- CavaGrand sage
Bonsoir les Néos! :aaz:
Je viens de parcourir les quelques pages de retard et je vois que vous êtes inspirés ! J'ai les yeux qui piquent et le coeur serré à lire vos extraits! Il est temps que je revienne pour vous présenter les miens! Ils reflètent mes humeurs de la semaine passée!
Je commence avec celui-ci :
J'étais d’humeur chagrine ...
Je viens de parcourir les quelques pages de retard et je vois que vous êtes inspirés ! J'ai les yeux qui piquent et le coeur serré à lire vos extraits! Il est temps que je revienne pour vous présenter les miens! Ils reflètent mes humeurs de la semaine passée!
Je commence avec celui-ci :
"Sables mouvants"
Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer s'est retirée
Et toi
Comme une algue doucement caressée par le vent
Dans les sables du lit tu remues en rêvant
Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer s'est retirée
Mais dans tes yeux entrouverts
Deux petites vagues sont restées
Démons et merveilles
Vents et marées
Deux petites vagues pour me noyer.
J'étais d’humeur chagrine ...
- Spoiler:
- Et vous ?
- leyadeEsprit sacré
[ TIRADE SUR L’INCONSTANCE ]
DON JUAN. - Quoi ? tu veux qu'on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu'on renonce au monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour personne ? La belle chose de vouloir se piquer d'un faux honneur d'être fidèle, de s'ensevelir pour toujours dans une passion, et d'être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux ! Non, non : la constance n'est bonne que pour des ridicules ; toutes les belles ont droit de nous charmer, et l'avantage d'être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes prétentions qu'elles ont toutes sur nos cœurs. Pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous entraîne. J'ai beau être engagé, l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à faire injustice aux autres ; je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige. Quoi qu'il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d'aimable ; et dès qu'un beau visage me le demande, si j'en avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l'amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d'un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d'une conquête à faire. Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne, et j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs : je me sens un cœur à aimer toute la terre ; et comme Alexandre, je souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.
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Maggi is my way, Melfor is my church and Picon is my soutien. Oui bon je sais pas dire soutien en anglais.
LSU AP ENT HDA PAI PAP PPMS PPRE ULIS TICE PAF
- leyadeEsprit sacré
Lorenzaccio - Alfred de Musset
ACTE III, SCENE 3
Extrait
LORENZO
Tu me demandes pourquoi je tue Alexandre ? Veux-tu donc que je m'empoisonne, ou que je saute dans l'Arno ? veux-tu donc que je sois un spectre, et qu'en frappant sur ce squelette (Il frappe sa poitrine), il n'en sorte aucun son ? Si je suis l'ombre de moi-même, veux-tu donc que je m'arrache le seul fil qui rattache aujourd'hui mon coeur à quelques fibres de mon coeur d'autrefois ? Songes-tu que ce meurtre, c'est tout ce qui me reste de ma vertu ? Songes-tu que je glisse depuis deux ans sur un mur taillé à pic, et que ce meurtre est le seul brin d'herbe où j'aie pu cramponner mes ongles ? Crois-tu donc que je n'aie plus d'orgueil, parce que je n'ai plus de honte ? et veux-tu que je laisse mourir en silence l'énigme de ma vie ? Oui, cela est certain, si je pouvais revenir à la vertu, si mon apprentissage du vice pouvait s'évanouir, j'épargnerais peut-être ce conducteur de boeufs. Mais j'aime le vin, le jeu et les filles ; comprends-tu cela ? Si tu honores en moi quelque chose, toi qui me parles, c'est mon meurtre que tu honores, peut-être justement parce que tu ne le ferais pas. Voilà assez longtemps, vois-tu, que les républicains me couvrent de boue et d'infamie ; voilà assez longtemps que les oreilles me tintent, et que l'exécration des hommes empoisonne le pain que je mâche ; j'en ai assez d'entendre brailler en plein vent le bavardage humain ; il faut que le monde sache un peu qui je suis et qui il est. Dieu merci ! c'est peut-être demain que je tue Alexandre ; dans deux jours j'aurai fini. Ceux qui tournent autour de moi avec des yeux louches, comme autour d'une curiosité monstrueuse apportée d'Amérique, pourront satisfaire leur gosier et vider leur sac à paroles. Que les hommes me comprennent ou non, qu'ils agissent ou n'agissent pas, j'aurai dit tout ce que j'ai à dire ; je leur ferai tailler leur plume, si je ne leur fais pas nettoyer leurs piques, et l'humanité gardera sur sa joue le soufflet de mon épée marqué en traits de sang. Qu'ils m'appellent comme ils voudront, Brutus ou Erostrate, il ne me plaît pas qu'ils m'oublient. Ma vie entière est au bout de ma dague, et que la Providence retourne ou non la tête, en m'entendant frapper, je jette la nature humaine à pile ou face sur la tombe d'Alexandre ; dans deux jours, les hommes comparaîtront devant le tribunal de ma volonté.
ACTE III, SCENE 3
Extrait
LORENZO
Tu me demandes pourquoi je tue Alexandre ? Veux-tu donc que je m'empoisonne, ou que je saute dans l'Arno ? veux-tu donc que je sois un spectre, et qu'en frappant sur ce squelette (Il frappe sa poitrine), il n'en sorte aucun son ? Si je suis l'ombre de moi-même, veux-tu donc que je m'arrache le seul fil qui rattache aujourd'hui mon coeur à quelques fibres de mon coeur d'autrefois ? Songes-tu que ce meurtre, c'est tout ce qui me reste de ma vertu ? Songes-tu que je glisse depuis deux ans sur un mur taillé à pic, et que ce meurtre est le seul brin d'herbe où j'aie pu cramponner mes ongles ? Crois-tu donc que je n'aie plus d'orgueil, parce que je n'ai plus de honte ? et veux-tu que je laisse mourir en silence l'énigme de ma vie ? Oui, cela est certain, si je pouvais revenir à la vertu, si mon apprentissage du vice pouvait s'évanouir, j'épargnerais peut-être ce conducteur de boeufs. Mais j'aime le vin, le jeu et les filles ; comprends-tu cela ? Si tu honores en moi quelque chose, toi qui me parles, c'est mon meurtre que tu honores, peut-être justement parce que tu ne le ferais pas. Voilà assez longtemps, vois-tu, que les républicains me couvrent de boue et d'infamie ; voilà assez longtemps que les oreilles me tintent, et que l'exécration des hommes empoisonne le pain que je mâche ; j'en ai assez d'entendre brailler en plein vent le bavardage humain ; il faut que le monde sache un peu qui je suis et qui il est. Dieu merci ! c'est peut-être demain que je tue Alexandre ; dans deux jours j'aurai fini. Ceux qui tournent autour de moi avec des yeux louches, comme autour d'une curiosité monstrueuse apportée d'Amérique, pourront satisfaire leur gosier et vider leur sac à paroles. Que les hommes me comprennent ou non, qu'ils agissent ou n'agissent pas, j'aurai dit tout ce que j'ai à dire ; je leur ferai tailler leur plume, si je ne leur fais pas nettoyer leurs piques, et l'humanité gardera sur sa joue le soufflet de mon épée marqué en traits de sang. Qu'ils m'appellent comme ils voudront, Brutus ou Erostrate, il ne me plaît pas qu'ils m'oublient. Ma vie entière est au bout de ma dague, et que la Providence retourne ou non la tête, en m'entendant frapper, je jette la nature humaine à pile ou face sur la tombe d'Alexandre ; dans deux jours, les hommes comparaîtront devant le tribunal de ma volonté.
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- leyadeEsprit sacré
Il y a ton sourire qui s'élève
C’est comme une lueur d’espoir
Il y a l’ombre et la lumière
Au milieu notre trajectoire
Il fallait choisir une route
Alors on a choisi la pluie
Acide à s’en brûler le cœur
Pourvu que planent les esprits
Il y a tes yeux qui me tuent
Quand tu me dis que c’est fini
Il y a le vent de nos sanglots
Qui souffle pour une amnistie
Mais rien n’arrêtera la lutte
Rien ne séchera cette pluie
Non rien ne finira la chute
Car rien ne finit l’infini
Rien ne desserrera nos mains
Rien n’éteindra l’éphémère
Nous forcerons, oui nous forcerons nos destins
Puis nous perceront les mystères
Il y a les lois de l’empire
Et les trous noirs dans ma mémoire
Il y a le meilleur et puis le pire
Au milieu notre trajectoire
Combien tu vends ta liberté,
Dis, combien tu vends ta poésie
Moi j’ai même vendu mon âme au diable, pour ton sourire
Puisque tout est aléatoire
Dans le chaos des univers
Puisque insoluble est la réponse
Et puisque déjà me manque l’air
Et qu’importe les directions
Jusqu’au delà de la limite
Tous les chemins mènent à tes yeux
Tous les chemins mènent à la fuite
C’est comme une lueur d’espoir
Il y a l’ombre et la lumière
Au milieu notre trajectoire
Il fallait choisir une route
Alors on a choisi la pluie
Acide à s’en brûler le cœur
Pourvu que planent les esprits
Il y a tes yeux qui me tuent
Quand tu me dis que c’est fini
Il y a le vent de nos sanglots
Qui souffle pour une amnistie
Mais rien n’arrêtera la lutte
Rien ne séchera cette pluie
Non rien ne finira la chute
Car rien ne finit l’infini
Rien ne desserrera nos mains
Rien n’éteindra l’éphémère
Nous forcerons, oui nous forcerons nos destins
Puis nous perceront les mystères
Il y a les lois de l’empire
Et les trous noirs dans ma mémoire
Il y a le meilleur et puis le pire
Au milieu notre trajectoire
Combien tu vends ta liberté,
Dis, combien tu vends ta poésie
Moi j’ai même vendu mon âme au diable, pour ton sourire
Puisque tout est aléatoire
Dans le chaos des univers
Puisque insoluble est la réponse
Et puisque déjà me manque l’air
Et qu’importe les directions
Jusqu’au delà de la limite
Tous les chemins mènent à tes yeux
Tous les chemins mènent à la fuite
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Maggi is my way, Melfor is my church and Picon is my soutien. Oui bon je sais pas dire soutien en anglais.
LSU AP ENT HDA PAI PAP PPMS PPRE ULIS TICE PAF
- CavaGrand sage
Ah oui!
Merci Leyade! Dom Juan, comme je le comprends parfois ... mais hélas, mon pauvre coeur en est déjà tout meurtri.
Bon je continue avec :
Pas vous?
Merci pour ces trois extraits Leyade! Nous postons en même temps!
Merci Leyade! Dom Juan, comme je le comprends parfois ... mais hélas, mon pauvre coeur en est déjà tout meurtri.
Bon je continue avec :
Le chat ouvrit les yeux,
Le soleil y entra.
Le chat ferma les yeux,
Le soleil y resta.
Voilà pourquoi, le soir
Quand le chat se réveille,
J'aperçois dans le noir
Deux morceaux de soleil.
- Spoiler:
- J'étais d'humeur enfantine ...
Pas vous?
Merci pour ces trois extraits Leyade! Nous postons en même temps!
- CavaGrand sage
Plusieurs autres extraits :
J’aime ce passage qui montre Tereza à la fois forte et fragile. Elle sait qu’elle doit aller le chercher même endormie pour ne pas perdre Tomas. C’est alors qu’il prend conscience de son attachement.
Juste avant :
Je devais être nostalgique ...
« Un jour qu'il venait de l'endormir et qu’elle était dans l’antichambre du premier sommeil où elle pouvait encore répondre à ses questions, il lui dit : « Bon ! Maintenant, je m’en vais. – Où ça ? demanda-t-elle. – Je sors, dit-il d’une voix sévère. – Je vais avec toi ! dit-elle en se dressant sur le lit. – Non, je ne veux pas. Je pars pour toujours », dit-il, et il sortit de la chambre dans l’entrée. Elle se leva et le suivit dans l’entrée en clignant des yeux. Elle ne portait qu’une courte chemisette sous laquelle elle était nue. Son visage était immobile, sans expression, mais ses mouvements étaient énergiques. De l’entrée, il sortit dans le couloir (le couloir commun de l’immeuble de rapport) et ferma la porte devant elle. Elle l’ouvrit d’un geste brusque et le suivit, persuadée dans son demi-sommeil qu’il voulait partir pour toujours et qu’elle devait le retenir. Il descendit un étage, s’arrêta sur le palier et l’attendit. Elle l’y rejoignit, le saisit par la main et le ramena près d’elle, dans le lit.
Tomas se disait : coucher avec une femme et dormir avec elle, voilà deux passions non seulement différentes mais presque contradictoires. L’amour ne se manifeste pas par le désir de faire l’amour (ce désir s’applique à une innombrable multitude de femmes) mais par le désir du sommeil partagé (ce désir-là ne concerne qu’une seule femme). »
J’aime ce passage qui montre Tereza à la fois forte et fragile. Elle sait qu’elle doit aller le chercher même endormie pour ne pas perdre Tomas. C’est alors qu’il prend conscience de son attachement.
Juste avant :
A partir du moment où Tomas consent à donner sa main à Tereza pour qu’elle puisse dormir, il devient son captif. Tout est suggéré, en douceur.« C’est pourquoi il fut tellement surpris quand il se réveilla et que Tereza le tenait fermement par la main. Il la regardait et il avait peine à comprendre ce qui lui était arrivé. Il évoquait les heures qui venaient de s’écouler et il croyait y respirer le parfum d’un bonheur inconnu. »
La fragilité apparente du couple m’émeut : tous deux sont touchants de grâce et d’innocence. De plus les références sont tellement riches que chacun peut y trouver un écho et en faire une lecture personnelle.« Pourtant, cette fois-ci, il s’endormit près d’elle. Au matin, quand il se réveilla, il constata que Tereza qui dormait encore lui tenait la main. S’étaient-ils tenus comme ça par la main toute la nuit ? Ca lui semblait difficilement croyable.
Elle respirait profondément dans son sommeil, elle le tenait par la main (fermement, il n’arrivait pas à se dégager de son étreinte) et l’énormément lourde valise était posée à côté du lit.
Il n’osait pas dégager sa main de son étreinte de peur de la réveiller, et il se tourna très prudemment sur le côté pour pouvoir mieux l’observer.
Encore une fois, il se dit que Tereza était un enfant qu’on avait mis dans une corbeille enduite de poix et qu’on avait lâché au fil de l’eau. Peut-on laisser dériver sur les eaux furieuses d’un fleuve la corbeille qui abrite un enfant ! Si la fille de Pharaon n’avait pas retiré des eaux la corbeille du petit Moïse, il n’y aurait pas eu l’Ancien Testament et toute notre civilisation ! Au début de tant de mythes anciens, il y a quelqu’un qui sauve un enfant abandonné. Si Polybe n’avait pas recueilli le petit Œdipe, Sophocle n’aurait pas écrit sa plus belle tragédie !
Tomas ne savait pas, alors, que les métaphores sont une chose dangereuse. On ne badine pas avec les métaphores. L’amour peut naître d’une métaphore. »
Je devais être nostalgique ...
- CavaGrand sage
Un certain monologue :
0 femme ! femme ! femme ! nul animal créé ne peut manquer à son instinct ; le tien est-il donc de tromper ? Après m'avoir obstinément refusé quand je l'en pressais devant sa maîtresse ; à l'instant qu'elle me donne sa parole ; au milieu même de la cérémonie... Il riait en lisant, le perfide ! et moi, comme un benêt !... Non, Monsieur le Comte, vous ne l'aurez pas... vous ne l'aurez pas. Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie !... Noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier ! Qu'avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus : du reste, homme assez ordinaire ! tandis que moi, morbleu ! perdu dans la foule obscure, il m'a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement qu'on n'en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes ; et vous voulez jouter ... On vient... c'est elle... ce n'est personne. - La nuit est noire en diable, et me voilà faisant le sot métier de mari, quoique je ne le sois qu'à moitié ! (Il s'assied sur un banc.) Est-il rien de plus bizarre que ma destinée ? Fils de ne je sais pas qui, volé par des bandits, élevé dans leurs mœurs, je m'en dégoûte et veux courir une carrière honnête ; et partout je suis repoussé ! J'apprends la chimie, la pharmacie, la chirurgie, et tout le crédit d'un grand seigneur peut à peine me mettre à la main une lancette vétérinaire ! - Las d'attrister des bêtes malades, et pour faire un métier contraire, je me jette à corps perdu dans le théâtre : me fussé-je mis une pierre au cou ! Je broche une comédie dans les mœurs du sérail ; auteur espagnol, je crois pouvoir y fronder Mahomet sans scrupule : à l'instant un envoyé... de je ne sais où se plaint que j'offense dans mes vers la Sublime Porte, la Perse, une partie de la presqu'île de l'Inde, toute l'Égypte, les royaumes de Barca, de Tripoli, de Tunis, d'Alger et de Maroc : et voilà ma comédie flambée, pour plaire aux princes mahométans, dont pas un, je crois, ne sait lire, et qui nous meurtrissent l'omoplate en nous disant : chiens de chrétiens ! - Ne pouvant avilir l'esprit, on se venge en le maltraitant. - Mes joues creusaient ; mon terme était échu ; je voyais de loin arriver l'affreux recors, la plume fichée dans sa perruque ; en frémissant je m'évertue. Il s'élève une question sur la nature des richesses et comme il n'est pas nécessaire de tenir les choses pour en raisonner, n'ayant pas un sol, j'écris sur la valeur de l'argent et sur son produit net, sitôt je vois, du fond d'un fiacre, baisser pour moi le pont d'un château fort, à l'entrée duquel je laissai l'espérance et la liberté. (Il se lève.) Que je voudrais bien tenir sur un de ces puissants de quatre jours, si légers sur le mal qu'ils ordonnent, quand une bonne disgrâce a cuvé son orgueil ! Je lui dirais... que les sottises imprimées n'ont d'importance qu'aux lieux où l'on en gêne le cours ; que, sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur ; et qu'il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits. (Il se rassied.) Las de nourrir un obscur pensionnaire, on me met un jour dans la rue ; et comme il faut dîner, quoiqu'on ne soit plus en prison, je taille encore ma plume et demande à chacun de quoi il est question : on me dit que, pendant ma retraite économique, il s'est établi dans Madrid un système de liberté sur la vente des productions, qui s'étend même à celles de la presse ; et que, pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l'Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l'inspection de deux ou trois censeurs. Pour profiter de cette douce liberté, j'annonce un écrit périodique et, croyant n'aller sur les brisées d'aucun autre, je le nomme Journal inutile. Pou-ou ! je vois s'élever contre moi mille pauvres diables à la feuille ; on me supprime, et me voilà derechef sans emploi ! - Le désespoir m'allait saisir ; on pense à moi pour une place, mais par malheur j'y étais propre : il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l'obtint. Il ne me restait plus qu'à voler ; je me fais banquier de pharaon : alors, bonnes gens ! je soupe en ville, et les personnes dites comme il faut m'ouvrent poliment leur maison, en retenant pour elles les trois quarts du profit. J'aurais bien pu me remonter ; je commençais même à comprendre que, pour gagner du bien, le savoir-faire vaut mieux que le savoir. Mais, comme chacun pillait autour de moi, en exigeant que je fusse honnête, il fallut bien périr encore. Pour le coup je quittais le monde, et vingt brasses d'eau m'en allaient séparer lorsqu'un Dieu bienfaisant m'appelle à mon premier état. Je reprends ma trousse et mon cuir anglais ; puis, laissant la fumée aux sots qui s'en nourrissent, et la honte au milieu du chemin, comme trop lourde à un piéton, je vais rasant de ville en ville, et je vis enfin sans souci. Un grand seigneur passe à Séville ; il me reconnaît, je le marie et, pour prix d'avoir eu par mes soins son épouse, il veut intercepter la mienne ! Intrigue, orage à ce sujet. Prêt à tomber dans un abîme au moment d'épouser ma mère, mes parents m'arrivent à la file. (Il se lève en s'échauffant.) On se débat : c'est vous, c'est lui, c'est moi, c'est toi ; non, ce n'est pas nous : eh ! mais qui donc ? (Il retombe assis.) 0 bizarre suite d'événements ! Comment cela m'est-il arrivé ? Pourquoi ces choses et non pas d'autres ? Qui les a fixées sur ma tête ? Forcé de parcourir la route où je suis entré sans le savoir, comme j'en sortirai sans le vouloir, je l'ai jonchée d'autant de fleurs que ma gaieté me l'a permis ; encore je dis ma gaieté sans savoir si elle est à moi plus que le reste, ni même quel est ce moi dont je m'occupe : un assemblage informe de parties inconnues ; puis un chétif être imbécile ; un petit animal folâtre ; un jeune homme ardent au plaisir, ayant tous les goûts pour jouir, faisant tous les métiers pour vivre, maître ici, valet là, selon qu'il plaît à la fortune ; ambitieux par vanité, laborieux par nécessité ; mais paresseux... avec délices ! orateur selon le danger ; poète par délassement ; musicien par occasion ; amoureux par folles bouffées, j'ai tout vu, tout fait, tout usé. Puis l'illusion s'est détruite, et, trop désabusé... Désabusé !... Suzon, Suzon, Suzon ! que tu me donnes de tourments !... J'entends marcher... on vient. Voici l'instant de la crise. (Il se retire près de la première coulisse à sa droite.)
- DHMonarque
Partir… j'arriverais lisse et jeune dans ce pays mien et je dirais à ce pays dont le limon entre dans la composition de ma chair : « J'ai longtemps erré et je reviens vers la hideur désertée de vos plaies ».Je viendrais à ce pays mien et je lui dirais : Embrassez-moi sans crainte… Et si je ne sais que parler, c'est pour vous que je parlerai».
Et je lui dirais encore :
« Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s'affaissent au cachot du désespoir. »Et venant je me dirais à moi-même :
« Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de vous croiser les bras en l'attitude stérile du spectateur, car la vie n'est pas un spectacle,car une mer de douleurs n'est pas un proscenium, car un homme qui crie n'est pas un ours qui danse… »
- jehanneNiveau 8
Jean Cocteau, portrait de Sarah Bernhardt:
Le portrait commence ainsi:
Cet étrange paquet d'une tignasse blonde et d'étoffes orientales, étoilé par des yeux de vieille lionne, ce déroulement de meuble en meuble d'une femme mourante, forte comme un Turc, et qui s'achève les bras en croix contre une porte médiévale, c'est le souvenir que nous laisse Madame Sarah Bernhardt.
(...)
et s'achève ainsi:
À ceux qui ne peuvent admettre l'existence de monstres sacrés d'un tel registre, je conseille de se rendre à New-York et de réclamer à la cinémathèque le film qu'on y conserve de Madame Sarah Bernhardt. À l'âge de soixante ans, elle y tourne le rôle de Marguerite Gautier. On y médite la parole d'un célèbre acteur chinois lorsqu'il disait au même âge: "Je commence à pouvoir jouer les ingénues."
Quelle actrice, mieux qu'elle dans ce film, jouera les amoureuses? Aucune. Et l'on se retrouve ensuite dans la vie moderne, semblable au plongeur qui vient de se trouver face à face avec une géante pieuvre rose des mers du Sud."
Le portrait commence ainsi:
Cet étrange paquet d'une tignasse blonde et d'étoffes orientales, étoilé par des yeux de vieille lionne, ce déroulement de meuble en meuble d'une femme mourante, forte comme un Turc, et qui s'achève les bras en croix contre une porte médiévale, c'est le souvenir que nous laisse Madame Sarah Bernhardt.
(...)
et s'achève ainsi:
À ceux qui ne peuvent admettre l'existence de monstres sacrés d'un tel registre, je conseille de se rendre à New-York et de réclamer à la cinémathèque le film qu'on y conserve de Madame Sarah Bernhardt. À l'âge de soixante ans, elle y tourne le rôle de Marguerite Gautier. On y médite la parole d'un célèbre acteur chinois lorsqu'il disait au même âge: "Je commence à pouvoir jouer les ingénues."
Quelle actrice, mieux qu'elle dans ce film, jouera les amoureuses? Aucune. Et l'on se retrouve ensuite dans la vie moderne, semblable au plongeur qui vient de se trouver face à face avec une géante pieuvre rose des mers du Sud."
- Palombella RossaNeoprof expérimenté
Spécial 11 novembre :
L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit chap. 2, La Mort du Colonel
L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit chap. 2, La Mort du Colonel
Ces Allemands accroupis sur la route, têtus et tirailleurs, tiraient mal, mais ils semblaient avoir des balles à en revendre, des pleins magasins sans doute. La guerre décidément, n'était pas terminée ! Notre colonel, il faut dire ce qui est, manifestait une bravoure stupéfiante ! Il se promenait au beau milieu de la chaussée et puis de long en large parmi les trajectoires aussi simplement que s'il avait attendu un ami sur le quai de la gare, un peu impatient seulement.
Moi d'abord la campagne, faut que je le dise tout de suite, j'ai jamais pu la sentir, je l'ai toujours trouvée triste, avec ses bourbiers qui n'en finissent pas, ses maisons où les gens n'y sont jamais et ses chemins qui ne vont nulle part. Mais quand on y ajoute la guerre en plus, c'est à pas y tenir. Le vent s'était levé, brutal, de chaque côté des talus, les peupliers mêlaient leurs rafales de feuilles aux petits bruits secs qui venaient de là-bas sur nous. Ces soldats inconnus nous rataient sans cesse, mais tout en nous entourant de mille morts, on s'en trouvait comme habillés. Je n'osais plus remuer.
Ce colonel c'était donc un monstre ! A présent, j'en étais assuré, pire qu'un chien, il n'imaginait pas son trépas ! Je conçus en même temps qu'il devait y en avoir beaucoup des comme lui dans notre armée, des braves, et puis tout autant sans doute dans l'armée d'en face. Qui savait combien ? Un, deux, plusieurs millions peut-être en tout ? Dés lors ma frousse devint panique. Avec des êtres semblables, cette imbécillité infernale pouvait continuer indéfiniment ...Pourquoi s'arrêteraient-ils ? Jamais je n'avais senti plus implacable la sentence des hommes et des choses. Serais-je donc le seul lâche sur la terre ? pensais-je. Et avec quel effroi ! Perdu parmi deux millions de fous héroïques et déchaînés et armés jusqu’aux cheveux ? Avec casques, sans casques, sans chevaux, sur motos, hurlants, en autos, sifflants, tirailleurs, comploteurs, volants, à genoux, creusant, se défilant, caracolant dans les sentiers, pétaradant, enfermés sur la terre comme dans un cabanon, pour y tout détruire, Allemagne, France et Continents, tout ce qui respire, détruire, plus enragés que les chiens, adorant leur rage (ce que les chiens ne font pas), cent, mille fois plus enragés que mille chiens et tellement plus vicieux ! Nous étions jolis ! Décidément, je le concevais, je m étais embarqué dans une croisade apocalyptique.
On est puceau de l Horreur comme on l est de la volupté. Comment aurais-je pu me douter moi de cette horreur en quittant la place Clichy ? Qui aurait pu prévoir avant d entrer vraiment dans la guerre, tout ce que contenait la sale âme héroïque et fainéante des hommes ? À présent, j étais pris dans cette fuite en masse, vers le meurtre en commun, vers le feu. Ça venait des profondeurs et c’était arrivé. Le colonel ne bronchait toujours pas. Je le regardais recevoir, sur le talus, des petites lettres du général qu’il déchirait ensuite menu, les ayant lues sans hâte, entre les balles. Dans aucune d’elles, il n’y avait donc l’ordre d’arrêter net cette abomination ? On ne lui disait donc pas d’en haut qu’il y avait méprise ? Abominable erreur ? Maldonne ? Qu’on s’était trompé ? Que c’était des manœuvres pour rire qu’on avait voulu faire, et pas des assassinats ! Mais non ! Continuez, colonel, vous êtes dans la bonne voie ! Voilà sans doute ce que lui écrivait le général des Entrayes, de la division, notre chef à tous, dont il recevait une enveloppe chaque cinq minutes, par un agent de la liaison, que la peur rendait chaque fois un peu plus vert et foireux.
J’en aurais fait mon frère peureux de ce garçon-là ! Mais on n’avait pas le temps de fraterniser non plus. Donc pas d’erreur ! Ce qu’on faisait à se tirer dessus, comme ça, sans même se voir, n’était pas défendu ! Cela faisait partie des choses qu’on peut faire sans mériter une bonne engueulade. C’était même reconnu, encouragé sans doute par les gens sérieux, comme le tirage au sort, les fiançailles, la chasse à courre ! Rien à dire. Je venais de découvrir d’un coup la guerre tout entière. J’étais dépucelé. Faut être à peu près seul devant elle comme je l’étais à ce moment-là pour bien la voir la vache, en face et de profil. On venait d’allumer la guerre entre nous et ceux d’en face, et à présent ça brûlait ! Comme le courant entre les deux charbons, dans la lampe à arc. Et il n’était pas près de s’éteindre le charbon ! On y passerait tous, le colonel comme les autres, tout mariole qu’il semblait être, et sa carne ne ferait pas plus de rôti que la mienne quand le courant d’en face lui passerait entre les deux épaules. Il y a bien des façons d’être condamné à mort. Ah ! combien n’aurais-je pas donné à ce moment-là pour être en prison au lieu d’être ici, moi crétin ! Pour avoir, par exemple, quand c’était si facile, prévoyant, volé quelque chose, quelque part, quand il en était temps encore. On ne pense à rien ! De la prison, on en sort vivant, pas de la guerre. Tout le reste, c’est des mots. Si seulement j’avais encore eu le temps, mais je ne l’avais plus ! Il n’y avait plus rien à voler ! Comme il ferait bon dans une petite prison pépère, que je me disais, où les balles ne passent pas ! Ne passent jamais ! J’en connaissais une toute prête, au soleil, au chaud! Dans un rêve, celle de Saint-Germain précisément, si proche de la forêt, je la connaissais bien, je passais souvent par là, autrefois. Comme on change ! J étais un enfant alors, elle me faisait peur la prison. C’est que je ne connaissais pas encore les hommes. Je ne croirai plus jamais à ce qu’ils disent, à ce qu’ils pensent. C’est des hommes et d’eux seulement qu’il faut avoir peur, toujours. Combien de temps faudrait-il qu’il dure leur délire, pour qu’ils s’arrêtent épuisés, enfin, ces monstres ? Combien de temps un accès comme celui-ci peut-il bien durer ? Des mois ? Des années ? Combien ? Peut-être jusqu’à la mort de tout le monde, de tous les fous ? Jusqu’ au dernier ? Et puisque les événements prenaient ce tour désespéré je me décidai à risquer le tout pour le tout, à tenter la dernière démarche, la suprême, essayer, moi, tout seul, d’arrêter la guerre ! Au moins dans ce coin-là où j’étais. Le colonel déambulait à deux pas. J’allais lui parler. Jamais je ne l’avais fait. C’était le moment d’oser. Là où nous en étions il n’y avait presque plus rien à perdre.
--Qu’est-ce que vous voulez ? me demanderait-il, j’imaginais, très surpris bien sûr par mon audacieuse interruption. Je lui expliquerais alors les choses telles que je les concevais. On verrait ce qu’il en pensait, lui. Le tout c’est qu’on s’explique dans la vie. A deux on y arrive mieux que tout seul.
J’allais faire cette démarche décisive quand, à l’instant même, arriva vers nous au pas de gymnastique, fourbu, dégingandé, un cavalier à pied (comme on disait alors) avec son casque renversé à la main, comme Bélisaire, et puis tremblant et bien souillé de boue, le visage plus verdâtre encore que celui de l’autre agent de liaison. II bredouillait et semblait éprouver comme un mal inouï, ce cavalier, à sortir d’un tombeau et qu’il en avait tout mal au cœur. Il n’aimait donc pas les balles ce fantôme lui non plus ? Les prévoyait-il comme moi ?
--Qu’est-ce que c’est ? l’arrêta net le colonel, brutal, dérangé, en jetant dessus ce revenant une espèce de regard en acier.
De le voir ainsi cet ignoble cavalier dans une tenue aussi peu réglementaire, et tout foirant d’émotion, ça le courrouçait fort notre colonel. Il n’aimait pas cela du tout la peur. C’était évident. Et puis ce casque à la main surtout, comme un chapeau melon, achevait de faire joliment mal dans notre régiment d’attaque, un régiment qui s’élançait dans la guerre. Il avait l’air de la saluer lui, ce cavalier à pied, la guerre, en entrant.
Sous ce regard d’opprobre, le messager vacillant se remit au « garde-à-vous », les petits doigts sur la couture du pantalon, comme il se doit dans ces cas-là. Il oscillait ainsi, raidi, sur le talus, la transpiration lui coulant le long de la jugulaire, et ses mâchoires tremblaient si fort qu’il en poussait des petits cris avortés, tel un petit chien qui rêve. On ne pouvait démêler s’il voulait nous parler ou bien s’il pleurait.
Nos Allemands accroupis au fin bout de la route venaient justement de changer d’instrument. C’est à la mitrailleuse qu’ils poursuivaient à présent leurs sottises ; ils en craquaient comme de gros paquets d’allumettes et tout autour de nous venaient voler des essaims de balles rageuses, pointilleuses comme des guêpes.
L’homme arriva tout de même à sortir de sa bouche quelque chose d’articulé.
-- Le maréchal des logis Barousse vient d’être tué, mon colonel, qu’il dit tout d’un trait.
-- Et alors ?
-- Il a été tué en allant chercher le fourgon à pain sur la route des Etrapes, mon colonel !
-- Et alors ?
-- Il a été éclaté par un obus !
-- Et alors, nom de Dieu !
-- Et voilà ! Mon colonel…
-- C’est tout ?
-- Oui, c’est tout, mon colonel.
-- Et le pain ? demanda le colonel.
Ce fut la fin de ce dialogue parce que je me souviens bien qu’il a eu le temps de dire tout juste : « Et le pain ? ». Et puis ce fut tout. Après ça, rien que du feu et puis du bruit avec. Mais alors un de ces bruits comme on ne croirait jamais qu’il en existe. On en a eu tellement plein les yeux, les oreilles, le nez, la bouche, tout de suite, du bruit, que je croyais bien que c’était fini, que j’étais devenu du feu et du bruit moi-même.
J’ai quitté ces lieux sans insister.
Et puis non, le feu est parti, le bruit est resté longtemps dans ma tête, et puis les bras et les jambes qui tremblaient comme si quelqu’un vous les secouait de par-derrière. Ils avaient l’air de me quitter, et puis ils me sont restés quand même mes membres. Dans la fumée qui piqua les yeux encore pendant longtemps, l’odeur pointue de la poudre et du soufre nous restait comme pour tuer les punaises et les puces de la terre entière.
Quant au colonel, lui, je ne lui voulais pas de mal. Lui pourtant aussi il était mort. Je ne le vis plus, tout d’abord. C’est qu’il avait été déporté sur le talus, allongé sur le flanc par l’explosion et projeté jusque dans les bras du cavalier à pied, le messager, fini lui aussi. Ils s’embrassaient tous les deux pour le moment et pour toujours, mais le cavalier n’avait plus sa tête, rien qu’une ouverture au-dessus du cou, avec du sang dedans qui mijotait en glouglous comme de la confiture dans la marmite. Le colonel avait son ventre ouvert, il en faisait une sale grimace. Ça avait dû lui faire du mal ce coup-là au moment où c’était arrivé. Tant pis pour lui ! S’il était parti dès les premières balles, ça ne lui serait pas arrivé.
Tout de suite après ça, j’ai pensé au maréchal des logis Barousse qui venait d’éclater comme l’autre nous l’avait appris. C’était une bonne nouvelle. Tant mieux que je pensais tout de suite ainsi : « C’est une bien grande charogne en moins dans le régiment ! » Il avait voulu me faire passer au Conseil pour une boîte de conserves. « Chacun sa guerre » que je me dis. De ce côté-là, faut en convenir, de temps en temps, elle avait l’air de servir à quelque chose la guerre ! J’en connaissais bien encore trois ou quatre dans le régiment, de sacrées ordures que j’aurais aidés bien volontiers à trouver un obus comme Barousse.
Toutes ces viandes saignaient énormément ensemble.
Moi d'abord la campagne, faut que je le dise tout de suite, j'ai jamais pu la sentir, je l'ai toujours trouvée triste, avec ses bourbiers qui n'en finissent pas, ses maisons où les gens n'y sont jamais et ses chemins qui ne vont nulle part. Mais quand on y ajoute la guerre en plus, c'est à pas y tenir. Le vent s'était levé, brutal, de chaque côté des talus, les peupliers mêlaient leurs rafales de feuilles aux petits bruits secs qui venaient de là-bas sur nous. Ces soldats inconnus nous rataient sans cesse, mais tout en nous entourant de mille morts, on s'en trouvait comme habillés. Je n'osais plus remuer.
Ce colonel c'était donc un monstre ! A présent, j'en étais assuré, pire qu'un chien, il n'imaginait pas son trépas ! Je conçus en même temps qu'il devait y en avoir beaucoup des comme lui dans notre armée, des braves, et puis tout autant sans doute dans l'armée d'en face. Qui savait combien ? Un, deux, plusieurs millions peut-être en tout ? Dés lors ma frousse devint panique. Avec des êtres semblables, cette imbécillité infernale pouvait continuer indéfiniment ...Pourquoi s'arrêteraient-ils ? Jamais je n'avais senti plus implacable la sentence des hommes et des choses. Serais-je donc le seul lâche sur la terre ? pensais-je. Et avec quel effroi ! Perdu parmi deux millions de fous héroïques et déchaînés et armés jusqu’aux cheveux ? Avec casques, sans casques, sans chevaux, sur motos, hurlants, en autos, sifflants, tirailleurs, comploteurs, volants, à genoux, creusant, se défilant, caracolant dans les sentiers, pétaradant, enfermés sur la terre comme dans un cabanon, pour y tout détruire, Allemagne, France et Continents, tout ce qui respire, détruire, plus enragés que les chiens, adorant leur rage (ce que les chiens ne font pas), cent, mille fois plus enragés que mille chiens et tellement plus vicieux ! Nous étions jolis ! Décidément, je le concevais, je m étais embarqué dans une croisade apocalyptique.
On est puceau de l Horreur comme on l est de la volupté. Comment aurais-je pu me douter moi de cette horreur en quittant la place Clichy ? Qui aurait pu prévoir avant d entrer vraiment dans la guerre, tout ce que contenait la sale âme héroïque et fainéante des hommes ? À présent, j étais pris dans cette fuite en masse, vers le meurtre en commun, vers le feu. Ça venait des profondeurs et c’était arrivé. Le colonel ne bronchait toujours pas. Je le regardais recevoir, sur le talus, des petites lettres du général qu’il déchirait ensuite menu, les ayant lues sans hâte, entre les balles. Dans aucune d’elles, il n’y avait donc l’ordre d’arrêter net cette abomination ? On ne lui disait donc pas d’en haut qu’il y avait méprise ? Abominable erreur ? Maldonne ? Qu’on s’était trompé ? Que c’était des manœuvres pour rire qu’on avait voulu faire, et pas des assassinats ! Mais non ! Continuez, colonel, vous êtes dans la bonne voie ! Voilà sans doute ce que lui écrivait le général des Entrayes, de la division, notre chef à tous, dont il recevait une enveloppe chaque cinq minutes, par un agent de la liaison, que la peur rendait chaque fois un peu plus vert et foireux.
J’en aurais fait mon frère peureux de ce garçon-là ! Mais on n’avait pas le temps de fraterniser non plus. Donc pas d’erreur ! Ce qu’on faisait à se tirer dessus, comme ça, sans même se voir, n’était pas défendu ! Cela faisait partie des choses qu’on peut faire sans mériter une bonne engueulade. C’était même reconnu, encouragé sans doute par les gens sérieux, comme le tirage au sort, les fiançailles, la chasse à courre ! Rien à dire. Je venais de découvrir d’un coup la guerre tout entière. J’étais dépucelé. Faut être à peu près seul devant elle comme je l’étais à ce moment-là pour bien la voir la vache, en face et de profil. On venait d’allumer la guerre entre nous et ceux d’en face, et à présent ça brûlait ! Comme le courant entre les deux charbons, dans la lampe à arc. Et il n’était pas près de s’éteindre le charbon ! On y passerait tous, le colonel comme les autres, tout mariole qu’il semblait être, et sa carne ne ferait pas plus de rôti que la mienne quand le courant d’en face lui passerait entre les deux épaules. Il y a bien des façons d’être condamné à mort. Ah ! combien n’aurais-je pas donné à ce moment-là pour être en prison au lieu d’être ici, moi crétin ! Pour avoir, par exemple, quand c’était si facile, prévoyant, volé quelque chose, quelque part, quand il en était temps encore. On ne pense à rien ! De la prison, on en sort vivant, pas de la guerre. Tout le reste, c’est des mots. Si seulement j’avais encore eu le temps, mais je ne l’avais plus ! Il n’y avait plus rien à voler ! Comme il ferait bon dans une petite prison pépère, que je me disais, où les balles ne passent pas ! Ne passent jamais ! J’en connaissais une toute prête, au soleil, au chaud! Dans un rêve, celle de Saint-Germain précisément, si proche de la forêt, je la connaissais bien, je passais souvent par là, autrefois. Comme on change ! J étais un enfant alors, elle me faisait peur la prison. C’est que je ne connaissais pas encore les hommes. Je ne croirai plus jamais à ce qu’ils disent, à ce qu’ils pensent. C’est des hommes et d’eux seulement qu’il faut avoir peur, toujours. Combien de temps faudrait-il qu’il dure leur délire, pour qu’ils s’arrêtent épuisés, enfin, ces monstres ? Combien de temps un accès comme celui-ci peut-il bien durer ? Des mois ? Des années ? Combien ? Peut-être jusqu’à la mort de tout le monde, de tous les fous ? Jusqu’ au dernier ? Et puisque les événements prenaient ce tour désespéré je me décidai à risquer le tout pour le tout, à tenter la dernière démarche, la suprême, essayer, moi, tout seul, d’arrêter la guerre ! Au moins dans ce coin-là où j’étais. Le colonel déambulait à deux pas. J’allais lui parler. Jamais je ne l’avais fait. C’était le moment d’oser. Là où nous en étions il n’y avait presque plus rien à perdre.
--Qu’est-ce que vous voulez ? me demanderait-il, j’imaginais, très surpris bien sûr par mon audacieuse interruption. Je lui expliquerais alors les choses telles que je les concevais. On verrait ce qu’il en pensait, lui. Le tout c’est qu’on s’explique dans la vie. A deux on y arrive mieux que tout seul.
J’allais faire cette démarche décisive quand, à l’instant même, arriva vers nous au pas de gymnastique, fourbu, dégingandé, un cavalier à pied (comme on disait alors) avec son casque renversé à la main, comme Bélisaire, et puis tremblant et bien souillé de boue, le visage plus verdâtre encore que celui de l’autre agent de liaison. II bredouillait et semblait éprouver comme un mal inouï, ce cavalier, à sortir d’un tombeau et qu’il en avait tout mal au cœur. Il n’aimait donc pas les balles ce fantôme lui non plus ? Les prévoyait-il comme moi ?
--Qu’est-ce que c’est ? l’arrêta net le colonel, brutal, dérangé, en jetant dessus ce revenant une espèce de regard en acier.
De le voir ainsi cet ignoble cavalier dans une tenue aussi peu réglementaire, et tout foirant d’émotion, ça le courrouçait fort notre colonel. Il n’aimait pas cela du tout la peur. C’était évident. Et puis ce casque à la main surtout, comme un chapeau melon, achevait de faire joliment mal dans notre régiment d’attaque, un régiment qui s’élançait dans la guerre. Il avait l’air de la saluer lui, ce cavalier à pied, la guerre, en entrant.
Sous ce regard d’opprobre, le messager vacillant se remit au « garde-à-vous », les petits doigts sur la couture du pantalon, comme il se doit dans ces cas-là. Il oscillait ainsi, raidi, sur le talus, la transpiration lui coulant le long de la jugulaire, et ses mâchoires tremblaient si fort qu’il en poussait des petits cris avortés, tel un petit chien qui rêve. On ne pouvait démêler s’il voulait nous parler ou bien s’il pleurait.
Nos Allemands accroupis au fin bout de la route venaient justement de changer d’instrument. C’est à la mitrailleuse qu’ils poursuivaient à présent leurs sottises ; ils en craquaient comme de gros paquets d’allumettes et tout autour de nous venaient voler des essaims de balles rageuses, pointilleuses comme des guêpes.
L’homme arriva tout de même à sortir de sa bouche quelque chose d’articulé.
-- Le maréchal des logis Barousse vient d’être tué, mon colonel, qu’il dit tout d’un trait.
-- Et alors ?
-- Il a été tué en allant chercher le fourgon à pain sur la route des Etrapes, mon colonel !
-- Et alors ?
-- Il a été éclaté par un obus !
-- Et alors, nom de Dieu !
-- Et voilà ! Mon colonel…
-- C’est tout ?
-- Oui, c’est tout, mon colonel.
-- Et le pain ? demanda le colonel.
Ce fut la fin de ce dialogue parce que je me souviens bien qu’il a eu le temps de dire tout juste : « Et le pain ? ». Et puis ce fut tout. Après ça, rien que du feu et puis du bruit avec. Mais alors un de ces bruits comme on ne croirait jamais qu’il en existe. On en a eu tellement plein les yeux, les oreilles, le nez, la bouche, tout de suite, du bruit, que je croyais bien que c’était fini, que j’étais devenu du feu et du bruit moi-même.
J’ai quitté ces lieux sans insister.
Et puis non, le feu est parti, le bruit est resté longtemps dans ma tête, et puis les bras et les jambes qui tremblaient comme si quelqu’un vous les secouait de par-derrière. Ils avaient l’air de me quitter, et puis ils me sont restés quand même mes membres. Dans la fumée qui piqua les yeux encore pendant longtemps, l’odeur pointue de la poudre et du soufre nous restait comme pour tuer les punaises et les puces de la terre entière.
Quant au colonel, lui, je ne lui voulais pas de mal. Lui pourtant aussi il était mort. Je ne le vis plus, tout d’abord. C’est qu’il avait été déporté sur le talus, allongé sur le flanc par l’explosion et projeté jusque dans les bras du cavalier à pied, le messager, fini lui aussi. Ils s’embrassaient tous les deux pour le moment et pour toujours, mais le cavalier n’avait plus sa tête, rien qu’une ouverture au-dessus du cou, avec du sang dedans qui mijotait en glouglous comme de la confiture dans la marmite. Le colonel avait son ventre ouvert, il en faisait une sale grimace. Ça avait dû lui faire du mal ce coup-là au moment où c’était arrivé. Tant pis pour lui ! S’il était parti dès les premières balles, ça ne lui serait pas arrivé.
Tout de suite après ça, j’ai pensé au maréchal des logis Barousse qui venait d’éclater comme l’autre nous l’avait appris. C’était une bonne nouvelle. Tant mieux que je pensais tout de suite ainsi : « C’est une bien grande charogne en moins dans le régiment ! » Il avait voulu me faire passer au Conseil pour une boîte de conserves. « Chacun sa guerre » que je me dis. De ce côté-là, faut en convenir, de temps en temps, elle avait l’air de servir à quelque chose la guerre ! J’en connaissais bien encore trois ou quatre dans le régiment, de sacrées ordures que j’aurais aidés bien volontiers à trouver un obus comme Barousse.
Toutes ces viandes saignaient énormément ensemble.
- SpartacusNiveau 8
Le plus beau poème d'Apollinaire (avec la Réponse des cosaques zaporogues... Alcools :lol: )
L'Émigrant de Landor Road
A André Billy.
Le chapeau à la main il entra du pied droit
Chez un tailleur très chic et fournisseur du roi
Ce commerçant venait de couper quelques têtes
De mannequins vêtus comme il faut qu'on se vête
La foule en tous sens remuait en mêlant
Des ombres sans amour qui se traînaient par terre
Et des mains vers le ciel pleins de lacs de lumière
S'envolaient quelquefois comme des oiseaux blancs
Mon bateau partira demain pour l'Amérique
Et je ne reviendrai jamais
Avec l'argent gardé dans les prairies lyriques
Guider mon ombre aveugle en ces rues que j'aimais
Car revenir c'est bon pour un soldat des Indes
Les boursiers ont vendu tous mes crachats d'or fin
Mais habillé de neuf je veux dormir enfin
Sous des arbres pleins d'oiseaux muets et de singes
Les mannequins pour lui s'étant déshabillés
Battirent leurs habits puis les lui essayèrent
Le vêtement d'un lord mort sans avoir payé
Au rabais l'habilla comme un millionnaire
Au dehors les années
Regardaient la vitrine
Les mannequins victimes
Et passaient enchaînées
Intercalées dans l'an c'étaient les journées neuves
Les vendredis sanglants et lents d'enterrements
De blancs et de tout noirs vaincus des cieux qui pleuvent
Quand la femme du diable a battu son amant
Puis dans un port d'automne aux feuilles indécises
Quand les mains de la foule y feuillolaient aussi
Sur le pont du vaisseau il posa sa valise
Et s'assit
Les vents de l'Océan en soufflant leurs menaces
Laissaient dans ses cheveux de longs baisers mouillés
Des émigrants tendaient vers le port leurs mains lasses
Et d'autres en pleurant s'étaient agenouillés
Il regarda longtemps les rives qui moururent
Seuls des bateaux d'enfants tremblaient à l'horizon
Un tout petit bouquet flottant à l'aventure
Couvrit l'Océan d'une immense floraison
Il aurait voulu ce bouquet comme la gloire
Jouer dans d'autres mers parmi tous les dauphins
Et l'on tissait dans sa mémoire
Une tapisserie sans fin
Qui figurait son histoire
Mais pour noyer changées en poux
Ces tisseuses têtues qui sans cesse interrogent
Il se maria comme un doge
Aux cris d'une sirène moderne sans époux
Gonfle-toi vers la nuit O Mer Les yeux des squales
Jusqu'à l'aube ont guetté de loin avidement
Des cadavres de jours rongés par les étoiles
Parmi le bruit des flots et des derniers serments
L'Émigrant de Landor Road
A André Billy.
Le chapeau à la main il entra du pied droit
Chez un tailleur très chic et fournisseur du roi
Ce commerçant venait de couper quelques têtes
De mannequins vêtus comme il faut qu'on se vête
La foule en tous sens remuait en mêlant
Des ombres sans amour qui se traînaient par terre
Et des mains vers le ciel pleins de lacs de lumière
S'envolaient quelquefois comme des oiseaux blancs
Mon bateau partira demain pour l'Amérique
Et je ne reviendrai jamais
Avec l'argent gardé dans les prairies lyriques
Guider mon ombre aveugle en ces rues que j'aimais
Car revenir c'est bon pour un soldat des Indes
Les boursiers ont vendu tous mes crachats d'or fin
Mais habillé de neuf je veux dormir enfin
Sous des arbres pleins d'oiseaux muets et de singes
Les mannequins pour lui s'étant déshabillés
Battirent leurs habits puis les lui essayèrent
Le vêtement d'un lord mort sans avoir payé
Au rabais l'habilla comme un millionnaire
Au dehors les années
Regardaient la vitrine
Les mannequins victimes
Et passaient enchaînées
Intercalées dans l'an c'étaient les journées neuves
Les vendredis sanglants et lents d'enterrements
De blancs et de tout noirs vaincus des cieux qui pleuvent
Quand la femme du diable a battu son amant
Puis dans un port d'automne aux feuilles indécises
Quand les mains de la foule y feuillolaient aussi
Sur le pont du vaisseau il posa sa valise
Et s'assit
Les vents de l'Océan en soufflant leurs menaces
Laissaient dans ses cheveux de longs baisers mouillés
Des émigrants tendaient vers le port leurs mains lasses
Et d'autres en pleurant s'étaient agenouillés
Il regarda longtemps les rives qui moururent
Seuls des bateaux d'enfants tremblaient à l'horizon
Un tout petit bouquet flottant à l'aventure
Couvrit l'Océan d'une immense floraison
Il aurait voulu ce bouquet comme la gloire
Jouer dans d'autres mers parmi tous les dauphins
Et l'on tissait dans sa mémoire
Une tapisserie sans fin
Qui figurait son histoire
Mais pour noyer changées en poux
Ces tisseuses têtues qui sans cesse interrogent
Il se maria comme un doge
Aux cris d'une sirène moderne sans époux
Gonfle-toi vers la nuit O Mer Les yeux des squales
Jusqu'à l'aube ont guetté de loin avidement
Des cadavres de jours rongés par les étoiles
Parmi le bruit des flots et des derniers serments
- Palombella RossaNeoprof expérimenté
Apollinaire ET 11 novembre :
Mon Lou la nuit descend tu es à moi je t'aime
Les cyprès ont noirci le ciel a fait de même
Les trompettes chantaient ta beauté mon bonheur
De t'aimer pour toujours ton cœur près de mon cœur
Je suis revenu doucement à la caserne
Les écuries sentaient bon la luzerne
Les croupes des chevaux évoquaient ta force et ta grâce
D'alezane dorée ô ma belle jument de race
La tour Magne tournait sur sa colline laurée
Et dansait lentement lentement s'obombrait
Tandis que des amants descendaient de la colline
La tour dansait lentement comme une sarrasine
Le vent souffle pourtant il ne fait pas du tout froid
Je te verrai dans deux jours et suis heureux comme un roi
Et j'aime de t'y aimer cette Nîmes la Romaine
Où les soldats français remplacent l'armée prétorienne
Beaucoup de vieux soldats qu'on n'a pu habiller
Ils vont comme des bœufs tanguent comme des mariniers
Je pense à tes cheveux qui sont mon or et ma gloire
Ils sont toute ma lumière dans la nuit noire
Et tes yeux sont les fenêtres d'où je veux regarder
La vie et ses bonheurs la mort qui vient aider
Les soldats las les femmes tristes et les enfants malades
Des soldats mangent près d'ici de l'ail dans la salade
L'un a une chemise quadrillée de bleu comme une carte
Je t'adore mon Lou et sans te voir je te regarde
Ça sent l'ail et le vin et aussi l'iodoforme
Je t'adore mon Lou embrasse-moi avant que je ne dorme
Le ciel est plein d'étoiles qui sont les soldats
Morts ils bivouaquent là-haut comme ils bivouaquaient là-bas
Et j'irai conducteur un jour lointain t'y conduire
Lou que de jours de bonheur avant que ce jour ne vienne luire
Je t'adore je t'aime adieu mon Lou ma gloire
Mon Lou la nuit descend tu es à moi je t'aime
Les cyprès ont noirci le ciel a fait de même
Les trompettes chantaient ta beauté mon bonheur
De t'aimer pour toujours ton cœur près de mon cœur
Je suis revenu doucement à la caserne
Les écuries sentaient bon la luzerne
Les croupes des chevaux évoquaient ta force et ta grâce
D'alezane dorée ô ma belle jument de race
La tour Magne tournait sur sa colline laurée
Et dansait lentement lentement s'obombrait
Tandis que des amants descendaient de la colline
La tour dansait lentement comme une sarrasine
Le vent souffle pourtant il ne fait pas du tout froid
Je te verrai dans deux jours et suis heureux comme un roi
Et j'aime de t'y aimer cette Nîmes la Romaine
Où les soldats français remplacent l'armée prétorienne
Beaucoup de vieux soldats qu'on n'a pu habiller
Ils vont comme des bœufs tanguent comme des mariniers
Je pense à tes cheveux qui sont mon or et ma gloire
Ils sont toute ma lumière dans la nuit noire
Et tes yeux sont les fenêtres d'où je veux regarder
La vie et ses bonheurs la mort qui vient aider
Les soldats las les femmes tristes et les enfants malades
Des soldats mangent près d'ici de l'ail dans la salade
L'un a une chemise quadrillée de bleu comme une carte
Je t'adore mon Lou et sans te voir je te regarde
Ça sent l'ail et le vin et aussi l'iodoforme
Je t'adore mon Lou embrasse-moi avant que je ne dorme
Le ciel est plein d'étoiles qui sont les soldats
Morts ils bivouaquent là-haut comme ils bivouaquaient là-bas
Et j'irai conducteur un jour lointain t'y conduire
Lou que de jours de bonheur avant que ce jour ne vienne luire
Je t'adore je t'aime adieu mon Lou ma gloire
- TriskelNiveau 7
Depuis que j'ai découvert la poésie japonaise dans le texte, j'ai toujours envie de partager sa puissance... Voici deux poèmes, appelés tanka, ancêtres du haiku. Le rythme est de 5-7-5-7-7 syllabes, et le jeu sur les homonymies est primordiale.
Ce premier poème provient du Kokin wakashuu, publié en 905.
ほととぎす hototogisu
鳴くや五月の nakuya satsukiyo
あやめ草 ayamegusa
あやめも知らぬ ayamemo shiranu
恋もするかな koimo surukan
Au mois de mai, quand chante le coucou et que fleurit l'iris ; j'aime – d'un amour irrationnel.
Ce second poème est plus ancien encore, et est tiré du Man youshuu, publié vers 760.
君が行く kimiga iku
道の長手を michino nagate o
繰り畳ね kuri tatane
焼き滅ぼさむ yakihorosan
天の火もかも ame no hi kamo
Ah, tu t'en vas loin ! Le long fil de ton chemin, je l'enroule et plie — si je pouvais l'immoler par une flamme céleste.
Les traductions sont de bibi. J'ai une affection personnelle pour le dernier, que j'ai traduit il y a 4 ans et que je retravaille régulièrement, pour tenter de m'approcher le plus possible du rythme original.
Ce premier poème provient du Kokin wakashuu, publié en 905.
ほととぎす hototogisu
鳴くや五月の nakuya satsukiyo
あやめ草 ayamegusa
あやめも知らぬ ayamemo shiranu
恋もするかな koimo surukan
Au mois de mai, quand chante le coucou et que fleurit l'iris ; j'aime – d'un amour irrationnel.
Ce second poème est plus ancien encore, et est tiré du Man youshuu, publié vers 760.
君が行く kimiga iku
道の長手を michino nagate o
繰り畳ね kuri tatane
焼き滅ぼさむ yakihorosan
天の火もかも ame no hi kamo
Ah, tu t'en vas loin ! Le long fil de ton chemin, je l'enroule et plie — si je pouvais l'immoler par une flamme céleste.
Les traductions sont de bibi. J'ai une affection personnelle pour le dernier, que j'ai traduit il y a 4 ans et que je retravaille régulièrement, pour tenter de m'approcher le plus possible du rythme original.
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L'espoir des cantharides
Est un bien bel espoir.
- Thalia de GMédiateur
Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage,
Et la mer est amère, et l'amour est amer,
L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer,
Car la mer et l'amour ne sont point sans orage.
Celui qui craint les eaux qu'il demeure au rivage,
Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer,
Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.
La mère de l'amour eut la mer pour berceau,
Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau,
Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes.
Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.
Pierre de Marbeuf
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Harmonie du soir
Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.
Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige,
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige...
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !
Baudelaire
Et la mer est amère, et l'amour est amer,
L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer,
Car la mer et l'amour ne sont point sans orage.
Celui qui craint les eaux qu'il demeure au rivage,
Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer,
Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.
La mère de l'amour eut la mer pour berceau,
Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau,
Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes.
Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.
Pierre de Marbeuf
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Harmonie du soir
Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.
Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige,
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige...
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !
Baudelaire
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Le printemps a le parfum poignant de la nostalgie, et l'été un goût de cendres.
Soleil noir de mes mélancolies.
- leyadeEsprit sacré
Marceline DESBORDES-VALMORE (1786-1859)
Les séparés (N'écris pas...)
N'écris pas. Je suis triste, et je voudrais m'éteindre.
Les beaux étés sans toi, c'est la nuit sans flambeau.
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
Et frapper à mon coeur, c'est frapper au tombeau.
N'écris pas !
N'écris pas. N'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu'à Dieu... qu'à toi, si je t'aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais.
N'écris pas !
N'écris pas. Je te crains ; j'ai peur de ma mémoire ;
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent.
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.
N'écris pas !
N'écris pas ces doux mots que je n'ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon coeur ;
Que je les vois brûler à travers ton sourire ;
Il semble qu'un baiser les empreint sur mon coeur.
N'écris pas !
Les séparés (N'écris pas...)
N'écris pas. Je suis triste, et je voudrais m'éteindre.
Les beaux étés sans toi, c'est la nuit sans flambeau.
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
Et frapper à mon coeur, c'est frapper au tombeau.
N'écris pas !
N'écris pas. N'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu'à Dieu... qu'à toi, si je t'aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais.
N'écris pas !
N'écris pas. Je te crains ; j'ai peur de ma mémoire ;
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent.
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.
N'écris pas !
N'écris pas ces doux mots que je n'ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon coeur ;
Que je les vois brûler à travers ton sourire ;
Il semble qu'un baiser les empreint sur mon coeur.
N'écris pas !
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Maggi is my way, Melfor is my church and Picon is my soutien. Oui bon je sais pas dire soutien en anglais.
LSU AP ENT HDA PAI PAP PPMS PPRE ULIS TICE PAF
- leyadeEsprit sacré
Louise Labé
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;
J'ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m'est et trop molle et trop dure.
J'ai grands ennuis entremêlés de joie.
Tout à un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j'endure ;
Mon bien s'en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me mène ;
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;
J'ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m'est et trop molle et trop dure.
J'ai grands ennuis entremêlés de joie.
Tout à un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j'endure ;
Mon bien s'en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me mène ;
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.
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Maggi is my way, Melfor is my church and Picon is my soutien. Oui bon je sais pas dire soutien en anglais.
LSU AP ENT HDA PAI PAP PPMS PPRE ULIS TICE PAF
- leyadeEsprit sacré
Pierre de RONSARD (1524-1585)
Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle
Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise aupres du feu, devidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous esmerveillant :
Ronsard me celebroit du temps que j'estois belle.
Lors, vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,
Desja sous le labeur à demy sommeillant,
Qui au bruit de mon nom ne s'aille resveillant,
Benissant vostre nom de louange immortelle.
Je seray sous la terre et fantaume sans os :
Par les ombres myrteux je prendray mon repos :
Vous serez au fouyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et vostre fier desdain.
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :
Cueillez dés aujourd'huy les roses de la vie.
Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle
Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise aupres du feu, devidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous esmerveillant :
Ronsard me celebroit du temps que j'estois belle.
Lors, vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,
Desja sous le labeur à demy sommeillant,
Qui au bruit de mon nom ne s'aille resveillant,
Benissant vostre nom de louange immortelle.
Je seray sous la terre et fantaume sans os :
Par les ombres myrteux je prendray mon repos :
Vous serez au fouyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et vostre fier desdain.
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :
Cueillez dés aujourd'huy les roses de la vie.
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Maggi is my way, Melfor is my church and Picon is my soutien. Oui bon je sais pas dire soutien en anglais.
LSU AP ENT HDA PAI PAP PPMS PPRE ULIS TICE PAF
- leyadeEsprit sacré
Lucrèce, De Natura rerum, II, 1-19
La sérénité du sage épicurien
01 Suave, mari magno, turbantibus aequora ventis
02 e terra magnum alterius spectare laborem ;
03 non quia vexari quemquamst jucunda voluptas,
04 sed quibus ipse malis careas quia cernere suave est.
05 Suave etiam belli certamina magna tueri
06 per campos instructa, tua sine parte pericli ;
07 sed nihil dulcius est, bene quam munita tenere [munita + edita + templa = acc]
08 edita doctrina sapientum templa serena, [var. 1. serena + doctrina = abl / 2. + templa = acc]
09 despicere unde queas alios passimque videre
10 errare atque viam palantis quaerere vitae,
11 certare ingenio, contendere nobilitate,
12 noctes atque dies niti praestante labore
13 ad summas emergere opes rerumque potiri
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Maggi is my way, Melfor is my church and Picon is my soutien. Oui bon je sais pas dire soutien en anglais.
LSU AP ENT HDA PAI PAP PPMS PPRE ULIS TICE PAF
- leyadeEsprit sacré
Catulle
Odi et amo. quare id faciam, fortasse requiris?
nescio, sed fieri sentio et excrucior.
Odi et amo. quare id faciam, fortasse requiris?
nescio, sed fieri sentio et excrucior.
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LSU AP ENT HDA PAI PAP PPMS PPRE ULIS TICE PAF
- CavaGrand sage
Waouh les néos! Vous êtes en verve!
J'adore vous lire ...
Céline, Apollinaire, Pierre de Marbeuf, Louise Labé ...
Je découvre avec plaisir des tanka. C'est un régal visuel et artistique
J'adore vous lire ...
Céline, Apollinaire, Pierre de Marbeuf, Louise Labé ...
Je découvre avec plaisir des tanka. C'est un régal visuel et artistique
- CavaGrand sage
Mes diables ont lu :
pour la commémoration du 11 novembre ...Si je mourais là-bas...
Si je mourais là-bas sur le front de l'armée
Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée
Et puis mon souvenir s'éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l'armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur
Et puis ce souvenir éclaté dans l'espace
Couvrirait de mon sang le monde tout entier
La mer les monts les vals et l'étoile qui passe
Les soleils merveilleux mûrissant dans l'espace
Comme font les fruits d'or autour de Baratier
Souvenir oublié vivant dans toutes choses
Je rougirais le bout de tes jolis seins roses
Je rougirais ta bouche et tes cheveux sanglants
Tu ne vieillirais point toutes ces belles choses
Rajeuniraient toujours pour leurs destins galants
Le fatal giclement de mon sang sur le monde
Donnerait au soleil plus de vive clarté
Aux fleurs plus de couleur plus de vitesse à l'onde
Un amour inouï descendrait sur le monde
L'amant serait plus fort dans ton corps écarté
Lou si je meurs là-bas souvenir qu'on oublie
- Souviens-t'en quelquefois aux instants de folie
De jeunesse et d'amour et d'éclatante ardeur -
Mon sang c'est la fontaine ardente du bonheur
Et sois la plus heureuse étant la plus jolie
Ô mon unique amour et ma grande folie
La nuit descend
On y pressent
Un long destin de sang
- MagpieExpert
Les amis inconnus
Il vous naît un poisson qui se met à tourner
Tout de suite au plus noir d'une lame profonde,
II vous naît une étoile au-dessus de la tête,
Elle voudrait chanter mais ne peut faire mieux
Que ses sœurs de la nuit les étoiles muettes.
Il vous naît un oiseau dans la force de l'âge,
En plein vol, et cachant votre histoire en son coeur
Puisqu'il n'a que son cri d'oiseau pour la montrer.
Il vole sur les bois, se choisit une branche
Et s'y pose, on dirait qu'elle est comme les autres.
Où courent-ils ainsi ces lièvres, ces belettes,
II n'est pas de chasseur encor dans la contrée,
Et quelle peur les hante et les fait se hâter,
L'écureuil qui devient feuille et bois dans sa fuite,
La biche et le chevreuil soudain déconcertés ?
II vous naît un ami, et voilà qu'il vous cherche
II ne connaîtra pas votre nom ni vos yeux
Mais il faudra qu'il soit touché comme les autres
Et loge dans son cœur d'étranges battements
Qui lui viennent de jours qu'il n'aura pas vécus.
Et vous, que faites-vous, ô visage troublé,
Par ces brusques passants, ces bêtes, ces oiseaux,
Vous qui vous demandez, vous, toujours sans nouvelles,
« Si je croise jamais un des amis lointains
Au mal que je lui fis vais-je le reconnaître ? »
Pardon pour vous, pardon pour eux, pour le silence
Et les mots inconsidérés,
Pour les phrases venant de lèvres inconnues
Qui vous touchent de loin comme balles perdues,
Et pardon pour les fronts qui semblent oublieux.
Quand le soleil…
« Quand le soleil… - Mais le soleil qu’en faites-vous ?
Du pain pour chaque jour, l’angoisse pour la nuit.
- Quand le soleil… - Mais à la fin vous tairez-vous,
C’est trop grand et trop loin pour l’homme des maisons.
- Ce bruit de voix… - Ou bien plutôt bruit de visages,
On les entend toujours et même s’ils se taisent.
- Mais le silence… - Il n’en est pas autour de vous,
Tout fait son bruit distinct pour l’oreille de l’âme.
Ne cherchez plus. - Et comment pourrais-je ne pas chercher,
Je suis tout yeux comme un renard dans le danger.
- Laissons cela, vous êtes si près de vous-même
Que désormais rien ne pourrait vous arriver,
Rassurez-vous, il fait un petit vent de songe
Et l’étrange miroir luit presque familier. »
Jules Superveille.
Il vous naît un poisson qui se met à tourner
Tout de suite au plus noir d'une lame profonde,
II vous naît une étoile au-dessus de la tête,
Elle voudrait chanter mais ne peut faire mieux
Que ses sœurs de la nuit les étoiles muettes.
Il vous naît un oiseau dans la force de l'âge,
En plein vol, et cachant votre histoire en son coeur
Puisqu'il n'a que son cri d'oiseau pour la montrer.
Il vole sur les bois, se choisit une branche
Et s'y pose, on dirait qu'elle est comme les autres.
Où courent-ils ainsi ces lièvres, ces belettes,
II n'est pas de chasseur encor dans la contrée,
Et quelle peur les hante et les fait se hâter,
L'écureuil qui devient feuille et bois dans sa fuite,
La biche et le chevreuil soudain déconcertés ?
II vous naît un ami, et voilà qu'il vous cherche
II ne connaîtra pas votre nom ni vos yeux
Mais il faudra qu'il soit touché comme les autres
Et loge dans son cœur d'étranges battements
Qui lui viennent de jours qu'il n'aura pas vécus.
Et vous, que faites-vous, ô visage troublé,
Par ces brusques passants, ces bêtes, ces oiseaux,
Vous qui vous demandez, vous, toujours sans nouvelles,
« Si je croise jamais un des amis lointains
Au mal que je lui fis vais-je le reconnaître ? »
Pardon pour vous, pardon pour eux, pour le silence
Et les mots inconsidérés,
Pour les phrases venant de lèvres inconnues
Qui vous touchent de loin comme balles perdues,
Et pardon pour les fronts qui semblent oublieux.
Quand le soleil…
« Quand le soleil… - Mais le soleil qu’en faites-vous ?
Du pain pour chaque jour, l’angoisse pour la nuit.
- Quand le soleil… - Mais à la fin vous tairez-vous,
C’est trop grand et trop loin pour l’homme des maisons.
- Ce bruit de voix… - Ou bien plutôt bruit de visages,
On les entend toujours et même s’ils se taisent.
- Mais le silence… - Il n’en est pas autour de vous,
Tout fait son bruit distinct pour l’oreille de l’âme.
Ne cherchez plus. - Et comment pourrais-je ne pas chercher,
Je suis tout yeux comme un renard dans le danger.
- Laissons cela, vous êtes si près de vous-même
Que désormais rien ne pourrait vous arriver,
Rassurez-vous, il fait un petit vent de songe
Et l’étrange miroir luit presque familier. »
Jules Superveille.
- NellGuide spirituel
"La mémoire de nos enfants"
J'ai toujours ton coeur avec moi;
Je le garde dans mon coeur.
Sans lui, jamais je ne suis.
Là où je vais, tu vas ma chair,
Et tout ce je fais par moi-même
Est ton fait ma chérie.
Je ne crains pas le destin,
Car tu es à jamais le mien ma douce.
Je ne veux pas d'autre monde,
Car, ma magnifique, tu es mon monde, mon vrai monde.
C'est le secret profond que nul ne connait,
C'est la racine de la racine,
Le bourgeon du bourgeon,
Et le ciel du ciel de l' arbre appelé Vie,
Qui croît plus haut que l'âme ne saurait l'espérer
Et l'esprit le cacher.
C'est la merveille qui maintient les étoiles éparses.
Je garde ton coeur,
Je l'ai dans mon coeur.
Cummings
J'ai toujours ton coeur avec moi;
Je le garde dans mon coeur.
Sans lui, jamais je ne suis.
Là où je vais, tu vas ma chair,
Et tout ce je fais par moi-même
Est ton fait ma chérie.
Je ne crains pas le destin,
Car tu es à jamais le mien ma douce.
Je ne veux pas d'autre monde,
Car, ma magnifique, tu es mon monde, mon vrai monde.
C'est le secret profond que nul ne connait,
C'est la racine de la racine,
Le bourgeon du bourgeon,
Et le ciel du ciel de l' arbre appelé Vie,
Qui croît plus haut que l'âme ne saurait l'espérer
Et l'esprit le cacher.
C'est la merveille qui maintient les étoiles éparses.
Je garde ton coeur,
Je l'ai dans mon coeur.
Cummings
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Impose ta chance, sers ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s'habitueront. (R. Char)
- InvitéInvité
"Là tout n'est qu'ordre et beauté
Luxe, calme et volupté"
Baudelaire, L'Invitation au voyage
Luxe, calme et volupté"
Baudelaire, L'Invitation au voyage
- CarabasVénérable
"Elle est retrouvée.
Quoi ? - L'Eternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil."
Quoi ? - L'Eternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil."
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Les chances uniques sur un million se réalisent neuf fois sur dix.
Terry Pratchett
- CavaGrand sage
Créon
Toi qui baisses le front, reconnais-tu les faits ?
Antigone
Oui, je les reconnais.
Créon
Connaissais-tu l’édit
Que j’avais promulgué ?
Antigone
Oui, c’était l’évidence.
Créon
Ainsi, tu as osé enfreindre l’ordonnance.
Antigone
Oui, car ce n’est point Zeus qui l’avait proclamé.
La Justice qui siège auprès des Infernaux
N’a jamais rédigé ces lois parmi les hommes.
Je ne croyais pas que l’édit eût permis
De s’en prendre si fort aux lois issues des dieux,
Ces lois non écrites, ces lois inébranlables,
Qui ne datent ni d’hier, ni d’aujourd’hui,
Et dont nul ne sait d’où même elles ont surgi.
Désobéir aux dieux par crainte d’un mortel
Ne m’eût-il pas livré à leur sainte vengeance ?
Que je dusse mourir, j’en avais conscience.
Si je meurs avant le temps qui m’est imparti,
Pour moi, c’est tout profit ! Quand on vit pour souffrir,
Le trépas m’apparaît comme une délivrance.
Par contre, elle eût été une affreuse torture
Si j’avais dû laisser un corps sans sépulture,
Oui, le corps de celui que ma mère mit au monde.
Ah ! tu dois penser que ma folie est profonde.
Mais sur la folie, tu n’as rien à m’envier.
Le Coryphée
Je reconnais en toi le caractère entier
De ton père et sa force intraitable ! Ah ! jamais
Vous ne voulez céder à la fatalité.
Créon
Sache cependant que de telles volontés
Sont celles qui rompent malgré leur âpreté,
Comme le fer massif qu’on jette dans le feu
Et qui, en durcissant, finit par éclater.
Un simple bout de frein peut de même calmer
Le cheval emporté. Non, l’orgueil est folie
Pour qui dépend d’autrui. Cette fille savait,
Ô suprême insolence, qu’elle enfreignait la loi.
Son forfait accompli, voyez son impudence :
Elle se glorifie et ricane à la fois.
À l’entendre parler, de nous deux l’homme
Ce serait elle si, en toute impunité,
Je la laissais croire en son triomphe absolu.
Non ! Bien qu’elle fût ma nièce, plus proche encore
Que tous ceux de mon sang, ni elle, ni sa sœur
N’éviteront la mort. Oui, celle-là aussi,
Je l’accuse d’avoir comploté avec toi
Cette inhumation : qu’elle vienne en ces lieux !
Je l’ai vue tout à l’heure, elle semblait hagarde,
L’œil sans expression. C’est toujours comme ça !
Ceux qui sont dans l'ombre fomentent des complots,
Et se dénoncent par leur agitation.
Mais je déteste aussi cette autre vision :
Celle du criminel surpris en plein forfait,
Et qui ose en tirer une gloire sans nom.
Antigone
Je suis entre tes mains, que te faut-il encore ?
Plus que ma mort ?
Créon
Oui, rien de plus, ton châtiment.
Antigone
Alors, pourquoi tarder ? Tes propos m’exaspèrent,
Et mon seul désir, c'est qu'aucun d'eux ne me plaise.
De même, tout en moi semble te révulser.
Ne vais-je pas gagner la gloire la plus digne
En donnant à mon frère une humble sépulture ?
Et tous ceux qui sont là approuveraient mon acte,
Si la crainte ne les réduisait au silence.
Car la tyrannie possède cet avantage,
Et elle en a beaucoup, c’est de faire et de dire
N'importe quoi...
Créon
Toi seule a de telles pensées.
Antigone
Ils pensent comme moi mais ils n’en disent rien.
Créon
Ne rougis-tu pas de t’écarter du commun.
Antigone
Non, je ne rougis pas de célébrer mon frère.
Créon
Or son adversaire n’était-il pas son frère ?
Antigone
Bien sûr, par mes parents il était bien mon frère.
Créon
C’était l’outrager que d’honorer l’autre aussi ?
Antigone
Il n’a plus ces pensées maintenant qu’il est mort.
Créon
C’est le mettre pourtant sur le rang d’un impie.
Antigone
Cet homme était son frère et non pas un esclave.
Créon
L’un tuait la cité, l’autre la défendait.
Antigone
Hadès veut simplement voir accomplir ces rites.
Créon
Tu mettrais le bon au même rang qu’un méchant ?
Non, ce n’est pas cela que notre homme mérite.
Antigone
Chez les morts, ces idées ont-elles toujours cours ?
Créon
L’ennemi même mort reste un vil compagnon.
Antigone
Je ne partage pas la haine, mais l’amour.
La tragédie à l'état pur.
- Avez-vous des trésors littéraires dans vos bibliothèques?
- Documentalistes (et les autres si ça vous tente) : sur quelles heures faites vous l'nitiation 6eme ?
- Questions sur le commentaire en latin/grec (Terminale): composé? linéaire? Vous faites quoi vous? Cripure, Thrasy, Nell, Kilmeny et les autres, help!
- Connaissez-vous des extraits de Uncle Tom's Cabin
- ce que vous dites (et pensez) des classes prépa littéraires
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