à Karen ou Youssef, en 3eme, qu'il n'y a que 3 formes dans la conjugaison du verbe BE en anglais, ce qu'ils ne sauront de toutes façons jamais, et là je suis d'accord avec eux, ce dont ils n'auront jamais besoin dans la vie ( voir d'ailleurs post sur le célèbre Anelka).

Le professeur finit par régresser doucement dans sa matière car la fatigue aidant et parfois l'ennui quotidien font que l'on n'a pas la force de se maintenir, de chercher, de continuer à apprendre des choses dont on pense qu'elles ne nous serviront plus à rien à nous non plus.

La Seine St Denis , oui (et j'y inclus toutes les "Seine St Denis" de France, vers Toulouse, Montpellier, Marseille, Amiens ...), mais il faut garder à l'esprit qu'à l'instar de ces élèves, il faut rapidement en partir.

Je suis entièrement d’accord sur l’usure, l’inintérêt du métier, et ça vaut pour tous, certifiés compris. Disons que pour un ENS, la rapport investissement/ résultat est pire. je ne suis pas en 9-3 mais pas loin et dans un établissement ou beaucoup de classes n’ont rien à envier au département voisin. la description de ce qu’on fait, c’est ça, ça sent le vécu, entre deux gestions de classe, de bavardages incessants, d’apostrophes à travers la classe, après avoir commencé le cours au bout de dix minutes au mieux. Tout y est voué à l’échec, même un film, aller en salle informatique tourne au cauchemar. Là où je diverge c’est sur la régression.
Ayant compris mon inutilité, et avant d’être agrégé, je fais ce que j’ai à faire, je me dis que ça peu servir à un ou deux par-ci par là, mais je prépare moins en quantité et je lis plus, je me cultive, j’aime ma matière pour ce qu’elle m’apporte puisque je « pratiquais » avant d’être enseignant, pour moi. Du reste je suis philosophe, et je ne me désespère pas comme certains sur ce forum , d’aller au boulot sans s’y « éclater » forcément ( un métier est fait pour gagner sa croûte, s’y « éclater » est du bonus).
Maintenant je conçois que quelqu’un qui a le choix dès le départ évite ça , d’autant que dépaysé, avec toutes les attentes que comporte un premier métier, et les efforts consentis pour l’obtenir, la déception ne peut qu’être au rendez-vous, sauf à avoir une foi de croisé ou une vocation de martyr. La situation actuelle ne m’étonne nullement.

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par Invité19 Mer 31 Oct 2012 - 12:11
Distinguons entre collège et Lycee, déjà ... Et les normaliens (à supposer qu ils soient agrégés) ne sont pas si fréquents en collège, ou n y restent pas sauf par choix.

Je suis neotit en lycée, non normalienne certes, et le 93 ne me fait pas l'effet d'une régression par rapport à l'agreg. L écart est grand mais je ne vis pas les choses ainsi. Mais peut être est ce lié à ma discipline dont l'enseignement garde un contact avec l'historiographie. Les programmes souvent trop ardus pour les élèves sont tout du moins stimulants. Les élèves, avec leurs questions candides, me poussent à creuser sur certains points enseignés qui ne correspondent pas à ma spécialité.

Bref, en lycée en tout cas je ne vois nulle déchéance ...
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par Edgar Mer 31 Oct 2012 - 13:08
Oiseau phenix a écrit:Distinguons entre collège et Lycee, déjà ... Et les normaliens (à supposer qu ils soient agrégés) ne sont pas si fréquents en collège, ou n y restent pas sauf par choix.

Je suis neotit en lycée, non normalienne certes, et le 93 ne me fait pas l'effet d'une régression par rapport à l'agreg. L écart est grand mais je ne vis pas les choses ainsi. Mais peut être est ce lié à ma discipline dont l'enseignement garde un contact avec l'historiographie. Les programmes souvent trop ardus pour les élèves sont tout du moins stimulants. Les élèves, avec leurs questions candides, me poussent à creuser sur certains points enseignés qui ne correspondent pas à ma spécialité.

Bref, en lycée en tout cas je ne vois nulle déchéance ...

Ce qui est parfaitement conforme à ce que j'écrivais en première ligne de mon premier post et surtout dans sa conclusion. Et il est heureux qu'en tant que néotitulaire, vous ne ressentiez pas ce dont je parlais dans le milieu de mon message.

On ne voit pas les choses de la même manière selon que l'on a 25 ans et que l'on débute ou que l'on a 45 ans ans et des années de pratique. Les perspectives sur le métier varient. C'est un peu comme les chers collègues de ce forum qui trouvent tout à fait suffisant de gagner 1800 euros alors qu'ils ont moins de 30 ans et sont sans enfants et ne comprennent pas que des collègues de 15 ou 20 ans de plus avec enfants, crédits et peut-être aussi un peu de recul sur leur vie râlent de ne gagner que 300/400 euros de plus au mieux que les jeunes collègues, (mais c'est un autre débat...et je donne RV aux collègues qui trouvent qu'ils gagnent bien assez, dans 15 ans...)
Mike92
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par Mike92 Mer 31 Oct 2012 - 14:17
je ne suis pas en 9-3 mais pas loin et dans un établissement ou beaucoup
de classes n’ont rien à envier au département voisin. la description
de ce qu’on fait, c’est ça, ça sent le vécu, entre deux gestions de
classe, de bavardages incessants, d’apostrophes à travers la classe,
après avoir commencé le cours au bout de dix minutes au mieux. Tout y
est voué à l’échec, même un film, aller en salle informatique tourne au
cauchemar. Là où je diverge c’est sur la régression.
Ayant compris
mon inutilité, et avant d’être agrégé, je fais ce que j’ai à faire, je
me dis que ça peu servir à un ou deux par-ci par là..
Mais comment faites-vous pour rester, si ce martyre ne sert qu'à gagner mal "sa croûte" ?? N'avez-vous jamais envie d'aller ailleurs, de faire autre chose ?

"O maîtres outragés, ô période funeste,
Que demeure l'amour et périsse le reste !"

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Fais bon accueil aux étrangers, car toi aussi, tu seras un étranger. (Roger Ikor)
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Lefteris
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Esprit sacré

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par Lefteris Mer 31 Oct 2012 - 16:44
Ai-je dit que c’était un martyre ? Exactement l’inverse, si l’on ne tronque pas mon message. je dis justement que ça m’est égal, je suis à 5 minutes à pieds de chez moi, je fais mon boulot quand même, qu’on se rassure. Et je joue le jeu comme tout le monde, je changerai si j’ai des points pour un poste plus intéressant. Il y a des situations bien pires, je sais de quoi je parle, c’est d’ailleurs déjà une reconversion pour moi (et je ne vois pas ce que je pourrais faire de toute manière) . Mais je comprends qu’un jeune qui a quarante ans de boulot devant lui, a beaucoup investi pour obtenir le concours, déplacé loin de chez lui , ayant d’autant plus d’attentes professionnelles qu’il a moins de vie privée, soit très fortement déçu, a fortiori un normalien qui a en principe beaucoup investi d’une part, et d’autre part est capable de faire autre chose. C’est bien la raison pour laquelle 50% démissionnent. Simple constat, il ne faut pas me faire dire ce que je n’ai jamais dit ….

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"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)

Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.

Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
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