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- IsidoriaDoyen
C'est beau, et ça fait du bien de lire ça...
J'ai enseigné quatre ans en ECLAIR enfin à l'époque ça avait un autre nom, mais peu importe. Et c'était dur, les insultes, les larmes, le découragement. Mais l'équipe était soudée, le CDE génial (avant son remplacement), et les heures de réunions diverses ne me faisaient pas peur. J'ai pourtant été volée, gazée à la bombe lacrymo (oui, oui, en classe), menacée, insultée, j'ai même portée deux fois plainte et reçu protection juridique du fonctionnaire.
Et un jour j'ai enfin obtenu ce dont je rêvais: un poste en lycée français à l'étranger.
Et là, autant l'avouer, j'ai rarement eu autant envie de démissionner que maintenant. Mes élèves sont des consommateurs, jamais merci, ils critiquent tout, sont des fainéants comme jamais je n'en ai vus en région parisienne. Quant aux parents, c'est pire que tout, premièrement ils interviennent quand ils veulent sur tout, et critiquent sans arrêt!
Je viens de subir les remontrances de ma CPE PA parce qu'il semblerait que "tes troisièmes ont peur de toi"!!! Ah?? "Mais ne t'inquiète pas je ne pense pas que les parents iront jusqu'à écrire une lettre".
Mais quoi? Ils ont peur parce que je leur dis qu'ils n'ont pas le niveau? Parce que dans cette classe j'ai des élèves dont je ne comprends ni l'oral ni l'écrit? Ils ont peur parce que je les fais travailler? D'ailleurs ils ont dit à la CPE que c'était vrai qu'ils n'arrêtaient pas de bavarder et qu'ils ne travaillaient pas, mais qu'ils aimeraient le faire tranquillement.
Ca me donne envie de baisser les bras.
Ca et les collègues qui alors que je suis représentante du personnel me remettent tout sur le dos comme la fermeture de la 1ère L comme si j'y étais pour quelque chose.
Bref tout ça pour dire que je ne pense pas retourner un jour en ECLAIR mais que ce fut une belle époque, où enseigner avait du sens. J'ai même gardé des contacts avec des élèves qui sont fiers d'avoir leur bac, et qui savent remercier, qui sont simples!
Pfff désolée pour ce coup de gueule j'en ai marre, vivement les vacances...
J'ai enseigné quatre ans en ECLAIR enfin à l'époque ça avait un autre nom, mais peu importe. Et c'était dur, les insultes, les larmes, le découragement. Mais l'équipe était soudée, le CDE génial (avant son remplacement), et les heures de réunions diverses ne me faisaient pas peur. J'ai pourtant été volée, gazée à la bombe lacrymo (oui, oui, en classe), menacée, insultée, j'ai même portée deux fois plainte et reçu protection juridique du fonctionnaire.
Et un jour j'ai enfin obtenu ce dont je rêvais: un poste en lycée français à l'étranger.
Et là, autant l'avouer, j'ai rarement eu autant envie de démissionner que maintenant. Mes élèves sont des consommateurs, jamais merci, ils critiquent tout, sont des fainéants comme jamais je n'en ai vus en région parisienne. Quant aux parents, c'est pire que tout, premièrement ils interviennent quand ils veulent sur tout, et critiquent sans arrêt!
Je viens de subir les remontrances de ma CPE PA parce qu'il semblerait que "tes troisièmes ont peur de toi"!!! Ah?? "Mais ne t'inquiète pas je ne pense pas que les parents iront jusqu'à écrire une lettre".
Mais quoi? Ils ont peur parce que je leur dis qu'ils n'ont pas le niveau? Parce que dans cette classe j'ai des élèves dont je ne comprends ni l'oral ni l'écrit? Ils ont peur parce que je les fais travailler? D'ailleurs ils ont dit à la CPE que c'était vrai qu'ils n'arrêtaient pas de bavarder et qu'ils ne travaillaient pas, mais qu'ils aimeraient le faire tranquillement.
Ca me donne envie de baisser les bras.
Ca et les collègues qui alors que je suis représentante du personnel me remettent tout sur le dos comme la fermeture de la 1ère L comme si j'y étais pour quelque chose.
Bref tout ça pour dire que je ne pense pas retourner un jour en ECLAIR mais que ce fut une belle époque, où enseigner avait du sens. J'ai même gardé des contacts avec des élèves qui sont fiers d'avoir leur bac, et qui savent remercier, qui sont simples!
Pfff désolée pour ce coup de gueule j'en ai marre, vivement les vacances...
- ErgoDevin
Floflo:
Courage Sev2p1!! Repose-toi bien, aussi et oublie ces propos idiots de ta CPE/PA!
Courage Sev2p1!! Repose-toi bien, aussi et oublie ces propos idiots de ta CPE/PA!
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"You went to a long-dead octopus for advice, and you're going to blame *me* for your problems?" -- Once Upon a Time
"The gull was your ordinary gull." -- Wittgenstein's Mistress
« Cède, cède, cède, je le veux ! » écrivait Ronin, le samouraï. (Si vous cherchez un stulo-plyme, de l'encre, récap de juillet 2024)
- dandfNiveau 9
Merci pour ce témoignage Ergo.
Comme toi j'enseigne en éclair et cela depuis quatre ans( Bon mes trois premières années nous n'étions encore qu'une ZEP) et moi aussi j'aime mon collège et les gamins qui le composent.
Merci encore car tes mots me touchent et nous rappellent que le métier de professeur est "à part" et que nous pouvons être fiers de l'exercer!
Comme toi j'enseigne en éclair et cela depuis quatre ans( Bon mes trois premières années nous n'étions encore qu'une ZEP) et moi aussi j'aime mon collège et les gamins qui le composent.
Merci encore car tes mots me touchent et nous rappellent que le métier de professeur est "à part" et que nous pouvons être fiers de l'exercer!
- LédisséEsprit sacré
Sev2p1 a écrit:...
Je viens de subir les remontrances de ma CPE PA parce qu'il semblerait que "tes troisièmes ont peur de toi"!!! Ah?? "Mais ne t'inquiète pas je ne pense pas que les parents iront jusqu'à écrire une lettre".
Mais quoi? Ils ont peur parce que je leur dis qu'ils n'ont pas le niveau? Parce que dans cette classe j'ai des élèves dont je ne comprends ni l'oral ni l'écrit? Ils ont peur parce que je les fais travailler? D'ailleurs ils ont dit à la CPE que c'était vrai qu'ils n'arrêtaient pas de bavarder et qu'ils ne travaillaient pas, mais qu'ils aimeraient le faire tranquillement.
On croit vraiment rêver...
Bon courage face aux imbéciles (pour utiliser un mot gentil)...
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Life is what happens to you while you're making other plans. John Lennon
Life is not governed by will or intention. Life is a question of nerves, and fibres, and slowly built-up cells in which thought hides itself and passion has its dreams. Oscar Wilde
Bien que femme, je me suis permis_ / demandé_ / rendu_ compte / fait_ désirer... etc._
- Marie LaetitiaBon génie
Merci bcp Ergo ! Je dois filer, j'y renviendrai plus tard, mais je reviendrai !
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Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)
Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...
Et on ne dit pas "voir(e) même" mais "voire" ou "même".
- *Fifi*Modérateur
Très beau témoignage Ergo !
Merci !
Merci !
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Pour accéder à la banque de données en HG, merci de lire le règlement ici :
https://www.neoprofs.org/t36320-bdd-hg-reglement
- ErgoDevin
Clap de fin ? :|
Voilà, c’est fait. Hier matin, copine-collègue qui part aussi m’a appelée pour me dire qu’I-prof avait été mis à jour. J’y suis allée, dans un état second et les mots que je n’aurais jamais cru voir un jour se sont affichés à l’écran : « Vous êtes nommé(e) dans l’académie de RENNES ».
Je n’aurais jamais cru les voir un jour – non pas parce que je n’aurais pas les points nécessaires, chacun sachant que quatre à cinq ans de ZEP auraient pu suffire à obtenir le sésame tant convoité (selon les années) mais parce que je n’aurais jamais cru passer quatre ans (cinq en comptant l’année de stage) dans le secondaire.
J’ai passé le CAPES sur un malentendu : c’était la réforme, l’année transitoire de la masterisation et mes enseignants, effrayés par ce qui se préparait (les alarmistes (private joke), nous avaient conseillé de nous inscrire en masse. Dont acte.
Ayant considéré que mener de front première année de doctorat et année de stage était suicidaire, je ne me suis pas tout de suite inscrite en doctorat et je me suis retrouvée T1 et doctorante dans une académie lointaine. L’idée était de postuler sur des postes d’ATER dès la fin de mon année de T1 et de finir ma thèse dans des conditions normalement idéales. Oui mais il y a eu la 1e année que j'ai décrite dans le post initial de ce fil. Dure mais enrichissante. Au Bateau, j’ai découvert que j’étais capable de travailler avec d’autres personnes. Il y a eu madame chef adjointe adorée, bien sûr, mais surtout les collègues, la gestion collective des problèmes d’une classe, d’un élève, les échanges de documents et de cours. Les collègues qui sont devenus des amis, que j’ai vus à l’extérieur, au sport, au ciné, au resto, chez eux tout simplement.
Alors à l’issue de la 1e année, j’avais encore des choses à tester dans le secondaire mais j’avais envie de passer davantage de temps avec ces gens également. Ce n’est pas tous les jours qu’on se découvre une sociabilité.
Se faire des apéritifs après le sport, les uns chez les autres, à parler de tout et n’importe quoi. Des repas à chaque occasion. Se retrouver le dimanche matin pour courir après un ballon et élaborer les meilleures techniques de touchdown. Aller faire une balade dans la forêt avec les enfants. Et d’année en année, cette sociabilité se développe parce que ce sont eux et que je n'aurais pas assez de lignes ni assez de mots.
Mais d’année en année, la situation est de moins en moins tolérable, les choses ont changé au Bateau, vous avez suivi ça et je vous en remercie. Les élèves sont les mêmes, on se fait plaisir en classe, on les retrouve avec plaisir – on découvre leurs frères et sœurs et leurs cousins. Et on compte toujours les petites victoires. Le regard de Cihan (1) qui montre que ça y est, il a compris. Le sourire de Riad qui a réussi. Eliès, le petit timide que j'ai eu en 6e et qui, année après année, dit bonjour dans le couloir, sourit et que je retrouve enfin dans mon nouveau groupe de 3e.
Et on se persuade davantage encore que le problème n’est pas que local (même si...vous avez suivi cela également ), il est "au-dessus", le problème n'est pas l’école. Qu’on aura beau réformer l’école, si on ne change pas les quartiers, si on ne garantit pas l’égalité des droits, cela ne servira à rien.
J’aime ces élèves, j’aime ce que je fais. Mais je ne peux pas supporter ce cynisme dont j'ai déjà plusieurs fois parlé, qui consiste à construire une école à deux vitesses et détruire petit à petit ce qu’elle avait de national. J’en suis encore plus convaincue maintenant qu’avant : c’est l’égalité des droits qu’il faut défendre. Mon impuissance est normale (je ne suis pas wonder woman ) mais insupportable. Vider l’océan à la paille est impossible.
Je citerai dix exemples qui représentent dix catégories dans lesquelles je pourrais ranger trop de noms (ce que je ne ferai pas, chaque enfant étant unique – et oui, là je parle d’enfant et plus d’élève) : il y a Inès qui raconte son agression sexuelle, Christ qui arrive en boîtant, Hugo qui a encore un œil au beurre noir ce matin, Brandon qui dort en classe parce que depuis qu’ils ont dû quitter leur appartement, il dort dans le salon avec ses quatre frères et sœurs dont un nouveau-né, Lina qui se fait frapper sous nos yeux en réunion parents-profs. Il y a Steven qui a porté plainte contre Florian pour harcèlement, Mohamed qui a été agressé sexuellement dans son enfance, et Nagihan aussi, Washington qui a quitté le Congo dans des circonstances troubles à la faveur d’un changement illégal d’identité et qui change de nom en cours d’année, retrouvant son vrai nom et Hamza qui a franchi les frontières dans un camion frigorifique et qui a survécu, lui. Il y a les dossier confidentiels des conseils de discipline.
Que voulez-vous, j’ai toujours su que j’étais une petite nature. Et je ne compte pas les litres de larmes que j’ai versées à la maison, seule, face à ces situations. C’est inadmissible. Inadmissible qu’en France, au XXIe siècle, des enfants soient confrontés à cela. Mais au Bateau, comme dans beaucoup trop d'autres établissements, c’est cela, tous les jours, jour après jour. Et si la salle de classe est une bulle, cela m’a rongée, jour après jour, à hauteur de mon incapacité à aller au travail sans ressentir pleinement les choses. Je n’exclus pas l’idée d’aller consulter un jour, au moins pour parler de tout ça.
On comprendra alors, à la lumière des amitiés que j’ai développées ici et des difficultés sociales auxquelles j’ai été confrontées, que subitement, dans l’après-midi, j’aie pleuré. Sans prévenir, d’un coup, j’ai pleuré. Madame chef adjointe adoré l’a dit, quand on quitte le Bateau, il faut « faire son deuil ». Et je ne sais pas si je suis prête à le faire – même si c’était programmé dès le départ.
1 Comme d’habitude, je change les noms et je ne donne qu'un exemple sinon c'est interminable.
Voilà, c’est fait. Hier matin, copine-collègue qui part aussi m’a appelée pour me dire qu’I-prof avait été mis à jour. J’y suis allée, dans un état second et les mots que je n’aurais jamais cru voir un jour se sont affichés à l’écran : « Vous êtes nommé(e) dans l’académie de RENNES ».
Je n’aurais jamais cru les voir un jour – non pas parce que je n’aurais pas les points nécessaires, chacun sachant que quatre à cinq ans de ZEP auraient pu suffire à obtenir le sésame tant convoité (selon les années) mais parce que je n’aurais jamais cru passer quatre ans (cinq en comptant l’année de stage) dans le secondaire.
J’ai passé le CAPES sur un malentendu : c’était la réforme, l’année transitoire de la masterisation et mes enseignants, effrayés par ce qui se préparait (les alarmistes (private joke), nous avaient conseillé de nous inscrire en masse. Dont acte.
Ayant considéré que mener de front première année de doctorat et année de stage était suicidaire, je ne me suis pas tout de suite inscrite en doctorat et je me suis retrouvée T1 et doctorante dans une académie lointaine. L’idée était de postuler sur des postes d’ATER dès la fin de mon année de T1 et de finir ma thèse dans des conditions normalement idéales. Oui mais il y a eu la 1e année que j'ai décrite dans le post initial de ce fil. Dure mais enrichissante. Au Bateau, j’ai découvert que j’étais capable de travailler avec d’autres personnes. Il y a eu madame chef adjointe adorée, bien sûr, mais surtout les collègues, la gestion collective des problèmes d’une classe, d’un élève, les échanges de documents et de cours. Les collègues qui sont devenus des amis, que j’ai vus à l’extérieur, au sport, au ciné, au resto, chez eux tout simplement.
Alors à l’issue de la 1e année, j’avais encore des choses à tester dans le secondaire mais j’avais envie de passer davantage de temps avec ces gens également. Ce n’est pas tous les jours qu’on se découvre une sociabilité.
Se faire des apéritifs après le sport, les uns chez les autres, à parler de tout et n’importe quoi. Des repas à chaque occasion. Se retrouver le dimanche matin pour courir après un ballon et élaborer les meilleures techniques de touchdown. Aller faire une balade dans la forêt avec les enfants. Et d’année en année, cette sociabilité se développe parce que ce sont eux et que je n'aurais pas assez de lignes ni assez de mots.
Mais d’année en année, la situation est de moins en moins tolérable, les choses ont changé au Bateau, vous avez suivi ça et je vous en remercie. Les élèves sont les mêmes, on se fait plaisir en classe, on les retrouve avec plaisir – on découvre leurs frères et sœurs et leurs cousins. Et on compte toujours les petites victoires. Le regard de Cihan (1) qui montre que ça y est, il a compris. Le sourire de Riad qui a réussi. Eliès, le petit timide que j'ai eu en 6e et qui, année après année, dit bonjour dans le couloir, sourit et que je retrouve enfin dans mon nouveau groupe de 3e.
Et on se persuade davantage encore que le problème n’est pas que local (même si...vous avez suivi cela également ), il est "au-dessus", le problème n'est pas l’école. Qu’on aura beau réformer l’école, si on ne change pas les quartiers, si on ne garantit pas l’égalité des droits, cela ne servira à rien.
J’aime ces élèves, j’aime ce que je fais. Mais je ne peux pas supporter ce cynisme dont j'ai déjà plusieurs fois parlé, qui consiste à construire une école à deux vitesses et détruire petit à petit ce qu’elle avait de national. J’en suis encore plus convaincue maintenant qu’avant : c’est l’égalité des droits qu’il faut défendre. Mon impuissance est normale (je ne suis pas wonder woman ) mais insupportable. Vider l’océan à la paille est impossible.
Je citerai dix exemples qui représentent dix catégories dans lesquelles je pourrais ranger trop de noms (ce que je ne ferai pas, chaque enfant étant unique – et oui, là je parle d’enfant et plus d’élève) : il y a Inès qui raconte son agression sexuelle, Christ qui arrive en boîtant, Hugo qui a encore un œil au beurre noir ce matin, Brandon qui dort en classe parce que depuis qu’ils ont dû quitter leur appartement, il dort dans le salon avec ses quatre frères et sœurs dont un nouveau-né, Lina qui se fait frapper sous nos yeux en réunion parents-profs. Il y a Steven qui a porté plainte contre Florian pour harcèlement, Mohamed qui a été agressé sexuellement dans son enfance, et Nagihan aussi, Washington qui a quitté le Congo dans des circonstances troubles à la faveur d’un changement illégal d’identité et qui change de nom en cours d’année, retrouvant son vrai nom et Hamza qui a franchi les frontières dans un camion frigorifique et qui a survécu, lui. Il y a les dossier confidentiels des conseils de discipline.
Que voulez-vous, j’ai toujours su que j’étais une petite nature. Et je ne compte pas les litres de larmes que j’ai versées à la maison, seule, face à ces situations. C’est inadmissible. Inadmissible qu’en France, au XXIe siècle, des enfants soient confrontés à cela. Mais au Bateau, comme dans beaucoup trop d'autres établissements, c’est cela, tous les jours, jour après jour. Et si la salle de classe est une bulle, cela m’a rongée, jour après jour, à hauteur de mon incapacité à aller au travail sans ressentir pleinement les choses. Je n’exclus pas l’idée d’aller consulter un jour, au moins pour parler de tout ça.
On comprendra alors, à la lumière des amitiés que j’ai développées ici et des difficultés sociales auxquelles j’ai été confrontées, que subitement, dans l’après-midi, j’aie pleuré. Sans prévenir, d’un coup, j’ai pleuré. Madame chef adjointe adoré l’a dit, quand on quitte le Bateau, il faut « faire son deuil ». Et je ne sais pas si je suis prête à le faire – même si c’était programmé dès le départ.
1 Comme d’habitude, je change les noms et je ne donne qu'un exemple sinon c'est interminable.
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"You went to a long-dead octopus for advice, and you're going to blame *me* for your problems?" -- Once Upon a Time
"The gull was your ordinary gull." -- Wittgenstein's Mistress
« Cède, cède, cède, je le veux ! » écrivait Ronin, le samouraï. (Si vous cherchez un stulo-plyme, de l'encre, récap de juillet 2024)
- *Fifi*Modérateur
Courage pour ton départ. Une autre vie s'ouvre à toi
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Pour accéder à la banque de données en HG, merci de lire le règlement ici :
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- ErgoDevin
Complètement. Poste d'ATER ou pas à la rentrée prochaine, ce sera de toute façon très différent.
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"The gull was your ordinary gull." -- Wittgenstein's Mistress
« Cède, cède, cède, je le veux ! » écrivait Ronin, le samouraï. (Si vous cherchez un stulo-plyme, de l'encre, récap de juillet 2024)
- GrypheMédiateur
Tu pleures et je pleure avec toi. C'est malin.
C'est une page qui se tourne, mais d'autres qui s'ouvriront... Je n'aurais jamais quitté mon Bateau précédent (prévention violence) si je n'avais pas été comme aspirée vers un nouveau métier. On revoit les amis, de loin en loin, on rencontre d'autres élèves, d'autres familles, d'autres tragédies. On ne peut rien faire, ou si peu. Mais on se dit qu'en essayant, ensemble, au niveau national, ça pourra aider aussi un peu au niveau local.
On a choisi l'éducation et on se rend compte que les problèmes et les questions sont plus vastes, éducatifs, économiques, politiques.
On n'a pas de forces mais on a envie que les choses s'améliorent. Alors petit à petit, on prend l'un ou l'autre engagement, une goutte d'eau dans l'océan, pour que le Bateau soit moins secoué par les tempêtes de la vie.
On croit que ça marche, un peu, quand tout à coup, à l'autre bout de la rue, on est appelé car il y a un problème insolite. On appelle les services de secours parce qu'on n'a pas de meilleure idée et de fait, c'est bien cela qu'il fallait faire. On repart. On est fatigué mais on continue parce que somme toute, on a beau être asocial, on aime bien les gens, quand même.
Merci Ergo pour tout ce que tu as pu faire avec les élèves du Bateau.
Bonne route et bon voyage pour la suite.
C'est une page qui se tourne, mais d'autres qui s'ouvriront... Je n'aurais jamais quitté mon Bateau précédent (prévention violence) si je n'avais pas été comme aspirée vers un nouveau métier. On revoit les amis, de loin en loin, on rencontre d'autres élèves, d'autres familles, d'autres tragédies. On ne peut rien faire, ou si peu. Mais on se dit qu'en essayant, ensemble, au niveau national, ça pourra aider aussi un peu au niveau local.
On a choisi l'éducation et on se rend compte que les problèmes et les questions sont plus vastes, éducatifs, économiques, politiques.
On n'a pas de forces mais on a envie que les choses s'améliorent. Alors petit à petit, on prend l'un ou l'autre engagement, une goutte d'eau dans l'océan, pour que le Bateau soit moins secoué par les tempêtes de la vie.
On croit que ça marche, un peu, quand tout à coup, à l'autre bout de la rue, on est appelé car il y a un problème insolite. On appelle les services de secours parce qu'on n'a pas de meilleure idée et de fait, c'est bien cela qu'il fallait faire. On repart. On est fatigué mais on continue parce que somme toute, on a beau être asocial, on aime bien les gens, quand même.
Merci Ergo pour tout ce que tu as pu faire avec les élèves du Bateau.
Bonne route et bon voyage pour la suite.
- Marie LaetitiaBon génie
Même si mon établissement est moins dur, ce que tu as écrit ressemble bcp à ce que je ressens. Soulagée de partir et triste de les laisser, collègues et élèves (pas tous non plus ). Je ne crois pas retrouver un jour une ambiance entre collègues aussi chaleureuse (ça va être terrible lors du pot de départ... faudra prévoir les mouchoirs). Les élèves dans ces établissements me semblent aussi plus attachants, à la mesure de ce qu'ils vivent et de ce que représente le collège pour eux. Ils s'attachent plus et nous émeuvent plus.
Bon, on verra bien la suite...
Bon, on verra bien la suite...
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Si tu crois encore qu'il nous faut descendre dans le creux des rues pour monter au pouvoir, si tu crois encore au rêve du grand soir, et que nos ennemis, il faut aller les pendre... Aucun rêve, jamais, ne mérite une guerre. L'avenir dépend des révolutionnaires, mais se moque bien des petits révoltés. L'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerre. Ne sois pas de ceux-là qui vont nous les donner (J. Brel, La Bastille)
Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. [...] Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...
Et on ne dit pas "voir(e) même" mais "voire" ou "même".
- CroustibaptNiveau 7
Merci Ergo pour ce superbe témoignage. Si je ne me trompe pas de ville, j'ai eu de nombreuses formations dans le collège sur le plateau, où était ma tutrice, et j'ai pu admirer le travail et les liens de l'équipe enseignante. Je te tire mon chapeau pour ton enthousiasme. Bravo, vraiment.
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Discipline & Bonté
- IsidoriaDoyen
C'est un très beau témoignage, très touchant, qui me rappelle tellement mon expérience!
J'ai moi aussi passé quatre ans dans un bateau et vécu des expériences similaires... et un jour, j'ai obtenu un poste à l'étranger, le détachement a été accepté et je suis partie.
L'adaptation a été rude, bien plus, je crois qu'au bateau, parce que je ne savais pas faire cours à ces jeunes là, "privilégiés" (même si c'est un peu cliché que de dire ça, car ils rencontrent d'autres difficultés). J'en ai fait pleurer lors de ma première année...
Aujourd'hui, j'ai quelques contacts avec des élèves du bateau, et je suis tellement heureuse d'avoir de leurs nouvelles! J'ai même croisé une élève au marché Saint Pierre l'année dernière, elle m'a reconnue et remerciée, moi j'avoue que si elle ne m'avait pas dit qui elle était je n'aurais pas deviné, qu'est-ce qu'on change de l'adolescence à l'âge adulte!
Bravo Ergo, pour tes larmes et ta sensibilité, pour tout ce que tu as fait là-bas, garde ces quatre ans comme une expérience forte. Et merci encore pour ces mots qui éclairent un peu tous les bateaux que l'on peut connaître.
J'ai moi aussi passé quatre ans dans un bateau et vécu des expériences similaires... et un jour, j'ai obtenu un poste à l'étranger, le détachement a été accepté et je suis partie.
L'adaptation a été rude, bien plus, je crois qu'au bateau, parce que je ne savais pas faire cours à ces jeunes là, "privilégiés" (même si c'est un peu cliché que de dire ça, car ils rencontrent d'autres difficultés). J'en ai fait pleurer lors de ma première année...
Aujourd'hui, j'ai quelques contacts avec des élèves du bateau, et je suis tellement heureuse d'avoir de leurs nouvelles! J'ai même croisé une élève au marché Saint Pierre l'année dernière, elle m'a reconnue et remerciée, moi j'avoue que si elle ne m'avait pas dit qui elle était je n'aurais pas deviné, qu'est-ce qu'on change de l'adolescence à l'âge adulte!
Bravo Ergo, pour tes larmes et ta sensibilité, pour tout ce que tu as fait là-bas, garde ces quatre ans comme une expérience forte. Et merci encore pour ces mots qui éclairent un peu tous les bateaux que l'on peut connaître.
- ErgoDevin
Merci à tous. Je me retrouve en tous points dans ce que vous ajoutez, Gryphe, ML et Isidoria. Sans néo, les choses auraient également été différentes.
Olympias, croustibapt: . Je suis dans le collège d'à côté, croustibapt mais c'est le même genre d'ambiance.
Olympias, croustibapt: . Je suis dans le collège d'à côté, croustibapt mais c'est le même genre d'ambiance.
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"You went to a long-dead octopus for advice, and you're going to blame *me* for your problems?" -- Once Upon a Time
"The gull was your ordinary gull." -- Wittgenstein's Mistress
« Cède, cède, cède, je le veux ! » écrivait Ronin, le samouraï. (Si vous cherchez un stulo-plyme, de l'encre, récap de juillet 2024)
- Thalia de GMédiateur
Ergo : et
Cela a déjà été écrit : témoignage touchant fort, plein d'optimisme aussi.
Cela a déjà été écrit : témoignage touchant fort, plein d'optimisme aussi.
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Le printemps a le parfum poignant de la nostalgie, et l'été un goût de cendres.
Soleil noir de mes mélancolies.
- RendashBon génie
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"Ce serait un bien bel homme s’il n’était pas laid ; il est grand, bâti en Hercule, mais a un teint africain ; des yeux vifs, pleins d’esprit à la vérité, mais qui annoncent toujours la susceptibilité, l’inquiétude ou la rancune, lui donnent un peu l’air féroce, plus facile à être mis en colère qu’en gaieté. Il rit peu, mais il fait rire. [...] Il est sensible et reconnaissant ; mais pour peu qu’on lui déplaise, il est méchant, hargneux et détestable."
- sandGuide spirituel
Bon retour chez toi Ergo !
- BlackMailExpert
Ergo:
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- Spoiler:
I'm watching you.
- ErgoDevin
Merci, sand.
Thalia, Ren', Lapinou:
Thalia, Ren', Lapinou:
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