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- JohnMédiateur
Dans un collège de Seine-Saint-Denis, une enseignante a été giflée par un élève. Voici le récit des événements, légèrement retravaillé à partir du texte de l'une des collègues de l'établissement, et avec l'accord de la collègue.
L'enseignante d'anglais, d'habitude très discrète, a l'air en colère. Elle parle très fort et vite à sa collègue :
- Mais t'as pas vu ce qui s'est passé ? Tu n'as pas réagi !
- Non, je suis désolée, je n'ai rien vu.
- Mais c'est GRAVE, tu te rends compte, tu te rends compte !
Alertés par les cris, quelques professeurs se rassemblent autour du duo. Que se passe-t-il, vous allez bien ? Non, elle ne peut pas aller bien. Elle vient de se faire gifler par un élève de 5e. Choc. Put***, c'est pas vrai. Encore une. Et encore une qu'on va laisser seule, isolée dans sa détresse. Encore un élève qui va s'en sortir. L'escalade de la violence dans ce collège ne cessera donc jamais. [...]
Me revoilà trois mois en arrière, avant mon arrêt, lors des incidents qui nous ont frappé mon ami et moi. La détresse, la colère, le sentiment d'être dépassé et impuissant. J'ai connu tout ça, et c'est ce que ma collègue est en train de connaître. Et je ne veux surtout pas qu'elle reste sans rien faire, sans rien dire. [...]
12h Les profs entrent les uns après les autres dans la salle, on leur parle de l'incident, ils ne s'enfuient pas à la cantine comme ils l'auraient fait d'habitude, ils s'asseoient et essaient d'en savoir plus. [...]
12h20 Une petite assemblée s'est formée, choquée par l'incident, les réactions se font vives.- On ne peut pas laisser passer ça, UNE FOIS DE PLUS. [...] Le Chef propose un discours la semaine prochaine. NON. Ca ne sert à rien, on va encore laisser passer et oublier et laisser un collègue dans la merde. [...] Le ras le bol est collectif.
12h45 fin de la réunion improvisée. Dans les escaliers j'explose en sanglot. Put***, ça aurait du être fait il y a quatre mois ça. Ca aurait du être fait dès les premiers incidents, et ça aurait du être fait en soutien à mon ami. Et c'est maintenant, qu'il est parti, qu'il a souffert qu'on s'en rend compte. Je suis à la fois effondrée et surexcitée, c'est très bizarre.Je ne mange quasiment rien, je suis trop perturbée par ce qu'il vient de se passer. La gifle, les réactions, la décision.
13h je retourne en salle des profs. Une collègue a commencé à rédiger une lettre que l'on va adresser aux parents pour les informer de la situation. Je l'aide à la mettre en forme. Au moment où l'on commence à taper la lettre, on nous informe qu'un surveillant vient d'être très méchamment insulté. Informons les parents de cela aussi. On leur décrit les faits, on les informe de notre décision et des raisons qui nous ont poussé à la prendre. On leur raconte ce qui va arriver à leurs enfants cet après-midi : un rappel des règles élementaires de vie dans un collège, en présence de tous les adultes. La suspension des cours pour les faire réfléchir. La volonté de travailler dans des conditions sereines. L'assurance de leur compréhension et de leur soutien (oui, nous avons travaillé la diplomatie). Puis nous rédigeons un plan détaillé du discours que l'on souhaiterait tenir aux enfants. Rappel des faits ET des antécédents. Respect dû aux adultes et aux élèves. Rôle de l'école. Explication du refus de faire cours dans ces conditions. Monsieur Chef ajoute qu'il ne laissera plus rien passer. Qu'il y aura des conseils de discipline à la pelle s'il le faut. Qu'un élève sans matériel, venu glander et faire le bordel ne sera plus accepté en classe. Qu'on n'acceptera plus les retardataires, ni les élèves qui ne sont pas en rang quand on vient les chercher. Que c'est pas la foire du slip, que ça l'a été trop longtemps, et qu'ici c'est nous, adultes, les maîtres et non eux.
13h30 une armée de profs envahit la cours pour garder les élèves pendant que d'autres chamboulent le réfectoire pour en faire une salle de conférence. Les profs dans la cour doivent surveiller des élèves excités comme des puces par le fait qu'ils n'ont pas cours, qui deviennent de plus en plus agressifs et énervés au fur et à mesure de l'après midi. Ca devient difficile de leur expliquer pourquoi.
De 13h45 à 16h40, niveau par niveau, les élèves sont conviés dans la salle, et nous leur tenons quatre fois le même discours, trois heures durant. Les profs sont déterminés, les chefs aussi. Le ton est calme mais ferme. C'est long car tous les adultes présents ont quelque chose à leur dire. Les 6e ont une réaction normale : ils sont troublés, perturbés par ce qu'on leur annonce. Les 3e et 4e sont un peu plus habitués, mais ils ont la même réaction. Tous sont calmes et à l'écoute.
Les 5e passent en dernier, il est assez tard. Ils sont les premiers concernés parce que c'est un 5e qui a été impliqué dans cette agression, dans la mienne, dans celle de mon ami. Ils sont tout simplement odieux. Ils sont exaspérés, soupirent, ricanent, bavardent, n'écoutent rien, demandent à rentrer chez eux.
Les réactions sont scandaleuses :- Elle l'a mérité aussi, elle a du faire quelque chose pour ça.
- Moi ça m'intéresse pas votre réunion là, j'ai vraiment autre chose à faire.
- Et la prof d'anglais elle va partir elle aussi? Hein ? Comme le CPE et l'autre prof ? On sera débarassé ? (rire de toute la salle)
Une collègue s'énerve, elle leur dit avec une intonation dans la voix que je ne lui connaissais pas qu'ils ne seront pas respectés s'ils ne sont pas respectables. Et vlan. Gros blanc. Prenez ça dans les dents, élèves de 5e. Le CPE n'a pas été viré mais a changé de métier et c'était son choix, et une enseignante a eu des problèmes de santé qui ne les regardaient pas. Version officielle, point barre. Les 5e n'auront pas entendu grand chose, ont refusé de prendre la lettre destinée à leur parents. Mais l'adjointe affirme en fin de réunion qu'ils ne gagneront pas.
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"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
"La nostalgie, c'est plus ce que c'était" (Simone Signoret)
- JPhMMDemi-dieu
L'édifice se fissure. Et la fissure grandit. A toute vitesse.
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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke
Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
- HermionyGuide spirituel
JPhMM a écrit:
L'édifice se fissure. Et la fissure grandit. A toute vitesse.
+10 :shock:
- thetisNiveau 5
Quelle horreur ! J'imagine le courage, la détermination dont les collègues ont dû faire preuve tout au long de l'après-midi et la frustration ressentie face au comportement inqualifiable du groupe 5ème.
- SteredDoyen
Quels élèves au-delà de tout commentaire, ces 5e ! Ils ont un sentiment d'impunité et un manque d'éducation intolérables...
- littlemaryDoyen
Quelle horreur !
Quand je lis ces témoignages, je me dis que parfois je ne mesure pas la chance que j'ai d'être dans mon petit collège rural...
aux enseignants qui vivent ces situations...
Quand je lis ces témoignages, je me dis que parfois je ne mesure pas la chance que j'ai d'être dans mon petit collège rural...
aux enseignants qui vivent ces situations...
- ChocolatGuide spirituel
Quels petits cons !
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- Thalia de GMédiateur
Tout mon soutien à nos collègues. Ce doit être invivable.
Ce témoignage me fait penser à Kétamine.
Ce témoignage me fait penser à Kétamine.
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Le printemps a le parfum poignant de la nostalgie, et l'été un goût de cendres.
Soleil noir de mes mélancolies.
- PryneiaNiveau 9
C'est effarant... Quelle infamie !
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"Leave me alone and let me go to hell by my own route." Calamity Jane
« Nicht ein Wolf ist der Mensch dem Menschen. Er ist ihm Produkt, die totale Ware ist er ihm. » E. Palmetshofer
(« L’homme n’est pas un loup pour l’homme. Il est un produit pour lui, une marchandise, rien de plus. »)
- cristalExpert spécialisé
- PiliGrand sage
Une boule à l'estomac en lisant ça
Courage !
Courage !
- CeladonDemi-dieu
Courage, en effet !
- InstructeurpublicFidèle du forum
Il y a pourtant des solutions :
- L'arrêt de toutes les humiliations infligées aux élèves (fin des notes, des punitions).
- Décloisonner les disciplines et interroger ses pratiques.
- Mettre réellement l'élève au centre du système éducatif en les faisant construire leurs propres savoirs.
- Donner plus de pouvoir aux chefs d'établissements et aux parents d'élève.
- Augmenter le nombre de jours de classe dans l'année.
- etc, etc.
Mais les profs sont tellement rétrogrades, ils ne veulent rien entendre...
- L'arrêt de toutes les humiliations infligées aux élèves (fin des notes, des punitions).
- Décloisonner les disciplines et interroger ses pratiques.
- Mettre réellement l'élève au centre du système éducatif en les faisant construire leurs propres savoirs.
- Donner plus de pouvoir aux chefs d'établissements et aux parents d'élève.
- Augmenter le nombre de jours de classe dans l'année.
- etc, etc.
Mais les profs sont tellement rétrogrades, ils ne veulent rien entendre...
- gelsomina31Grand Maître
Instructeurpublic a écrit:Il y a pourtant des solutions :
- L'arrêt de toutes les humiliations infligées aux élèves (fin des notes, des punitions).
- Décloisonner les disciplines et interroger ses pratiques.
- Mettre réellement l'élève au centre du système éducatif en les faisant construire leurs propres savoirs.
- Donner plus de pouvoir aux chefs d'établissements et aux parents d'élève.
- Augmenter le nombre de jours de classe dans l'année.
- etc, etc.
Mais les profs sont tellement rétrogrades, ils ne veulent rien entendre...
- loup des steppesNeoprof expérimenté
Oui courage à celles et ceux qui vivent des situations de ce type...
Mais si certains CDE et CPE n'avaient pas laissé se dégrader l'ambiance dans les établissements en ne sévissant pas/n'osant pas sévir, et cela dès les premiers problèmes juste pour que leur "image" de chefs/petits chefs ne soit pas entachée par des "incidents" et que leur note/carrière n'en pâtisse pas, bref si certains d'entre eux avaient assumé leur rôle au sein de l'établissement au lieu d'infantiliser les enseignants, voire de reporter toutes les fautes sur ceux-la, confortant donc par laxisme et incompétence caractérisée l’attitude de ces gamins dans l' insolence et les violences... Il sera difficile par la suite de redresser la barre..
Mais si certains CDE et CPE n'avaient pas laissé se dégrader l'ambiance dans les établissements en ne sévissant pas/n'osant pas sévir, et cela dès les premiers problèmes juste pour que leur "image" de chefs/petits chefs ne soit pas entachée par des "incidents" et que leur note/carrière n'en pâtisse pas, bref si certains d'entre eux avaient assumé leur rôle au sein de l'établissement au lieu d'infantiliser les enseignants, voire de reporter toutes les fautes sur ceux-la, confortant donc par laxisme et incompétence caractérisée l’attitude de ces gamins dans l' insolence et les violences... Il sera difficile par la suite de redresser la barre..
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[i] "Là où sont mes pieds, je suis à ma place." prov. Amérindien
"Choose the words you use with care: they create the world around you"
- CarabasVénérable
Le maire qui a giflé un môme a été condamné. C'était de la faute du maire.
Une gamine gifle une prof. Je parie que la gamine n'aura rien et que ce sera la faute de la prof.
Une gamine gifle une prof. Je parie que la gamine n'aura rien et que ce sera la faute de la prof.
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Les chances uniques sur un million se réalisent neuf fois sur dix.
Terry Pratchett
- olive-in-oilSage
C'est abominable
- fandorineNiveau 9
Certes, on est d'accord. Mais faut pas croire non plus que la forte poigne d'un chef peut tout résoudre. J'ai un vif souvenir de mon passage en collège ZEP il y a deux ans (une petite ZEP de province de rien du tout, là même où le premier prix J. de Romilly vient d'être décerné), pourtant bien tenu; entre autres, après que, coup sur coup, des oeufs avaient été lancés sur des professeurs et que personne n'avait voulu (osé?) dénoncer les coupables, une classe ENTIERE s'était fait exclure de l'établissement pendant TOUTE UNE SEMAINE. On a eu un peu plus la paix pendant 5 jours, mais cela n'avait pas mis davantage de plomb dans les têtes pour autant... En ZEP, un CDE qui sévit c'est nécessaire, mais hélas loin d'être suffisant.Mais si certains CDE et CPE n'avaient pas laissé se dégrader l'ambiance dans les établissements en ne sévissant pas/n'osant pas sévir
- User5899Demi-dieu
Sans doute. Mais ce n'est pas à eux que j'en veux. Ca m'étonnerait qu'ils soient devenus tels tout seuls.Stered a écrit:
Quels élèves au-delà de tout commentaire, ces 5e ! Ils ont un sentiment d'impunité et un manque d'éducation intolérables...
- loup des steppesNeoprof expérimenté
fandorine a écrit:Certes, on est d'accord. Mais faut pas croire non plus que la forte poigne d'un chef peut tout résoudre. J'ai un vif souvenir de mon passage en collège ZEP il y a deux ans (une petite ZEP de province de rien du tout, là même où le premier prix J. de Romilly vient d'être décerné), pourtant bien tenu; entre autres, après que, coup sur coup, des oeufs avaient été lancés sur des professeurs et que personne n'avait voulu (osé?) dénoncer les coupables, une classe ENTIERE s'était fait exclure de l'établissement pendant TOUTE UNE SEMAINE. On a eu un peu plus la paix pendant 5 jours, mais cela n'avait pas mis davantage de plomb dans les têtes pour autant... En ZEP, un CDE qui sévit c'est nécessaire, mais hélas loin d'être suffisant.Mais si certains CDE et CPE n'avaient pas laissé se dégrader l'ambiance dans les établissements en ne sévissant pas/n'osant pas sévir
Il ne s'agit pas uniquement des ZEP.
De l'insolence et de la violence verbale, qui peut déboucher sur de la violence physique, il y en a partout...et même dans les établissements fréquentés par des enfants de "bonne famille bourgeoise", à lire les néos ou par expérience on sait très bien que notre société du "mon-chéri-mon-coeur-a-toujours-raison" et de l' "enfant-client-roi-au-centre" a en partie enfanté ce "phénomène"!
Et il ne s'agit pas uniquement de "fermeté" attendue de la part des CDE mais aussi de respect, de sa part comme de celle des CPE, que ces derniers par exemple fassent appliquer les heures de colle (personnellement je n'en mets jamais, mais j' entends/lis régulièrement ici ou dans mon lycée des collègues se plaindre que les heures de colle données par eux ne soient pas faites car des CPE ne soutiennent pas les décisions des profs.
Et puis quand on sait que certains chefs d'établissements ne défendent pas leur personnel, en conseil de classe ou lors d'un conflit avec les parents, comment peut-on espérer que les élèves, voyant les enseignants méprisés, dénigrés et mal-traités par tous, ne finissent pas par faire de même... avec leurs moyens à eux ?
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- User4312Niveau 10
C'est même plus des petits *** à ce niveau là... Comment peut-on avoir un fond aussi ''mauvais'' ?? Le plaisir de faire souffrir et de mépriser l'autre à ce point...
- loup des steppesNeoprof expérimenté
La culture de la "méchanceté pour le plaisir" s'est développée ces dernières années, Yoaken... "culture" (?) largement diffusée par la TV, et déformation médiocre de ce qui était "l'humour incisif", qu'on a vite qualifié de méchant parce que pas toujours compris, de certains humoristes...
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- CondorcetOracle
Thalia de G a écrit: Tout mon soutien à nos collègues. Ce doit être invivable.
Ce témoignage me fait penser à Kétamine.
Itou.
- Luigi_BGrand Maître
Chaque jour apporte son lot de consternation.
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LVM Dernier billet : "Une École si distante"
- MarieLNeoprof expérimenté
condorcet a écrit:Thalia de G a écrit: Tout mon soutien à nos collègues. Ce doit être invivable.
Ce témoignage me fait penser à Kétamine.
Itou.
A juste titre, il me semble.
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Je suis ce que je suis et je suis l'être même, je suis ma volonté en moi-même exaucée - A. Kalda
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