- VudiciFidèle du forum
Aurore a écrit:arfalchon a écrit:
Plus exactement : je pense que les élèves faibles ont eux aussi "le droit" de résoudre des problèmes, doivent être mis en situation de recherche, et que cela peut constituer pour eux une motivation pour compléter leur outillage défaillant.
Ce raisonnement est absurde. Les élèves de piano ayant un niveau Élémentaire 2 ont parfaitement "le droit" de s'attaquer aux Études d'Exécution Transcendante de Liszt. Mais en ont-ils les moyens, et ce choix est-il opportun d'un point de vue pédagogique ?
Il y a une roue que les pédagos n'ont pas encore réinventée : celle de la progressivité des apprentissages. Un jour, peut-être...
- AuroreEsprit éclairé
Aranel53 a écrit:Aurore a écrit:Il y a une roue que les pédagos n'ont pas encore réinventée : celle de la progressivité des apprentissages. Un jour, peut-être...
Et bien non... Et pas mal de chercheurs remettent en cause le fait de vouloir "apprendre du plus simple au plus compliqué", ou maitriser des procédures de calcul avant de résoudre des problèmes plus complexes.www.ulb.ac.be/facs/sse/img/fractions.pdf a écrit:L'apprentissage de techniques, de règles et d'algorithmes n'est pas abandonné, mais est considéré soit comme un préalable à leur utilisation dans des situations contextualisées (idée d'un apprentissage progressif du plus simple vers le plus compliqué), soit comme un composant de l'apprentissage indissociable de l'apprentissage de la résolution de problèmes (les procédures sont apprises au départ de la résolution de problèmes, ou par aller-retour successifs).
Une étude de Fagnant (2005), semble supporter cette deuxième conception : dans cette étude, l'auteur montre que des élèves du début de l'enseignement primaire qui ont appris des techniques opératoires de façon systématique et sans lien avec des problèmes à résoudre, n'utilisent pas ces techniques lorsqu'ils se trouvent ensuite confrontés à un problème mathématique, mais utilisent préférentiellement leur raisonnement intuitif. Il serait nécessaire, selon l'auteur, de mettre en place un enseignement précoce de la résolution de problèmes, avant même que les procédures ne soient totalement maitrisées, de manière à ce que l'apprentissage de celles-ci se fasse de manière conjointe. Les techniques et procédures ainsi apprises seraient davantage mobilisables, notamment grâce au fait qu'elles permettent de donner davantage de sens aux symboles mathématiques.
J'ai toujours été un partisan de l'apprentissage du plus simple vers le plus compliqué (notamment quand je donnait des cours en sport, apprendre et répéter des gestes de base avant de passer à plus intéressant). Mais cette vision des choses n'est pas rationnelle car elle n'est évidente qu'en apparence et nie le fonctionnement même du cerveau. Le cerveau apprend préférentiellement ce dont il a besoin ou envie, peu importe la difficulté. Pour certains enfants qui ont bien intégré le fonctionnement du système scolaire et leur "métier d'élève" ils se forceront à apprendre les cours, à bien écouter le professeur, et ils sauront par habitude quelle "chose apprise" utiliser à quel moment pour résoudre un problème mais si la situation sort un peu du cadre habituel ces "bons élèves" sont perdus voire carrément paniqués car ils ne savent pas quoi faire d'autre. J'ai vu d'excellents élèves (en terme de moyenne) parcourir nerveusement leur livre pour trouver des idées sur une démarche d'investigation un peu "hard", sans se mettre à réfléchir et à jeter des coups d'œils affolés aux autres groupes quand ils ont compris que ce que j'attendais d'eux n'était pas dans le livre. Des élèves beaucoup plus "moyens" ont réfléchi et ont eu besoin de connaissances qu'ils n'avaient pas au début mais qu'ils ont pu retrouver durant la séance. Je suis tout à fait d'accord avec le passage plus haut sur faire de la résolution de problèmes le plus tôt possible.
La différence entre un chercheur et un prof, c'est que le premier cherche, alors que le second a pour obligation de trouver, et tout de suite. Remettre en question la notion de progressivité des apprentissages alors même qu'on ne dispose d'aucun recul sur la question et qu'on n'a encore rien trouvé de tangible pour la remplacer est au mieux irresponsable, au pire rempli de mauvaises intentions de la part des politiques.
Par ailleurs, qu'entends-tu précisément par "cadre habituel" ?
- AuroreEsprit éclairé
"Ce raisonnement est absurde. Les élèves de piano ayant un niveau Élémentaire 2 ont parfaitement "le droit" de s'attaquer aux Études d'Exécution Transcendante de Liszt. Mais en ont-ils les moyens, et ce choix est-il opportun d'un point de vue pédagogique ?
Il y a une roue que les pédagos n'ont pas encore réinventée : celle de la progressivité des apprentissages. Un jour, peut-être..."
Et curieusement, aucun chercheur en sciences de l'éduc n'a encore osé remettre en cause la progressivité inhérente aux performances d'un sportif en phase d'entraînement...
Il y a une roue que les pédagos n'ont pas encore réinventée : celle de la progressivité des apprentissages. Un jour, peut-être..."
Et curieusement, aucun chercheur en sciences de l'éduc n'a encore osé remettre en cause la progressivité inhérente aux performances d'un sportif en phase d'entraînement...
- DhaiphiGrand sage
V.Marchais a écrit:
Je ne vois pas pourquoi il faudrait que ceci soit du second degré. Je connais même un vieux grec qui a théorisé sur le sujet...
Je comprends ton point de vue et même je le partage.
Je m'étonnais simplement de la forme quelque peu "emphatique" de tes propos, c'est bien peu de choses mais ça a du mal à passer.
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De toutes les écoles que j’ai fréquentées, c’est l’école buissonnière qui m’a paru la meilleure.
[Anatole France]
J'aime les regretteurs d'hier qui voudraient changer le sens des rivières et retrouver dans la lumière la beauté d'Ava Gardner.
[Alain Souchon]
- V.MarchaisEmpereur
Ce n'est pas de l'emphase. Juste un rappel qui paraît nécessaire.
Tu enseignes dans le primaire, Daiphi, c'est ça ?
As-tu une petite idée de ce qu'on a fait de la littérature ces vingt dernières années au collège ? Un catalogue de figures de styles et de schémas en tout genre : schéma narratif, schéma actantiel - et aussi une compilation de "discours" : discours argumentatif avec connecteurs logiques et emplois du subjonctif dans la subordonnée, discours descriptif avec valeurs de l'imparfait et organisateurs spatiaux, discours narratif avec énoncé ancré distingo énoncé coupé de la situation d'énonciation... On avait perdu de vue qu'un roman, c'est d'abord une histoire, avec des personnages à qui il arrive plein de trucs, et que c'est ça, d'abord, qui peut intéresser un adolescent, que dis-je, une personne normalement constituée, quelle qu'elle soit. On a dégoûté des générations entières de la lecture avec nos grilles techniques plaquées sur le moindre texte.
Aujourd'hui, j'ai obtenu le droit de parler avec mes élèves de l'histoire, des émotions qu'elle fait naître en eux (et à partir de là, on va pouvoir réfléchir aux procédés littéraires à l'origine de cette émotion) sans être suspectée de faire de la paraphrase ou de priver mes élèves des dernières trouvailles de la linguistique. Mais c'est le fruit d'un long combat.
Alors le ton que j'emploie, ce n'est pas celui de l'emphase, c'est celui de la revendication.
Tu enseignes dans le primaire, Daiphi, c'est ça ?
As-tu une petite idée de ce qu'on a fait de la littérature ces vingt dernières années au collège ? Un catalogue de figures de styles et de schémas en tout genre : schéma narratif, schéma actantiel - et aussi une compilation de "discours" : discours argumentatif avec connecteurs logiques et emplois du subjonctif dans la subordonnée, discours descriptif avec valeurs de l'imparfait et organisateurs spatiaux, discours narratif avec énoncé ancré distingo énoncé coupé de la situation d'énonciation... On avait perdu de vue qu'un roman, c'est d'abord une histoire, avec des personnages à qui il arrive plein de trucs, et que c'est ça, d'abord, qui peut intéresser un adolescent, que dis-je, une personne normalement constituée, quelle qu'elle soit. On a dégoûté des générations entières de la lecture avec nos grilles techniques plaquées sur le moindre texte.
Aujourd'hui, j'ai obtenu le droit de parler avec mes élèves de l'histoire, des émotions qu'elle fait naître en eux (et à partir de là, on va pouvoir réfléchir aux procédés littéraires à l'origine de cette émotion) sans être suspectée de faire de la paraphrase ou de priver mes élèves des dernières trouvailles de la linguistique. Mais c'est le fruit d'un long combat.
Alors le ton que j'emploie, ce n'est pas celui de l'emphase, c'est celui de la revendication.
- DhaiphiGrand sage
V.Marchais a écrit:
As-tu une petite idée de ce qu'on a fait de la littérature ces vingt dernières années au collège ?
J'en ai entendu parler en effet et je signalais dans un précédent post (sur ce fil me semble-t-il) une collègue qui s'inquiétait de présenter correctement "le schéma actanciel" lors de son inspection. Tu vois c'est malheureusement toujours d'actualité.
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- JohnMédiateur
On a un peu dévié du débat de départ, là, non ?
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"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
"La nostalgie, c'est plus ce que c'était" (Simone Signoret)
- profecolesHabitué du forum
Pour revenir au sujet, je voudrais relater l'anecdote d'une amie juive , qui tenait beaucoup à scolariser ses enfants dans le public par conviction. Son fils, pourtan,t a été obligé de quitter l'école primaire du quartier où il était scolarisé au CM2 pour rejoindre une école confessionnelle.
Excellent élève, avec un an d'avance, il y avait subi un harcèlement moral ("le boloss" pas du tout sûre de l'orthographe, le "fayot", l"intello") puis des violences physiques (croche-pattes, petits coups sur la nuque , voire des coups de poing en récréation) que les enseignants n'ont pas pu faire cesser.
Pour lui, heureusement que cette école confessionnelle existe.
Car il y a des territoires perdus pour la République en France où le communautarisme a pris le pouvoir et où il ne fait pas bon avoir un nom trop "juif".
Excellent élève, avec un an d'avance, il y avait subi un harcèlement moral ("le boloss" pas du tout sûre de l'orthographe, le "fayot", l"intello") puis des violences physiques (croche-pattes, petits coups sur la nuque , voire des coups de poing en récréation) que les enseignants n'ont pas pu faire cesser.
Pour lui, heureusement que cette école confessionnelle existe.
Car il y a des territoires perdus pour la République en France où le communautarisme a pris le pouvoir et où il ne fait pas bon avoir un nom trop "juif".
- JohnMédiateur
Dans ces mêmes territoires, il ne fait pas bon être blanc, arabe ou noir (au choix selon les lieux), ni être une femme, ni être gros, ni être homo, ni être intelligent, ni être gentil, ni être petit, etc.
Je ne pense pas que l'école confessionnelle soit une solution de long terme.
Je ne pense pas que l'école confessionnelle soit une solution de long terme.
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"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
"La nostalgie, c'est plus ce que c'était" (Simone Signoret)
- profecolesHabitué du forum
Blanc, arabe, noir, femme, gros, homo, intelligent, gentil, petit n'étant pas des confessions, je ne pense pas en effet que l'école confessionnelle soit un solution pour eux ...
La solution c'est que l'école de la République permette à tout un chacun, y compris le catholique, le juif ou le musulman (selon les lieux) puisque c'est là le sujet, de la fréquenter sans avoir recours à une école confessionnelle.
Pour l'instant, c'est un voeu pieux ...
Mon ancien élève de CM2 a dû aussi quitter son collège de quartier (très bon élève, timide, et ...."bouffeur de porc" donc étiqueté catholique) pour une école confessionnelle catholique alors que ses parents sont des athées convaincus.
La solution c'est que l'école de la République permette à tout un chacun, y compris le catholique, le juif ou le musulman (selon les lieux) puisque c'est là le sujet, de la fréquenter sans avoir recours à une école confessionnelle.
Pour l'instant, c'est un voeu pieux ...
Mon ancien élève de CM2 a dû aussi quitter son collège de quartier (très bon élève, timide, et ...."bouffeur de porc" donc étiqueté catholique) pour une école confessionnelle catholique alors que ses parents sont des athées convaincus.
- RoninMonarque
Mince j'ai raté ce fil, mais il est de loin l'un des plus intéressants que j'ai pu lire sur neo.
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