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- AuroreEsprit éclairé
Leclochard a écrit:
D'accord avec toi avec une nuance: c'est bien le contexte familial au sens large ainsi que la personnalité qui favorisent la réussite autant que l'école. Je suis en ZEP. Je n'ai pas l'impression de faire des cours plus médiocres que si j'étais dans un collège international et pourtant le constat est clair: on change difficilement la destinée sociale. C'est comme si la vie était une course et qu'on n'avait pas tous le même bolide dès le départ: certains vont en vélo; d'autres sont en Masérati. Alors le pilote que je suis, peut donner des conseils de conduite mais franchement, il y a déjà de telles lacunes avant même d'avoir commencé que je reste pessimiste sur une école possiblement égalitaire.
J'ai constaté d'innombrables exemples prouvant le contraire - notamment en ZEP. Très souvent, la pauvreté (matérielle comme culturelle) du foyer familial agit comme un repoussoir, ce qui rend l'élève bien plus mature, motivé et travailleur. Encore faut-il que l'école maintienne ses exigences pour tirer ces élèves issus de milieu modeste vers le haut !
De même, j'ai bien évidemment dû adapter le niveau des cours selon les établissements où j'enseignais.
Quant à la personnalité d'un élève, pas certaine du tout qu'elle dépende du milieu social d'origine...
- RuthvenGuide spirituel
Ces questions sur les GE reposent sur un non-dit : l'effondrement de l'université en France. L'université est la voiture balai de ceux qui ont été refusés partout (dans les dossiers de mes élèves de Terminale, il n'y en a, si je fais exception pour médecine, il n'y en a que 4 ou 5 qui veulent aller à l'université); dès lors, comment assurer la réussite avec une telle sélection négative ? Prendre le problème par le biais des GE, c'est une stratégie d'évitement de la véritable question : qui de l'université ? En ce qui me concerne, un appel comme l'appel des refondateurs de l'université me semblait vraiment prometteur (Aurore, ne t'étrangle pas, il y a Demailly dans les signataires). Evidemment rien n'a été suivi dans leur appel, et on exporte en licence les conneries au kilomètre qui envahissent le lycée (remédiation, projet prof., informatique etc...).
La position de P. Dubois sur le remplacement des premiers cycles par des Institut d'Enseignement Supérieur est aussi intéressante et mérite d'être analysée : http://blog.educpros.fr/pierredubois/tag/ies/
La position de P. Dubois sur le remplacement des premiers cycles par des Institut d'Enseignement Supérieur est aussi intéressante et mérite d'être analysée : http://blog.educpros.fr/pierredubois/tag/ies/
- RuthvenGuide spirituel
Leclochard a écrit:
Je suis en ZEP. Je n'ai pas l'impression de faire des cours plus médiocres que si j'étais dans un collège international et pourtant le constat est clair: on change difficilement la destinée sociale.
Oui et non. Pour avoir enseigné en lycée de banlieue et en lycée international, je peux t'assurer que face à des publics différents tu n'as pas du tout les mêmes exigences ; bien sûr, tu as l'impression de faire le même type de cours, mais entre un public qui est en attente, qui est capable d'absorber une quantité phénoménale d'information, qui va lire de suite les livres conseillés (et où il y a ensuite 80% de mention au Bac et plus de 40% de mention TB), et un public réticent, qu'il faut motiver en permanence ou rappeler à l'ordre, à qui il faut enseigner les fondamentaux qui ont été oubliés, l'expérience de l'enseignement est totalement différente. J'ai utilisé les mêmes polycops dans les deux types d'établissements, mais pour l'un c'était simplement l'équivalent des notes de cours, pour l'autre, c'était un texte qui ne s'adressait qu'à un ou deux des meilleurs élèves le cours étant une vulgarisation et une simplification de l'écrit.
- AuroreEsprit éclairé
Ruthven a écrit:Ces questions sur les GE reposent sur un non-dit : l'effondrement de l'université en France. L'université est la voiture balai de ceux qui ont été refusés partout (dans les dossiers de mes élèves de Terminale, il n'y en a, si je fais exception pour médecine, il n'y en a que 4 ou 5 qui veulent aller à l'université); dès lors, comment assurer la réussite avec une telle sélection négative ? Prendre le problème par le biais des GE, c'est une stratégie d'évitement de la véritable question : qui de l'université ? En ce qui me concerne, un appel comme l'appel des refondateurs de l'université me semblait vraiment prometteur (Aurore, ne t'étrangle pas, il y a Demailly dans les signataires). Evidemment rien n'a été suivi dans leur appel, et on exporte en licence les conneries au kilomètre qui envahissent le lycée (remédiation, projet prof., informatique etc...).
La position de P. Dubois sur le remplacement des premiers cycles par des Institut d'Enseignement Supérieur est aussi intéressante et mérite d'être analysée : http://blog.educpros.fr/pierredubois/tag/ies/
Mais non ! J'y enseigne, et je peux t'assurer que si l'on voulait vraiment réformer l'université sur le modèle de la prépa, je signerais tout de suite ! Le problème, c'est qu'on tape sur les GE pour aligner tout le monde sur la médiocrité de l'université actuelle au nom
Bref, on peut à la fois défendre le modèle des prépas ET ne pas négliger la fac.
- LeclochardEmpereur
Aurore a écrit:Leclochard a écrit:
D'accord avec toi avec une nuance: c'est bien le contexte familial au sens large ainsi que la personnalité qui favorisent la réussite autant que l'école. Je suis en ZEP. Je n'ai pas l'impression de faire des cours plus médiocres que si j'étais dans un collège international et pourtant le constat est clair: on change difficilement la destinée sociale. C'est comme si la vie était une course et qu'on n'avait pas tous le même bolide dès le départ: certains vont en vélo; d'autres sont en Masérati. Alors le pilote que je suis, peut donner des conseils de conduite mais franchement, il y a déjà de telles lacunes avant même d'avoir commencé que je reste pessimiste sur une école possiblement égalitaire.
J'ai constaté d'innombrables exemples prouvant le contraire - notamment en ZEP. Très souvent, la pauvreté (matérielle comme culturelle) du foyer familial agit comme un repoussoir, ce qui rend l'élève bien plus mature, motivé et travailleur. Encore faut-il que l'école maintienne ses exigences pour tirer ces élèves issus de milieu modeste vers le haut !
De même, j'ai bien évidemment dû adapter le niveau des cours selon les établissements où j'enseignais.
Quant à la personnalité d'un élève, pas certaine du tout qu'elle dépende du milieu social d'origine...
Concernant la dernière remarque : je ne l'ai pas dit. Heureusement, il y a une part de liberté individuelle.
En revanche, je ne suis pas d'accord avec ton "très souvent". Malheureusement, j'ai pu constater plus de renoncements, d'abattements, d'enfermements dans la médiocrité que de désir de s'en sortir par les études chez les plus fragiles. Ils sont d'une étrange lucidité parfois; d'autres fois non. Quant à ceux qui obtiennent de bons, voire d'excellents résultats, ne visent pas forcément des professions prestigieuses avec prépa. C'est là la différence avec les milieux favorisés.
_________________
Quelqu'un s'assoit à l'ombre aujourd'hui parce que quelqu'un d'autre a planté un arbre il y a longtemps. (W.B)
- AuroreEsprit éclairé
A mon sens la position de P. Dubois s'apparente à une "université unique". Elle est louable, mais irréaliste tant que le niveau des lycéens actuels sera ce qu'il est. Élargir le recrutement des prépas aux étudiants de licence sans avoir dans le même temps entamé des réformes structurelles du primaire et du secondaire, c'est assurer leur mort rapide par une trop grande hétérogénéité du niveau des étudiants. Ou alors on déplacera le problème en créant d'autres hiérarchies plus implicites, exactement comme dans le cas du collège "unique". Déjà, certaines "petites" prépas actuelles n'ont pas besoin de cela...
- LeclochardEmpereur
Ruthven a écrit:Leclochard a écrit:
Je suis en ZEP. Je n'ai pas l'impression de faire des cours plus médiocres que si j'étais dans un collège international et pourtant le constat est clair: on change difficilement la destinée sociale.
Oui et non. Pour avoir enseigné en lycée de banlieue et en lycée international, je peux t'assurer que face à des publics différents tu n'as pas du tout les mêmes exigences ; bien sûr, tu as l'impression de faire le même type de cours, mais entre un public qui est en attente, qui est capable d'absorber une quantité phénoménale d'information, qui va lire de suite les livres conseillés (et où il y a ensuite 80% de mention au Bac et plus de 40% de mention TB), et un public réticent, qu'il faut motiver en permanence ou rappeler à l'ordre, à qui il faut enseigner les fondamentaux qui ont été oubliés, l'expérience de l'enseignement est totalement différente. J'ai utilisé les mêmes polycops dans les deux types d'établissements, mais pour l'un c'était simplement l'équivalent des notes de cours, pour l'autre, c'était un texte qui ne s'adressait qu'à un ou deux des meilleurs élèves le cours étant une vulgarisation et une simplification de l'écrit.
Donc, on renforce les différences par nos cours. C'est ce que tu suggères ?
_________________
Quelqu'un s'assoit à l'ombre aujourd'hui parce que quelqu'un d'autre a planté un arbre il y a longtemps. (W.B)
- DulcineaNiveau 9
Je m'apprête à corriger les écrits d'espagnol des "grandes" sup de Co. L'année dernière, les media nous ont traîné dans la boue en disant que les épreuves de LV étaient les plus discriminantes. Je m'attends donc à recevoir des "consignes"...même à ce niveau là.
Je rejoins ton analyse Aurore, défendre les prépas ne veut pas dire mettre à sac la fac.
Je rejoins ton analyse Aurore, défendre les prépas ne veut pas dire mettre à sac la fac.
- AuroreEsprit éclairé
Leclochard a écrit:
Concernant la dernière remarque : je ne l'ai pas dit. Heureusement, il y a une part de liberté individuelle.
En revanche, je ne suis pas d'accord avec ton "très souvent". Malheureusement, j'ai pu constater plus de renoncements, d'abattements, d'enfermements dans la médiocrité que de désir de s'en sortir par les études chez les plus fragiles. Ils sont d'une étrange lucidité parfois; d'autres fois non. Quant à ceux qui obtiennent de bons, voire d'excellents résultats, ne visent pas forcément des professions prestigieuses avec prépa. C'est là la différence avec les milieux favorisés.
Dans mon ancien etb de zone sensible, il y avait chaque année plusieurs gosses d'immigrés doués, travailleurs et à l'attitude exemplaire qui savaient pertinemment que l'école était leur unique planche de salut, la seule solution pour sortir de la cité.
Sinon, la question n'est pas dans le "prestige" supposé d'une profession, mais dans le fait que ces élèves parviennent à trouver grâce au savoir qu'on leur apporte la voie qui correspond le mieux à leurs aspirations et qui les passionne. La question de l'orientation dont on se plaît aujourd'hui à nous rebattre les oreilles devient secondaire dès lors qu'un élève est intéressé voire passionné par un domaine d'études quel qu'il soit (manuel ou intellectuel...), se donne les moyens d'y réussir, et ne perd plus son temps à s'abrutir de télé et d'écrans, ou à s'intéresser aux c...ies véhiculées par le conformisme djeun's et les mass media.
Tout le reste n'est que littérature.
- RuthvenGuide spirituel
Aurore a écrit:A mon sens la position de P. Dubois s'apparente à une "université unique". Elle est louable, mais irréaliste tant que le niveau des lycéens actuels sera ce qu'il est. Élargir le recrutement des prépas aux étudiants de licence sans avoir dans le même temps entamé des réformes structurelles du primaire et du secondaire, c'est assurer leur mort rapide par une trop grande hétérogénéité du niveau des étudiants. Ou alors on déplacera le problème en créant d'autres hiérarchies plus implicites, exactement comme dans le cas du collège "unique". Déjà, certaines "petites" prépas actuelles n'ont pas besoin de cela...
Tout dépend comment on pense les procédures d'orientation et de sélection entre les différents secteurs de ces IES. Je ne me souviens plus s'il aborde ce thème dans son projet.
Si rien n'est fait, l'université en crèvera et on n'aura plus que des officines privées.
- AuroreEsprit éclairé
Ruthven a écrit:Aurore a écrit:A mon sens la position de P. Dubois s'apparente à une "université unique". Elle est louable, mais irréaliste tant que le niveau des lycéens actuels sera ce qu'il est. Élargir le recrutement des prépas aux étudiants de licence sans avoir dans le même temps entamé des réformes structurelles du primaire et du secondaire, c'est assurer leur mort rapide par une trop grande hétérogénéité du niveau des étudiants. Ou alors on déplacera le problème en créant d'autres hiérarchies plus implicites, exactement comme dans le cas du collège "unique". Déjà, certaines "petites" prépas actuelles n'ont pas besoin de cela...
Tout dépend comment on pense les procédures d'orientation et de sélection entre les différents secteurs de ces IES. Je ne me souviens plus s'il aborde ce thème dans son projet.
Si rien n'est fait, l'université en crèvera et on n'aura plus que des officines privées.
+1
Plus exactement, on aura des officines privées dans les secteurs rentables et plus rien du tout dans les autres (lettres, arts, histoire...)
- AuroreEsprit éclairé
Ruthven a écrit:
Tout dépend comment on pense les procédures d'orientation et de sélection entre les différents secteurs de ces IES. Je ne me souviens plus s'il aborde ce thème dans son projet.
Dans l'article que j'ai lu sur les trois voies des prépas, il ne le précise pas, alors même qu'il me semble que ce soit précisément la question essentielle qui pourrait déterminer la faisabilité de la chose.
- RuthvenGuide spirituel
Leclochard a écrit:Ruthven a écrit:Leclochard a écrit:
Je suis en ZEP. Je n'ai pas l'impression de faire des cours plus médiocres que si j'étais dans un collège international et pourtant le constat est clair: on change difficilement la destinée sociale.
Oui et non. Pour avoir enseigné en lycée de banlieue et en lycée international, je peux t'assurer que face à des publics différents tu n'as pas du tout les mêmes exigences ; bien sûr, tu as l'impression de faire le même type de cours, mais entre un public qui est en attente, qui est capable d'absorber une quantité phénoménale d'information, qui va lire de suite les livres conseillés (et où il y a ensuite 80% de mention au Bac et plus de 40% de mention TB), et un public réticent, qu'il faut motiver en permanence ou rappeler à l'ordre, à qui il faut enseigner les fondamentaux qui ont été oubliés, l'expérience de l'enseignement est totalement différente. J'ai utilisé les mêmes polycops dans les deux types d'établissements, mais pour l'un c'était simplement l'équivalent des notes de cours, pour l'autre, c'était un texte qui ne s'adressait qu'à un ou deux des meilleurs élèves le cours étant une vulgarisation et une simplification de l'écrit.
Donc, on renforce les différences par nos cours. C'est ce que tu suggères ?
En partie oui car on donne plus de valeur ajoutée à un public qui a intégré les contraintes scolaire qu'à un public qu'il faut systématiquement rappeler à l'ordre. On n'y peut pas grand chose (à moins d'avoir les moyens de donner au public défavorisé scolairement les fondamentaux et la conscience de l'effort nécessaire ; l'idée d'une modularité du collège me paraissait pour cela pas mal du tout (comme ce que proposait N. Bulle à la fin de cet article : http://skhole.fr/l%E2%80%99inefficacit%C3%A9-du-redoublement-est-elle-av%C3%A9r%C3%A9e ).
Quand on voit les orientations des élèves en lycée international (élèves sélectionnés sur examen de langue étrangère à l'entrée de la seconde), c'est manifeste : 6 élèves à Sciences Po Paris, 6 ou 7 en IEP, une quantité en CPGE Scientifique ou Economique (un a intégré l'ESSEC), quatre ou cinq sont devenus médecins (dont trois ont eu le concours dès la première année). Quand je compare avec le public que j'ai cette année, beaucoup de BTS, des IUT, 8-10 ont demandé des prépas, 3 tentent un IEP mais ont peu de chances de l'avoir ...
- AuroreEsprit éclairé
Pour parler plus concrètement, on peut citer un exemple, celui de la musique. Supprimer une grande école comme le Conservatoire de Paris en le regroupant avec une fac de Musicologie (ex. la Sorbonne) dans un même "Pôle d'enseignement supérieur"serait un cataclysme : un gâchis irrécupérable en terme de niveau des élèves et un non-sens s'agissant des méthodes d'enseignement qui sont diamétralement opposées dans les deux institutions. Et pourtant, le processus est bien engagé avec les réformes LMD...
Non, il faudrait plutôt améliorer les deux filières en parallèle, afin que chacune puisse sauvegarder ses points forts. Après, c'est aux étudiants de choisir...
Non, il faudrait plutôt améliorer les deux filières en parallèle, afin que chacune puisse sauvegarder ses points forts. Après, c'est aux étudiants de choisir...
- LeclochardEmpereur
Aurore a écrit:Leclochard a écrit:
Concernant la dernière remarque : je ne l'ai pas dit. Heureusement, il y a une part de liberté individuelle.
En revanche, je ne suis pas d'accord avec ton "très souvent". Malheureusement, j'ai pu constater plus de renoncements, d'abattements, d'enfermements dans la médiocrité que de désir de s'en sortir par les études chez les plus fragiles. Ils sont d'une étrange lucidité parfois; d'autres fois non. Quant à ceux qui obtiennent de bons, voire d'excellents résultats, ne visent pas forcément des professions prestigieuses avec prépa. C'est là la différence avec les milieux favorisés.
Dans mon ancien etb de zone sensible, il y avait chaque année plusieurs gosses d'immigrés doués, travailleurs et à l'attitude exemplaire qui savaient pertinemment que l'école était leur unique planche de salut, la seule solution pour sortir de la cité.
Sinon, la question n'est pas dans le "prestige" supposé d'une profession, mais dans le fait que ces élèves parviennent à trouver grâce au savoir qu'on leur apporte la voie qui correspond le mieux à leurs aspirations et qui les passionne. La question de l'orientation dont on se plaît aujourd'hui à nous rebattre les oreilles devient secondaire dès lors qu'un élève est intéressé voire passionné par un domaine d'études quel qu'il soit (manuel ou intellectuel...), se donne les moyens d'y réussir, et ne perd plus son temps à s'abrutir de télé et d'écrans, ou à s'intéresser aux c...ies véhiculées par le conformisme djeun's et les mass media.
Tout le reste n'est que littérature.
D'accord avec toi. C'est l'idéal. - mais étrangement, j'ai remarqué que dans certains milieux favorisés les gosses préféraient les médias, la finance ou le management et délaissaient la plomberie ou la coiffure alors qu'ils avaient le choix a priori. Alors le goût pour un métier est-il inné ?
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Quelqu'un s'assoit à l'ombre aujourd'hui parce que quelqu'un d'autre a planté un arbre il y a longtemps. (W.B)
- LeclochardEmpereur
Ruthven a écrit:Leclochard a écrit:Ruthven a écrit:Leclochard a écrit:
Je suis en ZEP. Je n'ai pas l'impression de faire des cours plus médiocres que si j'étais dans un collège international et pourtant le constat est clair: on change difficilement la destinée sociale.
Oui et non. Pour avoir enseigné en lycée de banlieue et en lycée international, je peux t'assurer que face à des publics différents tu n'as pas du tout les mêmes exigences ; bien sûr, tu as l'impression de faire le même type de cours, mais entre un public qui est en attente, qui est capable d'absorber une quantité phénoménale d'information, qui va lire de suite les livres conseillés (et où il y a ensuite 80% de mention au Bac et plus de 40% de mention TB), et un public réticent, qu'il faut motiver en permanence ou rappeler à l'ordre, à qui il faut enseigner les fondamentaux qui ont été oubliés, l'expérience de l'enseignement est totalement différente. J'ai utilisé les mêmes polycops dans les deux types d'établissements, mais pour l'un c'était simplement l'équivalent des notes de cours, pour l'autre, c'était un texte qui ne s'adressait qu'à un ou deux des meilleurs élèves le cours étant une vulgarisation et une simplification de l'écrit.
Donc, on renforce les différences par nos cours. C'est ce que tu suggères ?
En partie oui car on donne plus de valeur ajoutée à un public qui a intégré les contraintes scolaire qu'à un public qu'il faut systématiquement rappeler à l'ordre. On n'y peut pas grand chose (à moins d'avoir les moyens de donner au public défavorisé scolairement les fondamentaux et la conscience de l'effort nécessaire ; l'idée d'une modularité du collège me paraissait pour cela pas mal du tout (comme ce que proposait N. Bulle à la fin de cet article : http://skhole.fr/l%E2%80%99inefficacit%C3%A9-du-redoublement-est-elle-av%C3%A9r%C3%A9e ).
Quand on voit les orientations des élèves en lycée international (élèves sélectionnés sur examen de langue étrangère à l'entrée de la seconde), c'est manifeste : 6 élèves à Sciences Po Paris, 6 ou 7 en IEP, une quantité en CPGE Scientifique ou Economique (un a intégré l'ESSEC), quatre ou cinq sont devenus médecins (dont trois ont eu le concours dès la première année). Quand je compare avec le public que j'ai cette année, beaucoup de BTS, des IUT, 8-10 ont demandé des prépas, 3 tentent un IEP mais ont peu de chances de l'avoir ...
Triste constat du déterminisme social.
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Quelqu'un s'assoit à l'ombre aujourd'hui parce que quelqu'un d'autre a planté un arbre il y a longtemps. (W.B)
- AuroreEsprit éclairé
Leclochard a écrit:
D'accord avec toi. C'est l'idéal. - mais étrangement, j'ai remarqué que dans certains milieux favorisés les gosses préféraient les médias, la finance ou le management et délaissaient la plomberie ou la coiffure alors qu'ils avaient le choix a priori. Alors le goût pour un métier est-il inné ?
Non, il n'est effectivement pas inné.
Il se trouve que dans ces milieux dits "favorisés" la culture et ses valeurs passent également à la trappe. D'où ma relativisation de l'importance de l'origine socioculturelle des élèves - le social et le culturel ne se superposant pas exactement - et mon constat de la faillite actuelle de l'enseignement : l'école pourrait - et devrait ! - infléchir considérablement l'avenir des élèves... si elle voulait vraiment le faire.
- AuroreEsprit éclairé
Leclochard a écrit:
Triste constat du déterminisme social.
Ne serait-ce pas plutôt la faillite, programmée en haut lieu, des échelons inférieurs (maternelle et primaire) du système scolaire ? Sachant que dans les ghettos scolaires les parents ont évidemment moins de possibilités pour "rattraper la sauce" ?
- RikkiMonarque
Aurore a écrit:Leclochard a écrit:
Triste constat du déterminisme social.
Ne serait-ce pas plutôt la faillite, programmée en haut lieu, des échelons inférieurs (maternelle et primaire) du système scolaire ? Sachant que dans les ghettos scolaires les parents ont évidemment moins de possibilités pour "rattraper la sauce" ?
Certainement.
Mais il faut aussi quand même tenir compte d'une évolution globale de la société vers tout ce qui est rapide.
Quand on était petits, si on allait regarder la télé (chez ma grand-mère, il n'y en avait pas à la maison), on l'allumait, on regardait le film en entier (pas le débat : c'était ennuyeux souvent et trop tard pour les enfants), on en parlait éventuellement, et voilà.
Maintenant, les gamins zappent au bout de 10 secondes, et ne regardent que rarement quelque chose de bout en bout.
Je n'aime pas le discours "C'est tout la faute à la télé", mais quand même, ça finit par leur abîmer le cerveau, je pense, toutes ces images sans queue ni tête qu'ils absorbent, hébétés.
- doublecasquetteEnchanteur
Rikki a écrit:Aurore a écrit:Leclochard a écrit:
Triste constat du déterminisme social.
Ne serait-ce pas plutôt la faillite, programmée en haut lieu, des échelons inférieurs (maternelle et primaire) du système scolaire ? Sachant que dans les ghettos scolaires les parents ont évidemment moins de possibilités pour "rattraper la sauce" ?
Certainement.
Mais il faut aussi quand même tenir compte d'une évolution globale de la société vers tout ce qui est rapide.
Quand on était petits, si on allait regarder la télé (chez ma grand-mère, il n'y en avait pas à la maison), on l'allumait, on regardait le film en entier (pas le débat : c'était ennuyeux souvent et trop tard pour les enfants), on en parlait éventuellement, et voilà.
Maintenant, les gamins zappent au bout de 10 secondes, et ne regardent que rarement quelque chose de bout en bout.
Je n'aime pas le discours "C'est tout la faute à la télé", mais quand même, ça finit par leur abîmer le cerveau, je pense, toutes ces images sans queue ni tête qu'ils absorbent, hébétés.
Si ça te gêne de tout coller sur le dos de la télé, tu peux y ajouter les écrans en tous genres et les jeux vidéos.
Lorsqu'ils nous arrivent en Petite Section, certains parents sont déjà tout fiers de nous dire que Chéridamour est capable de rester une demi-heure sur sa console de jeux à dégommer des bestioles !
Ce dont ils ne se rendent pas compte, c'est que sur la Wii ou la PSP, pour leur enfant, c'est le règne de l'essai-erreur jamais sanctionné, la possibilité de recommencer autant de fois qu'il le veut, en fournissant de moins en moins d'efforts et en comptant le plus possible sur la chance...
C'est ainsi que nos CM nous disent : "Oh ! Kevin n'a pas eu de chance, il a eu 2/20 à sa dictée..." et que nous avons toutes les peines du monde à leur faire comprendre qu'il ne s'agit en aucun cas de chance et qu'en dictée comme en contrôle de maths, on n'a "qu'une vie".
- XanaNiveau 7
scoeurs a écrit:L'image n'est pas toute la réalité. J'enseigne dans une petite prépa, plus de la moitié de mes étudiants sont des boursiers, et nous les accompagnons pour qu'ils réussissent. D'autres lycées de l'académie ont ce même profil d'étudiants. Il faut savoir aussi que les classes prépas, à part celles intégrées sont gratuites. Les écoles qui sont visées ne sont pas toutes privées (formation PT ds mon lycée). C'est donc bien un choix économique qui n'assure plus l'ascenseur social pour des étudiants à profil satisfaisant mais à milieu modeste.
Bien sûr que les classes préparatoires sont de vrais ascenseurs sociaux, bien plus que les universités selon moi. C'est une spécificité française qu'il faut à tout prix sauvegarder! Dans mon pays d'origine, jamais je n'aurais eu les moyens financiers et "culturels" de suivre des études pour devenir professeur.
Quant aux grandes écoles, qu'on nous laisse nos pôles d'excellence! (Les vrais, pas ceux dont on nous rebat les oreilles depuis quelques temps...).
Comme l'a dit Leclochard (je crois), ceux qui sont aux responsabilités sont tous issus de ces établissements (ah, non, c'est vrai, pas monsieur le Président de la République...), ils ne vont pas les détruire de si tôt.
- AuroreEsprit éclairé
Rikki a écrit:Aurore a écrit:Leclochard a écrit:
Triste constat du déterminisme social.
Ne serait-ce pas plutôt la faillite, programmée en haut lieu, des échelons inférieurs (maternelle et primaire) du système scolaire ? Sachant que dans les ghettos scolaires les parents ont évidemment moins de possibilités pour "rattraper la sauce" ?
Certainement.
Mais il faut aussi quand même tenir compte d'une évolution globale de la société vers tout ce qui est rapide.
Quand on était petits, si on allait regarder la télé (chez ma grand-mère, il n'y en avait pas à la maison), on l'allumait, on regardait le film en entier (pas le débat : c'était ennuyeux souvent et trop tard pour les enfants), on en parlait éventuellement, et voilà.
Maintenant, les gamins zappent au bout de 10 secondes, et ne regardent que rarement quelque chose de bout en bout.
Je n'aime pas le discours "C'est tout la faute à la télé", mais quand même, ça finit par leur abîmer le cerveau, je pense, toutes ces images sans queue ni tête qu'ils absorbent, hébétés.
Évidemment que les écrans de toutes sortes sont en cause !
Maintenant, si l'école n'avait pas été défigurée par les Legrand, les Meirieu and Co il y a 20-30 ans, comme par la loi scélérate de 1989 sur "l'enfant au centre" ; et si elle avait tenu dès les années 80-90 un discours ferme sur les dangers de la télé et des écrans en général, on n'en serait pas là. Aujourd'hui, le pli est pris et la boucle bouclée, car les élèves d'hier sont les parents de maintenant.
- doctor whoDoyen
doublecasquette a écrit:
Lorsqu'ils nous arrivent en Petite Section, certains parents sont déjà tout fiers de nous dire que Chéridamour est capable de rester une demi-heure sur sa console de jeux à dégommer des bestioles !
Et vous ne le leur dites as, que c'est de la connerie ? Je rêve d'une école qui prenne sur elle de dire les choses aux parents, par voie officielle, au début d'année, par des campagnes de communications du Ministère, en employant des mots forts : "En laissant votre petit jouer à la console, vous l'handicapez !"
Un CdE qui dirait en réunion pleinière de début d'année au parents que si leurs gamins se plantent en ayant dans leur chambre une télé et un ordi, ce sera de leur faute.
Il faut les bouger les parents !
_________________
Mon blog sur Tintin (entre autres) : http://popanalyse.over-blog.com/
Blog pédagogique : http://pedagoj.eklablog.com
- Reine MargotDemi-dieu
Xana a écrit:
Comme l'a dit Leclochard (je crois), ceux qui sont aux responsabilités sont tous issus de ces établissements (ah, non, c'est vrai, pas monsieur le Président de la République...), ils ne vont pas les détruire de si tôt.
alors là, j'en doute fortement. X Darcos, agrégé de lettres classiques, a-t-il levé le petit doigt pour les langues anciennes, et l'école en général? ce sont des carriéristes, point, seules les suppressions de postes comptent, l'école, ils s'en fichent comme de l'an 40, il leur restera bien quelques établissements privés d'élite pour leurs enfants.
- AuroreEsprit éclairé
marquisedemerteuil a écrit:Xana a écrit:
Comme l'a dit Leclochard (je crois), ceux qui sont aux responsabilités sont tous issus de ces établissements (ah, non, c'est vrai, pas monsieur le Président de la République...), ils ne vont pas les détruire de si tôt.
alors là, j'en doute fortement. X Darcos, agrégé de lettres classiques, a-t-il levé le petit doigt pour les langues anciennes, et l'école en général? ce sont des carriéristes, point, seules les suppressions de postes comptent, l'école, ils s'en fichent comme de l'an 40, il leur restera bien quelques établissements privés d'élite pour leurs enfants.
+ 1000 !
- doublecasquetteEnchanteur
Si. On leur dit.Et vous ne le leur dites as, que c'est de la connerie ? Je rêve d'une école qui prenne sur elle de dire les choses aux parents, par voie officielle, au début d'année, par des campagnes de communications du Ministère, en employant des mots forts : "En laissant votre petit jouer à la console, vous l'handicapez !"
Ils nous croient... ou pas. Et après, ils nous expliquent que ce n'est pas tous les jours, et pas très longtemps, et jamais les jours d'école et seulement pour les récompenser...
Un enfant scotché sur un canapé, avec une DS dans les mains, c'est quand même nettement plus simple à gérer qu'un autre qui vous demande de l'aider à construire le château Lego, de lui lire une histoire ou de l'emmener au jardin public pour faire un foot avec lui :colere: !
Ce qu'il faudrait, c'est en effet des communications dans les médias, à des heures de grande écoute. À la place, on a un Serge Tisseron qui explique que les écrans sauveront le monde et qu'il faut au plus vite combler la fracture numérique et des IEN qui vont faire un pont d'or aux instits qui apprennent à lire à leurs élèves de CP grâce à Twitter !
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