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Esméralda
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Grand sage

Qui aurait les fabliaux Estula et Le curé qui mangea...  Empty Qui aurait les fabliaux Estula et Le curé qui mangea...

par Esméralda Mer 30 Mar - 19:00
les mûres, en fichier word ? Ou pourrais me dire dans quel manuel je peux les trouver ?
Je crois bien qu'Estula se trouve dans un manuel mais je ne sais plus trop lequel, et là, je n'ai guère le temps de fouiner...
MamzelleBoop
MamzelleBoop
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Qui aurait les fabliaux Estula et Le curé qui mangea...  Empty Re: Qui aurait les fabliaux Estula et Le curé qui mangea...

par MamzelleBoop Mer 30 Mar - 19:03
Estula
Il y avait jadis deux frères, qui n'avaient plus ni père ni mère pour les conseiller, ni aucun autre parent. Pauvreté était leur amie intime, car elle était souvent avec eux. C'est la chose qui fait le plus souffrir ceux qu'elle hante, il n'est pas de pire maladie.
Les deux frères dont je vous parle habitaient ensemble. Une nuit qu'ils furent poussés à bout par la faim, la soif et le froid, tous maux qui s'attachent à ceux que Pauvreté tient en son pouvoir, ils se mirent à réfléchir comment ils pourraient se défendre contre Pauvreté qui les harcelait, et leur faisait souvent éprouver ses privations.
Un homme que tout le monde savait très riche habitait près d'eux. Ils sont pauvres, et le riche est sot. Il a des choux dans son potager et des brebis dans son étable. Ils tournent donc leurs pas de ce côté. Pauvreté fait perdre la tête à bien des gens ! L'un jette un sac sur son cou, I'autre prend un couteau à la main, et tous deux se mettent en route. L'un entre directement dans le jardin, et sans plus tarder se met à couper les choux. L'autre se dirige vers la bergerie pour y pénétrer, et fait si bien qu'il en ouvre la porte ; il lui semble que l'affaire va pour le mieux, et il se met à tâter les moutons pour chercher le plus gras.
Mais on était encore sur pied dans la maison, et l'on entendit le bruit de la porte du bercail lorsqu'elle s'ouvrit. Le bourgeois appela son fils et lui dit : « Va voir à la cour si tout est bien en ordre, et appelle le chien de garde. » Le chien s'appelait Estula. Heureusement pour les deux frères, il n'était pas cette nuit-là dans la cour. Le fils était aux écoutes ; il ouvrit la porte donnant sur la cour, et cria : « Estula ! Estula ! » Celui qui était dans la bergerie répondit : « Oui, certainement, je suis ici. » L'obscurité était très profonde, de sorte que le jeune homme ne pouvait pas voir celui qui lui avait répondu. Il crut bien réellement que c'était le chien, et, sans perdre de temps, il rentra précipitamment dans la maison, tout bouleversé de peur :
« Qu'as-tu, beau fils ?, lui dit son père.
- Foi que je dois à ma mère, Estula vient de me parler.
- Qui ? notre chien ?
- Parfaitement, je le jure ; et si vous ne voulez pas m'en croire, appelez-le et vous l'entendrez aussitôt parler. »
Le bourgeois s'empresse d'aller voir cette merveille, entre dans la cour et appelle son chien Estula. Et le voleur, qui ne se doute de rien, dit : « Certainement, je suis ici. » Le bourgeois en est stupéfait : « Fils, dit-il, par tous les saints et par toutes les saintes, j'ai entendu bien des choses surprenantes : jamais je n'en ai entendu de pareilles ; va vite conter cela au curé, ramène-le avec toi et dis-lui qu'il apporte son étole et de l'eau bénite. »
Le jeune homme, au plus vite qu'il peut, court jusqu'au presbytère, et sans perdre de temps, s'adressant aussitôt au curé, il lui dit : « Sire, venez à la maison entendre des choses merveilleuses : jamais vous n'avez entendu les pareilles. Prenez l'étole à votre cou. » Le prêtre lui dit : « Tu es complètement fou de vouloir me conduire dehors à cette heure. Je suis nu-pieds, je n'y pourrais aller. » Et l'autre lui répond aussitôt : « Si, vous viendrez : je vous porterai. » Le prêtre prend l'étole et, sans plus discuter, monte sur les épaules du jeune homme, qui se remet en route.
Lorsqu'ils furent près de la maison, afin d' arriver plus vite, ils prirent directement par le sentier par où étaient descendus les maraudeurs. Celui qui était en train de cueillir les choux vit la forme blanche du prêtre, et pensant que c'était son compagnon qui rapportait quelque butin, il lui demanda tout joyeux :
« Apportes-tu quelque chose ?
- Sûrement oui, répondit le jeune homme, croyant que c'était son père qui avait parlé.
- Vite !, reprend l'autre, jette-le à terre, mon couteau est bien tranchant, je l'ai fait aiguiser hier à la forge : nous allons lui couper la gorge. »
Quand le prêtre l'entendit, il fut convaincu qu 'on l'avait trahi. Il sauta à terre et s'enfuit tout éperdu. Mais son surplis s'accrocha à un pieu et y resta, car le prêtre n'osa pas s'arrêter pour le décrocher. Celui qui avait cueilli les choux n'était pas moins ébahi que celui qui s'enfuyait à cause de lui, car il n'avait pas la moindre idée de ce qu'il en était. Toutefois, il alla prendre l'objet blanc qu'il voyait suspendu au pieu, et s'aperçut que c'était un surplis. A ce moment, son frère sortit de la bergerie avec un mouton et appela son compagnon, qui avait son sac plein de choux. Tous deux avaient les épaules bien chargées ; ils ne firent pas là plus long conte et reprirent le chemin de leur maison, qui était proche.
Arrivés chez eux, celui qui avait pris le surplis fit voir son butin, et tous deux rirent et plaisantèrent de bon coeur, car le rire, qui avant leur était interdit, leur était maintenant rendu.
En peu de temps Dieu fait de l'ouvrage. Tel rit le matin qui le soir pleure, et tel est chagrin le soir qui est joyeux le matin.
Estula, auteur anonyme, première moitié du XIIIe
MamzelleBoop
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par MamzelleBoop Mer 30 Mar - 19:06
Le prêtre et les mûres

Je vais maintenant vous raconter une histoire qui a été inventée par Guérin. Il était une fois un prêtre qui voulait aller au marché. Il a fait seller sa jument, une belle bête, grande et grasse, âgée de deux ans. Il la soignait comme il faut et ne la laissait mourir ni de faim ni de soif, croyez-moi. Elle avait tous les jours sa ration d’avoine et de foin.
Le prêtre se met en route vers le marché. Tout cela se passe en septembre, il me semble, et les buissons sont pleins de mûres. Le prêtre chevauche en lisant son bréviaire. Mais un arbuste pousse à l’entrée de la ville, il est couvert de mûres bien grosses et noires.
« Par Jésus-Christ, se dit le prêtre, je n’ai jamais vu de fruits plus beaux. Ils me donnent faim, je les goûterais volontiers. »
Il fait arrêter la jument. Mais les plus belles mûres sont placées si haut qu’il n’arrive pas à les atteindre. Et puis, il faut faire attention à ne pas se piquer aux épines.
« C’est facile, se dit le prêtre, je vais monter debout sur ma selle, comme ça, je n’aurai qu’à me pencher sur le buisson pour faire ma cueillette. »
Il fait un vrai ravage parmi les fruits. Quand il est un peu rassasié, il jette un coup d’œil en bas vers sa jument : c’est une bonne bête, elle n’a pas bougé. Le prêtre se dit en riant :
« Quel bel équilibre ! Heureusement qu’elle est docile. Je n’aurait pas intérêt à dire hue ! »
Mais il a pensé tout haut. La jument l’entend et elle bondit aussitôt en avant. Le choc lance le prêtre dans le buisson de ronces. Impossible de remuer sans s’égratigner méchamment.
La jument regagne son écurie. Là-bas, tout le monde s’étonne de la voir rentrer seule et l’on organise des recherches sur la route du marché. Après bien des tours et des tours, on arrive au buisson de ronces. Quand le prêtre entend des voix, il se met à crier :
« Hé là ! Hé là ! Je suis ici, je ne peux pas bouger à cause des ronces. Je suis déjà tout meurtri et blessé.
_ Mais comment vous êtes-vous mis là-dedans ? demandent les serviteurs.
_ C’est mon pêché qui m’y a poussé, répond le prêtre. Ce matin je passais par ici, lisant mon bréviaire, et j’ai été pris d’une grande envie de mûres ; impossible de continuer sans en manger. Le buisson m’a gardé, voilà tout. Aidez-moi donc à en sortir, et ramenez-moi dans ma maison, car j’ai besoin de soins et de repos. »
Cette fable nous enseigne qu’il ne faut pas dire à tout le monde ce qu’on pense, car on s’attire bien des ennuis. C’est ce qui est arrivé au prêtre.
MamzelleBoop
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par MamzelleBoop Mer 30 Mar - 19:06
ça ira?
V.Marchais
V.Marchais
Empereur

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par V.Marchais Mer 30 Mar - 20:52
Pour trouver une quantité de textes médiévaux numérisés, vo et traductions, je vous recommande chaleureusement le site d'un ami passionné :
http://fontenele.free.fr/
Vous y trouverez de nombreux fabliaux, poèmes, lais, extraits de romans - y compris quelques traductions à quatre mains, de l'ami Jean et moi-même, faites avec beaucoup de plaisir.
Esméralda
Esméralda
Grand sage

Qui aurait les fabliaux Estula et Le curé qui mangea...  Empty Re: Qui aurait les fabliaux Estula et Le curé qui mangea...

par Esméralda Dim 3 Avr - 18:05
Merci, c'est cool !
Cipango
Cipango
Niveau 10

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par Cipango Dim 3 Avr - 18:12
Tu peux aussi utiliser "Les perdrix", un bon fabliau à quiproquo, un peu long peut-être.



Les Perdrix

Puisqu'il est dans mon habitude de vous raconter des histoires, je veux dire, a lieu d'une fable, une aventure qui est vraie.

Un vilain, au pied de sa haie, un jour attrapa deux perdrix. Il les prépare avec grand soin; sa femme les met devant l'âtre (elle savait s y employer), veille au feu et tourne la broche; et le vilain dort en courant pour aller inviter le prêtre.

Il tarda tant à revenir que les perdrix se trouvaient cuites. La dame dépose la broche; elle dé tache un peu de peau, car la gourmandise et son faible. Lorsque Dieu la favorisait, elle rêvait, non d'être riche, mais de contenter ses désirs. Attaquant l'une des perdrix, elle en savoure les ailes, puis va au milieu de la rue pour voir si son mari revient. Ne le voyant pas arriver, elle regagne la maison et sans tarder elle expédie ce qui restait de la perdrix, pensant que c eût été un crime d'en laisser le moindre morceau.

Elle réfléchit et se dit qu'elle devrait bien manger l'autre. Elle sait ce qu'elle dira si quelqu'un vient lui demander ce qu'elle a fait de ses perdrix, elle ré pondra que les chats, comme elle mettait bas la broche, les lui ont arrachées des mains, chacun d'eux emportant la sienne.

Elle se plante dans la rue afin de guetter son mari, et ne le voit pas revenir; elle sent fré tiller sa langue, songeant à la perdrix qui reste; elle deviendra enragée si elle ne peut en avoir ne serait-ce qu'un petit bout. Détachant le cou doucement, elle le mange avec délice; elle s en pourlèche les doigts.

Hélas ! dit-elle, que ferais-je ? Que dire, si je mange tout ? Mais pourrais-je laisser le reste ? J'en ai une si grande envie ! Ma foi, advienne que pourra; il faut que je la mange toute. l'attente dura si longtemps que la dame se rassasia.

Mais voici venir le vilain; il pousse la porte et s écrie:
Dis, les perdrix sont-elles cuites ? - Sire, fait-elle, tout va mal, car les chats me les ont mangées.
A ces mots, le vilain bondit et court sur elle comme un fou. Il lui eut arraché les yeux, quand elle crie:
C'était pour rire. Arrière, suppÙt de Satan ! Je les tiens au chaud, bien couvertes.
- J'aurais chanté de belles laudes, foi que je dois à saint Lazare. Vite, mon bon hanap de bois et ma plus belle nappe blanche ! Je vais l'étendre sur ma chape sous cette treille, dans le pré.
- Mais prenez donc votre couteau; il a besoin d'être aff(o)té et faites-le couper un peu sur cette pierre, dans la cour.
L'homme jette sa cape et court, son couteau tout nu dans la main.


Mais arrive le chapelain, qui pensait manger avec eux; il va tout droit trouver la dame et l'embrasse très doucement, mais elle se borne à répondre:


Sire, au plus tôt fuyez, fuyez ! Je ne veux pas vous voir honni, ni voir votre corps mutilé. Mon mari est allé dehors pour aiguiser son grand couteau; il prétend qu'il veut vous couper les couilles s'il peut vous tenir.
- Ah ! puisses-tu songer à Dieu ! fait le prêtre, que dis-tu là ? Nous devions manger deux perdrix que ton mari prit ce matin. -
Hélas ! ici, par Saint Martin, il n'y a perdrix ni oiseau. Ce serait un bien bon repas; votre malheur me ferait peine. Mais regardez-le donc là-bas comme il aff(o)te son couteau !
-Je le vois, dit-il, par mon chef. Tu dis, je crois la vérité.
Et le prêtre, sans s'attarder, s'enfuit le plus vite qu'il peut. Au même instant, elle s'écrie:
Venez vite, sire Gombaut.
- qu'as-tu ? dit-il, que Dieu te garde.
- Ce que j ai ? Tu vas le savoir. Si vous ne pouvez courir vite, vous allez y perdre, je crois; car par la foi que je vous dois, le prê tre emporte vos perdrix.

Pris de colère, le bonhomme, gardant son couteau à la main, veut rattraper le chapelain. En l'apercevant, il lui crie:


Vous ne les emporterez pas ! Et de hurler à pleins poumons:
Vous les emportez toutes chaudes ! Si j arrive à vous rattraper, il vous faudra bien les laisser. Vous seriez mauvais camarade en voulant les manger sans moi.

Et regardant derrière lui, le chapelain voit le vilain qu'accourt, le couteau en main. Il se croit mort, s'il est atteint; il ne fait pas semblant de fuir, et l'autre pense qu'à la course il pourra reprendre son bien. Mais le prêtre, le de vançant, vient s'enfermer dans sa maison.


Le vilain chez lui s'en retourne et il interroge sa femme:
Allons ! fait-il, il faut me dire comment il t'a pris les perdrix.
Elle lui répond:
Que Dieu m' aide ! Sitôt que le prêtre me vit, il me pria, si je l'aimais, de lui montrer les deux perdrix: il aurait plaisir à les voir. Et je le conduisis tout droit là où je les tenais couvertes. Il ouvrit aussitôt les mains, il les saisit et s'échappa. Je ne pouvais pas le poursuivre, mais je vous ai vite averti.
Il répond:
C'est peut-être vrai; laissons donc le prêtre où il est.
Ainsi fut dupé le curé, et Gombaut, avec ses perdrix.


Ce fabliau nous a montré que femme est faite pour tromper: mensonge devient vérité et vérité devient mensonge.
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