- CarabasVénérable
En même temps, j'ai essayé de me reconvertir : j'ai fait un DUT métiers du livre, j'ai postulé sur des postes d'agent de bibliothèque et je n'ai jamais été prise nulle part. Le problème,c 'est peut-être aussi que prof est tellement mal vu qu'on ne veut pas d'anciens profs dans d'autres métiers? Je l'ai déjà raconté : à un entretien, une bibliothécaire, sur un ton agressif, m'a sorti: "vous savez, ici, on travaille!" Ben ouais pourquoi? Quand on est prof, on fout rien?Fesseur Pro a écrit:Etonnant tout de même de constater que beaucoup de collègues ne savent faire "que" prof et ne voient aucune reconversion possible hors EN.
Si la reconversion était si facile, je pense qu'il y aurait plus de démissions...
- Reine MargotDemi-dieu
En effet, Fessur pro, essaie un peu de faire un entretien d'embauche voire de passer un oral de concours pour mesurer la suspicion que les recruteurs ont face à un prof qui dit vouloir partir.
Et honnêtement, quand tu as fait des études de lettres, tu n'intéresses pas grand monde dans les entreprises. idem pour les concours à moins d'accepter de faire qqch de totalement différent (là je suis dans du budgétaire pour te donner une idée)
Et honnêtement, quand tu as fait des études de lettres, tu n'intéresses pas grand monde dans les entreprises. idem pour les concours à moins d'accepter de faire qqch de totalement différent (là je suis dans du budgétaire pour te donner une idée)
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Quand tout va mal, quand il n'y a plus aucun espoir, il nous reste Michel Sardou
La famille Bélier
- LefterisEsprit sacré
Reine Margot a écrit:En effet, Fessur pro, essaie un peu de faire un entretien d'embauche voire de passer un oral de concours pour mesurer la suspicion que les recruteurs ont face à un prof qui dit vouloir partir.
Et honnêtement, quand tu as fait des études de lettres, tu n'intéresses pas grand monde dans les entreprises. idem pour les concours à moins d'accepter de faire qqch de totalement différent (là je suis dans du budgétaire pour te donner une idée)
Je crois que c'est toute la fonction publique qui est mise à l'index, et de plus en plus avec les campagnes de dénigrement organisées par les ministres eux-mêmes, qui sont désormais là pour saborder leurs troupes, aux ordres de Bercy, et non pour les défendre.
Néanmoins, je pense que les concours de la fonction publique restent ouverts aux enseignants, mais d'autres obstacles subsistent : l'hyper-spécialisation, les matières non "rentables " (quid d'un prof de lettres, d'HG, etc.).Sans compter les concours à limite d'âge.
Ca peut aussi contribuer à détourner des étudiants : c'est très long à obtenir, le concours, et en plus tous ces efforts n'aboutissent qu'à bloquer quelqu'un dans un métier pendant plus de 40 ans .
Il se trouve que de ce que je vois autour de moi, chez des "djeuns", les facs de lettres se vident de candidats enseignants passé la licence pur faire des master pro avec des formations complémentaires plus polyvalentes (droit, informatique, management, gestion du patrimoine..) . L'onde de choc va sans doute se faire sentir dans les années à venir et ajouter au pathos
En même temps , l'EN qui peine pourtant à recruter est parfaitement hermétique venant de l'extérieur : pas de concours internes sans titres, des bâtons dans les roues à ceux qui entrent (je polluerais le forum pendant trois mois si je racontais ce que j'ai vécu , les recours , courriers, médiateur...) .
Bref, le blocage risque d'aller en s'aggravant si la politique de l'autruche continue, celle du "tout va bien" , "on n'achète pas le dévouement", "les incidents sont rares" , etc.
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"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)
Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.
Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
- CarabasVénérable
Oh, même au sein de la fonction publique les profs sont mal aimés. Cf. mon témoignage dans les bibliothèques et les témoignages de bien d'autres qui ont dû se justifier de vouloir quitter une telle sinécure à des oraux de concours.Lefteris a écrit:Reine Margot a écrit:En effet, Fessur pro, essaie un peu de faire un entretien d'embauche voire de passer un oral de concours pour mesurer la suspicion que les recruteurs ont face à un prof qui dit vouloir partir.
Et honnêtement, quand tu as fait des études de lettres, tu n'intéresses pas grand monde dans les entreprises. idem pour les concours à moins d'accepter de faire qqch de totalement différent (là je suis dans du budgétaire pour te donner une idée)
Je crois que c'est toute la fonction publique qui est mise à l'index, et de plus en plus avec les campagnes de dénigrement organisées par les ministres eux-mêmes, qui sont désormais là pour saborder leurs troupes, aux ordres de Bercy, et non pour les défendre.
C'est vrai qu'il faut aussi accepter de faire complètement autre chose, ce que je ne veux pas, du moins pour le moment. Quoi faire? Gestion? Marketing? Droit? Je n'ai aucune appétence ni aucune facilité dans ces univers...
Donc le "yaka s'reconvertir si on n'est pas content", bof...
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Les chances uniques sur un million se réalisent neuf fois sur dix.
Terry Pratchett
- LefterisEsprit sacré
Carabas a écrit:Oh, même au sein de la fonction publique les profs sont mal aimés. Cf. mon témoignage dans les bibliothèques et les témoignages de bien d'autres qui ont dû se justifier de vouloir quitter une telle sinécure à des oraux de concours.Lefteris a écrit:Reine Margot a écrit:En effet, Fessur pro, essaie un peu de faire un entretien d'embauche voire de passer un oral de concours pour mesurer la suspicion que les recruteurs ont face à un prof qui dit vouloir partir.
Et honnêtement, quand tu as fait des études de lettres, tu n'intéresses pas grand monde dans les entreprises. idem pour les concours à moins d'accepter de faire qqch de totalement différent (là je suis dans du budgétaire pour te donner une idée)
Je crois que c'est toute la fonction publique qui est mise à l'index, et de plus en plus avec les campagnes de dénigrement organisées par les ministres eux-mêmes, qui sont désormais là pour saborder leurs troupes, aux ordres de Bercy, et non pour les défendre.
C'est vrai qu'il faut aussi accepter de faire complètement autre chose, ce que je ne veux pas, du moins pour le moment. Quoi faire? Gestion? Marketing? Droit? Je n'ai aucune appétence ni aucune facilité dans ces univers...
Donc le "yaka s'reconvertir si on n'est pas content", bof...
Je pense en effet qu'en dehors des matières techniques, transposables dans le monde marchand ou industriel, c'est difficile. Maths à la rigueur, mais un jour un matheux du privé m'a dit que les profs ne faisant de mathématiques appliqués, bof... je n'y connais rien , je ne peux vérifier si c'est vrai ou faux. Dans ma matière c'est plié d'avance :lol: J'ai quand même pesné à me reconvertir à nouveau, mais sur dossier car je remplissais les conditions et j'avais mes chances, dans une profession à dominante juridique. Mais c'est justement parce que j'avais déjà exercé suffisamment longtemps à la fois dans un métier à compétences juridiques et en cat A, les deux conditions, plus l'âge étant requises. Je ne l'ai pas fait en raison de la mutation géographique très probable à la clef , pas avantageuse.
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- Fesseur ProGuide spirituel
Carabas a écrit:Donc le "yaka s'reconvertir si on n'est pas content", bof...
Je suis bien conscient des difficultés, quand on est prof apparemment, on ne sait rien faire d'autre et peu de passerelles existent.
Ce qui me dépasse ( pour ne pas dire qui m'étonne ) c'est d'aller faire notre métier à reculons et avec tristesse et fatalisme.
Je sais déjà que je ne finirai pas vieux prof pour ne pas avoir à subir ça.
Je m'y prépare tout doucettement.
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Pourvu que ça dure...
- LefterisEsprit sacré
Pas besoin d'être vieux : j'ai vu une jeune, quelques années d'ancienneté, toute guillerette, personne n'aurait dit. Du jour au lendemain, elle n'a pas pu revenir , on l'a appris après par la suite.Fesseur Pro a écrit:Carabas a écrit:Donc le "yaka s'reconvertir si on n'est pas content", bof...
Je suis bien conscient des difficultés, quand on est prof apparemment, on ne sait rien faire d'autre et peu de passerelles existent.
Ce qui me dépasse ( pour ne pas dire qui m'étonne ) c'est d'aller faire notre métier à reculons et avec tristesse et fatalisme.
Je sais déjà que je ne finirai pas vieux prof pour ne pas avoir à subir ça.
Je m'y prépare tout doucettement.
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- NLM76Grand Maître
C'est ce que je dis : il suffit de s'efforcer de faire son métier le mieux possible, consciencieusement, correctement, comme vous le décrivez.Cripure a écrit:Ce ne serait pas plus honteux que pour n'importe quel autre métier. Il faut arrêter de sacraliser l'enseignement. Le système tourne mal, tous els rouages administratifs nationaux n'existent que pour se gripper en permanence, je n'ai pas du tout l'intention d'être la seule burette d'huile et de me flageller en permanence au nom de ma conscience professionnelle. D'ailleurs, chaque fois que je l'évoque ou l'invoque, on me le reproche, parce que ça va contre les IO, les barèmes, la FCPE, la dernière lubie du ministre, etc. Alors je vais en classe, je ne suis pas absent, je ne suis pas en retard, je m'habille correctement, je fais un cours qui me plait à moi et qui suit le programme, et s'ils ne suivent pas, eh bien c'est dommage, mais je dors quand même le soir.nlm76 a écrit:+1John a écrit:
J'ai pris l'exemple du boucher : j'aurais pu prendre l'exemple de l'infirmière, du pompier, du pilote, du chauffeur de bus, du coiffeur, du serveur, du patron de PME, du fleuriste, du DRH... Eux aussi travaillent au contact permanent de gens qui vivent et qui bougent.
Dubet a raison lorsqu'il dit que l'école et l'hôpital se rapprochent encore beaucoup de l'Eglise : on attend des profs qu'ils aient la passion et la vocation comme les prêtres et les soeurs. C'est très bien, mais je ne comprends pas qu'on en fasse l'alpha et l'oméga du métier.
Un métier, à la base, c'est fait pour gagner sa vie, et je comprends les gens qui disent : "je suis enseignant pour gagner ma vie". Qu'on ait la passion en plus, c'est formidable, mais il n'y a rien d'étonnant ni de honteux à dire : "je travaille pour gagner ma vie, je veux des conditions décentes pour bosser, et je n'ai pas l'impression de suivre une quelconque flamme sacrée lorsque j'entre dans une classe".
Ce qui serait honteux, ce serait de le faire sans conscience professionnelle. "Je n'aime pas trop ce métier, mais j'aime le travail bien fait, et donc je m'efforce de le faire le mieux possible" : c'est tout ce qu'il y a de plus respectable... et normal.
Pour répondre à une question précédente, j'ai 24 ans de service révolus, je touche environ 3 200€/mois avec 1 HSA et une indemnité de PP de 2e. Ca me semble convenable.
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Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- NLM76Grand Maître
Carabas a écrit:
Donc le "yaka s'reconvertir si on n'est pas content", bof...
Celui qui me dirait ça les jours où je râle, ce ne serait pas seulement "bof", mais au moins une pluie d'injures. "L'Education Nationale, tu l'aimes ou tu la quittes !" dit le crétin. En général, ce crétin-là est aussi un mouton moutonnier et lèche-bottes. Pour ceux-là je me ferai volontiers Panurge.
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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- eliamEsprit éclairé
roxanne a écrit:enfin, je crois qu'il faut quand même arrêter avec ça . On a justement 18 (ou 15) heures de cours pour pouvoir oragniser notre temps de travail. Alors c'est vrai, il y a des périodes de pointe où on bosse plus , d'autres où c'est plus cool. Mais il me semble quand même qu'enseigner c'est aussi un mètier avec des ponits positifs, des satisfactions que n'ont pas certains boulots.Il faut aussi arrêter de se considèrer comme les plus malheureux . Et des gens qui ramènent du boulot le soir chez eux, j'en connais plein et qui ne sont pas profs.eliam a écrit:C'est moins dur physiquement mais dans les travaux publics quand on rentre chez soi, on ne pense plus au boulot. Alors que quand on est prof, c'est moins facile...
Tu ne m'as pas comprise. Je ne parlais pas de la charge de travail et je ne considère pas les profs comme les plus malheureux ni comme les plus heureux, d'ailleurs. Ce que je dis, c'est qu'il est très difficile de faire une coupure entre le travail et le temps libre. On a, plus ou moins, toujours dans un coin de la tête, notre boulot. La preuve, on est tous connectés à un forum de profs...
- sombraNiveau 6
J'ai passé le capes parce que je ne savais pas quoi faire d'autre après ma licence, et en me disant que, quand même, enseigner une matière qu'on aime, ça ne devait pas être si mal. Eh bien dès le début ou presque j'ai détesté, je ne supporte pas les collégiens (je n'ai connu que le collège, et que les 4e et 3e), je ne sais toujours pas préparer des cours, tout ce que j'aime c'est ma matière.
Là je cherche activement une reconversion, et pourtant je ne suis pas vieille, et stagiaire, donc récente dans le métier.
Je me rends compte que si on enseigne en considérant ce métier comme alimentaire, on peut être en grande souffrance.
Là je cherche activement une reconversion, et pourtant je ne suis pas vieille, et stagiaire, donc récente dans le métier.
Je me rends compte que si on enseigne en considérant ce métier comme alimentaire, on peut être en grande souffrance.
- CarabasVénérable
T'inquiète, ce n'est pas "bof" que je réponds quand on me dit ça (heureusement, fort rarement).nlm76 a écrit:Carabas a écrit:
Donc le "yaka s'reconvertir si on n'est pas content", bof...
Celui qui me dirait ça les jours où je râle, ce ne serait pas seulement "bof", mais au moins une pluie d'injures. "L'Education Nationale, tu l'aimes ou tu la quittes !" dit le crétin. En général, ce crétin-là est aussi un mouton moutonnier et lèche-bottes. Pour ceux-là je me ferai volontiers Panurge.
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- NuitsFidèle du forum
Je suis nouvelle dans la maison, mais plus ça va, plus je me dis que non seulement on peut enseigner en considérant ce métier comme seulement alimentaire, mais qu'il le faut, pour ne pas devenir fou.
Je ne vois vraiment pas comment on peut aimer ce métier quand on voit que nous sommes critiqués et dénigrés en permanence. Nous sommes tenus pour responsables de tous les maux de la société ( la dette, le chômage , le racisme, les inégalités homme-femme, le réchauffement climatique, la fin du monde). Pour cette raison, et parce que tout le monde ou presque est un jour allé à l'école, on se fait expliquer dix fois par jour comment nous devrions travailler. Combien de fois ai-je lu ici un Neo s'exclamer ''Mais foutez-nous la paix ! '' Difficile de rester enthousiaste, non, quand on en vient à se demander en soirée si l'on doit ''avouer'' que nous sommes ''profs''. Je ne parle pas de mon cas personnel; il y avait eu sur ce forum tout un fil de discussion à ce sujet, où les néos exposaient leurs stratégies (la provoc, la gueulante, l'évitement etc) quand ils en venaient à parler de leur métier en société. Quelle que soit la posture choisie, elle est rarement neutre. Beaucoup anticipent les réactions du types ''vous êtes toujours en vacances ou en grève'' et j'en passe. Il n'y a donc pas de métier honteux, sauf prof. Bien sûr, on peut choisir d'ignorer tous ces fâcheux ( je ne parle pas de les éviter, c'est devenu impossible...) pour ne regarder, les yeux emplis d'amour, que notre métier tel qu'il est réellement. Mais quel est-il exactement ?
Nous devons participer à toujours plus de réunions, de projets à la noix parce que ''c'est dans nos obligations de services''. Bref, la profession est si mal définie qu'on peut nous faire faire tout et n'importe quoi. Personnellement, je suis donc incapable de dire si j'aime ce métier, puisqu'il m'est impossible de savoir ce qu'il est au juste, même théoriquement (il faut dire aussi que je n'ai pas eu de véritable formation, merci l'UMP). Enfin si, je pense pouvoir dire que je ne l'aime pas, puisque l'enseignement n'en est qu'une petite partie. Et encore, un enseignant enseigne-t-il aujourd'hui ?
Nous sommes chaque jour un peu plus poussés à ne rien enseigner du tout. Un professeur de français doit accepter de se retrouver face à des collégiens sachant à peine écrire une phrase, mais non, il ne faut rien dire, ne pas stigmatiser, ne pas perpétuer un système élitiste. Même chose au lycée. De l'histoire littéraire, mais vous n'y pensez pas ma bonne dame ! La culture, c'est le mal. Seules comptent les compétences et l'employabilité future! Savoir produire un texte cohérent, argumenté, et ce dans une langue correcte ? Ah mais quelle idée ! Sadique, réac que vous êtes ! Suivez donc l'exemple de vos petits camarades qui distribuent des gommettes vertes à leurs élèves compétents en tri sélectif ! Soulignez donc en rose pailleté parfum banane-chocolat les bonnes réponses dans les copies (et s'il n'y en a pas, c'est uniquement de votre faute, vous êtes un incompétent). Faites des projets! Je ne parle même pas de tous ces gamins qui devraient être accueillis dans des structures spécialisées mais qui ne le sont pas, faute d'argent. Alors on emballe tout ça dans des discours pleins de bons sentiments, on nous parle de ''parcours individualisés'', ''d'intégration'' pour faire passer la pilule et roulez jeunesse ! On sait très bien qu'on ne leur apporte rien à l'école classique, mais c'est pas grave, du moment qu'on intègre !
Dans ces conditions, comment aimer ce métier quand on aime enseigner, quand on aime simplement le travail bien fait ?
Pour être honnête, c'est possible. On peut aimer l'aspect relationnel de ce métier ( on dit aujourd'hui ''travailler avec de l'humain'' ), sa dimension éducative... Après tout, on fait partie de l,Eduction Nationale. Surtout que la plupart des établissements sont ''tranquilles'', ''sans histoire'', n'est-ce pas ? La violence scolaire n'existe pas, pas contre les enseignants. Il y a un décalage énorme, paraît-il, entre la violence réelle et la violence ressentie. C'est ce que l'on m'avait dit lors d'une (rare) formation. Et c'est vrai, grâce à la magie du verbe, puisque se faire traiter de ''grosse pu**'' ou de ''sale co**ard'' c'est une ''incivilité''. Les profs ne se font pas frapper, tout au plus ''bousculer''.
Bon, l'actualité ne me donne pas raison, puisque depuis la rentrée les média relaient chaque jour un nouveau cas d'agression, un peu comme ils comptent le nombre de voitures brûlées la nuit de la Saint-Sylvestre ou pendant les émeutes. Et qu'en disent-ils ? Rien, c'est seulement le nouveau bruit médiatique à la mode. Soyons justes, ils expliquent parfois pourquoi le pauvre enfant décrocheur en est arrivé là: c'est ''la faute à la société'', donc des profs.
Ce qui est vaguement sous-entendu par ces chers journalistes est tout à fait explicite au sein de la maison. Certains (pas tous heureusement ) formateurs, inspecteurs, chefs voire collègues osent vous dire sans vergogne que si vous êtes insulté, frappé, c'est de votre faute, vous êtes un mauvais prof. Être ''bordélisé'' pour un prof est tout ce qu'il y a de plus honteux (il vaut mieux parler de ses hémorroïdes que d'avouer que les élèves ne vous respectent pas). Alors le prof '' en difficulté'' se tait quand il ne va pas jusqu'à mentir en prétendant que tout va bien. Cette expression, cette étiquette de prof ''en difficulté'', c'est le sceau de l'infamie.
Pour résumer, face aux comportements inadmissibles de certains élèves, et parfois de leurs parents, tout est fait pour que l'enseignant se sente coupable et honteux. N'est-ce pas proprement hallucinant, révoltant ? il vaut mieux, une fois encore prendre de la distance ( et il en faut pour accepter jour après jour de ramer pour simplement être respecté).
Et même quand on ne rencontre pas de problème majeur dans sa gestion de classe, il est bien difficile de poser un cadre aux élèves. Comment faire quand la moindre punition est contestée par les parents (de plus en plus procéduriers), quand les CPE vous ramènent les gamins que vous avez exclus, quand il n'est matériellement plus possible de mettre une heure de colle ? Comment faire pour éduquer ? De toutes façons, on ne manquera pas de vous le rappeler, toutes ces mesures coercitives sont vaines puisque l'enfant est naturellement bon, Rousseau avait raison !
Je ne suis pas en train de dire que tous les élèves sont des bêtes à peine civilisées, ni que tous les enseignants sont ''en difficulté '' . Je dénonce le discours hypocrite et pervers de l'institution, cette tendance à cacher toute la poussière sous le tapis tant que c'est possible, et à accuser l'enseignant quand ça ne l'est pas. Du coup, comment faire ? On se tait et on subit, jusqu'à perdre tout son amour propre ? On entre dans un bras de fer permanent avec la direction et les parents ? On accepte de devenir des animateurs créateurs de projets pédagogiques innovants pour avoir la paix ?
Oui on peut aimer travailler avec des enfants ou des adolescents, mais travailler pour faire quoi ? Pour enseigner ? On le peut de moins en moins . Pour éduquer ? Ça non plus on ne le peut pas. Encore une fois, il vaut mieux venir pour le salaire, sans se poser de questions...
Voilà ce que c'est pour moi, être ''prof'' aujourd'hui. C'est exercer un métier mal défini, pour lequel on est mal formé, mais qui ne consiste ni à enseigner, ni à éduquer, un métier socialement dévalorisant, un métier où l'on est peu soutenu par sa hiérarchie, souvent bien lâche... Alors pour tenir toute une carrière, il me semble qu'il est salvateur de venir pour le salaire.
Et oui je sais, comme pour Lali, il est urgent que je change de métier. Pourtant, j'aimais bien l'idée de transmettre, d'enseigner et même d'éduquer.
Je ne vois vraiment pas comment on peut aimer ce métier quand on voit que nous sommes critiqués et dénigrés en permanence. Nous sommes tenus pour responsables de tous les maux de la société ( la dette, le chômage , le racisme, les inégalités homme-femme, le réchauffement climatique, la fin du monde). Pour cette raison, et parce que tout le monde ou presque est un jour allé à l'école, on se fait expliquer dix fois par jour comment nous devrions travailler. Combien de fois ai-je lu ici un Neo s'exclamer ''Mais foutez-nous la paix ! '' Difficile de rester enthousiaste, non, quand on en vient à se demander en soirée si l'on doit ''avouer'' que nous sommes ''profs''. Je ne parle pas de mon cas personnel; il y avait eu sur ce forum tout un fil de discussion à ce sujet, où les néos exposaient leurs stratégies (la provoc, la gueulante, l'évitement etc) quand ils en venaient à parler de leur métier en société. Quelle que soit la posture choisie, elle est rarement neutre. Beaucoup anticipent les réactions du types ''vous êtes toujours en vacances ou en grève'' et j'en passe. Il n'y a donc pas de métier honteux, sauf prof. Bien sûr, on peut choisir d'ignorer tous ces fâcheux ( je ne parle pas de les éviter, c'est devenu impossible...) pour ne regarder, les yeux emplis d'amour, que notre métier tel qu'il est réellement. Mais quel est-il exactement ?
Nous devons participer à toujours plus de réunions, de projets à la noix parce que ''c'est dans nos obligations de services''. Bref, la profession est si mal définie qu'on peut nous faire faire tout et n'importe quoi. Personnellement, je suis donc incapable de dire si j'aime ce métier, puisqu'il m'est impossible de savoir ce qu'il est au juste, même théoriquement (il faut dire aussi que je n'ai pas eu de véritable formation, merci l'UMP). Enfin si, je pense pouvoir dire que je ne l'aime pas, puisque l'enseignement n'en est qu'une petite partie. Et encore, un enseignant enseigne-t-il aujourd'hui ?
Nous sommes chaque jour un peu plus poussés à ne rien enseigner du tout. Un professeur de français doit accepter de se retrouver face à des collégiens sachant à peine écrire une phrase, mais non, il ne faut rien dire, ne pas stigmatiser, ne pas perpétuer un système élitiste. Même chose au lycée. De l'histoire littéraire, mais vous n'y pensez pas ma bonne dame ! La culture, c'est le mal. Seules comptent les compétences et l'employabilité future! Savoir produire un texte cohérent, argumenté, et ce dans une langue correcte ? Ah mais quelle idée ! Sadique, réac que vous êtes ! Suivez donc l'exemple de vos petits camarades qui distribuent des gommettes vertes à leurs élèves compétents en tri sélectif ! Soulignez donc en rose pailleté parfum banane-chocolat les bonnes réponses dans les copies (et s'il n'y en a pas, c'est uniquement de votre faute, vous êtes un incompétent). Faites des projets! Je ne parle même pas de tous ces gamins qui devraient être accueillis dans des structures spécialisées mais qui ne le sont pas, faute d'argent. Alors on emballe tout ça dans des discours pleins de bons sentiments, on nous parle de ''parcours individualisés'', ''d'intégration'' pour faire passer la pilule et roulez jeunesse ! On sait très bien qu'on ne leur apporte rien à l'école classique, mais c'est pas grave, du moment qu'on intègre !
Dans ces conditions, comment aimer ce métier quand on aime enseigner, quand on aime simplement le travail bien fait ?
Pour être honnête, c'est possible. On peut aimer l'aspect relationnel de ce métier ( on dit aujourd'hui ''travailler avec de l'humain'' ), sa dimension éducative... Après tout, on fait partie de l,Eduction Nationale. Surtout que la plupart des établissements sont ''tranquilles'', ''sans histoire'', n'est-ce pas ? La violence scolaire n'existe pas, pas contre les enseignants. Il y a un décalage énorme, paraît-il, entre la violence réelle et la violence ressentie. C'est ce que l'on m'avait dit lors d'une (rare) formation. Et c'est vrai, grâce à la magie du verbe, puisque se faire traiter de ''grosse pu**'' ou de ''sale co**ard'' c'est une ''incivilité''. Les profs ne se font pas frapper, tout au plus ''bousculer''.
Bon, l'actualité ne me donne pas raison, puisque depuis la rentrée les média relaient chaque jour un nouveau cas d'agression, un peu comme ils comptent le nombre de voitures brûlées la nuit de la Saint-Sylvestre ou pendant les émeutes. Et qu'en disent-ils ? Rien, c'est seulement le nouveau bruit médiatique à la mode. Soyons justes, ils expliquent parfois pourquoi le pauvre enfant décrocheur en est arrivé là: c'est ''la faute à la société'', donc des profs.
Ce qui est vaguement sous-entendu par ces chers journalistes est tout à fait explicite au sein de la maison. Certains (pas tous heureusement ) formateurs, inspecteurs, chefs voire collègues osent vous dire sans vergogne que si vous êtes insulté, frappé, c'est de votre faute, vous êtes un mauvais prof. Être ''bordélisé'' pour un prof est tout ce qu'il y a de plus honteux (il vaut mieux parler de ses hémorroïdes que d'avouer que les élèves ne vous respectent pas). Alors le prof '' en difficulté'' se tait quand il ne va pas jusqu'à mentir en prétendant que tout va bien. Cette expression, cette étiquette de prof ''en difficulté'', c'est le sceau de l'infamie.
Pour résumer, face aux comportements inadmissibles de certains élèves, et parfois de leurs parents, tout est fait pour que l'enseignant se sente coupable et honteux. N'est-ce pas proprement hallucinant, révoltant ? il vaut mieux, une fois encore prendre de la distance ( et il en faut pour accepter jour après jour de ramer pour simplement être respecté).
Et même quand on ne rencontre pas de problème majeur dans sa gestion de classe, il est bien difficile de poser un cadre aux élèves. Comment faire quand la moindre punition est contestée par les parents (de plus en plus procéduriers), quand les CPE vous ramènent les gamins que vous avez exclus, quand il n'est matériellement plus possible de mettre une heure de colle ? Comment faire pour éduquer ? De toutes façons, on ne manquera pas de vous le rappeler, toutes ces mesures coercitives sont vaines puisque l'enfant est naturellement bon, Rousseau avait raison !
Je ne suis pas en train de dire que tous les élèves sont des bêtes à peine civilisées, ni que tous les enseignants sont ''en difficulté '' . Je dénonce le discours hypocrite et pervers de l'institution, cette tendance à cacher toute la poussière sous le tapis tant que c'est possible, et à accuser l'enseignant quand ça ne l'est pas. Du coup, comment faire ? On se tait et on subit, jusqu'à perdre tout son amour propre ? On entre dans un bras de fer permanent avec la direction et les parents ? On accepte de devenir des animateurs créateurs de projets pédagogiques innovants pour avoir la paix ?
Oui on peut aimer travailler avec des enfants ou des adolescents, mais travailler pour faire quoi ? Pour enseigner ? On le peut de moins en moins . Pour éduquer ? Ça non plus on ne le peut pas. Encore une fois, il vaut mieux venir pour le salaire, sans se poser de questions...
Voilà ce que c'est pour moi, être ''prof'' aujourd'hui. C'est exercer un métier mal défini, pour lequel on est mal formé, mais qui ne consiste ni à enseigner, ni à éduquer, un métier socialement dévalorisant, un métier où l'on est peu soutenu par sa hiérarchie, souvent bien lâche... Alors pour tenir toute une carrière, il me semble qu'il est salvateur de venir pour le salaire.
Et oui je sais, comme pour Lali, il est urgent que je change de métier. Pourtant, j'aimais bien l'idée de transmettre, d'enseigner et même d'éduquer.
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C'est dans l'intérêt de l'enfant.
- LefterisEsprit sacré
Nuits a écrit:Je suis nouvelle dans la maison, mais plus ça va, plus je me dis que non seulement on peut enseigner en considérant ce métier comme seulement alimentaire, mais qu'il le faut, pour ne pas devenir fou.
Je ne vois vraiment pas comment on peut aimer ce métier quand on voit que nous sommes critiqués et dénigrés en permanence. Nous sommes tenus pour responsables de tous les mots de la société ( la dette, le chômage , le racisme, les inégalités homme-femme, le réchauffement climatique, la fin du monde). Pour cette raison, et parce que tout le monde ou presque est un jour allé à l'école, on se fait expliquer dix fois par jour comment nous devrions travailler. Combien de fois ai-je lu ici un Neo s'exclamer ''Mais foutez-nous la paix ! '' Difficile de rester enthousiaste, non, quand on en vient à se demander en soirée si l'on doit ''avouer'' que nous sommes ''profs''. Je ne parle pas de mon cas personnel; il y avait eu sur ce forum tout un fil de discussion à ce sujet, où les néos exposaient leurs stratégies (la provoc, la gueulante, l'évitement etc) quand ils en venaient à parler de leur métier en société. Quelle que soit la posture choisie, elle est rarement neutre. Beaucoup anticipent les réactions du types ''vous êtes toujours en vacances ou en grève'' et j'en passe. Il n'y a donc pas de métier honteux, sauf prof. Bien sûr, on peut choisir d'ignorer tous ces fâcheux ( je ne parle pas de les éviter, c'est devenu impossible...) pour ne regarder, les yeux emplis d'amour, que notre métier tel qu'il est réellement. Mais quel est-il exactement ?
Nous devons participer à toujours plus de réunions, de projets à la noix parce que ''c'est dans nos obligations de services''. Bref, la profession est si mal définie qu'on peut nous faire faire tout et n'importe quoi. Personnellement, je suis donc incapable de dire si j'aime ce métier, puisqu'il m'est impossible de savoir ce qu'il est au juste, même théoriquement (il faut dire aussi que je n'ai pas eu de véritable formation, merci l'UMP). Enfin si, je pense pouvoir dire que je ne l'aime pas, puisque l'enseignement n'en est qu'une petite partie. Et encore, un enseignant enseigne-t-il aujourd'hui ?
Nous sommes chaque jour un peu plus poussés à ne rien enseigner du tout. Un professeur de français doit accepter de se retrouver face à des collégiens sachant à peine écrire une phrase, mais non, il ne faut rien dire, ne pas stigmatiser, ne pas perpétuer un système élitiste. Même chose au lycée. De l'histoire littéraire, mais vous n'y pensez pas ma bonne dame ! La culture, c'est le mal. Seules comptent les compétences et l'employabilité future! Savoir produire un texte cohérent, argumenté, et ce dans une langue correcte ? Ah mais quelle idée ! Sadique, réac que vous êtes ! Suivez donc l'exemple de vos petits camarades qui distribuent des gommettes vertes à leurs élèves compétents en tri sélectif ! Soulignez donc en rose pailleté parfum banane-chocolat les bonnes réponses dans les copies (et s'il n'y en a pas, c'est uniquement de votre faute, vous êtes un incompétent). Faites des projets! Je ne parle même pas de tous ces gamins qui devraient être accueillis dans des structures spécialisées mais qui ne le sont pas, faute d'argent. Alors on emballe tout ça dans des discours pleins de bons sentiments, on nous parle de ''parcours individualisés'', ''d'intégration'' pour faire passer la pilule et roulez jeunesse ! On sait très bien qu'on ne leur apporte rien à l'école classique, mais c'est pas grave, du moment qu'on intègre !
Dans ces conditions, comment aimer ce métier quand on aime enseigner, quand on aime simplement le travail bien fait ?
Pour être honnête, c'est possible. On peut aimer l'aspect relationnel de ce métier ( on dit aujourd'hui ''travailler avec de l'humain'' ), sa dimension éducative... Après tout, on fait partie de l,Eduction Nationale. Surtout que la plupart des établissements sont ''tranquilles'', ''sans histoire'', n'est-ce pas ? La violence scolaire n'existe pas, pas contre les enseignants. Il y a un décalage énorme, paraît-il, entre la violence réelle et la violence ressentie. C'est ce que l'on m'avait dit lors d'une (rare) formation. Et c'est vrai, grâce à la magie du verbe, puisque se faire traiter de ''grosse pu**'' ou de ''sale co**ard'' c'est une ''incivilité''. Les profs ne se font pas frapper, tout au plus ''bousculer''.
Bon, l'actualité ne me donne pas raison, puisque depuis la rentrée les média relaient chaque jour un nouveau cas d'agression, un peu comme ils comptent le nombre de voitures brûlées la nuit de la Saint-Sylvestre ou pendant les émeutes. Et qu'en disent-ils ? Rien, c'est seulement le nouveau bruit médiatique à la mode. Soyons justes, ils expliquent parfois pourquoi le pauvre enfant décrocheur en est arrivé là: c'est ''la faute à la société'', donc des profs.
Ce qui est vaguement sous-entendu par ces chers journalistes est tout à fait explicite au sein de la maison. Certains (pas tous heureusement ) formateurs, inspecteurs, chefs voire collègues osent vous dire sans vergogne que si vous êtes insulté, frappé, c'est de votre faute, vous êtes un mauvais prof. Être ''bordélisé'' pour un prof est tout ce qu'il y a de plus honteux (il vaut mieux parler de ses hémorroïdes que d'avouer que les élèves ne vous respectent pas). Alors le prof '' en difficulté'' se tait quand il ne va pas jusqu'à mentir en prétendant que tout va bien. Cette expression, cette étiquette de prof ''en difficulté'', c'est le sceau de l'infamie.
Pour résumer, face aux comportements inadmissibles de certains élèves, et parfois de leurs parents, tout est fait pour que l'enseignant se sente coupable et honteux. N'est-ce pas proprement hallucinant, révoltant ? il vaut mieux, une fois encore prendre de la distance ( et il en faut pour accepter jour après jour de ramer pour simplement être respecté).
Et même quand on ne rencontre pas de problème majeur dans sa gestion de classe, il est bien difficile de poser un cadre aux élèves. Comment faire quand la moindre punition est contestée par les parents (de plus en plus procéduriers), quand les CPE vous ramènent les gamins que vous avez exclus, quand il n'est matériellement plus possible de mettre une heure de colle ? Comment faire pour éduquer ? De toutes façons, on ne manquera pas de vous le rappeler, toutes ces mesures coercitives sont vaines puisque l'enfant est naturellement bon, Rousseau avait raison !
Je ne suis pas en train de dire que tous les élèves sont des bêtes à peine civilisées, ni que tous les enseignants sont ''en difficulté '' . Je dénonce le discours hypocrite et pervers de l'institution, cette tendance à cacher toute la poussière sous le tapis tant que c'est possible, et à accuser l'enseignant quand ça ne l'est pas. Du coup, comment faire ? On se tait et on subit, jusqu'à perdre tout son amour propre ? On entre dans un bras de fer permanent avec la direction et les parents ? On accepte de devenir des animateurs créateurs de projets pédagogiques innovants pour avoir la paix ?
Oui on peut aimer travailler avec des enfants ou des adolescents, mais travailler pour faire quoi ? Pour enseigner ? On le peut de moins en moins . Pour éduquer ? Ça non plus on ne le peut pas. Encore une fois, il vaut mieux venir pour le salaire, sans se poser de questions...
Voilà ce que c'est pour moi, être ''prof'' aujourd'hui. C'est exercer un métier mal défini, pour lequel on est mal formé, mais qui ne consiste ni à enseigner, ni à éduquer, un métier socialement dévalorisant, un métier où l'on est peu soutenu par sa hiérarchie, souvent bien lâche... Alors pour tenir toute une carrière, il me semble qu'il est salvateur de venir pour le salaire.
Et oui je sais, comme pour Lali, il est urgent que je change de métier. Pourtant, j'aimais bien l'idée de transmettre, d'enseigner et même d'éduquer.
Je résumerais l'idée centrale de ton long message, contenant une analyse précise, par une idée maîtresse : les professeurs aimeraient leur métier s'ils le faisaient réellement. Malheureusement, sa dénaturation le rend parfois insupportable à ceux qui se sentent trompés sur le contenu, et qui sont ceux qui portent haut les couleurs de la transmission de savoirs disciplinaires .
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"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)
Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.
Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
- kensingtonEsprit éclairé
Bravo Nuits pour ce texte formidable et Lefteris pour le résumé très juste.
- NLM76Grand Maître
Oui. Il fut un temps où je disais que je souhaitais changer de métier.
— Pour lequel ? me demandaient les copains.
— Professeur de français.
— Pour lequel ? me demandaient les copains.
— Professeur de français.
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Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- AlExpert spécialisé
La question de ce topic m'a également interpelée, à force d'entendre beaucoup de fatalisme dans les discours de certains professeurs. J'ai eu un tel professeur pour le bac français, qui n'estimait pas que notre classe était capable d'apprendre la dissertation, qui nous engu...quand on osait poser des questions, ben j'ai eu mon agreg à l'externe du 1er coup et aujourd'hui j'enseigne à l'exact opposé de ses conceptions sans aucun état d'âme. Je ne vais parler que de mon propre cas mais j'en ai un peu assez d'entendre que la différence entre la prépa agreg et les cours que l'on dispense est insupportable ; ce n'est pas le cas pour moi même si bien sûr ce n'est pas la même chose, personnellement je me méfie plus du jury d'agreg "brillant" que de mes petits secondes ZEP qui sont tout à fait capables "d'éclairs" d'intelligence et de bons réflexes. C'est pas parce qu'on a l'agreg qu'on ne peut pas supporter la réalité actuelle des jeunes, de leur langue, de leur niveau. Je leur parle comme à mes oraux de concours, je n'ai jamais aimé le jargon donc je n'en utilise pas non plus devant eux, par contre j'essaie d'être précise, professionnelle, je ne dis pas "quelque part" ni "je m'excuse" mais "en quelque sorte" et "veuillez m'excuser" et une partie de leur respect envers moi se joue déjà à ce moment là. Ca me fait plaisir, et ça leur fait pas de mal. Je ne me gêne pas pour employer des termes "complexes" (techniques et/ou soutenus) mais comme je sais qu'ils ne les connaissent pas, je les écris au tableau et je les explique (je considère que c'est aussi mon travail). Je donne beaucoup de synonymes. Je fais aussi pas mal d'éducation et là encore, ça ne me choque pas au contraire (c'est peut-être lié à ma matière aussi, je ne dis pas...). C'est une immense satisfaction quand ils cessent de bailler / s'étirer en cours, quand ils disent bonjour / au revoir, quand ils s'écoutent parler les uns les autres, quand ils gomment peu à peu les mots vulgaires de leurs interventions en classe et ensuite dans leurs écrits, quand ils commencent à mieux conjuguer le présent et le passé composé (toujours en seconde) -et je ne dis pas que j'y suis déjà parvenue, la route est longue !. Pour moi c'est mon travail aussi, et c'est bien s'ils connaissent le théâtre classique, mais c'est aussi bien s'ils intériorisent ces repères là que je leur donne, ces bonnes habitudes, pour les oraux des examens à venir / entretiens d'embauche, etc. Je ne laisse personne me dénigrer ou me dire que je ne bosse pas, sans avoir besoin de mentionner le concours obtenu, quand je dis que je suis "prof de français", 90% des réactions c'est "Oh !!! vous avez du courage ! ça va c'est pas trop dur ? ils apprennent encore quelque chose ? vous n'avez pas trop de problèmes de comportement ?" et oui on finit souvent sur une remarque sur les vacances, mais davantage pour dire qu'heureusement qu'il y a ce temps "libre" sinon on tiendrait jamais.
Effectivement je pense que quand (comme moi ^^) on débute, c'est mieux d'avoir un minimum d'envie et de tolérance envers notre "public" que se mettre directement dans l'état d'esprit : "j'attends la retraite" (je l'ai déjà lu ici et ça me choque chez des tout jeunes enseignants) et de tout subir tout en tenant un discours très négatif sur la profession. Il ne faut pas idéaliser le métier et savourer sa chance lorsqu'on tombe dans un endroit pas trop mal ; prendre des forces pour quand ça sera "vraiment" pénible... et savoir se fixer des objectifs cohérents / adaptés (je ne parle évidemment pas des personnes qui ont des années d'expérience derrière elles et qui ont le recul pour juger de la détérioration de leurs conditions de travail, et qui en viennent à considérer leur boulot comme "alimentaire" pour ne pas trop déprimer, attitude que je trouve plutôt saine).
Effectivement je pense que quand (comme moi ^^) on débute, c'est mieux d'avoir un minimum d'envie et de tolérance envers notre "public" que se mettre directement dans l'état d'esprit : "j'attends la retraite" (je l'ai déjà lu ici et ça me choque chez des tout jeunes enseignants) et de tout subir tout en tenant un discours très négatif sur la profession. Il ne faut pas idéaliser le métier et savourer sa chance lorsqu'on tombe dans un endroit pas trop mal ; prendre des forces pour quand ça sera "vraiment" pénible... et savoir se fixer des objectifs cohérents / adaptés (je ne parle évidemment pas des personnes qui ont des années d'expérience derrière elles et qui ont le recul pour juger de la détérioration de leurs conditions de travail, et qui en viennent à considérer leur boulot comme "alimentaire" pour ne pas trop déprimer, attitude que je trouve plutôt saine).
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"C’est le grand nuage des ambitions moroses qui étouffe la voix d’Éros."
- ysabelDevin
un boulot c'est tjs alimentaire, non ?
Enfin, tous ceux que j'ai fait étaient alimentaires... après on peut apprécier sonb boulot ou pas...
Enfin, tous ceux que j'ai fait étaient alimentaires... après on peut apprécier sonb boulot ou pas...
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« vous qui entrez, laissez toute espérance ». Dante
« Il vaut mieux n’avoir rien promis que promettre sans accomplir » (L’Ecclésiaste)
- CondorcetOracle
kensington a écrit:Bravo Nuits pour ce texte formidable et Lefteris pour le résumé très juste.
Itou
- blancheExpert
condorcet a écrit:kensington a écrit:Bravo Nuits pour ce texte formidable et Lefteris pour le résumé très juste.
Itou
+1
- WilliamNiveau 4
Aletheia a écrit:La question de ce topic m'a également interpelée, à force d'entendre beaucoup de fatalisme dans les discours de certains professeurs. J'ai eu un tel professeur pour le bac français, qui n'estimait pas que notre classe était capable d'apprendre la dissertation, qui nous engu...quand on osait poser des questions, ben j'ai eu mon agreg à l'externe du 1er coup et aujourd'hui j'enseigne à l'exact opposé de ses conceptions sans aucun état d'âme. Je ne vais parler que de mon propre cas mais j'en ai un peu assez d'entendre que la différence entre la prépa agreg et les cours que l'on dispense est insupportable ; ce n'est pas le cas pour moi même si bien sûr ce n'est pas la même chose, personnellement je me méfie plus du jury d'agreg "brillant" que de mes petits secondes ZEP qui sont tout à fait capables "d'éclairs" d'intelligence et de bons réflexes. C'est pas parce qu'on a l'agreg qu'on ne peut pas supporter la réalité actuelle des jeunes, de leur langue, de leur niveau. Je leur parle comme à mes oraux de concours, je n'ai jamais aimé le jargon donc je n'en utilise pas non plus devant eux, par contre j'essaie d'être précise, professionnelle, je ne dis pas "quelque part" ni "je m'excuse" mais "en quelque sorte" et "veuillez m'excuser" et une partie de leur respect envers moi se joue déjà à ce moment là. Ca me fait plaisir, et ça leur fait pas de mal. Je ne me gêne pas pour employer des termes "complexes" (techniques et/ou soutenus) mais comme je sais qu'ils ne les connaissent pas, je les écris au tableau et je les explique (je considère que c'est aussi mon travail). Je donne beaucoup de synonymes. Je fais aussi pas mal d'éducation et là encore, ça ne me choque pas au contraire (c'est peut-être lié à ma matière aussi, je ne dis pas...). C'est une immense satisfaction quand ils cessent de bailler / s'étirer en cours, quand ils disent bonjour / au revoir, quand ils s'écoutent parler les uns les autres, quand ils gomment peu à peu les mots vulgaires de leurs interventions en classe et ensuite dans leurs écrits, quand ils commencent à mieux conjuguer le présent et le passé composé (toujours en seconde) -et je ne dis pas que j'y suis déjà parvenue, la route est longue !. Pour moi c'est mon travail aussi, et c'est bien s'ils connaissent le théâtre classique, mais c'est aussi bien s'ils intériorisent ces repères là que je leur donne, ces bonnes habitudes, pour les oraux des examens à venir / entretiens d'embauche, etc. Je ne laisse personne me dénigrer ou me dire que je ne bosse pas, sans avoir besoin de mentionner le concours obtenu, quand je dis que je suis "prof de français", 90% des réactions c'est "Oh !!! vous avez du courage ! ça va c'est pas trop dur ? ils apprennent encore quelque chose ? vous n'avez pas trop de problèmes de comportement ?" et oui on finit souvent sur une remarque sur les vacances, mais davantage pour dire qu'heureusement qu'il y a ce temps "libre" sinon on tiendrait jamais.
Effectivement je pense que quand (comme moi ^^) on débute, c'est mieux d'avoir un minimum d'envie et de tolérance envers notre "public" que se mettre directement dans l'état d'esprit : "j'attends la retraite" (je l'ai déjà lu ici et ça me choque chez des tout jeunes enseignants) et de tout subir tout en tenant un discours très négatif sur la profession. Il ne faut pas idéaliser le métier et savourer sa chance lorsqu'on tombe dans un endroit pas trop mal ; prendre des forces pour quand ça sera "vraiment" pénible... et savoir se fixer des objectifs cohérents / adaptés (je ne parle évidemment pas des personnes qui ont des années d'expérience derrière elles et qui ont le recul pour juger de la détérioration de leurs conditions de travail, et qui en viennent à considérer leur boulot comme "alimentaire" pour ne pas trop déprimer, attitude que je trouve plutôt saine).
Entièrement d'accord !
- EmeraldiaÉrudit
Idem ailleurs qu'en région parisienne, pour économiser, je rogne sur tout le "superflu" et je fais très attention à mon budget nourriture. A 37 ans, après 13 ans d'enseignement, 12 ans de remplacement et Bac + 4, c'est plus que léger. J'envisage de travailler en plus, voir de partir si je trouve mieux.Dinaaa a écrit:pticuicui a écrit:Beaucoup se plaignent du salaire, qui n'est pas mirobolant certes, pour vous quel serait un salaire acceptable voir un bon salaire pour ce qu'on fait, merci de préciser l'ancienneté.
J'ai 10 ans d'ancienneté, j'aimerais juste avoir les moyens de payer mon loyer là où mon employeur me force à résider et de vivre avec mes deux enfants sans avoir besoin du salaire de mon conjoint.
Merde, bac + 5 et 10 ans de bons et loyaux services, ça vaut bien 2500 à 2800€ mensuels, non ?
Actuellement, c'est 1800€ : comment on fait pour payer le loyer d'un T3 et vivre normalement avec ça en région parisienne ?
- EmeraldiaÉrudit
On n'enseigne pas pour la gloire, nous ne sommes pas bénévoles tout de même, comme tout métier, il permet de gagner sa vie.
Moi aussi, j'aime beaucoup préparer mes cours, nous sommes plutôt mal payés mais mieux que dans la plupart des autres domaines qui me plaisent (littéraires ou artistiques...quoique). Quand ça se passe bien, ça peut être vraiment merveilleux...
Mais, il y a des classes vraiment infectes avec lesquelles une heure semblent une éternité, où l'on se fait insulter voire pire. S'ajoute à cela le manque de respect de la hiérarchie ou des parents. Dans certaines conditions, il vaut mieux considérer que c'est alimentaire, sinon, on ne survit pas ! La littérature ne m'aurait pas sauvée dans certains contextes car j'étais l'extraterrestre à humilier et mon public n'en avait que faire de mes études ou de ma passion.
Moi aussi, j'aime beaucoup préparer mes cours, nous sommes plutôt mal payés mais mieux que dans la plupart des autres domaines qui me plaisent (littéraires ou artistiques...quoique). Quand ça se passe bien, ça peut être vraiment merveilleux...
Mais, il y a des classes vraiment infectes avec lesquelles une heure semblent une éternité, où l'on se fait insulter voire pire. S'ajoute à cela le manque de respect de la hiérarchie ou des parents. Dans certaines conditions, il vaut mieux considérer que c'est alimentaire, sinon, on ne survit pas ! La littérature ne m'aurait pas sauvée dans certains contextes car j'étais l'extraterrestre à humilier et mon public n'en avait que faire de mes études ou de ma passion.
- LefterisEsprit sacré
Ce n'est pas seulement le niveau qui est visé ici par beaucoup d'intervenants, ce sont les attitudes , le contexte général, la paresse, le mépris, les parents et tutti quanti .Aletheia a écrit:La question de ce topic m'a également interpelée, à force d'entendre beaucoup de fatalisme dans les discours de certains professeurs. J'ai eu un tel professeur pour le bac français, qui n'estimait pas que notre classe était capable d'apprendre la dissertation, qui nous engu...quand on osait poser des questions, ben j'ai eu mon agreg à l'externe du 1er coup et aujourd'hui j'enseigne à l'exact opposé de ses conceptions sans aucun état d'âme. Je ne vais parler que de mon propre cas mais j'en ai un peu assez d'entendre que la différence entre la prépa agreg et les cours que l'on dispense est insupportable ; ce n'est pas le cas pour moi même si bien sûr ce n'est pas la même chose, personnellement je me méfie plus du jury d'agreg "brillant" que de mes petits secondes ZEP qui sont tout à fait capables "d'éclairs" d'intelligence et de bons réflexes. C'est pas parce qu'on a l'agreg qu'on ne peut pas supporter la réalité actuelle des jeunes, de leur langue, de leur niveau. Je leur parle comme à mes oraux de concours, je n'ai jamais aimé le jargon donc je n'en utilise pas non plus devant eux, par contre j'essaie d'être précise, professionnelle, je ne dis pas "quelque part" ni "je m'excuse" mais "en quelque sorte" et "veuillez m'excuser" et une partie de leur respect envers moi se joue déjà à ce moment là. Ca me fait plaisir, et ça leur fait pas de mal. Je ne me gêne pas pour employer des termes "complexes" (techniques et/ou soutenus) mais comme je sais qu'ils ne les connaissent pas, je les écris au tableau et je les explique (je considère que c'est aussi mon travail). Je donne beaucoup de synonymes. Je fais aussi pas mal d'éducation et là encore, ça ne me choque pas au contraire (c'est peut-être lié à ma matière aussi, je ne dis pas...). C'est une immense satisfaction quand ils cessent de bailler / s'étirer en cours, quand ils disent bonjour / au revoir, quand ils s'écoutent parler les uns les autres, quand ils gomment peu à peu les mots vulgaires de leurs interventions en classe et ensuite dans leurs écrits, quand ils commencent à mieux conjuguer le présent et le passé composé (toujours en seconde) -et je ne dis pas que j'y suis déjà parvenue, la route est longue !. Pour moi c'est mon travail aussi, et c'est bien s'ils connaissent le théâtre classique, mais c'est aussi bien s'ils intériorisent ces repères là que je leur donne, ces bonnes habitudes, pour les oraux des examens à venir / entretiens d'embauche, etc. Je ne laisse personne me dénigrer ou me dire que je ne bosse pas, sans avoir besoin de mentionner le concours obtenu, quand je dis que je suis "prof de français", 90% des réactions c'est "Oh !!! vous avez du courage ! ça va c'est pas trop dur ? ils apprennent encore quelque chose ? vous n'avez pas trop de problèmes de comportement ?" et oui on finit souvent sur une remarque sur les vacances, mais davantage pour dire qu'heureusement qu'il y a ce temps "libre" sinon on tiendrait jamais.
Effectivement je pense que quand (comme moi ^^) on débute, c'est mieux d'avoir un minimum d'envie et de tolérance envers notre "public" que se mettre directement dans l'état d'esprit : "j'attends la retraite" (je l'ai déjà lu ici et ça me choque chez des tout jeunes enseignants) et de tout subir tout en tenant un discours très négatif sur la profession. Il ne faut pas idéaliser le métier et savourer sa chance lorsqu'on tombe dans un endroit pas trop mal ; prendre des forces pour quand ça sera "vraiment" pénible... et savoir se fixer des objectifs cohérents / adaptés (je ne parle évidemment pas des personnes qui ont des années d'expérience derrière elles et qui ont le recul pour juger de la détérioration de leurs conditions de travail, et qui en viennent à considérer leur boulot comme "alimentaire" pour ne pas trop déprimer, attitude que je trouve plutôt saine).
A la limite, le niveau , on s'en tape un peu, même si l'on constate qu'il est souvent déplorable, on sait très bien que le professeur est comme un ordinateur il n'utilise qu'une part infime des connaissances universitaires.
Je comprends tout à fait mes jeunes collègues qui sont déjà désabusés, à quoi s'ajoutent les problèmes matériels divers qui prennent une acuité supplémentaire.
Qu'on mette des passerelles dans la fonction publique, que la mobilité ne soit pas un slogan vide , et ils pourront partir, tandis que ceux qui ont la "vocation" entreront, puisqu'on ne trouve plus assez de monde pour les concours.
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"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)
Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.
Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
- EmeraldiaÉrudit
Je pense au contraire qu'un prof a plus d'une corde à son arc. C'est mon cas et je vois tout à fait une reconversion possible, je ne suis pas la seule, d'autres ont quitté le navire avant moi.Fesseur Pro a écrit:Etonnant tout de même de constater que beaucoup de collègues ne savent faire "que" prof et ne voient aucune reconversion possible hors EN.
- EmeraldiaÉrudit
Sans généraliser, j'ai travaillé en bibliothèque quand j'étais étudiante...et certains ne travaillaient pas d'arrache-pied...C'est plus cool que prof, largement !Carabas a écrit:En même temps, j'ai essayé de me reconvertir : j'ai fait un DUT métiers du livre, j'ai postulé sur des postes d'agent de bibliothèque et je n'ai jamais été prise nulle part. Le problème,c 'est peut-être aussi que prof est tellement mal vu qu'on ne veut pas d'anciens profs dans d'autres métiers? Je l'ai déjà raconté : à un entretien, une bibliothécaire, sur un ton agressif, m'a sorti: "vous savez, ici, on travaille!" Ben ouais pourquoi? Quand on est prof, on fout rien?Fesseur Pro a écrit:Etonnant tout de même de constater que beaucoup de collègues ne savent faire "que" prof et ne voient aucune reconversion possible hors EN.
Si la reconversion était si facile, je pense qu'il y aurait plus de démissions...
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