- NestyaEsprit sacré
http://www.lavoixdunord.fr/Region/actualite/Secteur_Region/2010/11/04/article_quand-les-profs-stagiaires-se-debattent.shtml
Ils viennent de décrocher un concours parce qu'ils étaient bons en maths ou en français, mais jamais ils n'ont appris à enseigner. Pour autant, cette année, dans le cadre de la réforme de la formation des enseignants, les professeurs du secondaire ont été directement jetés dans le grand bain à la rentrée. Face à une classe. En responsabilité. Ils sortent de premières vacances bien méritées. Témoignages de professeurs stagiaires.
La nuit automnale est tombée, ce vendredi, à la terrasse couverte de la rue de Béthune, à Lille. Trois jeunes femmes trinquent aux vacances. Une petite gorgée de bière comme un soulagement après un mois et demi de stress. Camille (1) est professeur stagiaire. Difficile, pour elle, ça l'est. Un seul résumé : « À la limite, on pourrait se raccrocher à la manière dont on nous a enseigné notre matière. Mais ce n'est plus du tout pareil. Les méthodes ont changé. Mais par définition, on ne m'a rien appris, je n'ai pas du tout été formée. »
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Rien de préparé
Caroline et les autres non plus. Sa première heure, elle l'a vécue la boule au ventre. « La rentrée était le jeudi. J'ai su le vendredi précédent où j'étais affectée. Habitant à quatre cents kilomètres de la région, je suis partie le dimanche soir, mais autant dire que pour mon premier cours, le temps de m'installer, je n'avais rien préparé. » Cette jolie femme qui fait très jeune avait décidé de la jouer ferme. « À défaut de formateurs, ce sont des collègues et mon tuteur qui me l'ont conseillé et j'ai bien fait : des collègues, à qui on n'avait rien dit, ont voulu copiner et se sont fait manger. » Les tuteurs, ce sont ces professeurs titulaires chargés d'accompagner les stagiaires. Ils peuvent aller dans la classe du stagiaire et inversement. Tandis qu'un professeur remplaçant (TZR) est mis à disposition de chaque binôme pour pallier ces absences.
La piquante et dynamique Adeline, elle, n'a passé que deux heures depuis le début de l'année dans la classe de son tuteur. « Une fois, mon remplaçant est tombé malade. Et au début, je voulais prendre mes classes en main. Je suis prof de français pour des premières qui passent le bac à la fin de l'année. Vous imaginez ? Si je me plante, je plante aussi leur examen. » Elle enseigne à des 1res générales, mais aussi ICC (bac professionnel à dominante commercial-communication) : « Je l'ai appris quelques jours avant la rentrée. ICC, je ne savais même pas ce que c'était », sourit-elle. Se renseigner auprès de son tuteur ? « Quand je l'ai appelé, toujours quelques jours avant la rentrée, il ne savait même pas qu'il allait être tuteur. Et quand il m'a vue, il m'a dit, "Je ne peux pas te laisser." En fait, il a eu pitié ! », clame-t-elle avec ironie. Il ne vous a pas aidée pour les cours ? « Il m'a donné un gros dossier, avec tous ses cours depuis ses débuts.
Mais c'était plein d'annotations, de lectures personnelles. Inexploitable. » Pourquoi ne pas le voir plus ? « Il a tellement de travail, des classes, du soutien... Quand il rentre chez lui, le pauvre, il dort », analyse-t-elle sans reproche. « J'adore ce boulot, mais je pourrais le faire mieux. » Avoir des conseils. La formation d'une semaine avant les vacances ? « On m'a appris comment gérer des 6e et des 4e. Génial, je suis au lycée. En plus, j'ai dû préparer ma semaine pour ma remplaçante, une néotitulaire qui n'a jamais eu de lycée ! »
Esseulées
Quand Caroline moque aussi cette formation d'avant la Toussaint : « On m'a appris le contenu du programme alors que je venais de passer un mois et demi devant une classe. » Et Adeline de rebondir : « J'avais toute une liste de questions. Je ne sais pas... par exemple un élève a voulu garder une mèche de mes cheveux, je n'ai pas su réagir. Je ne voulais pas une réponse précise, mais "l'attachement" de certains élèves, c'est une question plus large... Vu que mon tuteur n'est pas très disponible, je n'ai personne à qui parler. » Seule dans le Nord, Caroline regrette, elle, l'IUFM en ce que les stagiaires constituaient une promotion et qu'il était plus simple d'échanger. En tant que néo-titulaire, Anne, aujourd'hui remplaçante d'un binôme stagiaire-tuteur, a connu l'ancien cursus : « On pouvait échanger sur nos difficultés, même si ça faisait un peu alcooliques anonymes », confirme-t-elle. « Pour autant, la formation, je ne l'ai pas aimée, mais je pense qu'il aurait fallu revoir les contenus et pas tout supprimer. Les rendre plus concrets, pour que l'on puisse apprendre à apprendre.
» Adeline et Caroline le disent sans ambages : pour elles, ça se passe au final pas si mal. Mais Caroline prend du recul : « Désormais, tout est accéléré. Ça passe ou ça casse. » Depuis aujourd'hui, les TZR ont été retirés. Désormais, à part une formation en mars, les stagiaires passeront dix-huit heures devant leurs classes.
1. À leur demande, les prénoms ont été changés afin que les stagiaires ne puissent pas être identifiées. Invoquant, entre autres, que leurs élèves ne savaient pas qu'elles étaient « simples stagiaires ».
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"Attendre et espérer."
Alexandre Dumas
- NestyaEsprit sacré
Et l'avis de la rectrice :
http://www.lavoixdunord.fr/Region/actualite/Secteur_Region/2010/11/04/article_la-rectrice-que-des-retours-positifs.shtml
http://www.lavoixdunord.fr/Region/actualite/Secteur_Region/2010/11/04/article_la-rectrice-que-des-retours-positifs.shtml
En réponse aux critiques des syndicats et des professeurs stagiaires que nous avons rencontrés, Marie-Jeanne Philippe, la rectrice de l'académie de Lille, a accepté de nous accorder un entretien. Soulignons cette volonté de communiquer(1) quand ses prédécesseurs, le plus souvent, se contentaient de laisser dire. ...
Selon elle, « notre dispositif d'accompagnement par un tuteur et la mise à disposition de professeurs remplaçants pour faciliter cet encadrement a très bien marché. Nous n'avons que des retours positifs ». Les critiques ? « On est vraiment dans quelques cas particuliers qui n'ont pas marché excellemment bien. » Et la rectrice d'avancer des chiffres, « le seul argument qui vaille ». « L'an dernier, nous avions en début d'année enregistré dix démissions. Cette année, nous en sommes à quatre. » Autre élément, chiffré, la baisse du nombre de professeurs stagiaires en difficulté, toujours à cette période comparée de l'année scolaire. « L'an dernier, nous avions quarante cas de stagiaires en difficulté. Cette année, nous en sommes à huit. » À critères comparables ? Sachant que les formateurs de l'IUFM, de fait, ne sont plus là pour le constater ? « Le tuteur est dans la même posture que le formateur, se défend la rectrice. Il travaille sur les mêmes grilles et avait mission de nous faire des remontées. Le professeur stagiaire en difficulté doit, lui, se signaler s'il a besoin d'être aidé. Et le corps d'inspection suit cela de près... Donc oui, ces chiffres sont comparables. »
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« Pas aidés par les syndicats »
Autre réponse en chiffres à la question : comment se fait-il que des stagiaires n'aient pas leur tuteur dans leur établissement ? Philippe Vanhackere, délégué académique à la formation des personnels, tempère : « Sur 570 professeurs stagiaires, 116 n'ont pas leur tuteur dans le même établissement. Et ces derniers sont séparés de leur tuteur par une distance moyenne de 16,33 km. » Marie-Jeanne Philippe, la rectrice, d'accuser : « Il faut dire aussi que certains collègues, certains syndicats, n'ont pas mis d'huile dans les rouages. La pétition contre la réforme qui incitait les collègues à ne pas devenir tuteurs ne nous a pas aidés. » Mais pourquoi, aussi, certains professeurs stagiaires n'ont-ils connu leur affectation que très tard, quelques jours avant la rentrée, sans donc pouvoir préparer leurs cours ? « Nous avons eu la liste des reçus assez tard, courant août. Je dirais que seize à dix-huit cas seulement l'ont su tardivement. » La rectrice assure que « l'an prochain, les stagiaires auront leur affectation beaucoup plus tôt ».
Eh bien, l'an prochain, justement, reconduit-on ce système si satisfaisant ? « Non, c'était une année de transition. À la demande des syndicats qui ne voulaient pas dès cette rentrée de nouveau dispositif, nous avons géré au mieux. Mais l'an prochain, avec un master 2, les stagiaires auront déjà eu toute la formation pratique. » Et M. Vanhackere de rebondir : « Un nombre significatif de professeurs stagiaires en difficulté concerne des redoublants, qui sortent donc de l'ancien système. Ils ont pourtant une seconde chance. Ils devront peut-être conclure qu'ils ne sont pas faits pour ce métier. » La rectrice de conclure : « C'est quand on est devant des élèves, devant une classe, que l'on sait si l'on est fait pour être enseignant. »
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Alexandre Dumas
- NestyaEsprit sacré
Et enfin l'avis du secrétaire régionale du SGEN CFDT:
http://www.lavoixdunord.fr/Region/actualite/Secteur_Region/2010/11/04/article_enseigner-est-un-metier-qu-on-n-apprend.shtml
http://www.lavoixdunord.fr/Region/actualite/Secteur_Region/2010/11/04/article_enseigner-est-un-metier-qu-on-n-apprend.shtml
Entretien avec Jacques Devoddere, secrétaire régional du SGEN-CFDT. ...
- Vous vous êtes toujours opposé à cette réforme ?
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« La mastérisation pour les enseignants a émergé en mars 2008. Au départ c'était très vague. Il était question de se conformer aux fameux trois-cinq-sept européens. Les professeurs devaient donc désormais avoir bac + 5. Mais on s'est vite aperçu qu'il y avait, derrière, une logique purement comptable. On a dépossédé les IUFM et les braves collègues allaient leur apprendre leur métier. Faites les comptes : avant, les stagiaires étaient en responsabilité devant une classe 6 ou 8 heures par semaine, désormais, c'est 18. »
- Le calcul est-il si simple ? Des professeurs remplaçants épaulent les stagiaires, il faut bien les payer ?
« On a supprimé 3 000 postes de stagiaires en France il y a quelques années. La preuve, depuis la rentrée, il y a un déficit de remplaçants pour les collègues en arrêt maladie. On les remplace par des vacataires ou des contractuels, des gens qui doivent avoir une licence (bac + 3) et qui n'ont aucune formation dans les métiers de l'enseignement. »
- Le rectorat a-t-il, selon vous, tenu ses engagements ?
« Il s'était engagé à ne pas mettre les professeurs stagiaires en Réseau ambition réussite (RAR) et il l'a respecté. Mais ce ne sont que les établissements les plus difficiles des difficiles. D'autres collèges et lycées, pas RAR, ne sont pas simples non plus. En plus, certains établissements ont laissé aux stagiaires les classes les plus difficiles. »
- Quels retours avez-vous des stagiaires ?
« Dans le meilleur des cas, ils ont énormément de boulot. Et il y a les gens en très grande difficulté. La rectrice nous parle de quatre démissions, et rien que sur quarante personnes, j'en connais deux. On fera les comptes en fin d'année, mais à mon avis il y en aura plus que l'an dernier. »
- En même temps, les IUFM n'étaient pas la panacée...
« Ce n'était pas l'idéal, notamment car c'était en un an et pas deux. Mais désormais, enseigner est un métier qu'on n'apprend plus ! »
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- Raoul VolfoniGrand sage
La rectrice de conclure : « C'est quand on est devant des élèves, devant une classe, que l'on sait si l'on est fait pour être enseignant. »
J'aime... on est "fait" pour être prof. Programmé de naissance, prédestiné... De quoi peut-on avoir besoin en termes d'entrée dans le métier alors qu'on a une telle baraka ?
Et M. Vanhackere de rebondir : « Un nombre significatif de professeurs stagiaires en difficulté concerne des redoublants, qui sortent donc de l'ancien système. Ils ont pourtant une seconde chance. Ils devront peut-être conclure qu'ils ne sont pas faits pour ce métier. »
Et ça... Une fois qu'on a l'étiquette "en difficulté" collée sur le front, c'est dur de l'enlever... Interdire de redoubler dans une autre académie est un non-sens. Et je trouve que cette phrase sonne comme une menace, mais ça, c'est sans doute ma parano qui revient...
- JohnMédiateur
Je veux bien que ce ne soit pas l'Apocalypse, mais enfin là c'est peut-être un peu excessifnotre dispositif d'accompagnement par un tuteur et la mise à disposition de professeurs remplaçants pour faciliter cet encadrement a très bien marché. Nous n'avons que des retours positifs
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"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
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- olivier-np30Habitué du forum
ouais de toute façon même à 6 heures on démarrait sans être formé...
Et à l'EN on veut que ça marche, il faut que le stagiaire soit fait pour le métier sinon il faut qu'il arrête !
Moi c'est ce que j'ai retenu en tout cas. Heureusement en entreprise c'est différent sinon je serais un assisté aujourd'hui.
C'est bizarre mais même à l'armée on me valorisait plus !
Et à l'EN on veut que ça marche, il faut que le stagiaire soit fait pour le métier sinon il faut qu'il arrête !
Moi c'est ce que j'ai retenu en tout cas. Heureusement en entreprise c'est différent sinon je serais un assisté aujourd'hui.
C'est bizarre mais même à l'armée on me valorisait plus !
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Quadra aujourd'hui, quinqua demain
- Thierry75Niveau 10
+ 1 : de formation, on n'en avait pas, ni avant, ni pendant (ou si peu) : mais on n'avait que six heures. Le stagiaire qui a 7 heures de cours à assurer demain (exemple), je ne sais pas comment il se sent.olivier-np30 a écrit:ouais de toute façon même à 6 heures on démarrait sans être formé...
Et à l'EN on veut que ça marche, il faut que le stagiaire soit fait pour le métier sinon il faut qu'il arrête !
Moi c'est ce que j'ai retenu en tout cas. Heureusement en entreprise c'est différent sinon je serais un assisté aujourd'hui.
C'est bizarre mais même à l'armée on me valorisait plus !
- Karine B.Guide spirituel
John a écrit:Je veux bien que ce ne soit pas l'Apocalypse, mais enfin là c'est peut-être un peu excessifnotre dispositif d'accompagnement par un tuteur et la mise à disposition de professeurs remplaçants pour faciliter cet encadrement a très bien marché. Nous n'avons que des retours positifs
elle est tout le temps comme ça, on concocte une petite réponse à plusieurs niveaux (d'autant qu'elle est en train de se venger actuellement de la pétition qui a très bien marché en refusant les demandes de cumul pour les collègues faisant des heures dans le sup ou des colles en prépa)
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