quels sont les poèmes indispensables ?

A votre avis, quels sont les poèmes (ou tirades théâtrales, ou extraits de textes) indispensables à la culture de nos chers petits ? Jusqu'à maintenant, je me suis surtout fait plaisir (If, de Kipling, l'horloge de baudelaire, du prévert, quelques rimbaud/verlaine/hugo/Ronsard/louise labé, ..., les stances de rodrigue, la tirade du nez de cyrano, un extrait d'henri V, un de shakespeare, ...), mais je voudrais tenter quelque chose de plus patrimonial-indispensable-constructif.
Alors, pour vous, quels sont les indispensables ?

Ah oui, précision : je donne un poème par mois dans chacune de mes classes, des 4è et des 3è cette année.

Le Dormeur du val et Demain dès l'aube me paraissent indépassables (surtout le deuxième). J'ai beau les avoir lus, relus, appris, réappris, entendus massacrés par les élèves, reprochés par les parents, bidouillés par des mécréants, à chaque fois que je les entends, je fonds.

Ensuite, je module la longueur des textes que je donne à apprendre selon la fatigue que je peux observer chez eux. Cela va du haïku (je pioche des perles dans le recueil Poésie/NRF de Gallimard) aux Yeux d'Elsa d'Aragon.
L'Invitation au voyage de Baudelaire marche avec de bonnes classes de 3e.
Pour les surprendre, j'adore utiliser Les Fromages de François Morel, d'une chanson de son spectacle Collection particulière.Certains poèmes de Saint John Perse, tout en évocations subtiles, marchent parfois.
En 3e, des poèmes durs de Guillevic sur la guerre font un carton.
J'aime aussi piocher dans les textes de Francis Jammes, mais c'est souvent hermétique pour des ados.

"Le dormeur du val" de Rimbaud
"Demain dès l'aube" de Hugo
"Le loup et l'agneau" de La Fontaine
La tirade de l'avare de Molière
"Quand le ciel bas et lourd..." de Baudelaire
"heureux qui comme Ulysse" repris récemment en chanson! Les élèves te diront que ça vient de Ridan!! Ô ignorance quand tu les tiens!!!!

anne f a écrit:Ah oui, précision : je donne un poème par mois dans chacune de mes classes, des 4è et des 3è cette année.

est ce à dire que ce poème est étudié et récité??

c'est juste pour savoir..

goloumine a écrit:"heureux qui comme Ulysse" repris récemment en chanson! Les élèves te diront que ça vient de Ridan!! Ô ignorance quand tu les tiens!!!!

Cette année, mes élèves de TL :shock: ne connaissaient ni la version de Ridan , ni celle de Du Bellay...

Certains n'écoutent que du métal ou de la techno.. yoh Tektonique!

Sinon j'ajouterai à la liste de Goloumine "Mignonne allons voir" de Ronsard ..C'est beau et frais en récitation. et pas trop dur

je prends note de tout ça... Si vous avez d'autres idées...
Chaque poème est récité, mais pas forcément étudié/décortiqué. J'aime bien garder un peu de spontanéité. On lit ensemble, on éclaircit le sens, le contexte, quelques pbs de dictions (diérèse/synérèse par ex), et voila. Cette année, je tente une nouvelle organisation : je donnerai les poèmes (tous) en début d'année, avec les mois qui y correspondent, et chacun se débrouillera comme il l'entend pour apprendre pour la date exigée. Et comme je suis une peau de vache (assumée !), le poème est à copier un nombre de fois prohibitif pour ceux qui auraient eu la mauvaise idée de ne pas l'apprendre... Et j'ajoute plein de points quand c'est mis en scène, en plus. Les années précédentes, un élève récitait souvent en rappant/slamant : c'était vraiment génial. Là, j'ai changé d'établissement, les publics sont moins mélangés, c'est plus terne, plus sage.

Apollinaire "Le Pont Mirabeau", Verlaine "Mon rêve familier", Eluard "La terre est bleue comme une orange", Nerval "El Desdichado", Rimbaud "Voyelles" ...

Merci pour les explications Anne, j'aime bien ta façon de faire ..et ça me donne envie d'essayer , et je pense que c'est aussi un moyen de motiver les élèves à avoir de bonnes notes, remonter une moyenne (même à moindre coef).
ça me aussi un peu pensé à la méthode de Pennac expliquée dans Chagrin d'école

encore une question: j'imagines que tu n'interroges quelques élèves à chaque fois?

Et une fois que vous aurez étudié tout ça, après tant d'exercices d'admiration obligée (perso, "Demain dès l'aube", surtout quand on tient compte des conditions réelles d'écriture, de la fausse date, etc., me paraît surtout une glorification du Moi du Poète), vous leur ferez étudier René de Obaldia (Innocentines) (essayez l'accent québécois pour le lire, c'est irrésistible) :

« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin »
Voici, mes zinfints
Sans en avoir l’air
Le plus beau vers
De la langue française.

Ai, eu, ai, in
Le geai gélatineux geignait dans le jasmin…

Le poite aurait pu dire
Tout à son aise :
« Le geai volumineux picorait des pois fins »
Eh bien ! non, mes zinfints.
Le poite qui a du génie
Jusque dans son délire
D’une main moite
A écrit :

« C’était l’heure divine où, sous le ciel gamin,
LE GEAI GÉLATINEUX GEIGNAIT DANS LE JASMIN. »

Gé, gé, gé, les gé expirent dans le ji.
Là, le geai est agi
Par le génie du poite
Du poite qui s’identifie
À l’oiseau sorti de son nid
Sorti de sa ouate.

Quel galop !
Quel train dans le soupir !
Quel élan souterrain !

Quand vous serez grinds
Mes zinfints
Et que vous aurez une petite amie anglaise
Vous pourrez murmurer
À son oreille dénaturée
Ce vers, le plus beau de la langue française
Et qui vient tout droit du gallo-romain :

« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin »

admirez comme
voyelles et consonnes sont étroitement liées
les zunes zappuyant les zuns de leurs zailes.
Admirez aussi, mes zinfints,
Ces gé à vif
Ces gé sans fin
Tous ces gé zingénus qui sonnent comme un glas :
Le geai géla… « Blaise ! Trois heures de retenue.
Motif :
Tape le rythme avec son soulier froid
Sur la tête nue de son voisin.
Me copierez cent fois :
Le geai gélatineux geignait dans le jasmin. »


Et le plus drôle, c'est que le candidat au CAPES auquel il était échu (et qui donc l'avait préféré à un extrait de Madame Bovary), nous a soutenu mordicus que c'était effectivement le plus beau vers de la langue française...

[quote="Abraxas"]Et une fois que vous aurez étudié tout ça, après tant d'exercices d'admiration obligée ]

pourquoi admiration obligée ? ils ont le droit de ne pas aimer, comme tout le monde. Ils n'ont seulement pas le droit de ne pas connaître. Ras le bol d'entendre "le poète van gogh" ou "rimbaud, c'est celui du film ?".

hermione : ça dépend, parfois j'interroge tous les élèves, mais c'est long et tout le monde s'ennuie. Donc la plupart du temps, oui, quelques élèves, mais ça peut évidemment (et c'est le cas) retomber sur eux pour la poésie suivante.

Je crois que la plupart des poèmes ont été cités...
J'ajouterai aussi "Moesta et errabunda" de Baudelaire (5èmes), "Où vont tous ces enfants..." de Hugo (3ème), "Si je mourais là-bas..." d'Apollinaire (3ème), "L'heure du berger" de Verlaine (4ème), "Le chat" de Baudelaire (6ème)

ok, merci bp !