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leyade
Esprit sacré

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par leyade Mar 1 Nov 2011 - 18:34
cannelle21 a écrit:J'aime ce poème de Desnos

J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.

(...)

Robert Desnos, "Corps et biens".

Rien que ce premier vers m'a longtemps marquée. coeurs

J'édite pour rajouter quelque chose de moins drôle : je viens de me rendre compte aussi qu'il explique des années d'erreur sentimentale... Sad
Ruthven
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par Ruthven Mar 1 Nov 2011 - 20:15
Je suis le ténébreux, – le veuf, – l’inconsolé,
Le prince d’Aquitaine à la tour abolie :
Ma seule étoile est morte, – et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du tombeau, toi qui m’as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d’Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé,
Et la treille où le pampre à la rose s’allie.

Suis-je Amour ou Phébus ?… Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la reine ;
J'ai rêvé dans la grotte où nage la syrène…

Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron :
Modulant tour à tour sur la lyre d’Orphée
Les soupirs de la sainte et les cris de la fée.
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Invité
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par Invité Mar 1 Nov 2011 - 20:25
très connu, mais je l'aime beaucoup :



Si
tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;
Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre,
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;



Si
tu peux supporter d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d'entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d'un mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,
Et si tu peux aimer tous tes amis en frères,
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;



Si
tu sais méditer, observer et connaître,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n'être que penseur ;
Si tu sais être dur, sans jamais être en rage,
Si tu sais être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral et pédant ;



Si
tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,
Alors les Rois les Dieux la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un homme mon fils !
Lo
Lo
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par Lo Mar 1 Nov 2011 - 20:33
When most I wink, then do mine eyes best see,
For all the day they view things unrespected;
But when I sleep, in dreams they look on thee,
And darkly bright are bright in dark directed.
Then thou, whose shadow shadows doth make bright,
How would thy shadow's form form happy show
To the clear day with thy much clearer light,
When to unseeing eyes thy shade shines so!
How would, I say, mine eyes be blessed made
By looking on thee in the living day,
When in dead night thy fair imperfect shade
Through heavy sleep on sightless eyes doth stay!
All days are nights to see till I see thee,
And nights bright days when dreams do show thee me.


Shakespeare, Sonnet 43
Nell
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par Nell Mar 1 Nov 2011 - 20:34
Will.T a écrit:très connu, mais je l'aime beaucoup :



Si
tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;
Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre,
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;


Je l'ai lu au baptême de mon fils, j'adore I love you


Si
tu peux supporter d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d'entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d'un mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,
Et si tu peux aimer tous tes amis en frères,
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;



Si
tu sais méditer, observer et connaître,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n'être que penseur ;
Si tu sais être dur, sans jamais être en rage,
Si tu sais être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral et pédant ;



Si
tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,
Alors les Rois les Dieux la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un homme mon fils !

_________________
Impose ta chance, sers ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s'habitueront. (R. Char)
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InvitéePh
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par InvitéePh Mar 1 Nov 2011 - 20:40
Tout Baudelaire mais en particulier ça :
Un Hémisphère dans une Chevelure

Laisse-moi respirer longtemps, longtemps, l'odeur de tes cheveux , y plonger tout mon visage, comme un homme altéré dans l'eau d'une source, et les agiter avec ma main comme un mouchoir odorant, pour secouer des souvenirs dans l'air.

Si tu pouvais savoir tout ce que je vois! tout ce que je sens! tout ce que j'entends dans tes cheveux! Mon âme voyage sur le parfum comme l'âme des autres hommes sur la musique.

Tes cheveux contiennent tout un rêve, plein de voilures et de mâtures; ils contiennent de grandes mers dont les moussons me portent vers de charmants climats, où l'espace est plus bleu et plus profond, où l'atmosphère est parfumée par les feuilles et par la peau humaine.

Dans l'océan de ta chevelure, j'entrevois un port fourmillant de chants mélancoliques, d'hommes vigoureux de toutes nations et de navires de toutes formes découpant leurs architectures fines et compliquées sur un ciel immense où se prélasse l'éternelle chaleur.

Dans les caresses de ta chevelure, je retrouve les langueurs des longues heures passées sur un divan, dans la chambre d'un beau navire, bercées par le roulis imperceptible du port, entre les pots de fleurs et les gargoulettes rafraîchissantes.

Dans l'ardent foyer de ta chevelure, je respire l'odeur du tabac mêlé à l'opium et au sucre; dans la nuit de ta chevelure, je vois resplendir l'infini de l'azur tropical; sur les rivages duvetés de ta chevelure je m'enivre des odeurs combinées du goudron, du musc et de l'huile de coco.

Laisse-moi mordre longtemps tes tresses lourdes et noires. Quand je mordille tes cheveux élastiques, il me semble que je mange des souvenirs.
Audrey
Audrey
Oracle

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par Audrey Mar 1 Nov 2011 - 20:42
Moi, depuis que je l'ai lu, il y a 20 ans, c'est ça..d'Aragon:


Je traîne après moi trop d'échecs et de mécomptes
J'ai la méchanceté d'un homme qui se noie
Toute l'amertume de la mer me remonte
Il me faut me prouver toujours je ne sais quoi
Et tant pis qui j'écrase et tant pis qui je broie
Il me faut prendre ma revanche sur la honte

Ne puis-je donner de la douleur Tourmenter
N'ai-je pas à mon tour le droit d'être féroce
N'ai-je pas à mon tour droit à la cruauté
Ah faire un mal pareil aux brisures de l'os
Ne puis-je avoir sur autrui ce pouvoir atroce
N'ai-je pas assez souffert assez sangloté

Je suis le prisonnier des choses interdites
Le fait qu'elles le soient me jette à leurs marais
Toute ma liberté quand je vois ses limites
Tient à ce pas de plus qui la démontrerait
Et c'est comme à la guerre il faut que je sois prêt
D'aller où le défi de l'ennemi m'invite

Toute idée a besoin pour moi d'un contre-pied
Je ne puis supporter les vérités admises
Je remets l'évidence elle-même en chantier
Je refuse midi quand il sonne à l'église
Et si j'entends en lui des paroles apprises
Je déchire mon cœur de mes mains sans pitié

Je ne sais plus dormir lorsque les autres dorment
Et tout ce que je pense est dans mon insomnie
Une ombre gigantesque au mur où se déforme
Le monde tel qu'il est que follement je nie
Mes rêves éveillés semblent des Saints Denis
Qui la tête à la main marchent contre la norme

Inexorablement je porte mon passé
Ce que je fus demeure à jamais mon partage
C'est comme si les mots pensés ou prononcés
Exerçaient pour toujours un pouvoir de chantage
Qui leur donne sur moi ce terrible avantage
Que je ne puisse pas de la main les chasser

Cette cage des mots il faudra que j'en sorte
Et j'ai le cœur en sang d'en chercher la sortie
Ce monde blanc et noir où donc en est la porte
Je brûle à ses barreaux mes doigts comme aux orties
Je bats avec mes poings ces murs qui m'ont menti
Des mots des mots autour de ma jeunesse morte
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Invité5
Expert

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par Invité5 Mar 1 Nov 2011 - 20:43
John Donne
"Batter my heart, three person'd God; for, you"

BATTER my heart, three person'd God; for, you
As yet but knocke, breathe, shine, and seeke to mend;
That I may rise, and stand, o'erthrow mee,'and bend
Your force, to breake, blowe, burn and make me new.
I, like an usurpt towne, to'another due,
Labour to'admit you, but Oh, to no end,
Reason your viceroy in mee, mee should defend,
But is captiv'd, and proves weake or untrue.
Yet dearely'I love you,'and would be loved faine,
But am betroth'd unto your enemie:
Divorce mee,'untie, or breake that knot againe;
Take mee to you, imprison mee, for I
Except you'enthrall mee, never shall be free,
Nor ever chast, except you ravish mee.

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InvitéePh
Monarque

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par InvitéePh Mar 1 Nov 2011 - 20:44
cannelle21 a écrit:Et celui-là que je me suis longtemps récité

Dans les ténèbres qui m’enserrent,
Noires comme un puits où l’on se noie,
Je rends grâce aux dieux quels qu’ils soient,
Pour mon âme invincible et fière,

Dans de cruelles circonstances,
Je n’ai ni gémi ni pleuré,
Meurtri par cette existence,
Je suis debout bien que blessé,

En ce lieu de colère et de pleurs,
Se profile l’ombre de la mort,
Et je ne sais ce que me réserve le sort,
Mais je suis et je resterai sans peur,

Aussi étroit soit le chemin,
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis le maître de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme.

Je l'aime, je l'aime, je l'ai toujours trouvé ronflant, mais je l'adore !
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Invité5
Expert

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par Invité5 Mar 1 Nov 2011 - 20:51
cannelle21 a écrit:Et celui-là que je me suis longtemps récité

Dans les ténèbres qui m’enserrent,
Noires comme un puits où l’on se noie,
Je rends grâce aux dieux quels qu’ils soient,
Pour mon âme invincible et fière,

Dans de cruelles circonstances,
Je n’ai ni gémi ni pleuré,
Meurtri par cette existence,
Je suis debout bien que blessé,

En ce lieu de colère et de pleurs,
Se profile l’ombre de la mort,
Et je ne sais ce que me réserve le sort,
Mais je suis et je resterai sans peur,

Aussi étroit soit le chemin,
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis le maître de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme.

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J'ai toujours ce poème sur moi, au cas où Wink
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InvitéeHr
Érudit

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par InvitéeHr Mar 1 Nov 2011 - 21:07
Cet extrait d'Anna Soror

Elle s'était remise à la lecture des mystiques : Louis de Léon, le frère Jean de la Croix, les mêmes que lui lisait jadis dans l'ensoleillement des après-midi napolitaines un jeune cavalier tout en noir. Les images d'autrefois rayonnaient de nouveau dans leur jeunesse immobile, comme si Donna Anna dans sa descente insensible, eût commencé d'atteindre le lieu où tout se rejoint. Donna valentine n'était pas loin; Don Miguel resplendissait dans l'éclat de ses vingt ans; il était tout proche. Une Anna d'une vingtaine d'années brûlait et vivait en elle aussi, inchangée, à l'intérieur de ce corps de femme usé et vieilli.
Mufab
Mufab
Grand Maître

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par Mufab Mar 1 Nov 2011 - 21:20
Prévert... La lessive (entre autres)


Oh la terrible et surprenante odeur de viande qui meurt
c’est l’été et pourtant les feuilles des arbres du jardin
tombent et crèvent comme si c’était l’automne…
cette odeur vient du pavillon
où demeure monsieur Edmond
chef de famille
chef de bureau
c’est le jour de la lessive
et c’est l’odeur de la famille
et le chef de famille
chef de bureau
dans son pavillon de chef-lieu de canton
va et vient autour du baquet familial
et répète sa formule favorite
Il faut laver son linge sale en famille
et toute la famille glousse d’horreur
de honte
frémit et brosse et frotte et brosse
le chat voudrait bien s’en aller
tout cela lui lève le cœur
le cœur du petit chat de la maison
mais la porte est cadenassée
alors le pauvre petit chat dégueule
le pauvre petit morceau de cœur
que la veille il avait mangé
de vieux portefeuilles flottent dans l’eau du baquet
et puis des scapulaires… des suspensoirs…
des bonnets de nuit… des bonnets de police…
des polices d’assurance… des livres de comptes…
des lettres d’amour où il est question d’argent
des lettres anonymes où il est question d’amour
une rosette de la légion d’honneur
de vieux morceaux de coton à oreille
des rubans
une soutane
un caleçon de vaudeville
une robe de mariée
une feuille de vigne
une blouse d’infirmière
un corset d’officier de hussards
des langes
une culotte de plâtre
une culotte de peau…
soudain de longs sanglots
et le petit chat met ses pattes sur ses oreilles
pour ne pas entendre ce bruit
parce qu’il aime la fille
et que c’est elle qui crie
c’est à elle qu’on en voulait
c’est la jeune fille de la maison
elle est nue… elle crie… elle pleure…
et d’un coup de brosse à chiendent sur la tête
le père la rappelle à la raison
elle a une tache
la jeune fille de la maison
et toute la famille la plonge
et la replonge
elle saigne
elle hurle
mais elle ne veut pas dire le nom…
et le père hurle aussi
Que tout ceci ne sorte pas d’ici
Que tout ceci reste entre nous
dit la mère
et les fils les cousins les moustiques
crient aussi
et le perroquet sur son perchoir
répète aussi
Que tout ceci ne sorte pas d’ici
honneur de la famille
honneur du père
honneur du fils
honneur du perroquet Saint-Esprit
elle est enceinte la jeune fille de la maison
il ne faut pas que le nouveau-né
sorte d’ici
on ne connaît pas le nom du père
au nom du père et du fils
au nom du perroquet déjà nommé Saint-Esprit
Que tout ceci ne sorte pas d’ici…
avec sur le visage une expression surnaturelle
la vieille grand-mère assise sur le rebord du baquet
tresse une couronne d’immortelles artificielles
pour l’enfant naturel…
et la fille est piétinée
la famille pieds nus
piétine piétine et piétine
c’est la vendange de la famille
la vendange de l’honneur
la jeune fille de la maison crève
dans le fond…
à la surface
des globules de savon éclatent
des globules blancs
globules blêmes
couleur d’enfant de Marie…
et sur un morceau de savon
un morpion se sauve avec ses petits
l’horloge sonne une heure et demie
et le chef de famille et de bureau
met son couvre-chef sur son chef
et s’en va
traverse la place de chef-lieu de canton
et rend le salut à son sous-chef
qui le salue…
les pieds du chef de famille sont rouges
mais les chaussures sont bien cirées
Il vaut mieux faire envie que pitié.

sand
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Guide spirituel

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par sand Mar 1 Nov 2011 - 21:25
Il y a tellement de textes bouleversants, j'espère que celui-ci n'a pas été déjà choisi :

Tes pas, enfants de mon silence,
Saintement, lentement placés,
Vers le lit de ma vigilance
Procèdent muets et glacés.

Personne pure, ombre divine,
Qu'ils sont doux, tes pas retenus !
Dieux !… tous les dons que je devine
Viennent à moi sur ces pieds nus !

Si, de tes lèvres avancées,
Tu prépares pour l'apaiser,
A l'habitant de mes pensées
La nourriture d'un baiser,

Ne hâte pas cet acte tendre,
Douceur d'être et de n'être pas,
Car j'ai vécu de vous attendre,
Et mon cœur n'était que vos pas.
Paul Valéry
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Cava
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par Cava Mar 1 Nov 2011 - 21:32
Je suis en train de lire vos extraits les néos et j'ai les yeux rouges, le coeur tour à tour serré, léger, bref, il palpite.

Beaucoup de textes qui parlent également. Je crois que l'on pourrait en choisir un chaque soir et s'endormir en bonne compagnie!

bisous
Mufab
Mufab
Grand Maître

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par Mufab Mar 1 Nov 2011 - 21:33
Un texte qui me touche particulièrement :

TU ES UNE MERVEILLE

Chaque seconde que nous vivons est un moment nouveau et unique dans l'histoire de l'univers, un moment qui ne reviendra plus jamais...

Et qu'enseignons-nous à nos enfants ?

Nous leur enseignons que deux et deux font quatre, et que Paris est la capitale de la France.

Quand leur enseignerons-nous aussi à savoir qui ils sont ?

Nous devrions dire à chaque enfant: « Tu sais qui tu es? Tu es une merveille. Tu es unique. Depuis le début des temps, il n'y a jamais eu un autre enfant comme toi. Tes bras, tes jambes, l'agilité de tes doigts, ta façon de marcher. Tu pourrais être un Shakespeare, un Michel-Ange, un Beethoven. Tu es capable de réussir en tout. Oui, tu es une merveille. Et quand tu seras grand, oserais-tu faire du mal à quelqu'un qui, comme toi, est une merveille? »

Tu dois travailler, nous devons tous travailler, à rendre le monde digne de ses enfants.

Pablo Casals


Rikki
Rikki
Monarque

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par Rikki Mar 1 Nov 2011 - 22:33
Merci, Nell, pour cet extrait de Giraudoux. Je l'avais complètement oublié, et dès que j'ai lu la première ligne, j'ai retrouvé le passage qui m'avait bouleversée quand je l'avais lu il y a... 30 ans au moins !


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mon site sur l'écriture : www.ecritureparis.fr
Infiniment
Infiniment
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par Infiniment Mar 1 Nov 2011 - 22:48
Flaubert a écrit:Mais l’anxiété d’un état nouveau, ou peut-être l’irritation causée par la présence de cet homme, avait suffi à lui faire croire qu’elle possédait enfin cette passion merveilleuse qui jusqu’alors s’était tenue comme un grand oiseau au plumage rose planant dans la splendeur des ciels poétiques ; – et elle ne pouvait s’imaginer à présent que ce calme où elle vivait fût le bonheur qu’elle avait rêvé.

Madame Bovary

Jacqueline de Romilly a écrit:Je ne vais pas, je ne peux pas, parler de la mort de Jeanne. C'est affaire entre elle et moi.
Il y a pourtant deux moments dont il faut bien fixer le souvenir, parce qu'ils sont comme le sceau de tout ce qui précéda et que leur noblesse donne son sens à l'ensemble. C'est d'abord ce regard que nous avons échangé le dernier soir. Un regard d'une tendresse si parfaite et si pure qu'elle était déjà presque désincarnée – un regard que l'intensité rendait poignant, mais où ne se sentait aucune anxiété. Et il y eut en dernier ce sourire plein de jubilation – comme si lui était apparue, à peine croyable, la récompense de tant de peines. Le sens de ce sourire ? Je ne sais pas. Je l'ai vu ; et, depuis, je vis de ce souvenir.
Jeanne

_________________
Ah ! la belle chose, que de savoir quelque chose !
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Cava
Grand sage

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par Cava Mar 1 Nov 2011 - 23:04
Merci Infiniment pour ces extraits.
J'ai vraiment beaucoup apprécié Jeanne qui m'a littéralement bouleversée.


Dernière édition par cavalol le Mer 2 Nov 2011 - 10:23, édité 1 fois
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User5899
Demi-dieu

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par User5899 Mer 2 Nov 2011 - 0:07
"Ayant poussé la porte étroite qui chancelle,
Je me suis promené dans le petit jardin
Qu’éclairait doucement le soleil du matin,
Pailletant chaque fleur d’une humide étincelle.

Rien n’a changé. J’ai tout revu : l’humble tonnelle
De vigne folle avec les chaises de rotin…
Le jet d’eau fait toujours son murmure argentin
Et le vieux tremble sa plainte sempiternelle.

Les roses comme avant palpitent ; comme avant,
Les grands lys orgueilleux se balancent au vent,
Chaque alouette qui va et vient m’est connue.

Même j’ai retrouvé debout la Velléda,
Dont le plâtre s’écaille au bout de l’avenue,
— Grêle, parmi l’odeur fade du réséda."
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User5899
Demi-dieu

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par User5899 Mer 2 Nov 2011 - 0:11
"Il était cinq heures, une pluie fine tombait. Des bourgeois occupaient le trottoir du côté de l’Opéra. Les maisons d’en face étaient closes. Personne aux fenêtres. Dans toute la largeur du boulevard, des dragons galopaient, à fond de train, penchés sur leurs chevaux, le sabre nu ; et les crinières de leurs casques et leurs grands manteaux blancs soulevés derrière eux passaient sur la lumière des becs de gaz, qui se tordaient au vent dans la brume. La foule les regardait, muette, terrifiée.
Entre les charges de cavalerie, des escouades de sergents de ville survenaient, pour faire refluer le monde dans les rues.
Mais, sur les marches de Tortoni, un homme – Dussardier–, remarquable de loin à sa haute taille, restait sans plus bouger qu’une cariatide.
Un des agents qui marchait en tête, le tricorne sur les yeux, le menaça de son épée.
L’autre alors, s’avançant d’un pas, se mit à crier :
— Vive la République !
Il tomba sur le dos, les bras en croix.
Un hurlement d’horreur s’éleva de la foule. L’agent fit un cercle autour de lui avec son regard ; et Frédéric, béant, reconnut Sénécal.


VI

Il voyagea.
Il connut la mélancolie des paquebots, les froids réveils sous la tente, l’étourdissement des paysages et des ruines, l’amertume des sympathies interrompues.
Il revint."
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User5899
Demi-dieu

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par User5899 Mer 2 Nov 2011 - 0:14
"Dans le vieux parc solitaire et glacé,
Deux formes ont tout à l’heure passé.

Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l’on entend à peine leurs paroles.

Dans le vieux parc solitaire et glacé,
Deux spectres ont évoqué le passé.

— Te souvient-il de notre extase ancienne ?
— Pourquoi voulez-vous donc qu’il m’en souvienne ?

— Ton cœur bat-il toujours à mon seul nom ?
Toujours vois-tu mon âme en rêve ? — Non.

— Ah ! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches ! — C’est possible.

— Qu’il était bleu, le ciel, et grand, l’espoir !
— L’espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.

Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles."
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Cava
Grand sage

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par Cava Mer 2 Nov 2011 - 9:14
Oh les néos je viens de m'apercevoir que mon titre était bancal et personne n'a osé me le dire ... Rectification faite!

@Sand, j'ai un faible pour ce poème de Valéry, également. C'est drôle, non? bisous

@Cripure, merci d'avoir poussé la porte de ce fil et d'y avoir déposé ces extraits. J'avoue avoir un faible également pour L'éducation sentimentale et Flaubert!
bisous

Ma contribution, ce matin :

"C’est pourquoi ni les blessures, ni les expériences décevantes ne l’avaient aigrie. De même qu’elle ne devait pas, dans la suite, revenir sans nécessité sur le passé, de même elle ne s’est jamais laissé enfermer dans l’imperfection du présent. Elle a toujours espéré mieux. Et cela se lit sur toutes les dernières images de cette époque. Cela s’y lit même de deux façons apparemment contradictoires, mais toutes deux exquisément jeunes.
La première est une gaieté espiègle, à laquelle les souvenirs que j’ai dits donnent un prix exceptionnel. Elle savait rire et faire rire, Jeanne au bracelet d’argent. Elle savait se moquer. Et, dans toutes les épreuves qu’elle a dû traverser plus tard, elle l’a toujours su.
Elle était espiègle avec talent. Le renom de ses espiègleries a même duré plus d’une génération : je devais le découvrir quand je suis entrée, à l’âge de sept ans, au lycée Molière. Jeanne y avait été élève pendant dix ans, et de vieilles surveillantes l’avaient connue : elles gardaient de Jeanne un souvenir à la fois ému et terrifié. Ne m’a-t-elle pas raconté elle-même, non sans fierté, quel talent elle possédait pour faire voler en l’air un de ses caoutchoucs. […] Quoi qu’il en soit, au pied de Jeanne, le caoutchouc devenait un projectile imprévisible : on en savait quand il allait s’élever en fusée au-dessus des rangs, ni d’où il partait, ni pourquoi. Jeanne était adroite et malicieuse, elle aimait faire rire ; elle aimait se moquer.
Son maintien de petite fille sage ne doit faire oublier ni le talent de la comédienne ni la photo aux yeux rieurs …
C’était sa défense, à elle, de se moquer.
Son goût des déguisements et des surprises prenait sa source dans le même dynamisme hardi. Avec ses cousines et ses cousins, qu’elle aimait inégalement, elle donnait libre cours à ce goût. Elle avait parmi ces jeunes des soupirants, ou prétendus tels : belle matière à plaisanterie avec les filles. Les surnoms ironiques étaient décochés comme autant de flèches, créant de douces connivences entre les initiés, offrant matière au jeu. Son ironie était alors beaucoup plus qu’une simple réaction critique : elle était le moyen, tout ensemble, de plaire et d’éluder, d’éluder mais d’amuser, d’amuser mais de tenir à distance, de tenir à distance, de tenir à distance mais de tenir captif … Même les refus de Jeanne se paraient de séduction et de fantaisie.
En outre, ces jeux et ces badinages n’étaient qu’une des forces de sa jeunesse. Ils protégeaient son indépendance, mais cette indépendance était, dans le silence, vouée à un immense sérieux." Jacqueline de Romilly, Jeanne.

J'aime ce portrait facétieux qu'elle fait de sa mère. Tout au long de ce très beau livre, on sent la tendre complicité qui les liait toutes deux.

J'attends avec plaisir vos autres extraits.
mymoune
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Niveau 10

Les extraits littéraires ou autres qui vous transportent ... - Page 2 Empty Re: Les extraits littéraires ou autres qui vous transportent ...

par mymoune Mer 2 Nov 2011 - 9:40
Très sensible à la question du deuil, Eluard me touche particulièrement :

Vingt-huit novembre mil neuf cent quarante-six

Nous ne vieillirons pas ensemble

Voici le jour

En trop: le temps déborde.

Mon amour si léger prend le poids d'un supplice.




Notre vie

Notre vie tu l'as faite elle est ensevelie
Aurore d'une ville un beau matin de mai
Sur laquelle la terre a refermé son poing
Aurore en moi dix-sept années toujours plus claires
Et la mort entre en moi comme dans un moulin

Notre vie disais-tu si contente de vivre
Et de donner la vie à ce que nous aimions
Mais la mort a rompu l'équilibre du temps
La mort qui vient la mort qui va la mort vécue
La mort visible boit et mange à mes dépens


Morte visible Nusch invisible et plus dure
Que la faim et la soif à mon corps épuisé
Masque de neige sur la terre et sous la terre
Source des larmes dans la nuit masque d'aveugle
Mon passé se dissout je fais place au silence.


Paul Eluard, Le Temps déborde (1947)


Enfin un extrait de la Plus que vive de Christian Bobin. Il y rend homme à sa femme. Poignant... :
"Si je me retourne dans ta mort débutante, Ghislaine mais retourner n'est pas le mot qui convient, tu as toujours été en avant, devant, dans ce temps des derniers gels et des premières floraisons blanches, je te vois comme une jeune femme éclatant de rire sous les giboulées. Ton rire me manque. On peut se laisser dépérir dans le manque. On peut aussi y trouver un surcroît de vie. L'automne et l'hiver qui ont suivi ta mort, je les ai occupés à défricher pour toi ce petit jardin d'encre".

Iphigénie
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Prophète

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par Iphigénie Mer 2 Nov 2011 - 10:06
tout ça est très beau en effet,mais pourquoi a-t-on autant la littérature triste? Les extraits littéraires ou autres qui vous transportent ... - Page 2 3795679266
Palombella Rossa
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Neoprof expérimenté

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par Palombella Rossa Mer 2 Nov 2011 - 10:11
iphigénie a écrit:tout ça est très beau en effet,mais pourquoi a-t-on autant la littérature triste? Les extraits littéraires ou autres qui vous transportent ... - Page 2 3795679266

Tristan Corbière :

"Sonnet (Avec la manière de s'en servir)"

Réglons notre papier et formons bien nos lettres

Vers filés à la main et d'un pied uniforme,
Emboîtant bien le pas, par quatre en peloton ;
Qu'en marquant la césure, un des quatre s'endorme...
Ça peut dormir debout comme soldats de plomb.

Sur le railway du Pinde est la ligne, la forme ;
Aux fils du télégraphe : - on en suit quatre, en long ;
A chaque pieu, la rime - exemple : chloroforme.
- Chaque vers est un fil, et la rime un jalon.

- Télégramme sacré - 20 mots. - Vite à mon aide...
(Sonnet - c'est un sonnet -) O Muse d'Archiméde !
- La preuve d'un sonnet est par l'addition :

- Je pose 4 et 4, 8 ! Alors je procède,
En posant 3 et 3 ! - Tenons Pégase raide :
" O lyre ! O délire ! O... " - Sonnet - Attention !
Iphigénie
Iphigénie
Prophète

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par Iphigénie Mer 2 Nov 2011 - 10:14
:lol:
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