- calistaNiveau 8
Bonsoir,
J'ai lu sur une analyse expliquant que Rimbaud avait traité de manière originale ce sonnet. Analyse sans explication....Je copie colle dessous le poème. Je ne lui trouve rien de particulier .
Quelqu'un pourrait-il me faire voir dans quel mesure il est original? Est-ce un pb de chute? Des 2 tercets? En fait, c'est quoi un sonnet canonique?
Je ne vois pas ce qu'il faut regarder sans doute par méconnaissance du sonnet classique...
Merci d'avance
Voyelles
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,
Golfes d’ombre ; E, candeurs de vapeurs et des tentes,
Lance des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;
U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides
Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ;
O, Suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
- O l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux ! -
J'ai lu sur une analyse expliquant que Rimbaud avait traité de manière originale ce sonnet. Analyse sans explication....Je copie colle dessous le poème. Je ne lui trouve rien de particulier .
Quelqu'un pourrait-il me faire voir dans quel mesure il est original? Est-ce un pb de chute? Des 2 tercets? En fait, c'est quoi un sonnet canonique?
Je ne vois pas ce qu'il faut regarder sans doute par méconnaissance du sonnet classique...
Merci d'avance
Voyelles
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,
Golfes d’ombre ; E, candeurs de vapeurs et des tentes,
Lance des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;
U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides
Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ;
O, Suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
- O l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux ! -
- lebrudu84Niveau 9
Pour le cas "Rimbaud et le sonnet", voici, fauché sur le site référence "abardel.free":
"UN MAÎTRE DU SONNET"
Rimbaud a beaucoup pratiqué le sonnet en 1870 (douze sonnets sur les vingt-deux poèmes du Recueil de Douai), moins en 1871 (neuf sonnets, essentiellement des poèmes d’inspiration obscène ou « zutique »), plus du tout après cette date. Michel Murat a étudié les sonnets de Rimbaud dans le chapitre de son Art de Rimbaud intitulé "Un maître du sonnet" (op. cit. pages 197-225). Il note que tous les sonnets écrits par Rimbaud en 1870 présentent des quatrains construits sur quatre rimes (avec comme schéma dominant : abab cdcd) et peuvent être considérés de ce fait comme irréguliers (ou « libertins »). En revanche, ceux de 1871 sont réguliers. En 1870, Rimbaud écrit sous l’influence de Baudelaire dont le goût pour le « sonnet libertin » est bien connu (sur 76 sonnets que comptent Les Fleurs du Mal, 41 sont des « sonnets libertins »). Par contre, le Rimbaud de 1871 écrit dans un rapport complexe de séduction et de provocation avec un milieu parnassien très rigoureux sur la question des formes poétiques, ce qui explique peut-être la perfection formelle des sonnets rimbaldiens les plus iconoclastes et novateurs sur le plan des thèmes (Sonnet du trou du cul, Oraison du soir, Voyelles, etc.). Dans ses sonnets de 1870, Rimbaud exploite de façon brillante les effets de progression, de pointe ou de chute finale, d’opposition entre le bloc des quatrains et le sizain final, qui constituent traditionnellement l’art du sonnet. A cette fin, il respecte généralement la concordance entre schéma métrique et articulations syntaxiques, sauf dans les sonnets du « cycle bohémien » (Au cabaret vert, La Maline, Ma Bohême) où le deuxième quatrain enjambe sur le premier tercet. Cet écart s’explique aisément par la logique générale de ces textes, où Rimbaud tente de traduire par une désarticulation de la forme (tant au niveau du vers que de la structure d’ensemble) une atmosphère de liberté et d’alanguissement. Concernant les sonnets obscènes de 1871, Michel Murat remarque que la belle facture classique de certains d’entre eux contribue à conserver à ces textes voués à la « mise en scène majestueuse de l’intime » une véritable « dignité dans l’indécence ».
http://abardel.free.fr/glossaire_stylistique/sonnet.htm
Puis, pour la stimulation intellectuelle:
http://abardel.free.fr/petite_anthologie/voyelles_panorama.htm
bonne lecture! :lol:
"UN MAÎTRE DU SONNET"
Rimbaud a beaucoup pratiqué le sonnet en 1870 (douze sonnets sur les vingt-deux poèmes du Recueil de Douai), moins en 1871 (neuf sonnets, essentiellement des poèmes d’inspiration obscène ou « zutique »), plus du tout après cette date. Michel Murat a étudié les sonnets de Rimbaud dans le chapitre de son Art de Rimbaud intitulé "Un maître du sonnet" (op. cit. pages 197-225). Il note que tous les sonnets écrits par Rimbaud en 1870 présentent des quatrains construits sur quatre rimes (avec comme schéma dominant : abab cdcd) et peuvent être considérés de ce fait comme irréguliers (ou « libertins »). En revanche, ceux de 1871 sont réguliers. En 1870, Rimbaud écrit sous l’influence de Baudelaire dont le goût pour le « sonnet libertin » est bien connu (sur 76 sonnets que comptent Les Fleurs du Mal, 41 sont des « sonnets libertins »). Par contre, le Rimbaud de 1871 écrit dans un rapport complexe de séduction et de provocation avec un milieu parnassien très rigoureux sur la question des formes poétiques, ce qui explique peut-être la perfection formelle des sonnets rimbaldiens les plus iconoclastes et novateurs sur le plan des thèmes (Sonnet du trou du cul, Oraison du soir, Voyelles, etc.). Dans ses sonnets de 1870, Rimbaud exploite de façon brillante les effets de progression, de pointe ou de chute finale, d’opposition entre le bloc des quatrains et le sizain final, qui constituent traditionnellement l’art du sonnet. A cette fin, il respecte généralement la concordance entre schéma métrique et articulations syntaxiques, sauf dans les sonnets du « cycle bohémien » (Au cabaret vert, La Maline, Ma Bohême) où le deuxième quatrain enjambe sur le premier tercet. Cet écart s’explique aisément par la logique générale de ces textes, où Rimbaud tente de traduire par une désarticulation de la forme (tant au niveau du vers que de la structure d’ensemble) une atmosphère de liberté et d’alanguissement. Concernant les sonnets obscènes de 1871, Michel Murat remarque que la belle facture classique de certains d’entre eux contribue à conserver à ces textes voués à la « mise en scène majestueuse de l’intime » une véritable « dignité dans l’indécence ».
http://abardel.free.fr/glossaire_stylistique/sonnet.htm
Puis, pour la stimulation intellectuelle:
http://abardel.free.fr/petite_anthologie/voyelles_panorama.htm
bonne lecture! :lol:
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Bravo, tu as saisi la différence entre l'auxiliaire "être" et l'auxiliaire "avoir"!
- Palombella RossaNeoprof expérimenté
Voir aussi André Gendre, L'Evolution du sonnet français (PUF) : une mine !
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_1997_num_75_3_4203_t1_0858_0000_2
- PhilomèleNiveau 9
Bonjour,
En complément d'André Gendre (je recommande aussi chaudement), faire une révision des aspects métriques avec le petit livre de Michèle Aquien, La versification appliquée aux textes, Armand Colin. Il y a quelques pages sur la forme sonnet, qui est une forme semi-fixe.
Pour ce sonnet, voir aussi les passages qui correspondent à l'étude du rythme : Rimbaud joue sur les discordances entre la structure du vers (division en hémistiches, césure, fin de vers) et la structure de la syntaxe : effets de déséquilibres rythmiques liés aux enjambements internes et externes. Même chose avec les strophes, qui débordent de l'une à l'autre, et estompent les articulations classiques du sonnet (bascule du sonnet entre quatrains et sizain, existence d'un distique autonome au début du sizain). Rimbaud désarticule la forme sonnet.
Bien entendu, commenter aussi le décalage (paradoxal, provocateur) entre la forme poétique et la syntaxe, la forme poétique et le contenu.
En complément d'André Gendre (je recommande aussi chaudement), faire une révision des aspects métriques avec le petit livre de Michèle Aquien, La versification appliquée aux textes, Armand Colin. Il y a quelques pages sur la forme sonnet, qui est une forme semi-fixe.
Pour ce sonnet, voir aussi les passages qui correspondent à l'étude du rythme : Rimbaud joue sur les discordances entre la structure du vers (division en hémistiches, césure, fin de vers) et la structure de la syntaxe : effets de déséquilibres rythmiques liés aux enjambements internes et externes. Même chose avec les strophes, qui débordent de l'une à l'autre, et estompent les articulations classiques du sonnet (bascule du sonnet entre quatrains et sizain, existence d'un distique autonome au début du sizain). Rimbaud désarticule la forme sonnet.
Bien entendu, commenter aussi le décalage (paradoxal, provocateur) entre la forme poétique et la syntaxe, la forme poétique et le contenu.
- calistaNiveau 8
Merci beaucoup pour toutes vos réponses toutes intéréssantes!
C'est vraiment agréable cette solidarité et pour ne pas vous avoir fait poster pour rien, je lis tous vos articles et j'ai acheté la versification appliquée au texte!
C'est vraiment agréable cette solidarité et pour ne pas vous avoir fait poster pour rien, je lis tous vos articles et j'ai acheté la versification appliquée au texte!
- PhilomèleNiveau 9
Sur la désarticulation du vers et de la forme sonnet, peut-être que des lectures sur ce que fait Verlaine pourraient aussi compléter ta réflexion.
Bon courage pour la mise au point sur le vers : l'ouvrage de M. Aquien permet de revoir les bases.
Bon courage pour la mise au point sur le vers : l'ouvrage de M. Aquien permet de revoir les bases.
- AbraxasDoyen
Rien que sur les quatrains de Voyelles, remarquer que Rimbaud n'utilise que des rimes féminines, même s'il n'y en a que deux conformément à la doxa, et qu'il inverse la position d'un quatrain à l'autre, tout en maintenant la structure embrassée.
Suis-je clair ?
De même, la position du distique en tête des tercets est rare — et la syntaxe désarticule la composition du dernier quatrain (rappelons que l'appellation de "tercets" est moderne, au départ, les six derniers vers sont un quatrain + un distique).
Suis-je clair ?
De même, la position du distique en tête des tercets est rare — et la syntaxe désarticule la composition du dernier quatrain (rappelons que l'appellation de "tercets" est moderne, au départ, les six derniers vers sont un quatrain + un distique).
- RyuzakiNiveau 9
Abraxas a écrit:De même, la position du distique en tête des tercets est rare — et la syntaxe désarticule la composition du dernier quatrain (rappelons que l'appellation de "tercets" est moderne, au départ, les six derniers vers sont un quatrain + un distique).
Le fait de mettre le distique avant le quatrain est on ne peut plus classique, on retrouve ça partout. C'est même dans la définition qu'Aquien donne du sonnet : "un sizain correspondant à un distique suivi d'un quatrain à rimes croisées".
- AbraxasDoyen
Mais le quatrain est dissocié — de façon à dissocier le U et le O. De sorte que rythmiquement le premier vers du quatrain final appartient au U, alors que sémantiquement les trois autres qui le prolongent constituent le O.
- RyuzakiNiveau 9
Oui, là je suis d'accord. Mais n'empêche qu'"au départ", les six derniers vers d'un sonnet sont un distique + un quatrain (et non "un quatrain + un distique").
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