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- MoonchildSage
Je reprends ici la discussion entamée sur le forum temporaire (merci Caperucita ), j'avais pensé la fusionner avec le sujet sur l'apprentissage dès quatorze ans mais je me suis ravisé en me disant que ça risquait de ne pas être très lisible. Je vais quoter ci-dessous les messages tirés du forum temporaire - non, je ne suis pas en pleine crise de flood - et je m'excuse par avance pour les oublis et erreurs que je vais inévitablement commettre.
- MoonchildSage
ee a écrit:Dinosaura a écrit:Moonchild a écrit:C'est pas gagné car s'il y a un point de convergence entre les pédagos et la majorité de leurs opposants c'est bien le refus d'une orientation précoce. Les premiers veulent multiplier les innvovations pédagogiques et aligner le tronc commun sur les élèves en échec pour n'en stigmatiser aucun, les seconds soutiennent qu'une formation rigoureuse permettra à tous les élèves d'accéder à la culture humaniste ; mais ces deux visions reposent sur le même orgueil qui pousse à croire que la réussite d'une vie se mesure au temps passé sur les bancs de l'école et que les enseignants, ces êtres éclairés, ont une solution qui vaut pour tous - même s'ils ne sont pas d'accord entre eux sur ladite solution - et qu'en dehors de ce qu'ils proposent il n'y a point de salut. Tout cela implique la mise en place d'un tronc commun jugé de part et d'autre indispensable au futur "citoyen" et aucun des deux camps n'est prêt à accepter qu'on laisse les élèves s'éloigner d'eux avant un certain âge, au contraire la tendance est plutôt à vouloir rehausser le seuil.igniatius a écrit:Eh oui, de toute façon c'était acquis que c'était foutu...
Ils n'ont rien compris.
Je pense que l'on pourra commencer à réellement espérer lors du quinquennat suivant : bcp se seront rendus compte que nous allons vraiment dans le mur.
Enfin j'ai peur qu'alors, nous nous y soyons encastrés...
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J'adhère assez à cette idée d'orgueil, que je lie pour ma part à une conception trop idéaliste de la démocratie (passant nécessairement par l'instruction des masses). Mais conception que l'on aurait dû circonscrire au primaire, comme c'était le cas avant l'instauration du collège unique, au lieu de primariser l'ensemble de la scolarité générale.
Savez-vous d'ailleurs que pendant longtemps (bien avant la mise en place du collège unique), la direction du PCF était opposée à l'allongement de la durée des études ? Cela serait pourtant tenu pour une hérésie réactionnaire aujourd'hui...
Quand je suis en classe, il m'arrive parfois (souvent, dans les périodes de fatigue) de penser que tel ou tel Kévinou serait bien mieux ailleurs.
Quand je suis en stade réflexion, au calme, loin du Kévinou en question, cela ne m'arrive jamais. Et même, je suis favorable à la scolarité obligatoire jusqu'à 18 ans.
Pour plein de raisons, qui sont, en vrac :
- Chaque destin individuel est particulier, mais les statistiques sont quand-même là : ceux qui quittent le plus tôt le système scolaire, ce sont toujours les plus pauvres.
- Il existe quelques métiers pour lesquels il n'y a même pas besoin de savoir lire ou écrire. Il existe aussi quelques enfants qui sont de vrais "chieurs", difficiles à tenir en classe, dès 6 ans. Donc, si on n'est pas dans une logique de "le plus loin possible pour tous", on risque fort de se retrouver dans une logique "sortie le plus tôt possible du système scolaire" (16 ans? 14 ans? 12 ans? 6 ans?)
- Je ne crois pas plus important de comprendre Molière que de savoir planter des pommes de terre. EN revanche, je crois que pour participer à la vie sociale et démocratique, il faut avoir un minimum de culture "classique" (ou de contre culture efficace : au temps où le PCF n'était pas favorable à l'allongement des études pour tous, le prolo fils de prolo avait d'autres ouvertures au monde que TF1. Ne serait-ce que les réunions de cellule)
L'idéalisme en matière de démocratie, c'est peut-être se méfier de la démagogie (genre Le pen) sans accepter que les vraies décisions soient prises par une poignée de technocrates et de financiers... et oui, ça suppose une éducation de masse!
- On se poserait moins de questions si les dispositifs classiques d'accueil d'enfants en réelle difficulté psychique (en "situation de handicap", pour parler nov'langue) n'avaient pas perdu autant de moyens au profit d'une intégration à l'école faite au nom de bons sentiments et, en réalité, dans un soucis d'économis massives.
- On connait tous des profs (ou on est soi même, parfois ; ce n'est hélas pas mon cas) capables de motiver et faire progresser des cancres crasses. C'est donc que c'est possible, même si personne n'a la solution miracle.
- Un ado mal suivi chez lui, mauvais niveau fin de primaire, qu'on envoie en CFA, en réalité, 9 fois sur 10, on l'envoie à la rue.
- Peut-être que les grands pédagogues (pédagogie Freinet, Oury, Montessori...) ont encore des choses à nous apprendre, à nous, les profs.
Liste non exaustive.
Cordialement,
EE
- MoonchildSage
ysabel a écrit:ee a écrit:Quand je suis en classe, il m'arrive parfois (souvent, dans les périodes de fatigue) de penser que tel ou tel Kévinou serait bien mieux ailleurs.
Quand je suis en stade réflexion, au calme, loin du Kévinou en question, cela ne m'arrive jamais. Et même, je suis favorable à la scolarité obligatoire jusqu'à 18 ans.
quelle horreur ! et je parle en tant que mère, pas en tant que prof ! mon fils déteste l'école depuis le CP et cela s'est empiré avec l'âge. j'ai réussi à le faire sortir du collège en pré-apprentissage après sa 4ème et je n'ai plus le même gamin à la maison : il ne sèche pas le boulot, va faire sa semaine au CFA sans enthousiasme, certes mais il y va sachant que ce n'est que pour 5 jours...
Je ne vois vraiment pas comment il aurait pu rester à l'école jusqu'à 18 ans et le bénéfice qu'il aurait pu en tirer !
- MoonchildSage
igniatius a écrit:ee : il ne s'agit pas de sortir du système ceux qui n'y suivent pas !
Moi je suis pour diversifier les parcours : les gamins qui ne réussissent pas à suivre à un moment donné, pour n'importe quelle raison, on leur propose d'autres formations (moins théoriques, plus pratiques, avec de la découverte). L'objectif serait de pouvoir réintégrer ceux qui le souhaitent et le peuvent dans le cursus de départ plus tard : faire 2 ans en 3 ans par exemple.
Ce que tu dis sur les stats est vrai mais je crains que ce ne soit une réalité permanente : la question est de savoir quelle structure permet de réduire l'effet de l'origine sociale.
Il y a un constat très fort : depuis que l'on a décidé de massifier quoi qu'il arrive, c'est-à-dire en supprimant le redoublement et les filières techno de collège et fin de collège, le taux de classes populaires parmi les classes prépa (future élite sociale) a été divisé par plus que 3 !
Je crois que la faute en incombe à l'abandon de l'ambition d'exigences hautes pour tous, y compris pour les gamins défavorisés.
Aujourd'hui, ce que ces enfants ne reçoivent plus à l'école, ils n'ont aucun endroit pour espérer le retrouver : auparavant, l'école amenait un équilibre face aux gamins issus de milieux favorisés qui, eux, quoi qu'il arrive, compenseront grâce à leur milieu familial.
Quand on supprime la sélection intellectuelle, on conserve seulement la sélection culturelle et ça, c'est ce qui est en train de se produire chez nous.
Je crois d'ailleurs que c'est l'erreur majeure des mouvements pédagogistes des 20 dernières années : ils ont voulu supprimer la pédagogie des contenus, trop sélective, pour la remplacer par une ouverture superficielle à la culture, c'est-à-dire ce qu'ils donnaient à leurs enfants au sein de leur foyer.
Résultat : cette ouverture prend un temps sans cesse croissant sur les contenus, et, comme elle ne s'inscrit pas dans une formation intellectuelle de qualité, elle est peu productive. Et les gamins défavorisés ne recueillent qu'un vernis culturel, sans possibilité d'émerger par leurs qualités intellectuelles.
La reproduction sociale est plus forte que jamais : l'échec des pédagogistes est patent, mais ils refusent de l'admettre.
Sauf leur pape Meirieu, ce qui est étonnant !
Sinon, je souscris à l'analyse de Moonchild.
- MoonchildSage
Dhaiphi a écrit:Non, aucun de ce que je connais ou que j'ai connu non plus.ee a écrit:[- On connait tous des profs (ou on est soi même, parfois ; ce n'est hélas pas mon cas) capables de motiver et faire progresser des cancres crasses. C'est donc que c'est possible, même si personne n'a la solution miracle.
Ce n'est pas avec des exceptions (si seulement elles existent) que l'on peut traiter un problème général.
- MoonchildSage
ee a écrit:à Ysabel :
Comme le dit Dhaiphi, ce n'est pas avec des exceptions que l'on peut traiter un problème général. Et ton fils est manifestement une exception! Exception sociologique : enfant de prof en pré-apprentissage dès la 4eme. Exception tout court : glandeur au collège mais sérieux en CFA. Ton fils doit être une personnalité bien sympathique - à quel métier se forme-t-il?
à Dhaiphi :
Certes, on ne fait pas de politique générale avec des exceptions, mais quand-même, je rêve d'un système scolaire qui tolère (et même, à l'occasion, encourage) les exceptions. Je ne parle pas là de tous les projets fumeux qu'on nous fait avaler sous prétexte d'expérimentation, ou des différentes façons de réduire le nombre de postes en réinventant l'eau tiède. Je parle simplement de liberté pédagogique pour les enseignants d'une part, de capacité à inventer des parcours singuliers pour tel ou tel enfant hors normes d'autre part (y compris le pré apprentissage, pourquoi pas).
à Ignatius :
Une fois admis que je n'ai rien contre le préapprentissage, les lycées de la 2eme chance, le lycée autogéré, l'école du cirque, l'enseignement à domicile avec le CNED, le saut de classe, le redoublement ... et toutes variantes qui, à un moment donné, semblent les meilleures pour un enfant en particulier... Une fois admis, donc, que si je défends un cadre commun, j'aime autant qu'il soit souple et tolérant, ce cadre commun, j'aimerais qu'il soit : école obligatoire jusqu'à 18 ans.
Parce que chaque élévation de l'âge de la scolarité obligatoire a été un progrés (la scolarité obligatoire elle-même en a été un), et parce qu'un tel objectif ne se conçoit pas sans moyens d'une part, diversification des parcours d'autre part.
Après, on est d'accord : l'exigence intellectuelle est moins discriminante que le vague accès à la culture, et une école plus rigoureuse est moins inégalitaire qu'une école pétrie de bons sentiments. Cependant, les pédagogies alternatives ont plutôt fait leurs preuves dans le bon sens, mais elles supposaient un tel investissement humain qu'elles sont restées très rares. Ce qu'on a eu à la place, et qui a fait ses preuves négatives, c'est un "habillage" pédagogies innovantes pour masquer une renonciation. Pas tout à fait la même chose!
Cordialement,
EE
- MoonchildSage
Dhaiphi a écrit:Tout ce qui tu dis est fort beau et souhaitable... mais moi qui suis pragmatique, je répondrai simplement qu'en l'état, le choix est simple (je ne dis pas facile) : l'élève s'adapte à l'école ou il attend que l'école s'adapte à lui...ee a écrit:à Dhaiphi :
Certes, on ne fait pas de politique générale avec des exceptions, mais quand-même, je rêve d'un système scolaire qui tolère (et même, à l'occasion, encourage) les exceptions. Je ne parle pas là de tous les projets fumeux qu'on nous fait avaler sous prétexte d'expérimentation, ou des différentes façons de réduire le nombre de postes en réinventant l'eau tiède. Je parle simplement de liberté pédagogique pour les enseignants d'une part, de capacité à inventer des parcours singuliers pour tel ou tel enfant hors normes d'autre part (y compris le pré apprentissage, pourquoi pas).
- MoonchildSage
Moonchild a écrit:Il est vrai que l'inégalité sociale face aux parcours scolaires est une réalité mais bien que cela soit déplaisant il faut se rendre à l'évidence : le passé/passif culturel existe et aucun système ne peut remettre les compteurs à zéro à chaque génération - sauf à vraiment tout détruire et repartir de zéro au sens propre - et hormis un petit pourcentage de réussites exceptionnelles, à grande échelle les progrès ne peuvent être que graduels. Il vaudrait peut-être mieux abandonner les postures utopistes et cesser de croire que l'école peut totalement effacer l'effet de l'origine sociale ; on gagnerait sans doute beaucoup à adopter un point de vue plus modeste et pragmatique en se fixant comme objectif de limiter cette influence autant que faire se peut - à chercher l'égalité à tout prix, on tombe inévitablement dans les travers égalitaristes.ee a écrit:- Chaque destin individuel est particulier, mais les statistiques sont quand-même là : ceux qui quittent le plus tôt le système scolaire, ce sont toujours les plus pauvres.Ca c'est un biais culturel très français. On pourrait aussi affirmer que dans le monde moderne, on ne peut participer à la vie sociale et démocratique que quand on dispose d'un minimum de culture scientifique, technologique ou économique ; ce qui disqualifie d'emblée la plupart des spécialistes des humanités.ee a écrit:- Je ne crois pas plus important de comprendre Molière que de savoir planter des pommes de terre. EN revanche, je crois que pour participer à la vie sociale et démocratique, il faut avoir un minimum de culture "classique"Ce que je vais dire va certainement paraître choquant de la part d'un enseignant, mais je ne crois pas que l'éducation - au sens scolaire - soit en elle-même un rempart contre le vote populiste ; en revanche un cursus scolaire réussi permet d'obtenir des diplômes et un rang social élevé qui fournissent une protection contre les difficultés qui poussent vers un tel vote. Une éducation de masse n'a cette influence électorale de prévention de la démagogie que sur ceux qui en sont sortis par le haut, ceux qui se sont justement extraits de la masse... et encore, en dépit de toute leur culture, beaucoup de profs se sont laissé séduire par le discours de Mélenchon dont on ne peut pas dire qu'il soit des plus réalistes...ee a écrit:L'idéalisme en matière de démocratie, c'est peut-être se méfier de la démagogie (genre Le pen) sans accepter que les vraies décisions soient prises par une poignée de technocrates et de financiers... et oui, ça suppose une éducation de masse!Il n'est pas certain que les élèves glandeurs au collège mais sérieux - ou simplement corrects - en apprentissage soient une si rare exception.ee a écrit:à Ysabel :
Comme le dit Dhaiphi, ce n'est pas avec des exceptions que l'on peut traiter un problème général. Et ton fils est manifestement une exception! Exception sociologique : enfant de prof en pré-apprentissage dès la 4eme. Exception tout court : glandeur au collège mais sérieux en CFA. Ton fils doit être une personnalité bien sympathique - à quel métier se forme-t-il?
Un système scolaire qui repose sur des exigences disciplinaires ne peut pas convenir à tous les gamins, parce qu'ils n'ont pas tous soit les capacités de suivre, soit la motivation pour rester assis à engranger des savoirs académiques. Par nature, l'école fabrique elle-même une proportion d'élèves qui y sont ingérables mais qui placés dans un autre contexte auraient un comportement très différent ; et je crains que plus on les maintiendra longtemps de force dans un système qui ne leur convient pas et qui génère chez eux de la frustration, plus ils seront ensuite rétifs à tout autre type de formation.
A tout prendre, bien que je sois résolument opposé à leurs projets, je dois reconnaître que les pédagos sont d'une certaine manière plus cohérents avec eux-mêmes que bon nombre de "républicains" : si on veut vraiment garder tous les jeunes dans un tronc commun pendant une durée plus longue sans multiplier les situations de crise, alors il faut aligner les exigences sur les plus faibles, abandonner les critères disciplinaires au profit de l'épanouissement des élèves et revoir de fond en comble l'évaluation quitte à se débarasser des notes.
Ou alors on accepte une orientation - et donc de la sélection, pour employer le mot tabou - plus précoce et on admet que l'apprentissage est préférable pour certains, en prévoyant des dispositifs adaptés pour ensuite permettre à ceux qui le désirent de reprendre un parcours scolaire. Bien sûr, il y a des gamins qui vont aussi échouer en apprentissage, mais est-ce une raison pour fermer cette voie à tous les autres ? D'autant plus que le collège (et bientôt le lycée ?) unique n'apporte absolument aucune solution pour ces cas difficiles.Mais dans cette description, la seule chose "commune" c'est l'âge mimimum de sortie du système ; et c'est exactement ce vers quoi les réformes actuelles nous mènent... sans le dire.ee a écrit:à Dhaiphi :
Certes, on ne fait pas de politique générale avec des exceptions, mais quand-même, je rêve d'un système scolaire qui tolère (et même, à l'occasion, encourage) les exceptions. Je ne parle pas là de tous les projets fumeux qu'on nous fait avaler sous prétexte d'expérimentation, ou des différentes façons de réduire le nombre de postes en réinventant l'eau tiède. Je parle simplement de liberté pédagogique pour les enseignants d'une part, de capacité à inventer des parcours singuliers pour tel ou tel enfant hors normes d'autre part (y compris le pré apprentissage, pourquoi pas).
à Ignatius :
Une fois admis que je n'ai rien contre le préapprentissage, les lycées de la 2eme chance, le lycée autogéré, l'école du cirque, l'enseignement à domicile avec le CNED, le saut de classe, le redoublement ... et toutes variantes qui, à un moment donné, semblent les meilleures pour un enfant en particulier... Une fois admis, donc, que si je défends un cadre commun, j'aime autant qu'il soit souple et tolérant, ce cadre commun, j'aimerais qu'il soit : école obligatoire jusqu'à 18 ans.
Parce que chaque élévation de l'âge de la scolarité obligatoire a été un progrés (la scolarité obligatoire elle-même en a été un), et parce qu'un tel objectif ne se conçoit pas sans moyens d'une part, diversification des parcours d'autre part.Les pédagogies alternatives ont surtout fait leur preuve dans des contextes... alternatifs.ee a écrit:Après, on est d'accord : l'exigeance intellectuelle est moins discriminante que le vague accès à la culture, et une école plus rigoureuse est moins inégalitaire qu'une école pétrie de bons sentiments. Cependant, les pédagogies alternatives ont plutôt fait leurs preuves dans le bon sens, mais elles supposaient un tel investissement humain qu'elles sont restées très rares. Ce qu'on a eu à la place, et qui a fait ses preuves négatives, c'est un "habillage" pédagogies innovantes pour masquer une renonciation. Pas tout à fait la même chose!
Lorsqu'on a cherché à les ériger en modèle institutionnel, il semblerait que cela ait à chaque fois été un désastre.
- MoonchildSage
xphrog a écrit:Moonchild a écrit:beaucoup de profs se sont laissés séduire par le discours de Mélenchon dont on ne peut pas dire qu'il soit des plus réalistes...
Tout comme il ne serait pas très réaliste d'imaginer une économie reposant sur des ressources de plus en plus rares (pétrole, ensuite terres rares), sur la concentration des capitaux dans les mains d'un nombre très restreint d'héritiers, et sur la création de bulles à court terme par des montages de réassurance de crédits non sécurisés.
A vrai dire, je ne suis pas si surpris que ça de voir cette réconciliation d'une politique d'extrême centre avec le "réalisme". Néanmoins, j'espère que je n'ai simplement pas compris la force de ton réalisme.
(article très intéressant dans le Harpers de juin à propos des profs d'universités qui reconnaissent être devenus des entremetteurs pour les financiers de crédits-éducation. Au moins pour l'instant, cela n'a pas encore traversé la Manche, mais ça se rapproche.)
- MoonchildSage
ee a écrit:Bonsoir,
(en m'excusant de si mal maîtriser le système de citations que je préfère tout remettre en forme moi même)Moonchild a écrit: : Il est vrai que l'inégalité sociale face aux parcours scolaires est une réalité mais bien que cela soit déplaisant il faut se rendre à l'évidence : le passé/passif culturel existe et aucun système ne peut remettre les compteurs à zéro à chaque génération - sauf à vraiment tout détruire et repartir de zéro au sens propre - et hormis un petit pourcentage de réussites exceptionnelles, à grande échelle les progrès ne peuvent être que graduels. Il vaudrait peut-être mieux abandonner les postures utopistes et cesser de croire que l'école peut totalement effacer l'effet de l'origine sociale ; on gagnerait sans doute beaucoup à adopter un point de vue plus modeste et pragmatique en se fixant comme objectif de limiter cette influence autant que faire se peut - à chercher l'égalité à tout prix, on tombe inévitablement dans les travers égalitaristes.
La fiscalité n'a jamais permis de réduire à zéro les inégalités de revenus ou de patrimoine. Mais avoir un impôt progressif sur le revenu, qui vise à corriger un peu (ou beaucoup) les inégalités, ou avoir un impôt simplement proportionnel, comme la TVA, qui pèse plus sur les pauvres que sur les riches, ce n'est quand même pas la même chose.
Idem pour la politique scolaire : a-t-elle comme orientation générale d'aggraver les conséquences des inégalités sociales, d'être indifférente à ces inégalités ou de tenter d'en réduire les effets?
Une chose est sûre : dans le monde de la nov'langue que nous connaissons trop bien comme enseignants, prétendre lutter contre l'inégalité a surtout abouti, par la baisse des exigences et le mépris à l'encontre des intellos et de la "grande culture", à l'augmenter. Mais cette nov'langue ne doit pas nous interdire à nous de conserver comme objectif de permettre au plus grand nombre d'aller le plus loin possible. Et que l'école, sous ses diverses formes, soit obligatoire tant qu'on est juridiquement un enfant (jusqu'à 18 ans), ça fait partie de ce "plus loin possible".Je partage le propos de bon sens, la culture (notamment la culture scolaire) ne protège de rien, et la barbarie est la chose du monde la mieux partagée, de l'Allemagne nazie à la grande Serbie, en passant par les Hutus du Rwanda ... En revanche, la culture reste une condition nécessaire du débat démocratique parce qu'elle permet - à ceux qui en font l'effort - de résister aux idées reçues, décoder un discours, tirer les conséquences d'un propos, percevoir les non dits, faire les liens historiques etcMoonchild a écrit:Ce que je vais dire va certainement paraître choquant de la part d'un enseignant, mais je ne crois pas que l'éducation - au sens scolaire - soit en elle-même un rempart contre le vote populiste ; en revanche un cursus scolaire réussi permet d'obtenir des diplômes et un rang social élevé qui fournissent une protection contre les difficultés qui poussent vers un tel vote. Une éducation de masse n'a cette influence électorale de prévention de la démagogie que sur ceux qui en sont sortis par le haut, ceux qui se sont justement extraits de la masse... et encore, en dépit de toute leur culture, beaucoup de profs se sont laissé séduire par le discours de Mélenchon dont on ne peut pas dire qu'il soit des plus réalistes...ee a écrit:L'idéalisme en matière de démocratie, c'est peut-être se méfier de la démagogie (genre Le pen) sans accepter que les vraies décisions soient prises par une poignée de technocrates et de financiers... et oui, ça suppose une éducation de masse!
Je ne partage pas l'emploi du mot "populiste", qui me parait réunir la carpe et le lapin, le démocrate et le fasciste, le souci d'égalité et le rejet de l'autre... Je ne sais pas si Mélenchon est moins réaliste que ceux qui espèrent encore que les Grecs vont mourir pour payer les dettes de leur Etat, mais il ne me parait pas plus "populiste" que n'importe quel candidat souhaitant qu'une majorité vote pour lui.Heureusement qu'aucun système ne peut convenir à tous, sans exception! C'est bien là que se pose, précisément, la question des parcours diversifiés, et à l'occasion de pédagogies différentes. Non comme voie de sortie prématurée, mais comme façon d'assumer pour tous une décision politique : un enfant (et on l'est jusqu'à 18 ans) s'éduque et s'instruit, il est trop jeune pour être salarié (ou chômeur non indemnisé).Moonchild a écrit:Un système scolaire qui repose sur des exigences disciplinaires ne peut pas convenir à tous les gamins, parce qu'ils n'ont pas tous soit les capacités de suivre, soit la motivation pour rester assis à engranger des savoirs académiques. Par nature, l'école fabrique elle-même une proportion d'élèves qui y sont ingérables mais qui placés dans un autre contexte auraient un comportement très différent ; et je crains que plus on les maintiendra longtemps de force dans un système qui ne leur convient pas et qui génère chez eux de la frustration, plus ils seront ensuite rétifs à tout autre type de formation.
En espérant que notre dialogue apparaitra de façon lisible...
Amicalement,
EE
- MoonchildSage
Moonchild a écrit:Mélenchon a eu un mérite c'est d'avoir - tout comme Montebourg, et Chevènement avant eux - amené une réflexion à gauche sur la construction européenne et ses liens avec la finance ; malheureusement, en dépit de cette contribution initale qui à mon avis allait dans le bon sens, il s'est vite caricaturé en tombant dans une radicalité plus ou moins inspirée des expériences râtées du XXème siècle. Plusieurs de ses propositions étaient d'un réalisme très contestable comme par exemple l'augmentation du smic à 1700 €, la régularisation de tous les travailleurs clandestins ou la tranche d'impôt confiscatoire à 100% au delà de je ne sais plus quel seuil (liste non exhaustive - ce ne sont que les premiers points qui me viennent à l'esprit). Pour être franc, quand j'entendais Mélenchon clamer qu'il allait affronter les banques et la finance, il me faisait penser à Sarkozy affirmant en 2007 qu'il irait chercher la croissance avec les dents et ne me paraissait guère plus crédible. A la limite, Mélenchon aurait pu être amusant s'il avait sorti qu'il irait chercher la finance avec un couteau entre les dents.xphrog a écrit:Moonchild a écrit:beaucoup de profs se sont laissés séduire par le discours de Mélenchon dont on ne peut pas dire qu'il soit des plus réalistes...
Tout comme il ne serait pas très réaliste d'imaginer une économie reposant sur des ressources de plus en plus rares (pétrole, ensuite terres rares), sur la concentration des capitaux dans les mains d'un nombre très restreint d'héritiers, et sur la création de bulles à court terme par des montages de réassurance de crédits non sécurisés.
A vrai dire, je ne suis pas si surpris que ça de voir cette réconciliation d'une politique d'extrême centre avec le "réalisme". Néanmoins, j'espère que je n'ai simplement pas compris la force de ton réalisme.
(article très intéressant dans le Harpers de juin à propos des profs d'universités qui reconnaissent être devenus des entremetteurs pour les financiers de crédits-éducation. Au moins pour l'instant, cela n'a pas encore traversé la Manche, mais ça se rapproche.)Nous avons un désaccord sur les moyens à employer : je ne pense pas que l'allongement à 18 ans de la scolarité obligatoire soit une mesure efficace - à mon avis c'est aborder le problème par le mauvais bout.ee a écrit:Idem pour la politique scolaire : a-t-elle comme orientation générale d'aggraver les conséquences des inégalités sociales, d'être indifférente à ces inégalités ou de tenter d'en réduire les effets?
Une chose est sûre : dans le monde de la nov'langue que nous connaissons trop bien comme enseignants, prétendre lutter contre l'inégalité a surtout abouti, par la baisse des exigences et le mépris à l'encontre des intellos et de la "grande culture", à l'augmenter. Mais cette nov'langue ne doit pas nous interdire à nous de conserver comme objectif de permettre au plus grand nombre d'aller le plus loin possible. Et que l'école, sous ses diverses formes, soit obligatoire tant qu'on est juridiquement un enfant (jusqu'à 18 ans), ça fait partie de ce "plus loin possible".
C'est dans les premières années de la scolarité qu'on peut réduire l'effet des inégalités sociales car, il faut être honnête, après il est trop tard : on ne sait pas corriger des difficultés qui sont durablement installées, du moins pas dans un système de masse.
Pour de nombreux élèves, le seuil de saturation scolaire est atteint bien avant 18 ans et sachant qu'on n'arrive déjà pas à leur faire profiter de toutes leurs années de scolarité jusqu'à 16 ans, quel serait le bénéfice de les garder deux années de plus ? Nous aurions juste moins mauvaise conscience puisque nous aurions un peu expié notre privilège culturel en supportant plus longtemps la présence d'élèves perturbateurs dans nos classes.Il faut être bien clair : avec des parcours diversifiés et des pédagogies différentes, on ne parle plus du tout de tronc commun ; sinon on retombe dans la fameuse différenciation pédagogique au sein de classes hétérogènes ce qui, à grande échelle, s'est toujours soldé en pratique par un nivellement par le bas. J'imagine alors qu'on parle plutôt d'un système avec une orientation précoce des élèves dans différentes voies en fonction de leur résultats, ai-je bien compris ?ee a écrit:Heureusement qu'aucun système ne peut convenir à tous, sans exception! C'est bien là que se pose, précisément, la question des parcours diversifiés, et à l'occasion de pédagogies différentes. Non comme voie de sortie prématurée, mais comme façon d'assumer pour tous une décision politique : un enfant (et on l'est jusqu'à 18 ans) s'éduque et s'instruit, il est trop jeune pour être salarié (ou chômeur non indemnisé).
Quant à l'âge de sortie, sous prétexte de valoriser la "grande culture" il ne faudrait peut-être pas mépriser les autres voies : un jeune, même encore à moitié enfant, peut aussi être éduqué et instruit par le travail s'il bénéficie d'un encadrement solide. La notion importante est la transmission d'une culture, que ce soit celle du petit artisan ou la culture ouvrière telle qu'elle existait autrefois dans le monde industriel avant qu'elle ne soit mise à mal par les choix économiques et politiques de ces dernières décennies (dont celui d'allonger la durée des études pour favoriser d'abord le secteur tertiaire puis plus récemment "l'économie de la connaissance"). Je ne suis pas certain que l'enseignant avec sa culture académique soit forcément le plus à même de transmettre quelque chose à jeune qui est justement en rupture avec cette culture académique ; en tant que professionnels nous devrions peut-être (re)connaître nos limites et apprendre à savoir passer le relais au moment approprié - mais encore faut-il que ce relais existe et, là, ça relève d'orientations politiques qui dépassent le domaine de l'éduc' nat'.
- MoonchildSage
Presse-purée a écrit:Ce que tu décris là ressemble au système allemand, non?
Une école primaire jusqu'à l'équivalent du CE1, puis trois filières, accessibles sur tests de niveau (en rapport avec la culture dite académique): une filière d'apprentissage après un tronc commun de quelques années, une filière pro avec un tronc commun plus important - les deux en liens étroits avec le tissu économique local - et une dernière filière, générale, qui amène à l'Abitur (en 12 ou 13 années scolaires).
Les Allemands commencent à laisser ce système de côté et font entrer massivement leurs élèves en gymnasium (filière générale). Je ne sais pas trop pourquoi ils reviennent sur leur système d'ailleurs.
PP
- MoonchildSage
igniatius a écrit:Je crois que le pb rencontré par les Allemands est le manque d'ingénieurs de bon niveau : avec le vieillissement de la population, la taille des cohortes menant des études générales n'est plus suffisante pour assurer le renouvellement de l'élite intellectuelle.
Le modèle allemand me semble mauvais car il est profondément inégalitaire : la plupart des gosses d'immigrés (et les turcs représentent une part de la population allemande nettement plus importante que les personnes d'origine immigrée chez nous) se trouvent orientés très tôt vers les filières pro.
En France, le modèle permettait de promouvoir tous les bons élèves, quelle que soit leur origine sociale : cela est efficace pour la société qui a besoin de former et déceler ses meilleurs éléments et c'est positif socialement car le renouvellement des elites sociales ne se fait pas que par endogamie.
C'est en train de fortement disparaître à mon sens.
Pour l'instant, le supérieur français tient encore le coup et forme des diplômés compétents qui, par exemple, sont recrutés par les allemands.
Mais j'ai la conviction que la réforme du lycée va achever le système : nous avions cette force de former de nombreux intellectuels compétents, je crains que nous ne la perdions très vite.
Comme nous n'avons plus d'industrie (moins que les anglais paraît-il ! ) et que nous n'avons pas la puissance financière des anglo-saxons, que nous restera-t-il ?
Peut-être des gamins épanouis à l'école jusqu'à leurs 18 ans. Bof.
Pour info, l'Allemagne lorgne sur le système scolaire français...
- MoonchildSage
Axel a écrit:igniatius a écrit:Comme nous n'avons plus d'industrie (moins que les anglais paraît-il ! ) et que nous n'avons pas la puissance financière des anglo-saxons, que nous restera-t-il ?
Peut-être des gamins épanouis à l'école jusqu'à leurs 18 ans. Bof.
Ce n'est pas anecdotique pour moi que les "gamins" puissent s'épanouir... D'autant plus que je suis intimement persuadée qu'il est possible et même assez fréquent de ne trouver sa voie qu'à l'âge adulte.
- MoonchildSage
igniatius a écrit:Non mais pour moi non plus : je pointe juste que cet objectif moteur de bcp de réformes récentes provoque une illusion générale pour la population, adultes et surtout gosses.
S'ils sont épanouis, c'est parce qu'ils n'apprennent plus rien, en tous cas pas suffisamment pour une société qui prétend (à juste titre) vouloir se baser sur l'économie de la connaissance.
Lorsque ces gamins rentreront dans la "vraie" vie, la chute sera dure.
Je ceux donc critiquer le fait qu'on prétende les épanouir jusqu'à leurs 18 ans pour les traumatiser ensuite.
Tu piges ce que je veux dire ?
Ah oui, et concernant la voie trouvée à l'âge adulte : je suis entièrement d'accord, c'est pour cela qu'il faut un bagage solide pour pouvoir opérer le choix.
Maintenant, nous n'avons pas tous la possibilité de faire ce que nous voulons : les compromis face à ses moyens personnels sont importants et je crois que le système a perdu bcp de crédibilité en encourageant des gamins dans des voies dans lesquelles ils n'avaient aucune chance de réussite ( je me souviens d'une élève de seconde très faible qui souffrait de ne pouvoir faire S pour faire médecine : le proviseur a autorisé son passage car "c'est le projet de l'élève" etcelle-ci s'est sans surprise effondrée les années suivantes).
Il y a une limite aux choix que l'on peut faire.
- MoonchildSage
Clarinette a écrit:Je ne suis qu'en primaire, alors je vais peut-être dire des bêtises, mais j'ai deux filles qui sont passées par le lycée, donc je pense avoir quelque idée sur la question.
Pensez-vous que parce que les exigences baissent dramatiquement, les élèves en soient plus épanouis ? Au fond d'eux-mêmes, ne perçoivent-ils pas le leurre que représentent le brevet et le bac ? Ne savent-ils pas que le chômage, ou les stages payés au lance-pierres, les attendent dans la majorité des cas ?
Je ne sais pas quelle serait la solution, mais cet étourdissement dans les loisirs, adultes et adolescents confondus, dissimule peut-être une grande angoisse, une peur du vide, qu'il ne faudrait pas négliger.
- MoonchildSage
Axel a écrit:igniatius a écrit:Non mais pour moi non plus : je pointe juste que cet objectif moteur de bcp de réformes récentes provoque une illusion générale pour la population, adultes et surtout gosses.
S'ils sont épanouis, c'est parce qu'ils n'apprennent plus rien, en tous cas pas suffisamment pour une société qui prétend (à juste titre) vouloir se baser sur l'économie de la connaissance.
Lorsque ces gamins rentreront dans la "vraie" vie, la chute sera dure.
Je ceux donc critiquer le fait qu'on prétende les épanouir jusqu'à leurs 18 ans pour les traumatiser ensuite.
Tu piges ce que je veux dire ?
Vi.
C'est le "bof" suivant "épanouis" qui m'a fait réagir. Je rêve d'une école qui permettrait réellement à chacun de trouver du plaisir dans la découverte et l'enrichissement intellectuel, qui éveillerait les possibilités de chacun et leur permettrait d'accomplir toutes leurs potentialités.
Bien sûr que si "épanouir" veut seulement dire "ne pas brimer" pour ensuite se retrouver amer et aigri au chômage je n'y souscris pas le moins du monde.
Il me semble qu'en Angleterre un infirmier peut devenir médecin ? Certes pas du jour au lendemain, mais être faible en maths ne condamne pas une possible vocation.
- MoonchildSage
igniatius a écrit:Oui mais les anglais viennent se faire soigner en France...
La qualité de la formation, tjrs !
Et puis l'élève dont je parlais était très faible partout, pas qu'en maths.
Ceci étant, si les maths n'ont pas une importance capitale en médecine, il ne faut pas se leurrer : ne pas être à même d'assurer un minimum sur les maths en lycée (je ne parle pas d'être brillantissime) n'augure en général pas de grandes capacités en médecine.
C'est en tous cas mon expérience : j'ai le souvenir d'élèves qui ont galeré en maths en lycée mais qui, à force de travail, ont réellement progressé intellectuellement. Elles ont ensuite réussi médecine, parfois en faisant deux premiere année, mais peu importe. Ceux qui n'ont jamais décollé en maths ont échoué, et de très loin, en médecine.
Je garde bcp de contacts avec mes anciens élèves pour justement affiner mon jugement sur ce que nous leur faisons faire.
- MoonchildSage
cath5660 a écrit:Clarinette a écrit:
Pensez-vous que parce que les exigences baissent dramatiquement, les élèves en soient plus épanouis ? Au fond d'eux-mêmes, ne perçoivent-ils pas le leurre que représentent le brevet et le bac ? Ne savent-ils pas que le chômage, ou les stages payés au lance-pierres, les attendent dans la majorité des cas ?
Non.
Arrivés en 2° (pro, en ce qui me concerne), ils continuent à me rire au nez quand je leur dit que maintenant, ce n'est plus comme au collège...Que oui, je sais qu'on leur a toujours dit qu'ils ne réussiraient pas et qu'ils n'auraient pas leur brevet, qu'ils sont maintenant en 2° et que la plupart ont le brevet, mais que maintenant ça change pour de vrai, qu'il faut vraiment me croire...Que sans diplôme ça va être dur question boulot, que même avec le bac, ce n'est pas gagné...
Ils ont tous à me sortir l’exemple de l'élève qui a eu son bac alors qu'il ne venait même pas en cours/de celui qui n'a pas eu son bac mais qui gagne 3000 euros/mois...
Bref, là comme souvent, la parole de l'enseignant n'a aucun poids.
Il faut dire que:
-Celui qui a eu son bac sans venir en cours: ben oui, avec de bonnes notes de stages et des barèmes faits pour donner des points à des copies blanches, c'est faisable.
-Celui qui gagne 3000 euros/mois: oui, au black, dans la maçonnerie, ça se fait.
Alors j'ai raison, en théorie, et pour la majorité, mais... A 15 ans, on se voit toujours comme l'exception.
- MoonchildSage
igniatius a écrit:Clarinette a écrit:Je ne suis qu'en primaire, alors je vais peut-être dire des bêtises, mais j'ai deux filles qui sont passées par le lycée, donc je pense avoir quelque idée sur la question.
Pensez-vous que parce que les exigences baissent dramatiquement, les élèves en soient plus épanouis ? Au fond d'eux-mêmes, ne perçoivent-ils pas le leurre que représentent le brevet et le bac ? Ne savent-ils pas que le chômage, ou les stages payés au lance-pierres, les attendent dans la majorité des cas ?
Je ne sais pas quelle serait la solution, mais cet étourdissement dans les loisirs, adultes et adolescents confondus, dissimule peut-être une grande angoisse, une peur du vide, qu'il ne faudrait pas négliger.
Je ne sais pas s'ils en sont si conscients que ça. Ceux pour qui c'est vrai sont en général ceux qui seront sauvés : leur milieu familial est lucide.
En revanche, je crois que le système, garant de son propre fonctionnement, suffit à tromper les gens qui n'ont pas les codes.
Mais quand je vous le niveau de mes BTS, je sais que leur diplôme ne leur permettra en rien d'exercer le métier correspondant officiellement à l'intitulé de la section : tout est mensonge et mascarade.
Concernant le travail en primaire : dans mon nouveau lycée, je m'étonnais il y a un ou deux mois des protestations de la fcpe contre le travail à la maison, protestations qui ont le don de m'exasperent qd je vois l'incapacité à bosser de mes lycéens.
Et là, à ma grande surprise, une collègue d'HG, charmante au demeurant, me dit : "mais c'est n'importe quoi, c'est inscrit ds la loi, il ne faut pas donner de travail à la maison en primaire."
Devant mon étonnement, je lui demande sa position et elle me dit : "du travail le soir en primaire, les pauvres chéris, ils en ont bien assez ds la journée."
J'ai compris que c'était pas gagné.
Pour info, j'ai appris peu de temps après que cette collègue est aussi formatrice iufm...
- MoonchildSage
susannah_283 a écrit:Je ne crois pas non plus que les enfants soient conscients de l'invalidité de leurs diplômes. J'ai des 3°, que je tente désespérément de convaincre de se mettre au travail de façon méthodique pour acquérir un bon bagage en vue du lycée. Mais ils se contentent d'une implication très superficielle, en se disant que ça viendra tout seul... Et je suis d'accord avec toi, ignatius : ceux qui ont le plus de chance d'être "sauvés" sont ceux dont les parents savent de quoi ils parlent. Mais malgré tout, l'insouciance de ces ados est parfois :shock: et on voudrait leur montrer à quel point on ne leur serine pas les choses juste pour les embêter mais pour les faire progresser! J'imagine que je ne suis pas la seule à constater un terrible manque d'ambition de la part de bons élèves, qui se contentent de correct sans viser l'excellence? et qui pour le coup pourraient se trouver en difficulté au lycée?
- MoonchildSage
Clarinette a écrit:Ceci expliquant cela (je précise que mon mari est formateur IUFM depuis quelques années et qu'il s'arrache les cheveux en constatant les dégâts occasionnés par la doxa ambiante. Certains de ses collègues sont de cet avis, mais ils sont ultra-minoritaires, malheureusement.)igniatius a écrit:Concernant le travail en primaire : dans mon nouveau lycée, je m'étonnais il y a un ou deux mois des protestations de la fcpe contre le travail à la maison, protestations qui ont le don de m'exasperent qd je vois l'incapacité à bosser de mes lycéens.
Et là, à ma grande surprise, une collègue d'HG, charmante au demeurant, me dit : "mais c'est n'importe quoi, c'est inscrit ds la loi, il ne faut pas donner de travail à la maison en primaire."
Devant mon étonnement, je lui demande sa position et elle me dit : "du travail le soir en primaire, les pauvres chéris, ils en ont bien assez ds la journée."
J'ai compris que c'était pas gagné.
Pour info, j'ai appris peu de temps après que cette collègue est aussi formatrice iufm...
Sinon, je n'aimerais pas être adolescent dans cette société qui prône le loisir à tout crin, valorise à outrance les "métiers" futiles mais rémunérateurs (footballeurs, chanteurs...) et discrédite la valeur travail comme étant un attribut du looser moutonnier...
Effectivement, s'en sortent ceux dont le milieu familial représente un contrepoids face aux "valeurs" énoncées ci-dessus. Et encore, nous évoluons dans un environnement amical à nette tendance enseignante, et sommes assez surpris de voir certains enfants d'amis ne rien faire de leur vie et glandouiller vaguement en fac, ou à la maison, sans aucune perspective.
Etre fils de prof ne protège plus nécessairement de l'échec ou de l'impasse.
- MoonchildSage
Iphigenie a écrit:C'est un détail mais je ne suis pas du tout d'accord avec cette expression: le travail n'est pas, et ne doit pas être, à mon sens, une valeur . C'est un moyen, rien qu'un moyen.la valeur travail
Ce qui a disparu ce n'est pas la valeur travail, je pense, c'est la valeur culture. Ils ne fichent rien, ça je confirme, en lycée c'est effrayant au niveau des secondes qui nous arrivent, parce qu'ils n'ont aucun appétit de connaissances.
A la rigueur ils sont dociles pour accomplir des tâches bêtes, mais pas pour réfléchir.
Je m'étonne toujours de voir que les pires andouilles sont toujours partantes soit pour "écrire" sous la dictée (surtout sans réfléchir), souligner les noms, formater les feuilles avec la case "note" et "observations du professeur", certains ajoutent même "signature"- toutes choses qui m'horripilent, j'ai horreur qu'on me dise où je dois mettre ma note ou mes observations!!!!) -ou pour toute activité para-scolaire qui n'implique pas d'activer des neurones...Et à la maison, ils veulent bien imprimer des tonnes de papier, les mettre sous pochette, alouter des illustrations, mais surtout pas les lire... :shock:
- MoonchildSage
Clarinette a écrit:Oui, je sais, la valeur travail, c'est connoté péjorativement, mais tu vois ce que je veux dire. Bien sûr que c'est un moyen, mais un moyen aux fins diversement investies suivant les gens.
D'ailleurs, coïncidence, nous avons eu une conversation animée à table à midi, parce que Grande Fifille, qui venait nous rendre visite aujourd'hui, a passé une année de nonne pour présenter des concours kiné, dont elle attend maintenant fiévreusement les résultats. On ne peut donc pas dire qu'elle se soit économisée cette année.
Et pourtant, au détour de la conversation, elle laisse innocemment échapper une recommandation du type : "L'année prochaine, Petite Fifille entre en médecine, donc il faudra l'épargner." Petite Fifille lui emboîte le pas en citant des témoignages effarants d'étudiants ayant terminé l'année en grande dépression, en totale décrépitude physique, et tout et tout,
Nous lui avons répondu que bien sûr, il faudra qu'elle travaille d'arrache-pied, qu'elle se conforme à une bonne hygiène de vie, mais qu'il était hors de question de la traiter comme un malade en phase terminale.
Elle a l'immense chance de pouvoir poursuivre les études qu'elle souhaite, si difficiles soient-elles, donc je ne vois pas pourquoi on paverait son chemin de pétales de roses en lui élevant une statue. Bien sûr, nous la soutiendrons, et il est à prévoir qu'elle termine son année sur les rotules, année qu'elle a d'ailleurs statisquement beaucoup de chances de redoubler, malgré son excellent niveau scolaire, mais si on ne supporte pas la pression d'une première année de médecine, cela augure bien mal de la suite, de toute façon.
Donc c'est contre ça que je m'insurge, cette idée que, Oh My God, c'est horrible, il va falloir travailler comme un Romain.
Bref, je suis encore un peu en rogne que même des jeunes très ambitieux aient la tentation de se laisser influencer par ce leitmotiv de notre société de consommation : la vie est duuuuuure si on ne peut pas aller en boîte tous les w-e et faire la fêêêête, parce que la vie, ça doit être cooooool et fuuuuun ! :hygl:
- MoonchildSage
eliam a écrit:C'est drôle, c'est une réflexion que je me fait souvent, ça m'horripile leurs cases. Je leur dit souvent qu'ils feraient mieux de réfléchir au contenu de leurs devoirs plutôt qu'à l'emballage.Iphigenie a écrit:C'est un détail mais je ne suis pas du tout d'accord avec cette expression: le travail n'est pas, et ne doit pas être, à mon sens, une valeur . C'est un moyen, rien qu'un moyen.la valeur travail
Ce qui a disparu ce n'est pas la valeur travail, je pense, c'est la valeur culture. Ils ne fichent rien, ça je confirme, en lycée c'est effrayant au niveau des secondes qui nous arrivent, parce qu'ils n'ont aucun appétit de connaissances.
A la rigueur ils sont dociles pour accomplir des tâches bêtes, mais pas pour réfléchir.
Je m'étonne toujours de voir que les pires andouilles sont toujours partantes soit pour "écrire" sous la dictée (surtout sans réfléchir), souligner les noms, formater les feuilles avec la case "note" et "observations du professeur", certains ajoutent même "signature"- toutes choses qui m'horripilent, j'ai horreur qu'on me dise où je dois mettre ma note ou mes observations!!!!) -ou pour toute activité para-scolaire qui n'implique pas d'activer des neurones...Et à la maison, ils veulent bien imprimer des tonnes de papier, les mettre sous pochette, alouter des illustrations, mais surtout pas les lire... :shock:
Cependant, cette année j'ai eu la chance d'avoir une seconde qui s'intéresse et qui réfléchit. Si, si ! Il y en a encore ne désespérez pas ! Enfin, c'est surtout moi qui vois arriver la fin de l'année avec désespoir.
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- A venir : scolarité obligatoire jusqu'à 18 ans
- Il faut expérimenter à grande échelle la libre orientation des élèves en fin de 3e "car nous ne sommes pas capables d'en mesurer toutes les conséquences" (+ libre orientation en fin de 2nde !)
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