- MédéeÉrudit
Bonjour
Je suis en train de corriger des copies de 5e et deux élèves me disent qu'il y a un enjambement dans le poème "Sensation" à cet endroit (v.7-8) :
Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature,- heureux comme avec une femme.
Pour moi il n'y en a pas car le début du vers 8 n'est pas nécessaire à la compréhension du vers 7...
Qu'en pensez-vous ?
Je suis en train de corriger des copies de 5e et deux élèves me disent qu'il y a un enjambement dans le poème "Sensation" à cet endroit (v.7-8) :
Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature,- heureux comme avec une femme.
Pour moi il n'y en a pas car le début du vers 8 n'est pas nécessaire à la compréhension du vers 7...
Qu'en pensez-vous ?
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2020-2021 : T3 - TZR en AFA : 1 collège 6e, 5e + PP 5e
2019-2020 : T2 - TZR en AFA : 2 collèges 6e, 5e, 4e + PP 5e
2018-2019 : T1 - TZR en AFA : 3 collèges 5e, 4e
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- liliepingouinÉrudit
Je dirais qu'il y a un rejet car "par la nature" appartient syntaxiquement au vers précédent.
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Spheniscida qui se prend pour une Alcida.
"Laissons glouglouter les égouts." (J.Ferrat)
"Est-ce qu'on convainc jamais personne?" (R.Badinter)
Même si c'est un combat perdu d'avance, crier est important.
- sinanNiveau 9
Pour moi "par la nature" est complètement circonstanciel de "j'irai", donc ni rejet ni enjambement. Cela dit , de la part d'élèves de cinquième, je ne pénaliserais pas, c'est un essai d'analyse plutôt fin à ce niveau
- LédisséEsprit sacré
"Par la nature" il est séparé du vers précédent par une virgule : cela seul exclut pour moi un enjambement, qui implique un enchaînement sans pause à la fin du vers, là où on en attendrait.
Je ne suis pas tout à fait d'accord - tout dépend ce que ce l'on appelle l'appartenance syntaxique. "J'irai" a déjà un complément circonstanciel de lieu, "par la nature" ne fait qu'ajouter une précision, mais n'est ni nécessaire à la compréhension, ni attendu - de même que "heureux comme avec une femme", apposé au sujet.liliepingouin a écrit:Je dirais qu'il y a un rejet car "par la nature" appartient syntaxiquement au vers précédent.
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Life is what happens to you while you're making other plans. John Lennon
Life is not governed by will or intention. Life is a question of nerves, and fibres, and slowly built-up cells in which thought hides itself and passion has its dreams. Oscar Wilde
Bien que femme, je me suis permis_ / demandé_ / rendu_ compte / fait_ désirer... etc._
- liliepingouinÉrudit
Le vers 7 pourrait faire une unité à lui tout seul, d'accord, mais le vers 8 n'aurait aucun sens ni aucune cohérence syntaxique isolé.
"Par la nature" n'a aucun lien avec le reste du vers 8, il se rattache exclusivement au vers 7. Le tiret dans le vers 8 accentue d'ailleurs la rupture à l'intérieur du vers, et la mise en valeur de "par la nature".
L'accent à la fin du vers sur "bohémien" me semble secondaire par rapport à l'accent sur "nature".
Mais je me trompe peut-être, je n'ai jamais vraiment approfondi la versification.
"Par la nature" n'a aucun lien avec le reste du vers 8, il se rattache exclusivement au vers 7. Le tiret dans le vers 8 accentue d'ailleurs la rupture à l'intérieur du vers, et la mise en valeur de "par la nature".
L'accent à la fin du vers sur "bohémien" me semble secondaire par rapport à l'accent sur "nature".
Mais je me trompe peut-être, je n'ai jamais vraiment approfondi la versification.
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- DeliaEsprit éclairé
Suis-je donc la seule à comprendre : heureux par la nature comme avec une femme ?
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Amadou Hampaté Ba
- bernardoFidèle du forum
Ce qui est sûr c'est que la phrase s'étire sur les deux vers (7 et 8). Si on considère que c'est la définition d'un enjambement, alors, oui, il y a enjambement. L'unité syntaxique ne correspond pas à l'unité métrique (le seul v. 7).
Ce qui donne l'impression d'une rupture, c'est la mise en apposition du groupe adjectival "heureux comme avec une femme" au pronom "je" qui est dans le vers précédent.
Cette rupture entre l'ensemble syntaxique "Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien, / Par la Nature" et l'ensemble syntaxique "heureux comme avec une femme" est cependant atténué car, si on veut 12 syllabes, il faut lier "nature" et "heureux" donc considérer que le -e final de "nature" est muet (natur-heureux).
Ce qui donne l'impression d'une rupture, c'est la mise en apposition du groupe adjectival "heureux comme avec une femme" au pronom "je" qui est dans le vers précédent.
Cette rupture entre l'ensemble syntaxique "Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien, / Par la Nature" et l'ensemble syntaxique "heureux comme avec une femme" est cependant atténué car, si on veut 12 syllabes, il faut lier "nature" et "heureux" donc considérer que le -e final de "nature" est muet (natur-heureux).
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Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
- bernardoFidèle du forum
Delia a écrit:Suis-je donc la seule à comprendre : heureux par la nature comme avec une femme ?
je comprends "par la nature" comme complément de (j') irai > CC de lieu
(rendu) heureux par la nature comme (je suis heureux) avec une femme ?
ça me semble un peu tiré par les cheveux mais en poésie, on peut accepter une interprétation un peu large, je pense
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Fou qui fait le délicat
- MédéeÉrudit
Merci pour vos réponses.
Bon je ne sais pas trop quoi faire. En fait j'avais demandé à mes élèves quelle figure de style on trouve au vers 8. Pour moi cette réponse ne correspond pas à la question mais à votre avis est-ce que je donne quand même une partie des points ?
Bon je ne sais pas trop quoi faire. En fait j'avais demandé à mes élèves quelle figure de style on trouve au vers 8. Pour moi cette réponse ne correspond pas à la question mais à votre avis est-ce que je donne quand même une partie des points ?
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- liliepingouinÉrudit
Je ne pense pas qu'on puisse appeler un enjambement une figure de style. Je ne mettrais pas de point.
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"Est-ce qu'on convainc jamais personne?" (R.Badinter)
Même si c'est un combat perdu d'avance, crier est important.
- bernardoFidèle du forum
Mets le point s'ils ont écrit "personnification" : c'est une figure de style et la nature est personnifiée (voir la majuscule et plus tard : "berce-le chaudement...")
L'enjambement, en effet, n'est pas une figure de style.
L'enjambement, en effet, n'est pas une figure de style.
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Fou qui fait le délicat
- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
Sherlock a écrit:Pour moi il n'y en a pas car le début du vers 8 n'est pas nécessaire à la compréhension du vers 7...
Qu'en pensez-vous ?
Comment as-tu défini l'enjambement ? Si c'est le débordement d'un groupe syntaxique, il n'y en a pas entre les deux vers.
- liliepingouinÉrudit
bernardo a écrit:Mets le point s'ils ont écrit "personnification" : c'est une figure de style et la nature est personnifiée (voir la majuscule et plus tard : "berce-le chaudement...")
L'enjambement, en effet, n'est pas une figure de style.
La majuscule ne me semble pas un argument suffisant pour accepter la personnification.
"Berce-le chaudement", c'est dans "le Dormeur du val", pas dans "Sensation".
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- MédéeÉrudit
Merci pour vos réponses ! Je ne vais donc pas compter de points.
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- bernardoFidèle du forum
liliepingouin a écrit:bernardo a écrit:Mets le point s'ils ont écrit "personnification" : c'est une figure de style et la nature est personnifiée (voir la majuscule et plus tard : "berce-le chaudement...")
L'enjambement, en effet, n'est pas une figure de style.
La majuscule ne me semble pas un argument suffisant pour accepter la personnification.
"Berce-le chaudement", c'est dans "le Dormeur du val", pas dans "Sensation".
ah ! oui !
peut-être pas une personnification en effet...
une déification, éventuellement, mais ce n'est pas une figure de style
bref, pas de point pour "enjambement"
mais alors Sherlok, qu'attendais-tu comme réponse quand tu as posé la question : "relevez une figure de style dans le vers 8 ?" La comparaison j'imagine ? Mais au fait : tu avais posé la question pour le vers 8 ? ou les vers 7 et 8 ? ou tout le poème ?
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- DeliaEsprit éclairé
bernardo a écrit:Delia a écrit:Suis-je donc la seule à comprendre : heureux par la nature comme avec une femme ?
je comprends "par la nature" comme complément de (j') irai > CC de lieu
(rendu) heureux par la nature comme (je suis heureux) avec une femme ?
ça me semble un peu tiré par les cheveux mais en poésie, on peut accepter une interprétation un peu large, je pense
Les deux interprétations coexistent et s'enrichissent mutuellement.
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- SeiGrand Maître
Pour ma part, si un élève de 5e parlait d'enjambement pour ce vers-là, je mettrais une partie des points, voire tous les points. Je trouve que la manière dont Rimbaud joue ici avec la syntaxe pour déstructurer l'alexandrin en ajoutant deux compléments avant le CC "Par la nature" est plus significative que la comparaison et aussi significative que le parallélisme. A mon sens, il est déjà très bien de percevoir cela en 5e.
- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
Je ne trouve pas que la syntaxe déstructure l'alexandrin. Mais je suis d'accord pour dire que la place de ce complément est significative (elle crée éventuellement l'ambiguïté relevée plus haut, dont je doute un peu toutefois à cause du tiret). Ce qu'apporte la métrique, ici, c'est que "Par" se trouve accentué. Le dernier vers rappelle le premier et lie l'espace au temps.
Je ne sais pas ce que j'aurais fait. En 5e, on est en droit d'attendre une interprétation de la chose relevée, ou non ?
Ou une idéification, une abstraction, peut-être.
Je ne sais pas ce que j'aurais fait. En 5e, on est en droit d'attendre une interprétation de la chose relevée, ou non ?
bernardo a écrit:ah ! oui !
peut-être pas une personnification en effet...
une déification, éventuellement, mais ce n'est pas une figure de style Very Happy
Ou une idéification, une abstraction, peut-être.
- bernardoFidèle du forum
Sei a écrit:Pour ma part, si un élève de 5e parlait d'enjambement pour ce vers-là, je mettrais une partie des points, voire tous les points. Je trouve que la manière dont Rimbaud joue ici avec la syntaxe pour déstructurer l'alexandrin en ajoutant deux compléments avant le CC "Par la nature" est plus significative que la comparaison et aussi significative que le parallélisme. A mon sens, il est déjà très bien de percevoir cela en 5e.
Le refus de la réponse "enjambement" est lié, je crois, au fait que ce n'est pas une figure de style (et que ça a pu être mis au hasard si la réponse n'est pas à justifier). Mais sur le fond je suis d'accord avec toi. Ce qui compte c'est d'essayer de comprendre comment ça fonctionne, et non de relever une figure de style.
Dans certains cas (je ne dis pas que c'est le cas ici puisqu'on a très peu d'informations), le poème est utilisé comme prétexte à rechercher des éléments techniques qui permettent d'éviter une confrontation sensible avec le sens. Souvent, quand j'étudie un poème avec mes élèves, leur première remarque est : il y a des rimes croisées. Je me demande bien en quoi cela peut servir (sauf cas particulier). L'essentiel n'est-il pas d'abord de comprendre le sens du texte, c'est-à-dire son enjeu ? Mais c'est autrement plus difficile que de reconnaître une figure de style.
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- NLM76Grand Maître
C'est une façon de voir qu'on rencontre assez fréquemment; mais je pense qu'elle n'est pas la bonne. Lorsqu'il y a enjambement, il n'est pas bon de transformer les vers en prose et d'écraser le temps de passage d'un vers à l'autre. Le temps de la pause peut certes être réduit, mais surtout l'intonation de fin de vers doit marquer qu'on attend la suite, avec une mélodie qui monte.LadyC a écrit:"Par la nature" il est séparé du vers précédent par une virgule : cela seul exclut pour moi un enjambement, qui implique un enchaînement sans pause à la fin du vers, là où on en attendrait.
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Sites du grip :
- http://instruire.fr
- http://grip-editions.fr
Mon site : www.lettresclassiques.fr
«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
NLM76 a écrit:C'est une façon de voir qu'on rencontre assez fréquemment; mais je pense qu'elle n'est pas la bonne. Lorsqu'il y a enjambement, il n'est pas bon de transformer les vers en prose et d'écraser le temps de passage d'un vers à l'autre. Le temps de la pause peut certes être réduit, mais surtout l'intonation de fin de vers doit marquer qu'on attend la suite, avec une mélodie qui monte.LadyC a écrit:"Par la nature" il est séparé du vers précédent par une virgule : cela seul exclut pour moi un enjambement, qui implique un enchaînement sans pause à la fin du vers, là où on en attendrait.
+1. Le vers constitue une unité à part entière, qui ne doit pas être effacée par la syntaxe.
- bernardoFidèle du forum
Oui, d'où Apollinaire : Mon vers est plein d'un vin trembleur.
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