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bon, j'ai sauté au plafond avec le profil facebook de Voltaire et Rousseau... :marteau:
Il est prêt à reprendre du service. Pourtant, Jean-Marie Evrard, 26 ans, a achevé sa première année d’enseignement sur « les rotules ». Il est l’un des 8 600 professeurs stagiaires du secondaire à avoir expérimenté, l’année dernière, la fameuse « mastérisation », la réforme de la formation des maîtres. Pour lui et ses compagnons, fini l’année de formation en alternance, ces 6 heures hebdomadaires devant les élèves et le reste en cours théoriques à l’Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM). L’année dernière, sans préparation, ils se sont retrouvés à temps plein devant des classes, avec une journée de formation tous les 15 jours.
Après avoir décroché son certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement de second degré (Capes) d’histoire-géographie, Jean-Marie Evrard a découvert son affectation au lycée de Fougères (Ile-et-Vilaine), seulement « trois jours avant la rentrée ». « J’ai eu de la chance, ce n’était pas très loin de chez moi, je n’ai pas eu à déménager, et mon lycée était plutôt calme ».
Là, il découvre les joies de l’enseignement : deux classes de seconde et une classe de première S pour lui tout seul. Dix-huit heures par semaine devant les élèves et « quarante à cinquante heures de préparation », un temps plein et sans filet. « J’ai passé deux mois sans avoir aucune clé sur la manière de gérer une classe. Devant une classe, vous n’avez pas le choix, c’est bien loin de ce que vous avez pu apprendre à la fac ou au Capes sur la transmission du savoir, et vous vous apercevez très vite que le programme, il va falloir l’adapter, sinon l’alléger. » La charge de travail préparatoire ? « Pour une heure de cours, j’avais quatre heures de préparation. Quand je pense à cette année, c’était vraiment fatigant, je n’ai rien fait d’autre que travailler. »
Si lui n’a pas abandonné, un de ses collègues a démissionné, un autre a été en arrêt maladie. Finalement, il dit s’en être « plutôt bien sorti, j’ai aimé ce que j’ai fait. Mais, ca a parfois été très difficile, on a été seuls, c’était vraiment nous envoyer au casse-pipe. »
Pour les profs plus expérimentés, l’horizon n’est pas tellement plus dégagé. L’impression de devoir faire face, seul, aux élèves et aux problèmes de l’institution est largement partagée. Et la dernière réforme du lycée, mise en oeuvre en seconde à la rentrée 2010 et en première à la rentrée 2011, a cristallisé l’incompréhension. Sur le papier, beaucoup lui reconnaissaient des aspects séduisants. L’accompagnement personnalisé en était un. Le principe ? Accorder 2 heures à chaque élève par semaine pour du soutien ou de l’orientation.
Ces 2 heures, les lycées doivent les orchestrer sans moyens supplémentaires. Quand ces accompagnements personnalisés ne se sont pas tout simplement faits en classe entière, « on s’arrange pour mettre une partie des élèves en salle de permanence, une autre au CDI et la dernière avec des professeurs », explique Philippe Leaustic, professeur de sciences de la vie et de la Terre au lycée Colbert, à Lorient, et secrétaire général adjoint du SNES-FSU Morbihan. « Leur mise en application s’est vraiment mal passée et a mécontenté tout le monde », continue-t-il. Car, « ces faux cours particuliers » ponctionnent l’enveloppe de 10 heures hebdomadaires dont chaque lycée dispose librement pour « dédoubler » certaines classes, c’est-àdire permettre des cours en effectifs réduits, en langue, notamment, ou en éducation civique et juridique. Les chefs d’établissement ont ainsi dû trancher sur les disciplines qui perdraient leur dédoublement.
Et, forcément, ce « choix », cette gestion de la pénurie « a pu entraîner des tensions entre les professeurs », confie Valérie Bochard, professeur de biochimie au lycée Jean Macé de Lanester (Morbihan).
Conflits et morosité
Dans les salles des professeurs, l’ambiance est ainsi de plus en plus morose : « Il y a de plus en plus de conflits entre les disciplines, certains collègues peuvent être mécontents du choix fait par l’établissement, qui a privilégié une autre discipline que la leur, ils s’en veulent, certains ne se parlent plus. Ça crée un vrai malaise. Le proviseur doit gérer ces conflits, et parfois on doit même le faire au niveau syndical », raconte Philippe Leaustic.
Les moyens sont toujours au cœur des frustrations des professeurs. Cette année, l’Education nationale a aussi annoncé la suppression de 16 000 nouveaux postes à la rentrée scolaire. Dans le Morbihan, 23 postes sont supprimés dans le secondaire alors qu’il accueille 252 élèves en plus. Conséquence directe : les effectifs augmentent dans les classes. « Les classes de seconde à 35 sont devenues la norme », rappelle Régis Barrue, 46 ans, professeur de mathématiques au lycée Jean Macé. Comment alors assurer sa mission ? Pour Claire Libert, professeur d’anglais depuis 17 ans, « ce n’est tout simplement plus possible. A force de blinder les classes, on arrive à des postures aberrantes, comme virer systématiquement un élève d’un cours pour ne pas se laisser dépasser. » Elle avoue qu’elle devient « fataliste et usée, je ne vois pas la solution. Sur une heure de cours, j’arrive à faire 20 minutes d’enseignement, le reste c’est du flicage. »
Comme elle, Christian Garin, 42 ans, professeur d’histoiregéographie et de lettres en section professionnelle à Jean Macé, se demande « comment marche encore l’institution ». Lui aussi raconte avoir « atteint un tel niveau de stress que je fais parfois des crises de tétanies après un cours ». Il aime toujours son métier « parce qu’on fait quelque chose de bien ». Mais, de plus en plus, il avoue « ne plus comprendre ». Parmi ses motifs d’incompréhension, « l’extra-scolaire, qui prend de plus en plus de place » et, notamment, le travail administratif. « Il y a une multiplicité de réunions. Par exemple, avant les vacances, on en a eu une de deux heures pour choisir la future couleur des murs ! »
Mais, il y a aussi le pédagogique, le coeur du métier. « Les programmes sont intéressants, mais certains aspects sont bien trop ambitieux, en décalage avec nos élèves de bac pro. On pourrait se dire : "Je vais faire un cours bateau, mais je vais les faire chier." Alors on se remet en cause tout le temps et on essaie de les intéresser. On cherche des références filmiques, sportives. Il y a dix ans, pour un cours de géographie des Etats-Unis, je m’appuyais sur les clubs de basket de NBA par exemple. Maintenant, les élèves n’ont plus de centre d’intérêt, ils sont dans la culture du zapping, de l’immédiateté, du non-travail, c’est terrible ».
Tous le reconnaissent, le métier est plus dur, le rapport à la pédagogie a changé. Plus question de faire classe façon cours magistral, le prof sur l’estrade déclamant son savoir, les élèves sagement assis qui ne bronchent pas. Régis Barrue, la quarantaine décontractée, avoue « devoir brosser les élèves dans le sens du poil, pour les amener à travailler, et passer beaucoup plus de temps à la préparation de ses cours de mathématiques ». Morwena Meynier, 40 ans, professeur « plutôt heureux » de lettres au lycée Colbert, aime ce défi et se sert des supports informatiques et des réseaux sociaux pour intéresser ses élèves. Sa dernière trouvaille : « Si Voltaire et Rousseau avaient des profils Facebook, qu’est ce qu’ils se diraient ? » Pour elle, « de plus en plus, le cours doit être pensé. On n’est plus dans une transmission verticale du savoir, les élèves y ont accès 24 heures sur 24, notre rôle est de les aider à développer une capacité à trier les sources. » Elle le reconnaît : « Le plus difficile, c’est de gérer seule les différents niveaux sur un groupe de 35 élèves. Il faut donner de la matière aux très bons et aider les plus faibles. » Pourtant, elle craint « que ce ne soit pas satisfaisant pour les meilleures élèves ».
Le sens de l’école
Derrière ces changements, il y a bien sûr la question du sens de l’école. Le rôle d’ascension sociale qu’elle a longtemps incarné n’est plus. Aujourd’hui, les incertitudes économiques pèsent aussi sur elle, chambre d’écho de la société. « Quel avenir propose-t-on à nos élèves dans une société en crise ? Le chômage ? », s’interroge Claire Libert. Alors, le fossé se creuse entre profs et élèves. Et l’image de l’enseignant respecté, détenteur du savoir et de l’autorité, s’est peu à peu estompée. Aujourd’hui, il reste « l’impression d’être traité comme une sous-merde », confie Régis Barrue.
Les anecdotes sur les clichés de profs « feignants, surpayés, avec trois mois de vacances par an », ils en ont tous à raconter. « Mais, à 1 900 euros net par mois, pour 14 ans d’ancienneté et un bac +5, ce n’est pas cher payé », souligne Morwena Meyer. Et quand les critiques viennent de la hiérarchie, c’est encore pire : « Depuis Allègre et son "il faut dégraisser le mammouth" (en 1997, ndlr), il y a des barrières symboliques qui ont sauté », rappelle Claire Libert. « Le discours gouvernemental est d’une réduction terrible sur notre travail. Nous devons répondre à des indicateurs (taux de passage à la classe supérieure, de réussite au bac) dans une logique de rentabilité. Je n’ai pas l’impression que notre avis compte tellement, de toute façon », continue Christian Garin.
Quand il voit la « désintégration de l’école depuis 15 ans », il se dit que s’il devait le refaire aujourd’hui, il ne « sait pas s’il deviendrait prof ». La profession, en tout cas, attire moins de candidats. A la session 2011 du Capes, ils étaient 21 000 à tenter leur chance, contre 38 244 l’an dernier.
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