- GaranceNeoprof expérimenté
Pour l'OE "La question de l’homme dans les genres de l’argumentation du XVIIème siècle à nos jours", je prépare une séquence sur les écrivains et la mort. En gros, comment essaient-ils d'appréhender la mort par la littérature.
J'envisage d'étudier :
qu'en pensez-vous ?
J'envisage d'étudier :
- une pensée de Pascal (126 sur le divertissemnt)
une fable de la fontaine (peut-être "la mort et le bûcheron")
"une charogne" de Baudelaire
un poème de queneau : "j'crains pas ça tellment"
qu'en pensez-vous ?
- carlottaHabitué du forum
J'aime bien. Ce sont tes LA?
- GaranceNeoprof expérimenté
oui
en HDA : une vanité+un tableau de Cézanne
des lectures complémentaires
j'enchaîne avec le mythe d'Orphée pour les réécritures
en HDA : une vanité+un tableau de Cézanne
des lectures complémentaires
j'enchaîne avec le mythe d'Orphée pour les réécritures
- carlottaHabitué du forum
Jolie séquence.
Je mettrais La Charogne plutot en LC, mais c'est parce qu'à mon dernier stage sur les nouveaux programmes l'inspecteur a dit qu'il fallait a priori rester dans l'argumentation "pure" avec essais apologues and co...
Pour le 18eme, pourquoi pas la scène de l'auto da fe dans Candide?
Je mettrais La Charogne plutot en LC, mais c'est parce qu'à mon dernier stage sur les nouveaux programmes l'inspecteur a dit qu'il fallait a priori rester dans l'argumentation "pure" avec essais apologues and co...
Pour le 18eme, pourquoi pas la scène de l'auto da fe dans Candide?
- aposiopèseNeoprof expérimenté
idem, j'aurais mis les poèmes dans un groupement de textes complémentaires pour montrer que la vision de l'homme ne se réduit pas aux textes purement argumentatifs.
je pense que pour les L.A. nous devons nous centrer sur des essais, fables et apologues divers (mais j'ai fait un corpus bac avec un extrait de roman, un pamphlet et un poème pour montrer que l'argu est partout)
je pense que pour les L.A. nous devons nous centrer sur des essais, fables et apologues divers (mais j'ai fait un corpus bac avec un extrait de roman, un pamphlet et un poème pour montrer que l'argu est partout)
- GaranceNeoprof expérimenté
Et vous auriez une idée pour des textes XIX et XX...
- carlottaHabitué du forum
Pour le XXeme tu peux aller voir chez semprun ou hannah arendt.
- DorothygellNiveau 2
Hugo pour le XIXème siècle éventuellement.
Je rejoins Carlotta pour Semprun : particulièrement, la mort de Maurice Halbwachs.
Je rejoins Carlotta pour Semprun : particulièrement, la mort de Maurice Halbwachs.
- RuthvenGuide spirituel
Garance a écrit:Et vous auriez une idée pour des textes XIX et XX...
Tolstoï La mort d’Ivan Illitch, Trois morts, Gallimard, 1997, Folio Classique
Dostoïevski F. Les démons (ou Les possédés) Troisième partie chap.VI « La nuit aux milles douleurs » ii
Le suicide de Kirilov: « Si Dieu n’existe pas, alors, je suis Dieu. (...) Si Dieu n’existe pas, alors, toute la volonté est mienne, et je suis obligé d’affirmer mon être libre.(...) Je suis obligé de me tuer, parce que le point essentiel de mon être libre, c’est de me tuer moi-même. » Cf.analyse de Blanchot dans L’espace littéraire
Rilke R.M. Les carnets de Malte Laurids Bridge, Flammarion, 1995, GF (trad.C.Porcell)
« Autrefois, on savait - ou peut-être le pressentait-on - qu’on portait la mort en soi comme le fruit son noyau. »
Rilke R.M. Poésie. Oeuvres 2, Seuil
Mallarmé Igitur, Gallimard, 1976, Poésie
Claudel P. Art poétique, Gallimard, 1984, Poésie (« De la connaissance de l’Homme après sa mort »)
Artaud A. « L’art et la mort » in L’Ombilic des Limbes, Gallimard, 1968, Poésie
Daumal R. Le Contre-Ciel, Gallimard, 1990, Poésie
Ionesco E. Le Roi se meurt, Gallimard, 1963, Folio
Kundera, L’immortalité, Folio
Bataille G. La somme athéologique in Oeuvres complètes V-VI, Gallimard, 1973
Bataille G. L’érotisme in Oeuvres complètes X, Gallimard, 1987 [existe en 10-18 et aussi aux éditions de Minuit]
De Bataille en particulier l'article "La joie devant la mort"
Camus A. Le mythe de Sisyphe, Gallimard, 1942, Folio Essais
Cioran Oeuvres, Quarto Gallimard
Fascination (ou complaisance) face à une mort que l’on vit comme une agonie permanente...
Jankélévitch V. La mort, Flammarion, 1977, Champs
La mort comme tragédie métempirique présentée dans un triple aspect: la mort dans la vie, la mort dans l’instant mortel, la mort dans l’au-delà.
Lévinas E. « La mort et le temps » in Dieu, la mort et le temps, Grasset, 1993, Biblio Essais
Sartre J.-P. L’être et le néant, Gallimard, 1943, Tel p.589-606
La mort comme contingence.
Beauvoir S. de, Tous les hommes sont mortels, Folio
Blanchot M. L’espace littéraire, Gallimard, 1955, Folio Essais chap.IV « L’oeuvre et l’espace de la mort » p.103-210
Blanchot M. De Kafka à Kafka, Gallimard, 1981, Folio Essais « La littérature et le droit à la mort » p.11-61, « La mort contente » p.132-139
- RuthvenGuide spirituel
Dostoïevski Les Frères Karamazov, trad.E.Guertik, Livre de Poche, 1972 p.78-79 (I, ii, 6)
-En général, je demande de nouveau la permission de me récuser à ce sujet, répéta Pierre Alexandrovitch, et à la place, je vais vous raconter, messieurs, une autre anecdote, sur Ivan Fédorovitch lui-même, fort intéressante et des plus caractéristiques. Pas plus tard qu’il y a cinq jours, dans une société principalement féminine, il a déclaré solennellement, au cours d’une discussion, que sur toute la terre, il n’est rigoureusement rien qui force les hommes à aimer leurs semblables, qu’il n’existe aucune loi de la nature ordonnant à l’homme d’aimer l’humanité et que s’il y a eu et qu’il y ait encore de l’amour sur la terre, ce n’est pas en vertu d’une loi naturelle, mais uniquement parce que les hommes croyaient en leur immortalité. Ivan Fédorovitch ajouta, entre parenthèses, que c’est en cela que consiste toute la loi naturelle, de sorte que si l’on détruit dans l’humanité la foi dans son immortalité, cela fera tarir aussitôt en elle non seulement tout amour, mais encore toute force vive qui permette de continuer la vie du monde. Bien mieux: il n’y aura alors plus rien d’immoral, tout sera permis, même l’anthropophagie. Mais cela n’est pas tout encore: il conclut en affirmant que pour tout individu, tels que nous maintenant par exemple, qui ne croit ni en Dieu ni en son immortalité, la loi morale de la nature de la nature doit immédiatement devenir le contraire absolu de l’ancienne loi religieuse, et que l’égoïsme poussé jusqu’à la scélératesse doit non seulement être permis à l’homme, mais reconnu pour une issue indispensable, la seule raisonnable et presque la plus noble dans sa situation. D’après un tel paradoxe, vous pouvez juger, messieurs, de tout le reste que proclame et qu’a peut-être l’intention de proclamer encore notre cher excentrique et amateur de paradoxes Ivan Fédorovitch. (...)
-Est-il possible que vous ayez vraiment cette conviction quant aux conséquences de la disparition chez les hommes de la croyance à l’immortalité de leur âme? demanda tout à coup le staretz à Ivan Fédorovitch.
-Oui, j’ai affirmé cela. Il n’y a pas de vertu s’il n’y a pas d’immortalité.
-Vous êtes heureux si vous croyez ainsi, ou bien très malheureux.
-Pourquoi malheureux? demanda Ivan Fédorovitch en souriant.
-Parce que, selon toute vraisemblance, vous ne croyez vous-mêmes ni à l’immortalité de votre âme, ni même à ce que vous avez écrit sur l’Eglise et ses problèmes.
-Peut-être avez-vous raison!... Pourtant je ne plaisantais pas tout à fait... avoua soudain étrangement Ivan Fédorovitch, en rougissant d’ailleurs vivement.
-Vous ne plaisantiez pas tout à fait, c’est vrai. Cette idée n’est pas encore résolue dans votre coeur, et elle le tourmente. Mais le martyr aussi aime quelquefois se divertir de son désespoir, également comme par désespoir. Pour le moment, vous aussi vous vous divertissez par désespoir à des articles de revue et à des discussions mondaines, sans croire à votre dialectique et vous en moquant amèrement, à part vous... Cette question n’est pas résolue en vous et c’est en cela qu’est votre grande souffrance, car elle exige impérieusement une résolution.
-Mais peut-elle être résolue en moi? Résolue dans le sens positif? questionnait étrangement Ivan Fédorovitch en regardant toujours le staretz avec un sourire inexplicable.
-Si elle ne peut être résolue dans le sens positif, elle ne le sera jamais non plus négativement, vous connaissez vous-même cette propriété de votre coeur; et c’est là son tourment. Mais remerciez le Créateur de vous avoir donné un coeur élevé, capable d’éprouver un tel tourment, de « méditer sur les choses célestes et de les rechercher, car notre demeure est aux cieux ». Dieu vous accorde que votre coeur trouve la solution encore sur terre, et qu’il bénisse vos voies!
-En général, je demande de nouveau la permission de me récuser à ce sujet, répéta Pierre Alexandrovitch, et à la place, je vais vous raconter, messieurs, une autre anecdote, sur Ivan Fédorovitch lui-même, fort intéressante et des plus caractéristiques. Pas plus tard qu’il y a cinq jours, dans une société principalement féminine, il a déclaré solennellement, au cours d’une discussion, que sur toute la terre, il n’est rigoureusement rien qui force les hommes à aimer leurs semblables, qu’il n’existe aucune loi de la nature ordonnant à l’homme d’aimer l’humanité et que s’il y a eu et qu’il y ait encore de l’amour sur la terre, ce n’est pas en vertu d’une loi naturelle, mais uniquement parce que les hommes croyaient en leur immortalité. Ivan Fédorovitch ajouta, entre parenthèses, que c’est en cela que consiste toute la loi naturelle, de sorte que si l’on détruit dans l’humanité la foi dans son immortalité, cela fera tarir aussitôt en elle non seulement tout amour, mais encore toute force vive qui permette de continuer la vie du monde. Bien mieux: il n’y aura alors plus rien d’immoral, tout sera permis, même l’anthropophagie. Mais cela n’est pas tout encore: il conclut en affirmant que pour tout individu, tels que nous maintenant par exemple, qui ne croit ni en Dieu ni en son immortalité, la loi morale de la nature de la nature doit immédiatement devenir le contraire absolu de l’ancienne loi religieuse, et que l’égoïsme poussé jusqu’à la scélératesse doit non seulement être permis à l’homme, mais reconnu pour une issue indispensable, la seule raisonnable et presque la plus noble dans sa situation. D’après un tel paradoxe, vous pouvez juger, messieurs, de tout le reste que proclame et qu’a peut-être l’intention de proclamer encore notre cher excentrique et amateur de paradoxes Ivan Fédorovitch. (...)
-Est-il possible que vous ayez vraiment cette conviction quant aux conséquences de la disparition chez les hommes de la croyance à l’immortalité de leur âme? demanda tout à coup le staretz à Ivan Fédorovitch.
-Oui, j’ai affirmé cela. Il n’y a pas de vertu s’il n’y a pas d’immortalité.
-Vous êtes heureux si vous croyez ainsi, ou bien très malheureux.
-Pourquoi malheureux? demanda Ivan Fédorovitch en souriant.
-Parce que, selon toute vraisemblance, vous ne croyez vous-mêmes ni à l’immortalité de votre âme, ni même à ce que vous avez écrit sur l’Eglise et ses problèmes.
-Peut-être avez-vous raison!... Pourtant je ne plaisantais pas tout à fait... avoua soudain étrangement Ivan Fédorovitch, en rougissant d’ailleurs vivement.
-Vous ne plaisantiez pas tout à fait, c’est vrai. Cette idée n’est pas encore résolue dans votre coeur, et elle le tourmente. Mais le martyr aussi aime quelquefois se divertir de son désespoir, également comme par désespoir. Pour le moment, vous aussi vous vous divertissez par désespoir à des articles de revue et à des discussions mondaines, sans croire à votre dialectique et vous en moquant amèrement, à part vous... Cette question n’est pas résolue en vous et c’est en cela qu’est votre grande souffrance, car elle exige impérieusement une résolution.
-Mais peut-elle être résolue en moi? Résolue dans le sens positif? questionnait étrangement Ivan Fédorovitch en regardant toujours le staretz avec un sourire inexplicable.
-Si elle ne peut être résolue dans le sens positif, elle ne le sera jamais non plus négativement, vous connaissez vous-même cette propriété de votre coeur; et c’est là son tourment. Mais remerciez le Créateur de vous avoir donné un coeur élevé, capable d’éprouver un tel tourment, de « méditer sur les choses célestes et de les rechercher, car notre demeure est aux cieux ». Dieu vous accorde que votre coeur trouve la solution encore sur terre, et qu’il bénisse vos voies!
- RuthvenGuide spirituel
J'ai passé Le septième sceau, les élèves ont été scotchés (et pourtant ce n'était pas vraiment une classe d'intellectuels).
Extrait du Septième Sceau d’I.Bergman
-Je veux me confesser avec loyauté, mais mon coeur est vide. Le vide est le miroir de mon visage. Je suis pris de dégoût et d’épouvante. Mon mépris des hommes m’a rejeté de leur communauté. Je vis dans un monde de fantômes, prisonnier de mes rêves.
-Mais tu ne veux pas mourir.
-Si, je le veux
-Qu’attends-tu?
-La connaissance
-Ou des garanties.
-Appelle ça comme tu veux. Est-ce si impensable de comprendre Dieu avec ses sens? Pourquoi se cache-t-il derrière des promesses à demi-articulées et des miracles invisibles? Croire aux croyants, si on ne croit pas. Qu’advient-il de nous qui voulons mais ne pouvons croire, de ceux qui ne veulent ni ne peuvent croire? Pourquoi ne puis-je tuer Dieu en moi? Pourquoi continue-t-il de vivre de façon douloureuse et avilissante? Je veux le chasser de mon coeur. Mais il reste une moqueuse réalité qui me poursuit. Tu m’entends. Je veux savoir. Pas croire. Pas supposer, mais savoir. Je veux que Dieu me tende la main mais il se tait. Des ténèbres je crie vers lui., mais il n’y a personne.
-C’est peut-être cela.
-Alors la vie est une crainte insensée! On ne peut vivre face à la mort et au néant de tout.
-La plupart ne pensent ni à la Mort ni au Néant.
-Puis ils touchent au cap et voient les ténèbres.
-Oui, ce jour là.
-Je comprends. A notre crainte, il nous faut faire une image que nous appelons Dieu
-Tu t’alarmes.
-La mort m’a visité ce matin. Nous jouons aux échecs. Ce délai me permet de vaquer à une affaire importante
-Quelle affaire?
-Ma vie durant, j’ai cherché, erré, discouru. Tout était dénué de sens. Je le dis sans amertume ni contrition car je sais qu’il en est de même pour tous. Je veux utiliser ce délai à quelque chose qui ait un sens.
-C’est pourquoi tu joues aux échecs avec la Mort?
-C’est une habile tacticienne. Mais je n’ai encore perdu aucune pièce.
-Comment espères-tu la déjouer?
-Elle n’a pas découvert ma combinaison. Je détruirai l’un de ses flancs.
[La Mort se dévoile]
-Je m’en souviendrai.
-Traîtresse, tu m’as trompée
-Maintenant je te laisse. La prochaine fois, le délai sera expiré pour toi et tes amis.
-Tu me révéleras tes secrets?
-Je n’ai pas de secrets
-Alors tu ne sais rien?
-Non, rien.
Extrait du Septième Sceau d’I.Bergman
-Je veux me confesser avec loyauté, mais mon coeur est vide. Le vide est le miroir de mon visage. Je suis pris de dégoût et d’épouvante. Mon mépris des hommes m’a rejeté de leur communauté. Je vis dans un monde de fantômes, prisonnier de mes rêves.
-Mais tu ne veux pas mourir.
-Si, je le veux
-Qu’attends-tu?
-La connaissance
-Ou des garanties.
-Appelle ça comme tu veux. Est-ce si impensable de comprendre Dieu avec ses sens? Pourquoi se cache-t-il derrière des promesses à demi-articulées et des miracles invisibles? Croire aux croyants, si on ne croit pas. Qu’advient-il de nous qui voulons mais ne pouvons croire, de ceux qui ne veulent ni ne peuvent croire? Pourquoi ne puis-je tuer Dieu en moi? Pourquoi continue-t-il de vivre de façon douloureuse et avilissante? Je veux le chasser de mon coeur. Mais il reste une moqueuse réalité qui me poursuit. Tu m’entends. Je veux savoir. Pas croire. Pas supposer, mais savoir. Je veux que Dieu me tende la main mais il se tait. Des ténèbres je crie vers lui., mais il n’y a personne.
-C’est peut-être cela.
-Alors la vie est une crainte insensée! On ne peut vivre face à la mort et au néant de tout.
-La plupart ne pensent ni à la Mort ni au Néant.
-Puis ils touchent au cap et voient les ténèbres.
-Oui, ce jour là.
-Je comprends. A notre crainte, il nous faut faire une image que nous appelons Dieu
-Tu t’alarmes.
-La mort m’a visité ce matin. Nous jouons aux échecs. Ce délai me permet de vaquer à une affaire importante
-Quelle affaire?
-Ma vie durant, j’ai cherché, erré, discouru. Tout était dénué de sens. Je le dis sans amertume ni contrition car je sais qu’il en est de même pour tous. Je veux utiliser ce délai à quelque chose qui ait un sens.
-C’est pourquoi tu joues aux échecs avec la Mort?
-C’est une habile tacticienne. Mais je n’ai encore perdu aucune pièce.
-Comment espères-tu la déjouer?
-Elle n’a pas découvert ma combinaison. Je détruirai l’un de ses flancs.
[La Mort se dévoile]
-Je m’en souviendrai.
-Traîtresse, tu m’as trompée
-Maintenant je te laisse. La prochaine fois, le délai sera expiré pour toi et tes amis.
-Tu me révéleras tes secrets?
-Je n’ai pas de secrets
-Alors tu ne sais rien?
-Non, rien.
- RuthvenGuide spirituel
Bossuet Sermon sur la mort
Vous serez peut-être étonnés que je vous adresse à la mort pour être instruits de ce que vous êtes; et vous croirez que ce n’est pas bien représenter l’homme, que de le montrer où il n’est plus. Mais, si vous prenez soin de vouloir entendre ce qui se présente à nous dans le tombeau, vous accorderez aisément qu’il n’est point de plus véritable interprète ni de plus fidèle miroir des choses humaines.
La nature d’un composé ne se remarque jamais plus distinctement que dans la dissolution de ses parties. Comme elles s’altèrent mutuellement par le mélange, il faut les séparer pour les bien connaître. En effet, la société de l’âme et du corps fait que le corps nous paraît quelque chose de plus qu’il n’est, et l’âme, quelque chose de moins; mais lorsque, venant à se séparer, le corps retourne à la terre, et que l’âme aussi est mise en état de retourner au ciel, d’où elle est tirée, nous voyons l’un et l’autre dans sa pureté. Ainsi nous n’avons qu’à considérer ce que la mort nous ravit, et ce qu’elle laisse en son entier; quelle partie de notre être tombe sous ses coups, et quelle autre se conserve dans cette ruine; alors, nous aurons compris ce que c’est que l’homme: de sorte que je ne crains point d’assurer que c’est du sein de la mort et de ses ombres épaisses que sort une lumière immortelle pour éclairer nos esprits touchant l’état de notre nature. Accourez donc, ô mortels, et voyez dans le tombeau du Lazare ce que c’est que l’humanité: venez voir dans un même objet la fin de vos desseins et le commencement de vos espérances; venez voir tout ensemble la dissolution et le renouvellement de votre être; venez voir le triomphe de la vie dans la victoire de la mort: Veni et vide.
O mort, nous te rendons grâces des lumières que tu répands sur notre ignorance: toi seule nous convaincs de notre bassesse, toi seule nous fais connaître notre dignité: si l’homme s’estime trop, tu sais déprimer son orgueil; si l’homme se méprise trop, tu sais relever son courage; et, pour réduire toutes ses pensées à un juste tempérament, tu lui apprends ces deux vérités, qui lui ouvrent les yeux pour se bien connaître: qu’il est méprisable en tant qu’il passe, et infiniment estimable en tant qu’il aboutit à l’éternité.
Vous serez peut-être étonnés que je vous adresse à la mort pour être instruits de ce que vous êtes; et vous croirez que ce n’est pas bien représenter l’homme, que de le montrer où il n’est plus. Mais, si vous prenez soin de vouloir entendre ce qui se présente à nous dans le tombeau, vous accorderez aisément qu’il n’est point de plus véritable interprète ni de plus fidèle miroir des choses humaines.
La nature d’un composé ne se remarque jamais plus distinctement que dans la dissolution de ses parties. Comme elles s’altèrent mutuellement par le mélange, il faut les séparer pour les bien connaître. En effet, la société de l’âme et du corps fait que le corps nous paraît quelque chose de plus qu’il n’est, et l’âme, quelque chose de moins; mais lorsque, venant à se séparer, le corps retourne à la terre, et que l’âme aussi est mise en état de retourner au ciel, d’où elle est tirée, nous voyons l’un et l’autre dans sa pureté. Ainsi nous n’avons qu’à considérer ce que la mort nous ravit, et ce qu’elle laisse en son entier; quelle partie de notre être tombe sous ses coups, et quelle autre se conserve dans cette ruine; alors, nous aurons compris ce que c’est que l’homme: de sorte que je ne crains point d’assurer que c’est du sein de la mort et de ses ombres épaisses que sort une lumière immortelle pour éclairer nos esprits touchant l’état de notre nature. Accourez donc, ô mortels, et voyez dans le tombeau du Lazare ce que c’est que l’humanité: venez voir dans un même objet la fin de vos desseins et le commencement de vos espérances; venez voir tout ensemble la dissolution et le renouvellement de votre être; venez voir le triomphe de la vie dans la victoire de la mort: Veni et vide.
O mort, nous te rendons grâces des lumières que tu répands sur notre ignorance: toi seule nous convaincs de notre bassesse, toi seule nous fais connaître notre dignité: si l’homme s’estime trop, tu sais déprimer son orgueil; si l’homme se méprise trop, tu sais relever son courage; et, pour réduire toutes ses pensées à un juste tempérament, tu lui apprends ces deux vérités, qui lui ouvrent les yeux pour se bien connaître: qu’il est méprisable en tant qu’il passe, et infiniment estimable en tant qu’il aboutit à l’éternité.
- RuthvenGuide spirituel
Lévinas E. Le temps et l’autre, PUF
« La mort et l’avenir »
C’est pourquoi la mort n’est jamais un présent. C’est un truisme. L’adage antique destiné à dissiper la crainte de la mort: Si tu es, elle n’est pas; si elle est, tu n’es pas, - méconnaît sans doute tout le paradoxe de la mort, puisqu’il efface notre relation avec la mort qui est une relation unique avec l’avenir. Mais du moins cet adage insiste-t-il sur cet éternel avenir de la mort. Le fait qu’elle déserte tout présent ne tient pas à notre évasion devant la mort et à un impardonnable divertissement à l’heure suprême, mais au fait que la mort est insaisissable, qu’elle marque la fin de la virilité et de l’héroïsme du sujet. Le maintenant, c’est le fait que je suis maître, maître du possible, maître de saisir le possible. La mort n’est jamais maintenant. Quand la mort est là, je ne suis plus là, non point parce que je suis néant, mais parce que je ne suis pas à même de saisir. Ma maîtrise, ma virilité, mon héroïsme de sujet ne peut être virilité ni héroïsme par rapport à la mort. Il y a dans la souffrance au sein de laquelle nous avons saisi ce voisinage de la mort - et encore sur le plan du phénomène - ce retournement de l’activité du sujet en passivité. Non point dans l’instant de souffrance où, acculé à l’être, je le saisis encore, où je suis encore sujet de la souffrance, mais dans le pleur et le sanglot, vers lesquels la souffrance s’invertit; là où la souffrance atteint à sa pureté, où il n’y a plus rien entre nous et elle, la suprême responsabilité de cette assomption extrême tourne en suprême irresponsabilité, en enfance. C’est cela le sanglot et par là précisément il annonce la mort. Mourir, c’est revenir à cet état d’irresponsabilité, c’est être la secousse enfantine du sanglot.
Vous me permettrez de revenir encore une fois à Shakespeare (...). Le héros de la tragédie n’assume-t-il pas la mort? Je me permettrai d’analyser très brièvement la fin de Macbeth. Macbeth apprend que la forêt de Birnam marche sur le château de Dunsinane, et c’est le signe de la défaite: la mort approche. Quand ce signe se réalise, Macbeth dit: « Souffle, vent! Viens, naufrage! » Mais tout de suite après: « Sonne la cloche d’alarme, etc... Nous mourrons au moins notre harnais sur le dos. » Le second signe de la défaite ne s’est pas encore produit. Les sorcières n’avaient-elles pas prédit qu’un homme né d’une femme ne pouvait rien contre Macbeth? Mais voici Macduff qui n’est pas né d’une femme. La mort est pour maintenant. « Maudite sois la langue qui me parle ainsi, crie Macbeth à Macduff qui lui apprend sa puissance sur lui, car elle a découragé la meilleure partie de l’homme que je suis ... Je ne combattrai pas avec toi. »
Voilà cette passivité, quand il n’y a plus d’espoir. Voilà ce que j’ai appelé la fin de la virilité. Mais immédiatement l’espoir renaît, et voici les derniers mots de Macbeth: « Bien que le bois de Birnam soit venu à Dunsinane et que je t’aie en face de moi, toi qui n’es pas né de la femme, j’essayerai cependant ma dernière chance. »
Il y a, avant la mort, toujours une dernière chance, que le héros saisit, et non pas la mort. Le héros est celui qui aperçoit toujours une dernière chance; c’est l’homme qui s’obstine à trouver des chances. La mort n’est donc jamais assumée; elle vient. Le suicide est un concept contradictoire. L’éternelle imminence de la mort fait partie de son essence. Dans le présent où la maîtrise du sujet s’affirme, il y a espoir. L’espoir ne s’ajoute pas à la mort par une espèce de salto-mortale, par une espèce d’inconséquence; il est dans la marge même qui, au moment de la mort, est donnée au sujet qui va mourir. Spiro- spero. De cette impossibilité d’assumer la mort, Hamlet précisément est un long témoignage. Le néant est impossible. C’est lui qui aurait laissé à l’homme la possibilité d’assumer la mort d’arracher à la servitude de l’existence une suprême maîtrise. « To be or not to be » est une prise de conscience de cette impossibilité de s’anéantir.
« La mort et l’avenir »
C’est pourquoi la mort n’est jamais un présent. C’est un truisme. L’adage antique destiné à dissiper la crainte de la mort: Si tu es, elle n’est pas; si elle est, tu n’es pas, - méconnaît sans doute tout le paradoxe de la mort, puisqu’il efface notre relation avec la mort qui est une relation unique avec l’avenir. Mais du moins cet adage insiste-t-il sur cet éternel avenir de la mort. Le fait qu’elle déserte tout présent ne tient pas à notre évasion devant la mort et à un impardonnable divertissement à l’heure suprême, mais au fait que la mort est insaisissable, qu’elle marque la fin de la virilité et de l’héroïsme du sujet. Le maintenant, c’est le fait que je suis maître, maître du possible, maître de saisir le possible. La mort n’est jamais maintenant. Quand la mort est là, je ne suis plus là, non point parce que je suis néant, mais parce que je ne suis pas à même de saisir. Ma maîtrise, ma virilité, mon héroïsme de sujet ne peut être virilité ni héroïsme par rapport à la mort. Il y a dans la souffrance au sein de laquelle nous avons saisi ce voisinage de la mort - et encore sur le plan du phénomène - ce retournement de l’activité du sujet en passivité. Non point dans l’instant de souffrance où, acculé à l’être, je le saisis encore, où je suis encore sujet de la souffrance, mais dans le pleur et le sanglot, vers lesquels la souffrance s’invertit; là où la souffrance atteint à sa pureté, où il n’y a plus rien entre nous et elle, la suprême responsabilité de cette assomption extrême tourne en suprême irresponsabilité, en enfance. C’est cela le sanglot et par là précisément il annonce la mort. Mourir, c’est revenir à cet état d’irresponsabilité, c’est être la secousse enfantine du sanglot.
Vous me permettrez de revenir encore une fois à Shakespeare (...). Le héros de la tragédie n’assume-t-il pas la mort? Je me permettrai d’analyser très brièvement la fin de Macbeth. Macbeth apprend que la forêt de Birnam marche sur le château de Dunsinane, et c’est le signe de la défaite: la mort approche. Quand ce signe se réalise, Macbeth dit: « Souffle, vent! Viens, naufrage! » Mais tout de suite après: « Sonne la cloche d’alarme, etc... Nous mourrons au moins notre harnais sur le dos. » Le second signe de la défaite ne s’est pas encore produit. Les sorcières n’avaient-elles pas prédit qu’un homme né d’une femme ne pouvait rien contre Macbeth? Mais voici Macduff qui n’est pas né d’une femme. La mort est pour maintenant. « Maudite sois la langue qui me parle ainsi, crie Macbeth à Macduff qui lui apprend sa puissance sur lui, car elle a découragé la meilleure partie de l’homme que je suis ... Je ne combattrai pas avec toi. »
Voilà cette passivité, quand il n’y a plus d’espoir. Voilà ce que j’ai appelé la fin de la virilité. Mais immédiatement l’espoir renaît, et voici les derniers mots de Macbeth: « Bien que le bois de Birnam soit venu à Dunsinane et que je t’aie en face de moi, toi qui n’es pas né de la femme, j’essayerai cependant ma dernière chance. »
Il y a, avant la mort, toujours une dernière chance, que le héros saisit, et non pas la mort. Le héros est celui qui aperçoit toujours une dernière chance; c’est l’homme qui s’obstine à trouver des chances. La mort n’est donc jamais assumée; elle vient. Le suicide est un concept contradictoire. L’éternelle imminence de la mort fait partie de son essence. Dans le présent où la maîtrise du sujet s’affirme, il y a espoir. L’espoir ne s’ajoute pas à la mort par une espèce de salto-mortale, par une espèce d’inconséquence; il est dans la marge même qui, au moment de la mort, est donnée au sujet qui va mourir. Spiro- spero. De cette impossibilité d’assumer la mort, Hamlet précisément est un long témoignage. Le néant est impossible. C’est lui qui aurait laissé à l’homme la possibilité d’assumer la mort d’arracher à la servitude de l’existence une suprême maîtrise. « To be or not to be » est une prise de conscience de cette impossibilité de s’anéantir.
- User5899Demi-dieu
Merci pour cette liste riche, Ruthven, je ne connais pas Daumal. Je voudrais suggérer aussi, de Dostoievski, les Carnets du sous-sol : plus courts (peut-être plus dense, d'ailleurs) que les romans, je les trouve magnifiques et j'ai déjà scotché deux classes de 1re avec eux.Ruthven a écrit:Garance a écrit:Et vous auriez une idée pour des textes XIX et XX...
Tolstoï La mort d’Ivan Illitch, Trois morts, Gallimard, 1997, Folio Classique
Dostoïevski F. Les démons (ou Les possédés) Troisième partie chap.VI « La nuit aux milles douleurs » ii
Le suicide de Kirilov: « Si Dieu n’existe pas, alors, je suis Dieu. (...) Si Dieu n’existe pas, alors, toute la volonté est mienne, et je suis obligé d’affirmer mon être libre.(...) Je suis obligé de me tuer, parce que le point essentiel de mon être libre, c’est de me tuer moi-même. » Cf.analyse de Blanchot dans L’espace littéraire
Rilke R.M. Les carnets de Malte Laurids Bridge, Flammarion, 1995, GF (trad.C.Porcell)
« Autrefois, on savait - ou peut-être le pressentait-on - qu’on portait la mort en soi comme le fruit son noyau. »
Rilke R.M. Poésie. Oeuvres 2, Seuil
Mallarmé Igitur, Gallimard, 1976, Poésie
Claudel P. Art poétique, Gallimard, 1984, Poésie (« De la connaissance de l’Homme après sa mort »)
Artaud A. « L’art et la mort » in L’Ombilic des Limbes, Gallimard, 1968, Poésie
Daumal R. Le Contre-Ciel, Gallimard, 1990, Poésie
Ionesco E. Le Roi se meurt, Gallimard, 1963, Folio
Kundera, L’immortalité, Folio
Bataille G. La somme athéologique in Oeuvres complètes V-VI, Gallimard, 1973
Bataille G. L’érotisme in Oeuvres complètes X, Gallimard, 1987 [existe en 10-18 et aussi aux éditions de Minuit]
De Bataille en particulier l'article "La joie devant la mort"
Camus A. Le mythe de Sisyphe, Gallimard, 1942, Folio Essais
Cioran Oeuvres, Quarto Gallimard
Fascination (ou complaisance) face à une mort que l’on vit comme une agonie permanente...
Jankélévitch V. La mort, Flammarion, 1977, Champs
La mort comme tragédie métempirique présentée dans un triple aspect: la mort dans la vie, la mort dans l’instant mortel, la mort dans l’au-delà.
Lévinas E. « La mort et le temps » in Dieu, la mort et le temps, Grasset, 1993, Biblio Essais
Sartre J.-P. L’être et le néant, Gallimard, 1943, Tel p.589-606
La mort comme contingence.
Beauvoir S. de, Tous les hommes sont mortels, Folio
Blanchot M. L’espace littéraire, Gallimard, 1955, Folio Essais chap.IV « L’oeuvre et l’espace de la mort » p.103-210
Blanchot M. De Kafka à Kafka, Gallimard, 1981, Folio Essais « La littérature et le droit à la mort » p.11-61, « La mort contente » p.132-139
- thrasybuleDevin
Vous devriez lire Daumal Cripure, c est magnifique... C était également un spécialiste de sanskrit, il a traduit des Upanishad..Je pense que ça devrait vous plaire
- User5899Demi-dieu
Allez, hop, le sort en est jeté. Daumal, donc.
- Libé-RationGuide spirituel
Oh, merci pour toutes ces références, Ruthven !
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