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John
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Dans les coulisses des évaluations : témoignage d'un chef d'établissement Empty Dans les coulisses des évaluations : témoignage d'un chef d'établissement

par John 21/11/2011, 03:34
http://blogs.lexpress.fr/mammouth-mon-amour/

Le Café pédagogique a révélé mardi un projet de décret et d’arrêté visant à réformer l’évaluation des enseignants. Ce projet confie au seul chef d’établissement la responsabilité de mener des entretiens professionnels, et ce, tous les trois ans, afin d’évaluer quatre critères. La capacité à faire progresser chaque élève ; les « compétences dans sa discipline » ; la « pratique professionnelle dans l’action collective de l’établissement » (relations avec les parents d’élèves, investissement dans le projet d’établissement, etc.) ; et la « qualité du cadre de travail « , afin qu’il soit « propice aux apprentissages et au partage des valeurs de la République « . Il en découlera un compte rendu, duquel dépendra la note et donc, l’augmentation de salaire à accorder.

Actuellement, les chefs d’établissements donnent une note administrative aux membres de leurs équipes. Elle ne vaut que pour 40% de la note globale – les autres 60% étant attribués par les inspecteurs pédagogiques. Face aux questions et aux craintes des enseignants, un principal de collège a accepté de me raconter la manière dont se déroulent aujourd’hui les évaluations.

« D’abord, une précision : nous ne donnons pas une évaluation, mais une note. La marge de manoeuvre des chefs d’établissements est très limitée : nous sommes très muselés. Ainsi, la note donnée à un enseignant débutant au premier échelon doit être comprise obligatoirement entre 33 et 35 /40 : il s’agit donc forcément d’une bonne note. Elle peut uniquement être majorée ou minorée de 0,5 point.

En plus de cette note, nous donnons une appréciation littéraire. Elle ne doit pas excéder les 200 caractères (pour info, 200 caractères, c’est à peine plus qu’un twett, et cela correspond à cette partie rouge). Nous dirons que cela permet de mesurer l’esprit de synthèse du chef d’établissement (qui est, lui aussi, rappelons-le, évalué…). La plus parfaite langue de bois règne dans la rédaction de ces appréciations. Quelques exemples décryptés :

- « Professeur qui assure régulièrement les heures de cours prévues à son emploi du temps ». Décryptage : C’est un prof qui fait le service minimum, il est présent, voilà tout…

- « Excellent professeur ». Décryptage : le chef d’établissement ne veut pas se fouler. Parce que ça ne veut rien dire, en fait. Excellent en quoi? Dans quel domaine? Est-il excellent tout le temps, en tout? Cela n’existe pas…

- « Professeur nommé en cette rentrée qui a réussi à gagner la confiance de la direction, l’estime de ses collègues, le respect de ses collègues ». Décryptage: RAS. C’est un nouveau que l’on ne connaît pas encore bien, d’autant qu’aujourd’hui, avec l’informatisation des systèmes, ces évaluations surviennent dès janvier, contre avril ou mai auparavant. Un peu tôt pour juger…

- « Eprouve des difficultés à assoir son autorité malgré les avertissements répétés et semble sourd à tous conseils ». Décryptage: Voilà à peu près le plus méchant de ce que l’on puisse écrire… Cette appréciation signifie qu’il y a vraiment un problème. Vous voyez, cela ne va pas très loin dans la critique…

Si l’on souhaite insister sur la mauvaise performance d’un collègue, et lui donner une note inférieure à la fourchette, il faut alors rédiger un rapport circonstancié. Cela arrive notamment dans les cas les plus terribles, face à un fonctionnaire alcoolique ou violent avec ses élèves. La personne concernée pourra alors répondre, par le biais d’un contre-rapport. Il faudra ensuite porter le « cas » devant une commission administrative paritaire – où l’on n’est pas du tout assuré d’être soutenu. Evidemment, ce recours s’utilise à dose ultra homéopathique. En général, on n’attend pas d’avoir atteint ce stade pour aborder les problèmes. S’il l’on remarque des manquements répétés dans le service d’un enseignant, on le convoque et l’on en parle. Cela me semble être un rapport hiérarchique normal – mais ce n’est pas une évidence pour tout le monde…

Certains de mes collègues craignent les psychodrames dans les salles de prof (la hantise!). Une mauvaise évaluation peut dégrader une ambiance, créer des tensions, des ressentiments. La tentation peut être grande d’acheter la paix sociale et donc, de ne jamais faire de vague, de rester dans le flou, le mou. Car des tensions avec les profs peuvent carboniser un chef d’établissement. Nous ne pouvons pas être sur tous les fronts. Il nous faut gérer les enseignants, les parents, les élèves, les TOS (personnels techniciens, ouvriers et de services) : on ne peut pas ouvrir dix conflits à la fois, sinon, c’est l’implosion. Alors, on choisit ses combats. On a déjà vu des équipes pédagogiques appeler à la grève, ou carrément vouloir mettre en avant leur droit de retrait parce qu’ils étaient opposés à leur chef d’établissement ! Certains ont même du partir à cause de la pression des enseignants – et bien sûr, il est aussi des cas où cela était tout à fait nécessaire.

Les enseignants craignent qu’en donnant plus de pouvoir au chef d’établissement, on va accroître les copinages. Certains vont tenter se faire « bien voir », d’autres vont être « mis sur la touche. Le « chef » privilégiera ses « amis, « sa cour ». Avoir des affinités avec quelques uns et moins avec d’autres, c’est humain, comment le nier? Mais nous sommes des professionnels aguerris, nous avons le sens des responsabilités. Pourquoi partir du principe que nous serions flagorneurs et menteurs! Cela dit, je suis pour des évaluations transparentes et contradictoires, toujours: elles doivent s’appuyer sur des faits précis et des critères objectifs et un ré-examen doit être possible.

Je pense que le système actuel d’évaluation est totalement obsolète. Cela dit, le projet du gouvernement ne me semble pas satisfaisant du tout non plus. Cela nous donnerait vraiment de travail en plus, alors que nous en avons déjà beaucoup. Cela créerait aussi des tensions dans les établissements, y compris dans ceux où règnent actuellement un climat apaisé, et, à l’heure où les conditions d’exercice sont dégradées et où les personnels sont tendus, cela ne me semble pas judicieux du tout… »

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Dans les coulisses des évaluations : témoignage d'un chef d'établissement Empty Re: Dans les coulisses des évaluations : témoignage d'un chef d'établissement

par Invité 21/11/2011, 08:31
Si l’on souhaite insister sur la mauvaise performance d’un collègue, et lui donner une note inférieure à la fourchette, il faut alors rédiger un rapport circonstancié. Cela arrive notamment dans les cas les plus terribles, face à un fonctionnaire alcoolique ou violent avec ses élèves.
Mouahahaaaa je suis heureuse d'apprendre que j'ai été traitée comme une alcoolique violente.

La personne concernée pourra alors répondre, par le biais d’un contre-rapport. Il faudra ensuite porter le « cas » devant une commission administrative paritaire – où l’on n’est pas du tout assuré d’être soutenu.
Mouahaha (bis)
Evidemment, ce recours s’utilise à dose ultra homéopathique. En général, on n’attend pas d’avoir atteint ce stade pour aborder les problèmes. S’il l’on remarque des manquements répétés dans le service d’un enseignant, on le convoque et l’on en parle. Cela me semble être un rapport hiérarchique normal – mais ce n’est pas une évidence pour tout le monde…
en effet. Moi, j'ai eu droit au paquet surprise, la veille d'un week-end, avec des signatures qui devaient partir au rectorat le lundi. Très pratique pour demander l'aide d'un syndicat. Heureusement qu'il y a des syndiqués sur neoprofs...

On a déjà vu des équipes pédagogiques appeler à la grève, ou carrément vouloir mettre en avant leur droit de retrait parce qu’ils étaient opposés à leur chef d’établissement ! Certains ont même du partir à cause de la pression des enseignants – et bien sûr, il est aussi des cas où cela était tout à fait nécessaire.
j'ai connu ça aussi et c'est très dur à vivre. Et ça brise la confiance à jamais. Envers l'institution, et envers les collègues aussi.

Je pense que le système actuel d’évaluation est totalement obsolète. Cela dit, le projet du gouvernement ne me semble pas satisfaisant du tout non plus. Cela nous donnerait vraiment de travail en plus, alors que nous en avons déjà beaucoup. Cela créerait aussi des tensions dans les établissements, y compris dans ceux où règnent actuellement un climat apaisé, et, à l’heure où les conditions d’exercice sont dégradées et où les personnels sont tendus, cela ne me semble pas judicieux du tout… »
tout à fait d'accord.
Raoul Volfoni
Raoul Volfoni
Grand sage

Dans les coulisses des évaluations : témoignage d'un chef d'établissement Empty Re: Dans les coulisses des évaluations : témoignage d'un chef d'établissement

par Raoul Volfoni 21/11/2011, 10:47
Tiens, et quand un principal recopie, à la virgule près, l'appréciation de l'année précédente, donnée dans un collège différent, c'est signe de quoi ? C'est ce que m'avait fait le principal de mon deuxième collège... Enfin, je demande, mais son rapport pour l'IUFM en fin d'année et son comportement général me donnent une idée de la réponse... Ce type-là doit bicher en pensant qu'il pourra entièrement évaluer ses profs Rolling Eyes
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Dans les coulisses des évaluations : témoignage d'un chef d'établissement Empty Re: Dans les coulisses des évaluations : témoignage d'un chef d'établissement

par Invité 21/11/2011, 12:54
actuellement, la notation administrative est considérée par pas mal de CdE comme une usine à gaz qui prend du temps et ne sert à rien. Donc, s'ils n'ont rien de spécial à dire sur un prof, ils font +0.5 et laissent la même appréciation.
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