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John
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Médiateur

Le jugement du Monde sur le Dictionnaire de la Rome antique de Xavier Darcos... Empty Le jugement du Monde sur le Dictionnaire de la Rome antique de Xavier Darcos...

par John Mer 4 Jan - 11:39
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/01/03/version-latine_1625138_3232.html

par Philippe-Jean Catinchi
Dans une collection désormais fameuse qui confie à des gloires médiatiques la déclinaison alphabétique de leur passion (ainsi Bernard Pivot pour le vin, Alain Decaux pour Dumas, Antoine de Caunes pour le rock, Alain Rey pour les dictionnaires ou, seul coup double, Russie et Italie pour Dominique Fernandez), la Rome antique échoit à Xavier Darcos. Moins à l'homme politique qu'au spécialiste de poésie latine, agrégé de lettres et membre de l'Institut. L'exercice a ses règles, et on ne doit s'attendre bien sûr à rien d'exhaustif. Ni de forcément didactique ou consensuel.

Les manuels et synthèses universitaires sont faits pour ça. Il est plaisant cependant de voir la façon dont le responsable politique tempère l'enthousiasme du latiniste, quand, dès le préambule de ce Dictionnaire amoureux de la Rome antique, Xavier Darcos vante la "romanité, qui est accueil, assimilation, capacité à accepter l'emprunt", avant de préciser : "Cette plasticité est notre dignité. Ce fut notre chance. C'est désormais notre risque, face à d'autres cultures obtuses qui récusent et oppriment toute diversité."

Au fil de l'ouvrage, soucieux de paraître "dans le coup", Xavier Darcos ne craint pas d'épingler le rap, d'"écrabouiller" un légat, de transformer la louve romaine en "logo" ou de parler d'"apartheid" à l'encontre des premiers chrétiens... Plutôt que sur les jeux vidéo dont il signale les musts avant de confesser ne pas les pratiquer, on le suit davantage quand il salue les réussites des BD péplums (Murena, de Dufaux et Delaby ; Les Aigles de Rome d'Enrico Marini), voire certaines visions cinématographiques, Gladiator en tête.

Versant Histoire, on pourra s'étonner que le suicide de Néron soit par deux fois présenté comme un assassinat, que le règne de l'empereur Julien soit abrégé ou que la lutte entre Rome et Albe relève de la guerre civile quand l'affrontement entre Curiaces et Horaces est justement lu comme une lutte entre cités concurrentes...

Ces scories sont peut-être inévitables, mais de là à prénommer Mirabeau Victor ! Sans doute est-ce la contamination d'une référence récurrente à Hugo. Car la Rome que célèbre Darcos est bien celle que nous ont réinventée les créateurs du XIXe siècle. Darcos assume la fascination qu'exerce sur lui la peinture d'histoire, Gérôme, Jamin et Cabanel en tête de cet art académique "pompier".

SCANDALES DE MŒURS

Plus cité que le poète Tibulle et autant que l'historien Suétone, Hugo est, avant Lamartine et Flaubert, la référence ; sans doute parce qu'il est poète - aussi Leconte de Lisle et Heredia se trouvent-ils aisément convoqués. La Rome antique de Darcos est avant tout littéraire. Peu de références à l'archéologie. Si le site de cette "ville rapiécée" telle que l'a vue Montaigne est évoqué, c'est sur le ton de la visite. Du reste, la dernière entrée du Dictionnaire, qui s'ouvrait sur les "Affranchis", dans la vision "trash" de Fellini relisant Pétrone, est consacrée aux "Voyageurs à Rome".

Découverte en version latine, la Rome de Darcos est celle des fables exemplaires, des scandales de mœurs et des poètes augustéens. Fasciné par Messaline et Cléopâtre, l'auteur ne résiste pas au récit de fresques noires (l'année 69 ou la défaite de Varus dans la forêt de Teutoburg en 9) ; mais il excelle quand il revient à son panthéon littéraire (Horace, Tacite, Virgile), qu'il évoque la "lecture publique", la "virtus" ou la "pietas".

Qu'importe alors qu'il trouve François de Guise "plus antipathique" que Staline ! C'est dans le cabinet feutré des humanités défendues vainement par Vernant et Romilly que Darcos circonscrit Rome. En latiniste qu'il est, sinon en ministre qu'il fut.
Dictionnaire amoureux de la Rome antique, de Xavier Darcos, Plon, 764 p., 26 €

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