- LilipommeNiveau 8
Quels philosophes pour soutenir cette thèse : l'homme est naturellement destiné à la culture ?
- RobinFidèle du forum
Maurice Merleau-Ponty, Jean-Paul Sartre (la contestation de la notion de "nature humaine"), Claude Levi-Strauss, Lucien Malson, Paul Sivadon...
- HannibalHabitué du forum
Si on s'y prend bien, on peut quand même le destiner à l'inculture.
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"Quand la pierre tombe sur l'oeuf, malheur à l'oeuf.
Quand l'oeuf tombe sur la pierre, malheur à l'oeuf." (proverbe)
- AbraxasDoyen
Les philosophes cartésiens de façon générale, et ceux des Lumières, à part Rousseau : le vrai débat, c'est de savoir si l'homme au départ est chaos ou harmonie — barbare ou bon sauvage. Tous ceux qui le pensent chaos le destinent à devenir cosmos — matière et pensée organisée. Rousseau seul, en supposant que la civilisation est le désordre, préfère laisser Emile dans les jouissances du bon sauvage qu'il est supposé être — l'apprentissage d'un travail manuel suffira bien.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle certains pédagos modernes (suivez mon regard) militent fermement contre la transmission, l'apprentissage des savoirs, etc. — puisque cela ne pourrait que gâcher l merveilleuse spontanéité et le jugement si vrai de l'enfant… La base du conflit, elle est là — je crois qu'aujourd'hui encore on minimise trop le rôle terrible qu'a joué Rousseau.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle certains pédagos modernes (suivez mon regard) militent fermement contre la transmission, l'apprentissage des savoirs, etc. — puisque cela ne pourrait que gâcher l merveilleuse spontanéité et le jugement si vrai de l'enfant… La base du conflit, elle est là — je crois qu'aujourd'hui encore on minimise trop le rôle terrible qu'a joué Rousseau.
- RuthvenGuide spirituel
Kant, Idée d'une histoire universelle proposition 3 où la culture apparaît paradoxalement comme l'expression d'une providence naturelle. La nature se destitue elle-même.
Et bien sûr, je ne suis pas tout à fait d'accord avec la lecture rousseauiste d'Abraxas. L'Emile n'est pas le refus de la civilisation, mais celui d'une civilisation dans laquelle la vertu n'est pas possible. Il y a d'ailleurs un modèle alternatif pour sortir de la crise, collectif cette fois, avec le Contrat social où Rousseau écrit :
"Ce passage de l'état de nature à l'état civil produit dans l'homme un changement très remarquable, en substituant dans sa conduite la justice à l'instinct, et donnant à ses actions la moralité qui leur manquait auparavant. C'est alors seulement que la voix du devoir succédant à l'impulsion physique et le droit à l'appétit, l'homme, qui jusque-là n'avait regardé que lui-même, se voit forcé d'agir sur d'autres principes, et de consulter sa raison avant d'écouter ses penchants. Quoiqu'il se prive dans cet état de plusieurs avantages qu'il tient de la nature, il en regagne de si grands, ses facultés s'exercent et se développent, ses idées s'étendent, ses sentiments s'ennoblissent, son âme tout entière s'élève à tel point que si les abus de cette nouvelle condition ne le dégradaient souvent au-dessous de celle dont il est sorti, il devrait bénir sans cesse l'instant heureux qui l'en arracha pour jamais, et qui, d'un animal stupide et borné, fit un être intelligent et un homme."
Ce sont bien les abus et les dérives de la civilisation qui pervertissent l'homme, non la civilisation elle-même.
Et bien sûr, je ne suis pas tout à fait d'accord avec la lecture rousseauiste d'Abraxas. L'Emile n'est pas le refus de la civilisation, mais celui d'une civilisation dans laquelle la vertu n'est pas possible. Il y a d'ailleurs un modèle alternatif pour sortir de la crise, collectif cette fois, avec le Contrat social où Rousseau écrit :
"Ce passage de l'état de nature à l'état civil produit dans l'homme un changement très remarquable, en substituant dans sa conduite la justice à l'instinct, et donnant à ses actions la moralité qui leur manquait auparavant. C'est alors seulement que la voix du devoir succédant à l'impulsion physique et le droit à l'appétit, l'homme, qui jusque-là n'avait regardé que lui-même, se voit forcé d'agir sur d'autres principes, et de consulter sa raison avant d'écouter ses penchants. Quoiqu'il se prive dans cet état de plusieurs avantages qu'il tient de la nature, il en regagne de si grands, ses facultés s'exercent et se développent, ses idées s'étendent, ses sentiments s'ennoblissent, son âme tout entière s'élève à tel point que si les abus de cette nouvelle condition ne le dégradaient souvent au-dessous de celle dont il est sorti, il devrait bénir sans cesse l'instant heureux qui l'en arracha pour jamais, et qui, d'un animal stupide et borné, fit un être intelligent et un homme."
Ce sont bien les abus et les dérives de la civilisation qui pervertissent l'homme, non la civilisation elle-même.
- yphrogEsprit éclairé
population du globe quand Augustin nous confie ses Confessions (vers 400): 190-206 millions
population du globe entre le moment où Emile se fait brûler en 1762 et Kant écrit L'Idée d'une histoire universelle du point de vue cosmopolitique en 1784: 629-969 millions
2012: 7 billion served
La femme est-elle culturellement destinée a sa nature?
population du globe entre le moment où Emile se fait brûler en 1762 et Kant écrit L'Idée d'une histoire universelle du point de vue cosmopolitique en 1784: 629-969 millions
2012: 7 billion served
l'homme est naturellement destiné à la culture ?
La femme est-elle culturellement destinée a sa nature?
- RobinFidèle du forum
Il me semble en effet que Rousseau ne critique pas la culture en générale - le mot n'existait pas à cette époque dans le sens où nous l’employons aujourd'hui, on employait plutôt le mot "société", mais l'exploitation du travail d'autrui (Marx dira de l'homme par l'homme), issu de la division du travail et de la propriété privée.
Il ne rêve donc pas tant d'un hypothétique retour à la nature que d'une société vertueuse et "transparente", pour reprendre le terme de Starobinski dans J.J. Rousseau, La transparence et l'obstacle.
La postérité s'est inspirée de Rousseau pour le meilleur, par exemple les "leçons de choses", l'idée que l'enfant n'est pas un "adulte en miniature", l'appel à l'observation et à la réflexion et pour le pire - Célestin Freinet, par exemple, réduisant la grammaire à une brochure de trois pages, et bien entendu l'idée de l'innocence naturelle de l'enfant. Le pédagogisme a caricaturé la pensée de Rousseau, même si Rousseau est effectivement, comme le dit Abraxas, un peu, voire beaucoup responsable des dérives de sa pensée.
Rousseau est un tissu de contradictions. On trouve chez lui des textes qui font l'apologie de la culture (le texte mis en ligne par Ruthven) et de la civilisation et d'autres (L’Émile) qui réduisent la culture (les connaissances) au minimum (avec une différence entre les garçons et les filles... Sophie en saura finalement encore moins qu’Émile). Pour Rousseau, la connaissance est vouée à devenir la complice du mal et il est l'un des seuls penseurs des Lumières qui ne croit pas au progrès (mais comment lui donner tort quand on voir l'utilisation que l'on a fait de la science au XXème siècle ?)
L'enfant n'est pas bon naturellement, il doit être éduqué et confronté à la loi ; on pourra multiplier les observatoires sur la violence, le problème subsistera si on le traite sur des bases philosophiquement aussi fragiles.
En ce qui concerne l’Émile, cet "ovni pédagogique", il faut y voir une réaction contre les excès de la pédagogie à l'époque de Rousseau, notamment la prépondérance excessive du par cœur et le lire plutôt comme un roman que comme un manuel d'éducation.
Il me semble que le gros problème chez Rousseau, c'est sa croyance en la bonté naturelle de l'enfant. Kant croit aussi en la perfectibilité de l'être humain, mais, en bon piétiste, il est beaucoup moins optimiste que Rousseau.
Le mot "culture" est polysémique et désigne tout ce qui se surajoute à la nature : le langage, la technique, l'art, la religion, les règles de parenté..., mais aussi le savoir, le connaissance ("un homme cultivé")
Prune : n'oubliez pas la dimension polysémique du mot ! (culture/cultivé)
Il ne rêve donc pas tant d'un hypothétique retour à la nature que d'une société vertueuse et "transparente", pour reprendre le terme de Starobinski dans J.J. Rousseau, La transparence et l'obstacle.
La postérité s'est inspirée de Rousseau pour le meilleur, par exemple les "leçons de choses", l'idée que l'enfant n'est pas un "adulte en miniature", l'appel à l'observation et à la réflexion et pour le pire - Célestin Freinet, par exemple, réduisant la grammaire à une brochure de trois pages, et bien entendu l'idée de l'innocence naturelle de l'enfant. Le pédagogisme a caricaturé la pensée de Rousseau, même si Rousseau est effectivement, comme le dit Abraxas, un peu, voire beaucoup responsable des dérives de sa pensée.
Rousseau est un tissu de contradictions. On trouve chez lui des textes qui font l'apologie de la culture (le texte mis en ligne par Ruthven) et de la civilisation et d'autres (L’Émile) qui réduisent la culture (les connaissances) au minimum (avec une différence entre les garçons et les filles... Sophie en saura finalement encore moins qu’Émile). Pour Rousseau, la connaissance est vouée à devenir la complice du mal et il est l'un des seuls penseurs des Lumières qui ne croit pas au progrès (mais comment lui donner tort quand on voir l'utilisation que l'on a fait de la science au XXème siècle ?)
L'enfant n'est pas bon naturellement, il doit être éduqué et confronté à la loi ; on pourra multiplier les observatoires sur la violence, le problème subsistera si on le traite sur des bases philosophiquement aussi fragiles.
En ce qui concerne l’Émile, cet "ovni pédagogique", il faut y voir une réaction contre les excès de la pédagogie à l'époque de Rousseau, notamment la prépondérance excessive du par cœur et le lire plutôt comme un roman que comme un manuel d'éducation.
Il me semble que le gros problème chez Rousseau, c'est sa croyance en la bonté naturelle de l'enfant. Kant croit aussi en la perfectibilité de l'être humain, mais, en bon piétiste, il est beaucoup moins optimiste que Rousseau.
Le mot "culture" est polysémique et désigne tout ce qui se surajoute à la nature : le langage, la technique, l'art, la religion, les règles de parenté..., mais aussi le savoir, le connaissance ("un homme cultivé")
Prune : n'oubliez pas la dimension polysémique du mot ! (culture/cultivé)
- JPhMMDemi-dieu
Aristote ?Quels philosophes pour soutenir cette thèse : l'homme est naturellement destiné à la culture ?
En effet, le mot "destiné" impliquant une destination, se poser cette question n'est-ce pas déjà chercher les philosophes de la téléologie ?
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- RobinFidèle du forum
JPhMM a écrit:Aristote ?Quels philosophes pour soutenir cette thèse : l'homme est naturellement destiné à la culture ?
En effet, le mot "destiné" impliquant une destination, se poser cette question n'est-ce pas déjà chercher les philosophes de la téléologie ?
On peut considérer en effet que l'homme est un être de culture en puissance et non en acte. Sans la culture, il n'est ni un animal, ni un homme, mais une aberration, un monstre, comme le montre l'exemple des enfants sauvages. C'est tout le rôle de l'éducation que de faire passer le petit animal humain de la nature à la culture. Mais il faut que cette "puissance" soit en lui (fasse en quelque sorte partie de sa "nature") par exemple la main (la technique) ou les organes phonatoires (la parole). Aristote pose la question de savoir si l'homme pense parce qu'il a une main ou s'il a une main parce qu'il pense.
- HannibalHabitué du forum
Hegel d'une certaine façon, si je n'erre- en gros il y a quelque chose d'insuffisant et d'impensé dans la Nature, qui attend et appelle sa mise au jour et sa reconnaissance par l'Esprit.
L'amusant c'est que le concept de nature est déjà piégé, au fond. Ce n'est pas la matière, le chaos, ou je ne sais quoi. Il y a déjà du logos dans l'idée de nature, l'idée d'une organisation ou d'une logique accessible à l'esprit.
D'une certaine manière, il n'y a de nature que pour la culture, et il se peut en effet que le monde soit destiné à devenir nature à proportion même que l'homme est destiné à devenir culture.
Plus la nature est nature, plus l'esprit est esprit.
L'amusant c'est que le concept de nature est déjà piégé, au fond. Ce n'est pas la matière, le chaos, ou je ne sais quoi. Il y a déjà du logos dans l'idée de nature, l'idée d'une organisation ou d'une logique accessible à l'esprit.
D'une certaine manière, il n'y a de nature que pour la culture, et il se peut en effet que le monde soit destiné à devenir nature à proportion même que l'homme est destiné à devenir culture.
Plus la nature est nature, plus l'esprit est esprit.
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"Quand la pierre tombe sur l'oeuf, malheur à l'oeuf.
Quand l'oeuf tombe sur la pierre, malheur à l'oeuf." (proverbe)
- RobinFidèle du forum
Hannibal a écrit:Hegel d'une certaine façon, si je n'erre- en gros il y a quelque chose d'insuffisant et d'impensé dans la Nature, qui attend et appelle sa mise au jour et sa reconnaissance par l'Esprit.
L'amusant c'est que le concept de nature est déjà piégé, au fond. Ce n'est pas la matière, le chaos, ou je ne sais quoi. Il y a déjà du logos dans l'idée de nature, l'idée d'une organisation ou d'une logique accessible à l'esprit.
D'une certaine manière, il n'y a de nature que pour la culture, et il se peut en effet que le monde soit destiné à devenir nature à proportion même que l'homme est destiné à devenir culture.
Plus la nature est nature, plus l'esprit est esprit.
Hegel s'efforce effectivement de concilier la nature et la culture (la nature et l'esprit). Il suppose que l'Esprit absolu "s'incarne" dans la nature, puis dans l'Histoire et les institutions humaines (cf. phénoménologie de l'Esprit)
- RobinFidèle du forum
Robin a écrit:Hannibal a écrit:Hegel d'une certaine façon, si je n'erre- en gros il y a quelque chose d'insuffisant et d'impensé dans la Nature, qui attend et appelle sa mise au jour et sa reconnaissance par l'Esprit.
L'amusant c'est que le concept de nature est déjà piégé, au fond. Ce n'est pas la matière, le chaos, ou je ne sais quoi. Il y a déjà du logos dans l'idée de nature, l'idée d'une organisation ou d'une logique accessible à l'esprit.
D'une certaine manière, il n'y a de nature que pour la culture, et il se peut en effet que le monde soit destiné à devenir nature à proportion même que l'homme est destiné à devenir culture.
Plus la nature est nature, plus l'esprit est esprit.
Hegel s'efforce effectivement de concilier la nature et la culture (la nature et l'esprit). Il suppose que l'Esprit absolu "s'incarne" dans la nature, puis dans l'Histoire et les institutions humaines (cf. phénoménologie de l'Esprit)
- RobinFidèle du forum
Fausse manœuvre... Mille excuses !
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