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- ZeldaHabitué du forum
frankenstein a écrit:D'accord avec toi. Le problème avec cette foison d'expérimentations, d'innovations, d'organisations et de structures différentes etc., c'est qu'on donne l'impression qu'on aurait trouvé le Graal à chaque fois et qu'il faudrait généraliser la dernière trouvaille à l'ensemble du territoire ! C'est non seulement faux mais dangereux ...Elsa a écrit:Ça me rappelle le lycée à Paris autogéré par les élèves qui choisissaient leurs cours... Évidemment ces établissements ont des résultats très bas et ne sont pas des modèles mais je les vois plutôt comme des établissements de la "dernière chance": on met sans doute ses enfants dans ces établissements quand ils sont incapables de s'adapter au système scolaire classique, quand ils sont en très grande difficulté.
Les élèves n'apprennent sans doute pas grand chose mais dans un collège normal ils auraient peut-être tout simplement cessé de venir.
Je ne sais pas si vous voyez les choses comme moi.
Oui, je pense comme toi.
- Loïc JouvinNiveau 1
Bonjour,
Je viens de lire vos réactions et j'aimerais réagir à mon tour.
Mais avant tout je me présente. Je m'appelle Loïc Jouvin, je suis "à l'origine" enseignant de technologie en collège. Je suis actuellement coordonnateur au sein de la Mission Générale d'Insertion de l'Education Nationale. J'ai en charge des élèves de lycée ou sortant de collège sans solutions ou victimes de décrochage scolaire mais je travaille aussi auprès des équipes de trois lycées professionnels en tant que conseillé technique autour de la question de la prévention du décrochage scolaire.
En septembre 2001, j'ai participé à la création du collège expérimental du Mans. Pendant 3 ans j'en ai été le professeur de technologie (entre autre) et pendant 3 autres années, j'ai assuré la fonction de principal (en tant que faisant fonction) de ce collège peu ordinaire...
A la fin de ces 6 années, je l'ai quitté temporairement pour rejoindre la MGI. Mon poste d'enseignant étant toujours au collège.
En lisant vos propos je vois bien que plusieurs choses dérangent. Je suis en accord avec certaines de vos remarques mais je nuancerais d'autres affirmations.
En vrac:
Le tutoiement entre professeurs et élèves. Cela n'a jamais été mis comme préalable pédagogique. Il a fait débat au début de la création du collège. Un de mes amis, et collègue du moment (il est à la retraite maintenant) se laissait tutoyer ou vouvoyer selon les élèves, au choix! Je vous assure qu'au début on se pose des questions à ce sujet, mais ensuite cela devient naturel et n'est plus un enjeu entre nous. Je n'ai jamais considéré les élèves comme" mes potes" et j'ai toujours eu des exigences éducatives claires. Par contre nous avons eu des discutions très virulentes entre nous sur la question de la gestion des conflits et le positionnement des adultes.
Nous n'avons pas tous partagé les mêmes façons de voir. Ce qui est écrit dans l'article cité ne correspond pas à ce qui avait été créé à l'origine. En effet, celle qui a été l'initiatrice du collège, Marie Danielle Pierrelée (voir son livre "pourquoi vos enfants s'ennuient en classe") avait créé une Charte de vie, un réglement intérieur dont on pouvait discuter en commission et ou punitions, sanctions existaient. Elle ne tolérait pas, comme certains d'entre nous, que des élèves ne soient pas rangés avant d'aller en cours par exemple. Nous n'hésitions pas à téléphoner aux parents en cas de retards ou violences commises.... bref ce qui a été partagé et établi au début entre adultes ne l'a plus été ensuite.... Le fonctionnement décrit maintenant ne correspond plus à ce qui avait été travaillé au début.
En m'appuyant sur mon expérience vécue dans ce collège, les témoignages d'anciens élèves ou de parents, les propos entendus de certains personnels de l'équipe éducative (actuelle ou ancienne), à partir de différentes lectures (Grandir de Claude Almos par exemple). Je peux dire que je ne partage pas la fin des propos suivants et l'évaluation faites "Pas de note au collège Anne Frank, pas de sanction, ni de règlement intérieur non plus. Notre structure ne se base que sur l'acceptation par tous d'un vouloir vivre en commun qui se traduit par l'usage intensif de la médiation, et ça marche !».
Suite dans un prochain message.
Je viens de lire vos réactions et j'aimerais réagir à mon tour.
Mais avant tout je me présente. Je m'appelle Loïc Jouvin, je suis "à l'origine" enseignant de technologie en collège. Je suis actuellement coordonnateur au sein de la Mission Générale d'Insertion de l'Education Nationale. J'ai en charge des élèves de lycée ou sortant de collège sans solutions ou victimes de décrochage scolaire mais je travaille aussi auprès des équipes de trois lycées professionnels en tant que conseillé technique autour de la question de la prévention du décrochage scolaire.
En septembre 2001, j'ai participé à la création du collège expérimental du Mans. Pendant 3 ans j'en ai été le professeur de technologie (entre autre) et pendant 3 autres années, j'ai assuré la fonction de principal (en tant que faisant fonction) de ce collège peu ordinaire...
A la fin de ces 6 années, je l'ai quitté temporairement pour rejoindre la MGI. Mon poste d'enseignant étant toujours au collège.
En lisant vos propos je vois bien que plusieurs choses dérangent. Je suis en accord avec certaines de vos remarques mais je nuancerais d'autres affirmations.
En vrac:
Le tutoiement entre professeurs et élèves. Cela n'a jamais été mis comme préalable pédagogique. Il a fait débat au début de la création du collège. Un de mes amis, et collègue du moment (il est à la retraite maintenant) se laissait tutoyer ou vouvoyer selon les élèves, au choix! Je vous assure qu'au début on se pose des questions à ce sujet, mais ensuite cela devient naturel et n'est plus un enjeu entre nous. Je n'ai jamais considéré les élèves comme" mes potes" et j'ai toujours eu des exigences éducatives claires. Par contre nous avons eu des discutions très virulentes entre nous sur la question de la gestion des conflits et le positionnement des adultes.
Nous n'avons pas tous partagé les mêmes façons de voir. Ce qui est écrit dans l'article cité ne correspond pas à ce qui avait été créé à l'origine. En effet, celle qui a été l'initiatrice du collège, Marie Danielle Pierrelée (voir son livre "pourquoi vos enfants s'ennuient en classe") avait créé une Charte de vie, un réglement intérieur dont on pouvait discuter en commission et ou punitions, sanctions existaient. Elle ne tolérait pas, comme certains d'entre nous, que des élèves ne soient pas rangés avant d'aller en cours par exemple. Nous n'hésitions pas à téléphoner aux parents en cas de retards ou violences commises.... bref ce qui a été partagé et établi au début entre adultes ne l'a plus été ensuite.... Le fonctionnement décrit maintenant ne correspond plus à ce qui avait été travaillé au début.
En m'appuyant sur mon expérience vécue dans ce collège, les témoignages d'anciens élèves ou de parents, les propos entendus de certains personnels de l'équipe éducative (actuelle ou ancienne), à partir de différentes lectures (Grandir de Claude Almos par exemple). Je peux dire que je ne partage pas la fin des propos suivants et l'évaluation faites "Pas de note au collège Anne Frank, pas de sanction, ni de règlement intérieur non plus. Notre structure ne se base que sur l'acceptation par tous d'un vouloir vivre en commun qui se traduit par l'usage intensif de la médiation, et ça marche !».
Suite dans un prochain message.
- JohnMédiateur
Merci pour votre message : ces premières précisions constituent des éléments tout à fait mesurés et intéressants !
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En achetant des articles au lien ci-dessous, vous nous aidez, sans frais, à gérer le forum. Merci !
"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
"La nostalgie, c'est plus ce que c'était" (Simone Signoret)
- ProvenceEnchanteur
Bonsoir Loïc,
c'est intéressant d'avoir les remarques de quelqu'un qui a connu ce collège de l'intérieur. Qu'est-ce qui t'a motivé pour participer à ce projet? Quel bilan peux-tu établir à partir de ton expérience? Qu'est-ce qui fonctionne bien dans ce type d'établissement? Qu'est-ce qui fonctionne moins bien?
Merci d'avance!
c'est intéressant d'avoir les remarques de quelqu'un qui a connu ce collège de l'intérieur. Qu'est-ce qui t'a motivé pour participer à ce projet? Quel bilan peux-tu établir à partir de ton expérience? Qu'est-ce qui fonctionne bien dans ce type d'établissement? Qu'est-ce qui fonctionne moins bien?
Merci d'avance!
- User5899Demi-dieu
Oui, nous attendons d'autres précisions avec intérêt. D'autant que l'évolution que vous pointez depuis la création de cet établissement sera probablement intéressante à comprendre.
- Loïc JouvinNiveau 1
Pour comprendre un peu plus le fonctionnement actuel du collège, je recopie un article paru sur Témoignage Chrétien.
Pour avoir les photos et la mise en page d'origine cliquez sur le lien ci-dessous:
http://www.temoignagechretien.fr/ARTICLES/Societe/Au-college-Anne-Franck-les-eleves-ne-sont-pas-notes/Default-18-2344.xhtml
Au collège Anne Franck, les élèves ne sont pas notés
Par Fanny Stolpner
Des personnalités politiques et universitaires ont appelé récemment à supprimer les notes à l’école primaire (Lire ici). Pas de notes, pas de niveaux, c'est le modèle expérimenté depuis 10 ans, au Mans, par le collège Anne Frank qui accueille des élèves exclus des filières scolaires classiques. Ses innovations pédagogiques font leur preuve, mais les institutions ne suivent pas.
REPORTAGE.
Depuis le préfabriqué où remuent une quinzaine d’élèves monte la voix de Stéphane Nédélec : « Antoine, tu quittes l’ordi s’il te plaît. Tu es dans le collectif, là, tu reviens avec nous. » Antoine, 14 ans, rejoint les tables placées en U où sont éparpillés ses camarades.
À 8 h 30, comme tous les lundis, les élèves du collège Anne Frank du Mans (72) débutent la journée par une heure de tutorat. Ils y font leurs devoirs, échangent sur le fonctionnement du collège auquel ils participent activement. Stéphane Nédélec, professeur de mathématiques, et Éric Demougin, coordinateur et professeur de français-maths les encadrent.
Au mur, un Petit Spirou dessiné au crayon à papier baille aux corneilles, un doigt dans le nez. À côté de lui posent deux autres adolescents turbulents, héros de BD et de dessin animé : Kid Paddle, une perceuse à la main, et Bart Simpson sur son skateboard.
Ils cohabitent avec une citation d’Einstein : « L’école devrait toujours avoir pour but de donner à ses élèves une personnalité harmonieuse et non de les former en spécialistes. » Kant n’est pas loin : « On doit prouver à l’enfant qu’on exerce sur lui une contrainte qui le conduit à l’usage de sa propre liberté. »
Cela résume assez bien la pédagogie du collège expérimental Anne Frank, établissement public qui fêtera bientôt ses dix ans d’existence. À l’origine de sa création en 2001, une équipe d’enseignants emmenés par Marie-Danielle Pierrelée (1) insatisfaits du système scolaire traditionnel.
PAS DE NOTES
Leur objectif, « redonner du sens à l’école » avec une pédagogie différente de la sélection par la note, un refus d’apprécier l’accomplissement personnel par la seule réussite scolaire.
Dans une démarche compréhensive, il s’agit plutôt de s’adapter au rythme des élèves en développant l’autonomie et la responsabilité de chacun. Ici, pas de classes de niveaux (6e, 5e, 4e, 3e) : les élèves se retrouvent en fonction des cours qu’ils choisissent, mais aussi dans les divers ateliers (cuisine, expériences physiques, soins aux animaux de la SPA voisine etc.) ou encore dans des projets collectifs. Seule la classe de tutorat est immuable durant la scolarité.
Pas de notes donc, mais un système de points sur le bulletin trimestriel, qui accorde une grande importance à l’expression orale ainsi qu’à l’auto-évaluation de l’élève. Enfin, pas de principal d’établissement : deux enseignants coordinateurs, sans rôle hiérarchique, assurent la gestion administrative.
Chacun des enseignants surveille à tour de rôle la cour, la cantine, anime les ateliers... « À la base, c’est un collège pour tous. Mais faute de structures adaptées, on accueille de plus en plus d’élèves qui ne trouvent pas leur place dans le système traditionnel », explique Amin Lakhal, coordinateur et professeur de sciences.
Déscolarisation, phobie de l’école, problèmes de comportement… les jeunes qui arrivent à Anne Frank ont parfois accumulé les collèges, conseils de discipline et heures de colle. « Le système classique crée des parcours d’exclusion pour ceux qui décrochent. L’enfant est très vite étiqueté en fonction de ses résultats et ceux qui ne suivent pas sont orientés plutôt qu’aidés », observe Amin Lakhal.
CONFIANCE
Laurence Gravay enseigne l’anglais au collège depuis trois ans. Avant, elle s’occupait surtout de la vie scolaire :
« Souvent, quand ils arrivent, ils n’ont plus confiance envers les adultes. Et puis ils apprennent que tu es là, que tu vas les écouter et les aider à trouver une solution. Parfois ils viennent te voir et ils savent qu’ils vont se faire gronder, mais ils ont besoin de ça, explique, volubile, cette trentenaire. Ce sont des adolescents qui n’ont pas la tête à travailler en classe car ils sont pris par d’autres problématiques, familiales ou psychologiques. »
Anne Frank n’étant pas un collège de secteur, les familles doivent faire une demande auprès de l’académie de la Sarthe pour l’intégrer. Une démarche volontaire impérative pour les élèves.
« Les élèves savent qu’ils sont 96 au collège et que beaucoup d’autres attendent sur une liste, explique Éric Demougin. On est une communauté éducative unie par des liens très forts ; on profite du fait d’être un peu le village gaulois dans l’empire romain. »
Et les élèves, qu’en disent-ils ? Tour de table dans le tutorat d’Éric Demougin et Stéphane Nédélec : Axel, 11 ans, « n’aime pas les modes de vie où l’on doit rester assis à rien faire tout le temps », Gildas, 15 ans, « n’arrivait pas à s’adapter ailleurs », Antoine ne pouvait pas se concentrer et ne s’entendait pas avec les autres, Alessia a des problèmes d’autorité avec les adultes, Mano suit les traces de sa sœur, passée par Anne Frank avant lui. Capucine, elle, n’allait plus à l’école depuis six mois. Désormais, elle se lève à cinq heures tous les matins pour se rendre au collège.
« On a un gros point en commun, c’est Anne Frank. Ici on ne juge pas, on prend soin des gens. » Fanny, 14 ans, arbore un parfait look gothique ; yeux charbonneux, robe noire cintrée assortie de lourdes chaussures et chapeau noir. Elle est arrivée au collège il y a un an. « Pour tout le monde, c’est une vraie chance d’être là. On fait confiance au prof, on peut compter sur lui. Je me suis reconstruite sur plein de choses, ici. On se sent à l’aise, acceptés. »
Fanny, 14 ans : « On fait confiance au prof, on peut compter sur lui. On se sent à l’aise, acceptés. »
Dans le préfabriqué voisin, Gildase Bouvier s’agite. La cinquantaine, cheveux courts tirant sur le prune, une voix un peu rauque facilement reconnaissable, Gildase Bouvier enseigne le français à Anne Frank depuis son ouverture. Elle lit à la classe un extrait des Thibault de Roger Martin du Gard ; l’assassinat de Jean Jaurès en 1914.
« Vous imaginez ? » Gildase glisse au fond de la salle, où Izak est affalé sur sa table. Elle lui prend le bras : « Le médecin est là, il lui prend le pouls et secoue la tête. Qu’est-ce qu’on comprend ? » Concert d’exclamations : « Qu’il est mort ! » Gildase poursuit : « Comme j’imagine que personne ne lira la suite, je vous raconte… » Les élèves sont cois.
Axel, anorak et cartable sur le dos, bouge à peine. Quentin, son voisin, se lève tout d’un coup, déchire le dessin sur lequel il était penché depuis le début du cours et le jette à la poubelle. Il se rassoit. Gildase Bouvier, qui suit du coin de l’œil, décide de ne pas relever. Nouvel aller-retour, nerveux, jusqu’à la poubelle. Finalement, Quentin rejoint sa place. Et se remet à dessiner.
Les élèves sont intéressés par la guerre de 1914-1918 ; portés par l’énergie de Gildase, les réactions fusent. Quentin en sait beaucoup et sans lever les yeux du trône qu’il trace avec minutie, il répond souvent juste.
VIOLENCE
Le mardi, les cours finissent à 15 h 30. L’équipe pédagogique et les parents volontaires se réunissent pour la « concertation ». C’est au cours de cette réunion, « cœur » et « cerveau » du fonctionnement collégial, que sont discutés les projets et les difficultés de l’établissement. Une vingtaine de personnes prennent place.
Est évoqué le cas d’Adélaïde, une élève qui a frappé sa professeure enceinte. A ceux qui s’en tiennent aux principes du collège – on n’exclut pas les élèves – d’autres répondent que la structure est ébranlée par le comportement d’une personne.
« Dans les structures expérimentales, les gens s’empoignent beaucoup, plaisante Fabrice Pillaud, professeur de sport. Parce que tout est discuté, que les décisions se prennent par consensus ou par vote, en dernier recours. » Stéphane Nédélec a une annonce à faire : « Je vous conseille de faire une demande de remplacement en maths… Il y a dix ans, je suis venu ici pour combattre le système éducatif. Or j’estime que l’on n’est plus dans ce combat-là. »
Silence troublé dans l’assistance. Il poursuit : « Les seuls éléments susceptibles de me faire changer d’avis seraient un déménagement dans de vrais locaux et une attitude différente vis-à-vis de l’inspecteur d’académie, qui nous impose d’accueillir certains élèves. On ne se bat pas, on se laisse bouffer par l’institution… on a tout accepté cette année. »
DES RATS SOUS LES PLANCHES
Depuis sa création, le collège Anne Frank est implanté dans un autre collège, celui du Ronceray. L’académie de la Sarthe lui a attribué certaines salles, mais la majorité des cours se font toujours dans des préfabriqués, dans un état précaire. Humides car il y pleut l’hiver, on y étouffe l’été, où l’on voit des rats courir sous les planches. Maintes fois évoqué, le déménagement fait l’objet d’une guerre entre l’académie, le collège Anne Frank et le conseil général de la Sarthe.
Professeurs, parents et élèves se sont mobilisés à plusieurs reprises pour réclamer des locaux décents, ainsi que la pérennisation de la structure. « Un collège expérimental est de fait plus fragile qu’un collège classique », commente Éric Demougin. Sur les cinq établissements ouverts en même temps qu’Anne Frank, deux ont fermé.
« On est en train de discuter la signature d’un contrat de fonctionnement de quatre ans. Mais les relations avec l’inspecteur d’académie sont difficiles. Il essaie de reprendre la main sur le collège, en imposant quantité d’élèves à problèmes ou en parachutant des profs qui ignorent où ils mettent les pieds. »
Le lendemain matin, en salle des profs, Denis Marmier tourne frénétiquement les pages d’un livre d’histoire de troisième. « Hier j’ai fait un cours somme toute très scolaire. Il faut varier, les élèves s’ennuient vite. Alors je vais les essayer de les mettre en scène. Ça permet aux élèves qui ont du mal à lire ou à écrire d’être quand même dans l’apprentissage des connaissances. »
Le professeur d’histoire-géo souhaite étudier la place de la religion dans la société égyptienne « et aujourd’hui, ce sera avec du théâtre ». 10 h 15, la classe s’installe quand Denis se met à hurler : « Alors là, ça ne va pas du tout ! On ne va pas pouvoir continuer comme ça ! »
Pétrifiés, les élèves s’attendent, sans trop savoir pourquoi, à se faire passer un savon. Mais non. « Comme moi, vous allez tous jouer un rôle pour comprendre le mythe d’Osiris », explique l’enseignant. Les élèves sont conquis. Aux trois qui ne veulent pas jouer, Denis propose autre chose : Gildas et Marie-Lolita, une nouvelle que Denis « apprivoise encore », répondent à un exercice sur leurs cahiers. Au tableau, Quentin illustre le mythe par un grand dessin.
HEURES SUPP'
Pour Denis comme pour d’autres, Anne Frank relève d’un idéal, un collège qu’ils auraient aimé avoir. Professeurs de l’Éducation nationale, les enseignants sont rémunérés sur la base classique de 18 heures de cours hebdomadaire. « Dans les faits, on tourne autour de 28h-30h de présence, les heures supp’ ne sont pas payées, calcule Amin. Si tu n’y prends pas plaisir, tu vas avoir du mal ! »
Cette implication aboutit-elle à quelque chose ? « Il y a une envie de continuer, une reconnexion avec le scolaire. La réussite, on la voit, elle est presque palpable. »
Depuis quelques mois, Isabelle Pichot en fait concrètement l’expérience. En septembre, son fils Aurélien, 14 ans, a fait sa première rentrée à Anne Frank après être passé par plusieurs collèges et un centre éducatif. « Il s’est remis à travailler, confie-t-elle. Il refusait l’autorité, ne faisait plus rien, il avait l’impression d’être incompris et rejeté. Depuis qu’il est ici, c’est un enfant différent. »
Élève de troisième, Valentin, 15 ans, avoue avoir beaucoup changé en quatre ans. Après le brevet, il veut devenir boulanger. « On apprend à se connaître ici. J’ai pris en maturité, j’ai trouvé une assurance. Il y a beaucoup d’entraide entre les élèves, pas de refus d’amitiés, peu de bagarres. C’est comme une petite famille. »
Isabelle Pichot constate : « Humainement, Aurélien a gagné quelque chose. Ici, ils travaillent sur la confiance en soi, ça fait la différence. On donne une chance aux élèves, ils peuvent redémarrer. Ça veut dire que personne n’est perdu et ça, c’est très important. »
1. Auteur de "Pourquoi vos enfants s’ennuient en classe ?" en collaboration avec Agnès Baumier, Éditions Syros, 1999.
Pour avoir les photos et la mise en page d'origine cliquez sur le lien ci-dessous:
http://www.temoignagechretien.fr/ARTICLES/Societe/Au-college-Anne-Franck-les-eleves-ne-sont-pas-notes/Default-18-2344.xhtml
Au collège Anne Franck, les élèves ne sont pas notés
Par Fanny Stolpner
Des personnalités politiques et universitaires ont appelé récemment à supprimer les notes à l’école primaire (Lire ici). Pas de notes, pas de niveaux, c'est le modèle expérimenté depuis 10 ans, au Mans, par le collège Anne Frank qui accueille des élèves exclus des filières scolaires classiques. Ses innovations pédagogiques font leur preuve, mais les institutions ne suivent pas.
REPORTAGE.
Depuis le préfabriqué où remuent une quinzaine d’élèves monte la voix de Stéphane Nédélec : « Antoine, tu quittes l’ordi s’il te plaît. Tu es dans le collectif, là, tu reviens avec nous. » Antoine, 14 ans, rejoint les tables placées en U où sont éparpillés ses camarades.
À 8 h 30, comme tous les lundis, les élèves du collège Anne Frank du Mans (72) débutent la journée par une heure de tutorat. Ils y font leurs devoirs, échangent sur le fonctionnement du collège auquel ils participent activement. Stéphane Nédélec, professeur de mathématiques, et Éric Demougin, coordinateur et professeur de français-maths les encadrent.
Au mur, un Petit Spirou dessiné au crayon à papier baille aux corneilles, un doigt dans le nez. À côté de lui posent deux autres adolescents turbulents, héros de BD et de dessin animé : Kid Paddle, une perceuse à la main, et Bart Simpson sur son skateboard.
Ils cohabitent avec une citation d’Einstein : « L’école devrait toujours avoir pour but de donner à ses élèves une personnalité harmonieuse et non de les former en spécialistes. » Kant n’est pas loin : « On doit prouver à l’enfant qu’on exerce sur lui une contrainte qui le conduit à l’usage de sa propre liberté. »
Cela résume assez bien la pédagogie du collège expérimental Anne Frank, établissement public qui fêtera bientôt ses dix ans d’existence. À l’origine de sa création en 2001, une équipe d’enseignants emmenés par Marie-Danielle Pierrelée (1) insatisfaits du système scolaire traditionnel.
PAS DE NOTES
Leur objectif, « redonner du sens à l’école » avec une pédagogie différente de la sélection par la note, un refus d’apprécier l’accomplissement personnel par la seule réussite scolaire.
Dans une démarche compréhensive, il s’agit plutôt de s’adapter au rythme des élèves en développant l’autonomie et la responsabilité de chacun. Ici, pas de classes de niveaux (6e, 5e, 4e, 3e) : les élèves se retrouvent en fonction des cours qu’ils choisissent, mais aussi dans les divers ateliers (cuisine, expériences physiques, soins aux animaux de la SPA voisine etc.) ou encore dans des projets collectifs. Seule la classe de tutorat est immuable durant la scolarité.
Pas de notes donc, mais un système de points sur le bulletin trimestriel, qui accorde une grande importance à l’expression orale ainsi qu’à l’auto-évaluation de l’élève. Enfin, pas de principal d’établissement : deux enseignants coordinateurs, sans rôle hiérarchique, assurent la gestion administrative.
Chacun des enseignants surveille à tour de rôle la cour, la cantine, anime les ateliers... « À la base, c’est un collège pour tous. Mais faute de structures adaptées, on accueille de plus en plus d’élèves qui ne trouvent pas leur place dans le système traditionnel », explique Amin Lakhal, coordinateur et professeur de sciences.
Déscolarisation, phobie de l’école, problèmes de comportement… les jeunes qui arrivent à Anne Frank ont parfois accumulé les collèges, conseils de discipline et heures de colle. « Le système classique crée des parcours d’exclusion pour ceux qui décrochent. L’enfant est très vite étiqueté en fonction de ses résultats et ceux qui ne suivent pas sont orientés plutôt qu’aidés », observe Amin Lakhal.
CONFIANCE
Laurence Gravay enseigne l’anglais au collège depuis trois ans. Avant, elle s’occupait surtout de la vie scolaire :
« Souvent, quand ils arrivent, ils n’ont plus confiance envers les adultes. Et puis ils apprennent que tu es là, que tu vas les écouter et les aider à trouver une solution. Parfois ils viennent te voir et ils savent qu’ils vont se faire gronder, mais ils ont besoin de ça, explique, volubile, cette trentenaire. Ce sont des adolescents qui n’ont pas la tête à travailler en classe car ils sont pris par d’autres problématiques, familiales ou psychologiques. »
Anne Frank n’étant pas un collège de secteur, les familles doivent faire une demande auprès de l’académie de la Sarthe pour l’intégrer. Une démarche volontaire impérative pour les élèves.
« Les élèves savent qu’ils sont 96 au collège et que beaucoup d’autres attendent sur une liste, explique Éric Demougin. On est une communauté éducative unie par des liens très forts ; on profite du fait d’être un peu le village gaulois dans l’empire romain. »
Et les élèves, qu’en disent-ils ? Tour de table dans le tutorat d’Éric Demougin et Stéphane Nédélec : Axel, 11 ans, « n’aime pas les modes de vie où l’on doit rester assis à rien faire tout le temps », Gildas, 15 ans, « n’arrivait pas à s’adapter ailleurs », Antoine ne pouvait pas se concentrer et ne s’entendait pas avec les autres, Alessia a des problèmes d’autorité avec les adultes, Mano suit les traces de sa sœur, passée par Anne Frank avant lui. Capucine, elle, n’allait plus à l’école depuis six mois. Désormais, elle se lève à cinq heures tous les matins pour se rendre au collège.
« On a un gros point en commun, c’est Anne Frank. Ici on ne juge pas, on prend soin des gens. » Fanny, 14 ans, arbore un parfait look gothique ; yeux charbonneux, robe noire cintrée assortie de lourdes chaussures et chapeau noir. Elle est arrivée au collège il y a un an. « Pour tout le monde, c’est une vraie chance d’être là. On fait confiance au prof, on peut compter sur lui. Je me suis reconstruite sur plein de choses, ici. On se sent à l’aise, acceptés. »
Fanny, 14 ans : « On fait confiance au prof, on peut compter sur lui. On se sent à l’aise, acceptés. »
Dans le préfabriqué voisin, Gildase Bouvier s’agite. La cinquantaine, cheveux courts tirant sur le prune, une voix un peu rauque facilement reconnaissable, Gildase Bouvier enseigne le français à Anne Frank depuis son ouverture. Elle lit à la classe un extrait des Thibault de Roger Martin du Gard ; l’assassinat de Jean Jaurès en 1914.
« Vous imaginez ? » Gildase glisse au fond de la salle, où Izak est affalé sur sa table. Elle lui prend le bras : « Le médecin est là, il lui prend le pouls et secoue la tête. Qu’est-ce qu’on comprend ? » Concert d’exclamations : « Qu’il est mort ! » Gildase poursuit : « Comme j’imagine que personne ne lira la suite, je vous raconte… » Les élèves sont cois.
Axel, anorak et cartable sur le dos, bouge à peine. Quentin, son voisin, se lève tout d’un coup, déchire le dessin sur lequel il était penché depuis le début du cours et le jette à la poubelle. Il se rassoit. Gildase Bouvier, qui suit du coin de l’œil, décide de ne pas relever. Nouvel aller-retour, nerveux, jusqu’à la poubelle. Finalement, Quentin rejoint sa place. Et se remet à dessiner.
Les élèves sont intéressés par la guerre de 1914-1918 ; portés par l’énergie de Gildase, les réactions fusent. Quentin en sait beaucoup et sans lever les yeux du trône qu’il trace avec minutie, il répond souvent juste.
VIOLENCE
Le mardi, les cours finissent à 15 h 30. L’équipe pédagogique et les parents volontaires se réunissent pour la « concertation ». C’est au cours de cette réunion, « cœur » et « cerveau » du fonctionnement collégial, que sont discutés les projets et les difficultés de l’établissement. Une vingtaine de personnes prennent place.
Est évoqué le cas d’Adélaïde, une élève qui a frappé sa professeure enceinte. A ceux qui s’en tiennent aux principes du collège – on n’exclut pas les élèves – d’autres répondent que la structure est ébranlée par le comportement d’une personne.
« Dans les structures expérimentales, les gens s’empoignent beaucoup, plaisante Fabrice Pillaud, professeur de sport. Parce que tout est discuté, que les décisions se prennent par consensus ou par vote, en dernier recours. » Stéphane Nédélec a une annonce à faire : « Je vous conseille de faire une demande de remplacement en maths… Il y a dix ans, je suis venu ici pour combattre le système éducatif. Or j’estime que l’on n’est plus dans ce combat-là. »
Silence troublé dans l’assistance. Il poursuit : « Les seuls éléments susceptibles de me faire changer d’avis seraient un déménagement dans de vrais locaux et une attitude différente vis-à-vis de l’inspecteur d’académie, qui nous impose d’accueillir certains élèves. On ne se bat pas, on se laisse bouffer par l’institution… on a tout accepté cette année. »
DES RATS SOUS LES PLANCHES
Depuis sa création, le collège Anne Frank est implanté dans un autre collège, celui du Ronceray. L’académie de la Sarthe lui a attribué certaines salles, mais la majorité des cours se font toujours dans des préfabriqués, dans un état précaire. Humides car il y pleut l’hiver, on y étouffe l’été, où l’on voit des rats courir sous les planches. Maintes fois évoqué, le déménagement fait l’objet d’une guerre entre l’académie, le collège Anne Frank et le conseil général de la Sarthe.
Professeurs, parents et élèves se sont mobilisés à plusieurs reprises pour réclamer des locaux décents, ainsi que la pérennisation de la structure. « Un collège expérimental est de fait plus fragile qu’un collège classique », commente Éric Demougin. Sur les cinq établissements ouverts en même temps qu’Anne Frank, deux ont fermé.
« On est en train de discuter la signature d’un contrat de fonctionnement de quatre ans. Mais les relations avec l’inspecteur d’académie sont difficiles. Il essaie de reprendre la main sur le collège, en imposant quantité d’élèves à problèmes ou en parachutant des profs qui ignorent où ils mettent les pieds. »
Le lendemain matin, en salle des profs, Denis Marmier tourne frénétiquement les pages d’un livre d’histoire de troisième. « Hier j’ai fait un cours somme toute très scolaire. Il faut varier, les élèves s’ennuient vite. Alors je vais les essayer de les mettre en scène. Ça permet aux élèves qui ont du mal à lire ou à écrire d’être quand même dans l’apprentissage des connaissances. »
Le professeur d’histoire-géo souhaite étudier la place de la religion dans la société égyptienne « et aujourd’hui, ce sera avec du théâtre ». 10 h 15, la classe s’installe quand Denis se met à hurler : « Alors là, ça ne va pas du tout ! On ne va pas pouvoir continuer comme ça ! »
Pétrifiés, les élèves s’attendent, sans trop savoir pourquoi, à se faire passer un savon. Mais non. « Comme moi, vous allez tous jouer un rôle pour comprendre le mythe d’Osiris », explique l’enseignant. Les élèves sont conquis. Aux trois qui ne veulent pas jouer, Denis propose autre chose : Gildas et Marie-Lolita, une nouvelle que Denis « apprivoise encore », répondent à un exercice sur leurs cahiers. Au tableau, Quentin illustre le mythe par un grand dessin.
HEURES SUPP'
Pour Denis comme pour d’autres, Anne Frank relève d’un idéal, un collège qu’ils auraient aimé avoir. Professeurs de l’Éducation nationale, les enseignants sont rémunérés sur la base classique de 18 heures de cours hebdomadaire. « Dans les faits, on tourne autour de 28h-30h de présence, les heures supp’ ne sont pas payées, calcule Amin. Si tu n’y prends pas plaisir, tu vas avoir du mal ! »
Cette implication aboutit-elle à quelque chose ? « Il y a une envie de continuer, une reconnexion avec le scolaire. La réussite, on la voit, elle est presque palpable. »
Depuis quelques mois, Isabelle Pichot en fait concrètement l’expérience. En septembre, son fils Aurélien, 14 ans, a fait sa première rentrée à Anne Frank après être passé par plusieurs collèges et un centre éducatif. « Il s’est remis à travailler, confie-t-elle. Il refusait l’autorité, ne faisait plus rien, il avait l’impression d’être incompris et rejeté. Depuis qu’il est ici, c’est un enfant différent. »
Élève de troisième, Valentin, 15 ans, avoue avoir beaucoup changé en quatre ans. Après le brevet, il veut devenir boulanger. « On apprend à se connaître ici. J’ai pris en maturité, j’ai trouvé une assurance. Il y a beaucoup d’entraide entre les élèves, pas de refus d’amitiés, peu de bagarres. C’est comme une petite famille. »
Isabelle Pichot constate : « Humainement, Aurélien a gagné quelque chose. Ici, ils travaillent sur la confiance en soi, ça fait la différence. On donne une chance aux élèves, ils peuvent redémarrer. Ça veut dire que personne n’est perdu et ça, c’est très important. »
1. Auteur de "Pourquoi vos enfants s’ennuient en classe ?" en collaboration avec Agnès Baumier, Éditions Syros, 1999.
- Jour de pluieNiveau 2
Sans doute une belle expérience mais qui ne peut fonctionner qu'à petite échelle.
- ProvenceEnchanteur
Plutôt qu'un article, j'aurais voulu lire tes commentaires, Loïc.
- Loïc JouvinNiveau 1
Provence a écrit:Bonsoir Loïc,
c'est intéressant d'avoir les remarques de quelqu'un qui a connu ce collège de l'intérieur. Qu'est-ce qui t'a motivé pour participer à ce projet? Quel bilan peux-tu établir à partir de ton expérience? Qu'est-ce qui fonctionne bien dans ce type d'établissement? Qu'est-ce qui fonctionne moins bien?
Merci d'avance!
Bonsoir Provence,
Je me considère comme un petit prof de technologie de collège qui a eu la chance de faire quelques belles rencontres professionnelles.
Après ma réussite au CAPET technologie j'ai été muté à mon grand désespoir à Dreux (28) dans un collège difficile. J'y suis resté 3 ans. La première année la plus difficile, a été marquée par ma rencontre avec Denis Rochard, principal adjoint, un gars formidable qui m'a remis les idées en place.
Il avait des pratiques différentes, une approche particulière avec les élèves et les parents. Ils responsabilisaient les profs et a su créer une vraie vie d'équipe. Adepte de la responsabilisation et de la valorisation des élèves, du partenariat avec les parents tout en étant très rigoureux dans son approche éducative avec les jeunes. Il obtenait des résultats avec des élèves aux difficultés complexes et profondes. Il est parti au bout d'un an, mutation oblige. L'homme était réclamé un peu partout sur Dreux. J'aurais beaucoup aimé continuer à travailler dans ce collège.
Ensuite je suis parti à Nogent-le_Rotrou (28) pour me rapprocher de ma Sarthe natale et de mon fief, Le Mans. Au bout de deux ans j'ai éprouvé le désir d'évoluer de faire autre chose... C'est à ce moment que j'ai eu vent de la création d'un collège expérimental au Mans. ce projet comme d'autres était porté par Jack Lang, Ministre de l'Education Nationale à l'époque (En 2000). Marie Danielle Pierrelée l'initiatrice du projet a eu carte blanche du ministre pour ouvrir cette structure.
J'ai lu son livre "pourquoi vos enfants s'ennuient en classe?", j'ai lu des articles la concernant sur Internet , j'ai visionné des interviews et j'ai fini par rejoindre tardivement l'équipe qui construisait le collège. Ce fut alors pour moi une évidence, j'avais envie de m'approprier son travail, ses recommandations.
Depuis 10 ans maintenant je crois que je travaille avec certains principes et que je défends un certain nombre de choses bec-et-ongles influencés par ces 2 rencontres. Je peux dire maintenant et je pèse mes mots que je considère Marie Danielle et son compagnon de route, François Mellot, comme mes mentors.
Il me faut maintenant ramener tout cela au travers du collège expérimental Anne Frank.
P.S.: avec Google on retrouve l'essentiel du travail de Marie Danielle Pierrelée sur la toile.
- Loïc JouvinNiveau 1
Provence a écrit:Plutôt qu'un article, j'aurais voulu lire tes commentaires, Loïc.
oui oui j'y viens
- Loïc JouvinNiveau 1
Jour de pluie a écrit:Sans doute une belle expérience mais qui ne peut fonctionner qu'à petite échelle.
Non je ne crois pas. Mais je dis cela sans preuve!
A l'ouverture en septembre 2001, Marie Danielle Pierrelée avait déjà édité un manifeste signé par de nombreuses personalités.
http://ecolesdifferentes.info/MANIFESTE.htm (en fin de page). On peut voir qu'elle parle d'établissements moyens.
Nous en avions parlé ensemble, elle pensait que l'on pouvait créer plusieurs équipes dans un établissement plus conséquent. Elle avait en tête un début d'organisation.
- DhaiphiGrand sage
Loïc Jouvin a écrit:Il me faut maintenant ramener tout cela au travers du collège expérimental Anne Frank.
Tu fais des rapprochements entre ton expérience et celle du lycée autogéré de St Nazaire fondé par Gabriel Cohn-Bendit ?
_________________
De toutes les écoles que j’ai fréquentées, c’est l’école buissonnière qui m’a paru la meilleure.
[Anatole France]
J'aime les regretteurs d'hier qui voudraient changer le sens des rivières et retrouver dans la lumière la beauté d'Ava Gardner.
[Alain Souchon]
- Loïc JouvinNiveau 1
Dhaiphi a écrit:Loïc Jouvin a écrit:Il me faut maintenant ramener tout cela au travers du collège expérimental Anne Frank.
Tu fais des rapprochements entre ton expérience et celle du lycée autogéré de St Nazaire fondé par Gabriel Cohn-Bendit ?
Le lycée de Saint Nazaire je ne l'ai pas visité. Des collègues du collège y sont allés. Moi je n'ai vu qu'un reportage sur france 3 et j'ai participé à un débat organisé par le collège avec un enseignant de là-bas.
Le lycée de Saint Nazaire est autogéré par les élèves, pas le collège anne Frank et ce malgré des tentatives de collègues qui sont restés après le départ d'une partie de l'équipe.
Le recrutement des élèves d'Anne Frank se fait à partir d'une commission dirigée par l'Inspecteur d'Académie (les parents sollicitent une inscription au collège et leur demande est validée ou non), au lycée il faut je crois appeler directement l'établissement.
Je pense qu'une philosophie les réunit mais que la finalité à la création n'était pas la même.
- ProvenceEnchanteur
Qui sont les élèves de ce collège? Ont-ils un profil particulier?
- Loïc JouvinNiveau 1
Provence a écrit:Qui sont les élèves de ce collège? Ont-ils un profil particulier?
Attention je ne peux parler que de mes 6 années de présence. La lecture des articles te donnera d'autres informations.
Il faut reprendre la situation du collège. Il est situé dans un quartier populaire et installé dans les locaux d'un autre collège.
Le projet à l'origine devait accueillir des élèves d'un secteur mais cela a été refusé. Il a fallu donc faire de la publicité pour avoir des élèves.
Il s'agissait donc d'un recrutement sur la base du volontariat. De ce fait tu accueilles une majorité d'élèves avec des difficultés multiples et diverses et des élèves dont les parents sont des militants d'une autre manière de voir l'école. Il faut signaler la présence très réduite de jeunes du quartier.
- roxanneOracle
Oui, mais le gamin qui frappe la prof enceinte , on en fait quoi ? J'ai l'impression que a peut marcher avec des gamins d'une certaine maturité qui ne se retrouvent pas dans le système traditionnel.Mais là , on met des gamins limite (ou pas) délinquants auxquels il faudrait justement plus de cadre et c'est là que ça déborde.
- Loïc JouvinNiveau 1
roxanne a écrit:Oui, mais le gamin qui frappe la prof enceinte , on en fait quoi ? J'ai l'impression que a peut marcher avec des gamins d'une certaine maturité qui ne se retrouvent pas dans le système traditionnel.Mais là , on met des gamins limite (ou pas) délinquants auxquels il faudrait justement plus de cadre et c'est là que ça déborde.
Je n'ai pas vécu cet incident puisque pour l'instant je ne suis plus dans ce collège. Ce qui m'a géné dans ce témoignage ce n'est pas tant la nature gravissime de l'acte mais plus la situation des adultes incapables de porter une réponse collective cohérente et partagée à cet évènement. Je pense que lorsque que l'on ne passe pas par l'écrit pour signifier le vivre ensemble on masque les limites de ce qui est permis ou non dans un collectif en mettant en dangertant les agresseurs que les victimes (voir le premier article à l'origine de ce sujet).
Lire le deuxième article où l'incident est cité:
http://www.temoignagechretien.fr/ARTICLES/Societe/Au-college-Anne-Franck-les-eleves-ne-sont-pas-notes/Default-18-2344.xhtml
- Loïc JouvinNiveau 1
Provence a écrit:Bonsoir Loïc,
c'est intéressant d'avoir les remarques de quelqu'un qui a connu ce collège de l'intérieur. Qu'est-ce qui t'a motivé pour participer à ce projet? Quel bilan peux-tu établir à partir de ton expérience? Qu'est-ce qui fonctionne bien dans ce type d'établissement? Qu'est-ce qui fonctionne moins bien?
Merci d'avance!
Ce que je considère maintenant comme indispensable dans ma vie professionnelle au sein d'un établissment:
- Avoir un temps de concertation en équipe, obligatoire et hebdomadaire. Au collège nous en avions 3h en plus de notre emploi du temps. Attention nous n'avions pas 18H de cours à côté.
- Suppression des notes. Maintenant je ne comprends plus le sens de cette note dont on fait l'éloge en fin de trimestre (mélange de devoirs maison, de devoirs classe sur des thèmes différents que l'on compare d'un trimestre à l'autre alors que nous ne sommes absolument pas sur les mêmes sujets, et tout ça lorsqu'on associe pas une note cahier ou un zéro pour devoir non rendu!!). Au collège on en mettait que pour le DNB en fin de troisième.
A compléter par cet article
http://www.lemonde.fr/societe/article/2011/05/13/a-l-ecole-elementaire-les-notes-sont-inutiles_1521776_3224.html#ens_id=1399873- Permettre les
parcours d'apprentissage différents d'un individu à l'autre.
Mis en place au collège au début de sa création après quelques mois d'un "bordel monstre" dans les cours. Mal accompagné ensuite à cause de gros désaccords sur l'évaluation des connaissances au sein du collège (1 des 2 sujets qui a fait exploser l'équipe à l'origine de la création du collège).
- Vie éducative organisée autour de la mise en place des règles de vie collectives, de la régulation des règles de vie, de la médiation et communication autour des incidents, de la mise en place réelle de punitions et sanctions. Travail qui doit être porté par toute une équipe sans exception et avec les élèves. (2ème sujet explosif au sein de l'équipe d'origine).
Ce qui ne fonctionne pas pour moi. Les choix actuels en terme d'évaluation, de vie éducative et l'incapacité de ce collège à faire liaison avec les autres établissements (collèges et lycées) et avec l'institution.
- FinrodExpert
Concertation en équipe :
Il faut donc d'abord définir précisément ce qu'est une équipe, ses composantes, leurs rôles, leurs objectifs, leurs interactions.
J'imagine que vous l'avez fait dans ce collège (tu parles de conflits sur certains points, donc la définition du cadre du projet a du être poussée dans les détails, tout du moins pour la période que tu évoques)
La question de l'équipe n'est pas si anodine, puisque certains diront que l'enseignant doit faire un peu de tout et ils devront rationaliser (comme tu le précises, vous ne faisiez par 18H) et d'autres, comme Brighelli veulent séparer instruction et éducation, autrement dit, pour faire de l'éducation, il faudrait aussi des "éducateurs" en collège/lycée.
Je laisse entre guillemets, le terme est encore bien vague...
Suppression des notes :
La note fait partie du cadre éducatif. Son rôle est celui d'un repère, sans en juger les effets.
Cela suppose donc de recréer un cadre éducatif, une ambiance propice au travail, autour de ces jeunes par un autre moyen.
Cela suppose aussi de les évaluer par un autre moyen, puisque la note ne se réduit pas à son rôle de repère "affectif".
Mon sentiment est que toute forme d'évaluation peut être ressentie de la même manière qu'une note et que la problématique réelle se situe à un niveau supérieur.
J'entends par là, que lorsque une note est catastrophique, c'est en fait que l'évaluation n'était pas du tout adapté au public. Comme on l'entend souvent "cet élève n'a rien à faire là", autre manière de clamer son impuissance.
Et là, une solution alternative d'accompagnement éducatif, cadrée, peut en effet être la solution.
Je ne vois pas par contre pourquoi généraliser la méthode à tout le monde.
Parcours d'apprentissage différents :
+1000
Vie éducative
Idem, +1000, mais possible uniquement à mon avis si on redéfinit le rôle d'équipe. Et je ne crois pas que cela soit possible en assommant les professeurs de tâche nouvelles, fussent elles éducatives et/ou valorisante pour l'élève.
Il semble bien que c'est une des principales problématiques que vous ayez affrontés.
Combien d'heures d'enseignements faisaient vous ? Comment était constitué l'équipe et comment se répartissaient les tâches d'encadrement de touts les jours ?
(oui, chez moi, l'encadrement est light, alors j'ai, par inexpérience, du mal à me faire une idée)
Il faut donc d'abord définir précisément ce qu'est une équipe, ses composantes, leurs rôles, leurs objectifs, leurs interactions.
J'imagine que vous l'avez fait dans ce collège (tu parles de conflits sur certains points, donc la définition du cadre du projet a du être poussée dans les détails, tout du moins pour la période que tu évoques)
La question de l'équipe n'est pas si anodine, puisque certains diront que l'enseignant doit faire un peu de tout et ils devront rationaliser (comme tu le précises, vous ne faisiez par 18H) et d'autres, comme Brighelli veulent séparer instruction et éducation, autrement dit, pour faire de l'éducation, il faudrait aussi des "éducateurs" en collège/lycée.
Je laisse entre guillemets, le terme est encore bien vague...
Suppression des notes :
La note fait partie du cadre éducatif. Son rôle est celui d'un repère, sans en juger les effets.
Cela suppose donc de recréer un cadre éducatif, une ambiance propice au travail, autour de ces jeunes par un autre moyen.
Cela suppose aussi de les évaluer par un autre moyen, puisque la note ne se réduit pas à son rôle de repère "affectif".
Mon sentiment est que toute forme d'évaluation peut être ressentie de la même manière qu'une note et que la problématique réelle se situe à un niveau supérieur.
J'entends par là, que lorsque une note est catastrophique, c'est en fait que l'évaluation n'était pas du tout adapté au public. Comme on l'entend souvent "cet élève n'a rien à faire là", autre manière de clamer son impuissance.
Et là, une solution alternative d'accompagnement éducatif, cadrée, peut en effet être la solution.
Je ne vois pas par contre pourquoi généraliser la méthode à tout le monde.
Parcours d'apprentissage différents :
+1000
Vie éducative
Idem, +1000, mais possible uniquement à mon avis si on redéfinit le rôle d'équipe. Et je ne crois pas que cela soit possible en assommant les professeurs de tâche nouvelles, fussent elles éducatives et/ou valorisante pour l'élève.
Il semble bien que c'est une des principales problématiques que vous ayez affrontés.
Combien d'heures d'enseignements faisaient vous ? Comment était constitué l'équipe et comment se répartissaient les tâches d'encadrement de touts les jours ?
(oui, chez moi, l'encadrement est light, alors j'ai, par inexpérience, du mal à me faire une idée)
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