Page 1 sur 2 • 1, 2
- IphigénieProphète
Il faut repenser l'enseignement du français
Article proposé au Monde et au Figaro, refusé par le Monde (?????), publié par le Figaro des 7-8 août 2010
Pour une refondation de l’enseignement du français
Si un consensus semble se dégager du débat sur l’identité nationale, tant chez ceux qui l’ont accepté que refusé, c’est que sans une langue française vivante, originale, productive et séduisante, la France n’existe plus. Paradoxalement, ce constat vient au moment où le français n’a jamais été aussi peu à la fête à l’école : horaires diminuant, du primaire à la Terminale ; traitement de notre langue comme une langue vivante parmi d’autres ; dissuasion progressive d’apprendre le latin ; délaissement de la littérature pour des formes de culture dites « plus modernes ». Sans même revenir à la querelle de la Princesse de Clèves, de grands romans populaires comme le Rouge et le noir ou les Misérables sont désormais incompréhensibles à 80% d’une classe d’âge. Si tous les textes qui ont permis à la France de se constituer en nation au 16ème siècle, puis de se refonder au 18ème, au 19ème et au 20ème, par delà les guerres et les dissensions intérieures, sont aujourd’hui illisibles, où diable veut-on que la France retrouve une identité, et comment espère-t-on que les Français, d’origine ou d’adoption, se sentent chez eux plutôt que dans un médiocre dominion de Globe Land ?
Il est temps de comprendre que le français n’est pas une norme sélective imposée par des dominants à des dominés, mais un art de vivre, de sentir, de penser, par lequel chacun affirme à chaque instant, et simultanément, sa singularité et son consentement à la vie commune. Il n’a rien d’un sabir dont tout le monde devrait user à l’identique, du président de la République au gamin des cités en passant par le présentateur de télé : il est un moyen pour chacun de s’adapter à chaque situation, à chaque environnement, à chaque milieu. On ne parle pas à son employeur comme à ses amis, pas plus qu’au boulanger ou à sa grand-mère. Parler une langue, c’est comme conduire : il faut savoir accélérer et freiner, virer, changer de régime, aller vite quand on est pressé, prendre son temps quand on veut profiter du paysage. Cela n’a rien à voir avec la visée strictement utilitaire adoptée par tant de pédagogues ou de politiques pour défendre le français. Ils font fausse route : plus on veut montrer l’utilité du français, plus on en révèle l’inutilité, ou à tout prendre l’interchangeabilité, dans les matières pour lesquelles il n’est pas fait, comme l’informatique ou le commerce international ; plus on masque alors son caractère précieux, irremplaçable, pour ce qui est d’harmoniser les existences, de créer du lien, de susciter la légitime et paisible fierté d’être ce qu’on est, plutôt que le regret et le ressentiment de ce qu’on n’est pas. L’Irlande, Israël, toutes les nations qui ont resurgi à la fin du 20ème siècle ont immédiatement fait du réveil de leur langue un combat ontologique. L’élite de ces pays, celle-là même qui est appelée à participer à la vie internationale où la plupart des échanges sont pourtant régis par l’anglais global, est formée à parler, à penser, à écrire sa propre langue, et à travailler sur son patrimoine littéraire. Il n’y a qu’en France que les études littéraires ne mènent à rien, et cela parce qu’on ne cesse de les réduire, la dernière réforme du lycée ne faisant que pousser un peu plus en ce sens, à « l’apprentissage des langues et du monde moderne » ! Ainsi après les dérives d’un enseignement soumis à tous les niveaux à des protocoles technicistes desséchants, voici qu’on prétend relégitimer une filière littéraire exsangue en lui adjoignant d’autres bribes de disciplines nouvelles : cinéma, images, nouvelles technologies, droit et société. Dans le même temps on continue de l’amputer de son cœur vivant ‑ la littérature ‑, et de ce qui est à même de lui assurer une légitimité scientifique ‑ l’enseignement du latin, l’histoire et l’étude de la langue. Le paradoxe, c’est qu’on justifie toutes ces mesures par un souci d’égalité alors qu’on supprime précisément les enseignements les plus objectifs, mettant chaque élève au pied du mur quelle que soit son origine.
Nous proposons d’inventer une nouvelle discipline que nous appelons le français de culture, qui ne serait pas enseigné superficiellement comme une langue de communication, mais en profondeur, enracinée dans une histoire qui remonte à ses origines latines et romanes, enrichie des grands textes qui font que nous restons encore, même si c’est bien malgré nous, une nation unie : chansons de gestes médiévales, essais humanistes du 16ème, œuvres classiques du 17ème, prose d’idée du 18ème, poésie des 16ème et 19ème, grands romans du 19ème et du 20ème. De la 6ème à la Terminale, les élèves découvriraient un à un les trésors d’expression qu’ils possèdent sans le savoir, dans un cursus où les approches linguistiques, historiques, littéraires et rhétoriques, seraient développées à égale contribution. La France a la chance de posséder une langue mère, le latin, qui, pour avoir si longtemps été l’idiome de la pensée bien au-delà des frontières nationales, est le contraire d’une prison identitaire, comme se plaisait à le dire le poète Aimé Césaire, et nous met ainsi à l’abri de tout patriotisme intempestif. Au lieu de communiquer à nos élites le complexe du petit Franchouillard qui n’en fait jamais assez en direction de la langue et de la technologie globales, au lieu de refouler le passé qui nous fonde, assumons-le, avec les moyens qui sont les nôtres, parce qu’ils sont ceux de tous les peuples libres depuis la nuit des temps : cultivons notre langue !
Cécilia Suzzoni et Hubert Aupetit
Professeurs en khâgne aux lycées Henri-IV et Louis-le-Grand
Article proposé au Monde et au Figaro, refusé par le Monde (?????), publié par le Figaro des 7-8 août 2010
Pour une refondation de l’enseignement du français
Si un consensus semble se dégager du débat sur l’identité nationale, tant chez ceux qui l’ont accepté que refusé, c’est que sans une langue française vivante, originale, productive et séduisante, la France n’existe plus. Paradoxalement, ce constat vient au moment où le français n’a jamais été aussi peu à la fête à l’école : horaires diminuant, du primaire à la Terminale ; traitement de notre langue comme une langue vivante parmi d’autres ; dissuasion progressive d’apprendre le latin ; délaissement de la littérature pour des formes de culture dites « plus modernes ». Sans même revenir à la querelle de la Princesse de Clèves, de grands romans populaires comme le Rouge et le noir ou les Misérables sont désormais incompréhensibles à 80% d’une classe d’âge. Si tous les textes qui ont permis à la France de se constituer en nation au 16ème siècle, puis de se refonder au 18ème, au 19ème et au 20ème, par delà les guerres et les dissensions intérieures, sont aujourd’hui illisibles, où diable veut-on que la France retrouve une identité, et comment espère-t-on que les Français, d’origine ou d’adoption, se sentent chez eux plutôt que dans un médiocre dominion de Globe Land ?
Il est temps de comprendre que le français n’est pas une norme sélective imposée par des dominants à des dominés, mais un art de vivre, de sentir, de penser, par lequel chacun affirme à chaque instant, et simultanément, sa singularité et son consentement à la vie commune. Il n’a rien d’un sabir dont tout le monde devrait user à l’identique, du président de la République au gamin des cités en passant par le présentateur de télé : il est un moyen pour chacun de s’adapter à chaque situation, à chaque environnement, à chaque milieu. On ne parle pas à son employeur comme à ses amis, pas plus qu’au boulanger ou à sa grand-mère. Parler une langue, c’est comme conduire : il faut savoir accélérer et freiner, virer, changer de régime, aller vite quand on est pressé, prendre son temps quand on veut profiter du paysage. Cela n’a rien à voir avec la visée strictement utilitaire adoptée par tant de pédagogues ou de politiques pour défendre le français. Ils font fausse route : plus on veut montrer l’utilité du français, plus on en révèle l’inutilité, ou à tout prendre l’interchangeabilité, dans les matières pour lesquelles il n’est pas fait, comme l’informatique ou le commerce international ; plus on masque alors son caractère précieux, irremplaçable, pour ce qui est d’harmoniser les existences, de créer du lien, de susciter la légitime et paisible fierté d’être ce qu’on est, plutôt que le regret et le ressentiment de ce qu’on n’est pas. L’Irlande, Israël, toutes les nations qui ont resurgi à la fin du 20ème siècle ont immédiatement fait du réveil de leur langue un combat ontologique. L’élite de ces pays, celle-là même qui est appelée à participer à la vie internationale où la plupart des échanges sont pourtant régis par l’anglais global, est formée à parler, à penser, à écrire sa propre langue, et à travailler sur son patrimoine littéraire. Il n’y a qu’en France que les études littéraires ne mènent à rien, et cela parce qu’on ne cesse de les réduire, la dernière réforme du lycée ne faisant que pousser un peu plus en ce sens, à « l’apprentissage des langues et du monde moderne » ! Ainsi après les dérives d’un enseignement soumis à tous les niveaux à des protocoles technicistes desséchants, voici qu’on prétend relégitimer une filière littéraire exsangue en lui adjoignant d’autres bribes de disciplines nouvelles : cinéma, images, nouvelles technologies, droit et société. Dans le même temps on continue de l’amputer de son cœur vivant ‑ la littérature ‑, et de ce qui est à même de lui assurer une légitimité scientifique ‑ l’enseignement du latin, l’histoire et l’étude de la langue. Le paradoxe, c’est qu’on justifie toutes ces mesures par un souci d’égalité alors qu’on supprime précisément les enseignements les plus objectifs, mettant chaque élève au pied du mur quelle que soit son origine.
Nous proposons d’inventer une nouvelle discipline que nous appelons le français de culture, qui ne serait pas enseigné superficiellement comme une langue de communication, mais en profondeur, enracinée dans une histoire qui remonte à ses origines latines et romanes, enrichie des grands textes qui font que nous restons encore, même si c’est bien malgré nous, une nation unie : chansons de gestes médiévales, essais humanistes du 16ème, œuvres classiques du 17ème, prose d’idée du 18ème, poésie des 16ème et 19ème, grands romans du 19ème et du 20ème. De la 6ème à la Terminale, les élèves découvriraient un à un les trésors d’expression qu’ils possèdent sans le savoir, dans un cursus où les approches linguistiques, historiques, littéraires et rhétoriques, seraient développées à égale contribution. La France a la chance de posséder une langue mère, le latin, qui, pour avoir si longtemps été l’idiome de la pensée bien au-delà des frontières nationales, est le contraire d’une prison identitaire, comme se plaisait à le dire le poète Aimé Césaire, et nous met ainsi à l’abri de tout patriotisme intempestif. Au lieu de communiquer à nos élites le complexe du petit Franchouillard qui n’en fait jamais assez en direction de la langue et de la technologie globales, au lieu de refouler le passé qui nous fonde, assumons-le, avec les moyens qui sont les nôtres, parce qu’ils sont ceux de tous les peuples libres depuis la nuit des temps : cultivons notre langue !
Cécilia Suzzoni et Hubert Aupetit
Professeurs en khâgne aux lycées Henri-IV et Louis-le-Grand
- RobinFidèle du forum
Refusé par Le Monde : c'est presque un honneur et un gage de pertinence ! Merci pour ce bel article et tous mes encouragements pour votre projet.
- ThalieGrand sage
Oui, merci pour ce bel article Iphigénie. Je l'ai transmis à mon équipe de Lettres.
- IphigénieProphète
oui,cet article m'a "interpellée" comme on dit:je l'ai trouvé sur le site des prof de lettres langues anciennes en prépa de Jacqueline Villani
- ChocolatGuide spirituel
Excellent!
Je vais prendre la liberté de le diffuser, en support écrit et via internet!
Je vais prendre la liberté de le diffuser, en support écrit et via internet!
_________________
- JohnMédiateur
L’Irlande, Israël, toutes les nations qui ont resurgi à la fin du 20ème siècle ont immédiatement fait du réveil de leur langue un combat ontologique.
C'est ça, les exemples à suivre ? :shock: Le choix de ces pays ne choque personne ?
_________________
En achetant des articles au lien ci-dessous, vous nous aidez, sans frais, à gérer le forum. Merci !
"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
"La nostalgie, c'est plus ce que c'était" (Simone Signoret)
- IphigénieProphète
Oui,c'est vrai qu'il faudrait pne pas pousser le bouchon nationaliste un peu trop loin...Mais je pense que ces exemples ne le sont que pour ce qui en est dit:le lien "charnel" entre la langue et l'identité du pays....Enfin,j'espère.
- ChocolatGuide spirituel
John a écrit:
C'est ça, les exemples à suivre ? :shock: Le choix de ces pays ne choque personne ?
Ce n'est pas ce que je retiens du message, perso.
Je trouve cela dommage de rejeter un texte à cause d'une phrase, certes, malheureuse, mais qui n'en traduit pas la substance.
_________________
- JohnMédiateur
Je ne rejette pas le texte ; je sursaute en lisant que les politiques linguistiques d'Israël et d'Irlande, qui ont fait "du réveil de leur langue un combat ontologique", sont des exemples à suivre.
C'est uniquement pour éviter le point Godwin que je ne fais pas remarquer qu'il y a aujourd'hui 30% de russophones en Lettonie, grâce à des dizaines d'années de politiques ambitieuses et volontaristes, qui ont fait elles aussi du réveil de leur langue un combat ontologique.
Evidemment, il me semble bien que ni Cécilia Suzzoni ni Hubert Aupetit ne sont de dangereux nationalistes...! C'est même d'autant plus étonnant.
C'est uniquement pour éviter le point Godwin que je ne fais pas remarquer qu'il y a aujourd'hui 30% de russophones en Lettonie, grâce à des dizaines d'années de politiques ambitieuses et volontaristes, qui ont fait elles aussi du réveil de leur langue un combat ontologique.
Evidemment, il me semble bien que ni Cécilia Suzzoni ni Hubert Aupetit ne sont de dangereux nationalistes...! C'est même d'autant plus étonnant.
_________________
En achetant des articles au lien ci-dessous, vous nous aidez, sans frais, à gérer le forum. Merci !
"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
"La nostalgie, c'est plus ce que c'était" (Simone Signoret)
- ChocolatGuide spirituel
John a écrit:
Evidemment, il me semble bien que ni Cécilia Suzzoni ni Hubert Aupetit ne sont de dangereux nationalistes...! C'est même d'autant plus étonnant.
C 'est bien pour cette raison que je considère cette phrase comme étant juste malheureuse.
Mais tu as raison de veiller au grain; les dérives se multiplient ces temps-ci...
_________________
- RobinFidèle du forum
"Je ne rejette pas le texte ; je sursaute en lisant que les politiques linguistiques d'Israël et d'Irlande, qui ont fait "du réveil de leur langue un combat ontologique", sont des exemples à suivre."
L'expression est certes un peu malheureuse car le mot "ontologique" a pour nous une connotation métaphysique d'inspiration heideggerienne qui vient elle-même de Fichte et du réveil du nationalisme allemand au XIXème siècle (le mot "culture", (Kultur, Kulturkampf) nait à cette époque ; les français lui préférant le mot "civilisation", mais je ne pense pas qu'il faille y voir une apologie du nationalisme.
J'aime penser à la diversité des cultures à la manière de Claude Levi-Strauss, comme à un "arc-en-ciel" dans lequel les couleurs se juxtaposent dans une "symphonie", sans pour autant se confondre. L'indifférencié, c'est la Tour de Babel, la grande cage de verre, la mort du vivant.
Pour qu'il y ait de l'universalité, il faut qu'il y ait des différences. On parle à l'Autre à partir d'une différence ("différance" avec un "a" écrivait Jacques Derrida).
Plutôt que de combat "ontologique", je parlerais de combat "existentiel", combat pour la survie d'une langue, d'une culture (c'est valable pour la langues dites "régionales" comme le breton, le basque ou l'occitan).
L'expression est certes un peu malheureuse car le mot "ontologique" a pour nous une connotation métaphysique d'inspiration heideggerienne qui vient elle-même de Fichte et du réveil du nationalisme allemand au XIXème siècle (le mot "culture", (Kultur, Kulturkampf) nait à cette époque ; les français lui préférant le mot "civilisation", mais je ne pense pas qu'il faille y voir une apologie du nationalisme.
J'aime penser à la diversité des cultures à la manière de Claude Levi-Strauss, comme à un "arc-en-ciel" dans lequel les couleurs se juxtaposent dans une "symphonie", sans pour autant se confondre. L'indifférencié, c'est la Tour de Babel, la grande cage de verre, la mort du vivant.
Pour qu'il y ait de l'universalité, il faut qu'il y ait des différences. On parle à l'Autre à partir d'une différence ("différance" avec un "a" écrivait Jacques Derrida).
Plutôt que de combat "ontologique", je parlerais de combat "existentiel", combat pour la survie d'une langue, d'une culture (c'est valable pour la langues dites "régionales" comme le breton, le basque ou l'occitan).
- Y@nnNiveau 9
Robin a écrit:Je ne pense pas qu'il faille y voir une apologie du nationalisme
Je remarque, pour enfoncer le clou, que le premier genre littéraire auquel ils font référence est la chanson de geste qui, comme La Chanson de Roland exalte la douce France ! et que la première chose dont ils parlent est l'identité nationale...
- IphigénieProphète
Non,là il ne faut pas exagérer.D'abord la "douce france" dans la Chanson de Roland,c'est pas vraiment l'époque.Lire ce vieux texte à la lumière des débats actuels,c'est exactement à l'opposé de ce que réclament ces professeurs en demandant à ce que l'on revienne aux contextes,si l'on ne veut pas courir le risque d'énormes contresens..Ensuite,la chanson de geste ,c'est quand même le premier genre littéraire constitué dans la littérature française,donc commencer par là ,n'a rien de choquant ni d'idéologique.C'est un peu comme si vous disiez que l'Odyssée exalte le nationalisme grec.
- CarabasVénérable
Je pense surtout que c'est justement pour souligner la contradiction d'un gouvernement qui méprise la culture, l'enseignement, les belles lettres, l'histoire et qui exalte l'identité nationale.Y@nn a écrit:Robin a écrit:Je ne pense pas qu'il faille y voir une apologie du nationalisme
Je remarque, pour enfoncer le clou, que le premier genre littéraire auquel ils font référence est la chanson de geste qui, comme La Chanson de Roland exalte la douce France ! et que la première chose dont ils parlent est l'identité nationale...
_________________
Les chances uniques sur un million se réalisent neuf fois sur dix.
Terry Pratchett
- Y@nnNiveau 9
iphigénie a écrit:Non,là il ne faut pas exagérer.D'abord la "douce france" dans la Chanson de Roland,c'est pas vraiment l'époque.Lire ce vieux texte à la lumière des débats actuels,c'est exactement à l'opposé de ce que réclament ces professeurs en demandant à ce que l'on revienne aux contextes,si l'on ne veut pas courir le risque d'énormes contresens.
Pourquoi ne lirait-on pas de vieux textes à la lumière de l'actualité ? Ça me fait penser, pour un tas de raisons, au débat qui opposait Picard à Barthes.
iphigénie a écrit:Ensuite,la chanson de geste ,c'est quand même le premier genre littéraire constitué dans la littérature française,donc commencer par là ,n'a rien de choquant ni d'idéologique.
Mais je ne dis pas le contraire !
iphigénie a écrit:C'est un peu comme si vous disiez que l'Odyssée exalte le nationalisme grec.
Qu'est-ce qu'ils viennent faire là les Grecs ?
- Y@nnNiveau 9
Carabas a écrit:Je pense surtout que c'est justement pour souligner la contradiction d'un gouvernement qui méprise la culture, l'enseignement, les belles lettres, l'histoire et qui exalte l'identité nationale.
Je sais bien, mais malgré cela, je trouve cette mention (du débat sur l'identité nationale) dès les premières lignes sujette à caution, comme une bonne partie du texte au reste !
- RobinFidèle du forum
@ carabas
je comprends votre réticence vis-à-vis de ce texte.
Cependant, malgré quelques maladresses dans la formulation et peut-être les exemples choisis, je continue à penser qu'il ne s'agit pas d'un manifeste "nationaliste".
Je le vois plutôt comme un cri d'alarme. Vous savez dans quel état nous arrivent 50% des élèves de 6ème (ZEP ou non ZEP, je n'ai pas vraiment vu la différence entre les "jeunes français de souche" et les jeunes français issus de l'immigration, ayant enseigné dans les deux genres d'établissements). Je me souviens d'un élève de 4ème il y a deux ans me demandant : "Pourquoi qu'on fait du français, on l'sait d'jà !" Tout est dit dans cette phrase. Le français est une langue vivante, il est donc inutile de l'étudier, faisons de la "communication".
Je trouve assez significatif que le texte ait été refusé par un journal de Gauche ("Le Monde") et accepté par un journal de Droite ("Le Figaro"), mais je n'en m'en réjouis pas. Pourquoi la défense de la langue et de la littérature française serait-elle forcément de Droite ?
Je ne trouve pas non plus illégitime de lier la langue française à la nation ; il me semble qu'Ernest Renan, qui n'était pas "un homme de Droite", ni un nationaliste enragé reconnaissait ce lien, bien que d'origine bretonne.
Quant à l'exemple de "La Chanson de Roland", je comprends ce qui vous gêne, encore que les pillards du col de Roncevaux étaient des Basques et non des Sarrasins : j'aurais préféré une allusion à Chateaubriand, mais je ne pense pas qu'il faille y voir malice.
je comprends votre réticence vis-à-vis de ce texte.
Cependant, malgré quelques maladresses dans la formulation et peut-être les exemples choisis, je continue à penser qu'il ne s'agit pas d'un manifeste "nationaliste".
Je le vois plutôt comme un cri d'alarme. Vous savez dans quel état nous arrivent 50% des élèves de 6ème (ZEP ou non ZEP, je n'ai pas vraiment vu la différence entre les "jeunes français de souche" et les jeunes français issus de l'immigration, ayant enseigné dans les deux genres d'établissements). Je me souviens d'un élève de 4ème il y a deux ans me demandant : "Pourquoi qu'on fait du français, on l'sait d'jà !" Tout est dit dans cette phrase. Le français est une langue vivante, il est donc inutile de l'étudier, faisons de la "communication".
Je trouve assez significatif que le texte ait été refusé par un journal de Gauche ("Le Monde") et accepté par un journal de Droite ("Le Figaro"), mais je n'en m'en réjouis pas. Pourquoi la défense de la langue et de la littérature française serait-elle forcément de Droite ?
Je ne trouve pas non plus illégitime de lier la langue française à la nation ; il me semble qu'Ernest Renan, qui n'était pas "un homme de Droite", ni un nationaliste enragé reconnaissait ce lien, bien que d'origine bretonne.
Quant à l'exemple de "La Chanson de Roland", je comprends ce qui vous gêne, encore que les pillards du col de Roncevaux étaient des Basques et non des Sarrasins : j'aurais préféré une allusion à Chateaubriand, mais je ne pense pas qu'il faille y voir malice.
- CarabasVénérable
Justement, je n'ai pas de réticence vis-à-vis de ce texte. Je le trouve bien pensé, bien écrit, assez juste.Robin a écrit:@ carabas
je comprends votre réticence vis-à-vis de ce texte.
C'est vrai que les pays choisis en exemple peuvent faire grincer des dents.
Mais je n'y vois pas non plus un manifeste nationaliste.
En fait, je crois que vous répondez à Yann qui me citait, d'où la confusion.
_________________
Les chances uniques sur un million se réalisent neuf fois sur dix.
Terry Pratchett
- IphigénieProphète
Certes,Yann( les débats écrits ont toujours un problème de nuances impossibles à faire sur chaque phrase).On peut relire avec Barthes si on veut,mais à condition de ne pas projeter sur les textes anciens des sens et des intentions qu'ils n'ont pas:par exemple s'offusquer des infidélités d'Ulysse,pour en remettre une couche avec les Grecs( )c'est tout simplement faire un contresens de civilisation:ce n'est pas le terrain d'Homère ni le terrain sur lequel il présente un intérêt...(je ne peux pas développer c'est trop long)."Pourquoi ne lirait-on pas de vieux textes à la lumière de l'actualité ? Ça me fait penser, pour un tas de raisons, au débat qui opposait Picard à Barthes."
Il ne faut pas faire dire aux vieux textes ce que l'on voudrait qu'ils disent aujourd'hui:il faut les prendre comme ils sont,même si c'est avec toute la subtilité que nous a apportée la distance.Je dirais même que cette subtilité n'est possible qu'à condition de ne pas commencer par faire des contresens.
- Y@nnNiveau 9
Robin, c'est à moi qu' tu parles ?
Rien ne me gêne dans la Chanson de Roland (mais on peut toujours l'instrumentaliser) !
Pour en revenir au texte en question, je ne pense pas que ce ne soit qu'une question de maladresses. Ce sont des maladresses assurément, mais elles reflètent (et avec elles tout le texte) une opinion avec laquelle je ne suis pas d'accord : cette croyance qu'il faut sauver les lettres, qu'on prodigue un enseignement dégénéré, que la France ceci, que le français cela, etc.
Quant à y voir un manifeste nationaliste... Je ne pense pas non plus ! D'ailleurs, le texte n'est pas inintéressant.
Et puis, Robin, je veux bien admettre que nombre d'élèves ne sont pas bien brillants !
Rien ne me gêne dans la Chanson de Roland (mais on peut toujours l'instrumentaliser) !
Pour en revenir au texte en question, je ne pense pas que ce ne soit qu'une question de maladresses. Ce sont des maladresses assurément, mais elles reflètent (et avec elles tout le texte) une opinion avec laquelle je ne suis pas d'accord : cette croyance qu'il faut sauver les lettres, qu'on prodigue un enseignement dégénéré, que la France ceci, que le français cela, etc.
Quant à y voir un manifeste nationaliste... Je ne pense pas non plus ! D'ailleurs, le texte n'est pas inintéressant.
Et puis, Robin, je veux bien admettre que nombre d'élèves ne sont pas bien brillants !
- Y@nnNiveau 9
iphigénie a écrit:Il ne faut pas faire dire aux vieux textes ce que l'on voudrait qu'ils disent aujourd'hui:il faut les prendre comme ils sont,même si c'est avec toute la subtilité que nous a apportée la distance.
Je suis d'accord. D'ailleurs de nombreuses séries, adaptations ou récits sont insupportables, tant ils nous présentent une sorte d'homme qui serait resté le même à travers les siècles, depuis l'aube des temps, n'ayant connu que quelques changements physiques ou ayant enfin découvert l'ordinateur !
- RobinFidèle du forum
@ carabas
Excusez-moi, c'est bien à Y@nn que je répondais. J'ai du mal avec les interlocuteurs "virtuels". C'est bien gentil de défendre le français, mais il ne faut pas négliger la communication !
:petitdrapeau:
Excusez-moi, c'est bien à Y@nn que je répondais. J'ai du mal avec les interlocuteurs "virtuels". C'est bien gentil de défendre le français, mais il ne faut pas négliger la communication !
:petitdrapeau:
- AuroreEsprit éclairé
"Ce sont des maladresses assurément, mais elles reflètent (et avec elles tout le texte) une opinion avec laquelle je ne suis pas d'accord : cette croyance qu'il faut sauver les lettres, qu'on prodigue un enseignement dégénéré, que la France ceci, que le français cela, etc."
Très très intéressant ce que tu dis...
- les profs qui ne font plus de dictées et qui ne corrigent plus systématiquement les élèves lorsque ces derniers font des fautes d'orthographe (je dispose d'exemples concrets dans mon entourage le plus proche...), l'enseignement approfondi de la grammaire carrément sanctionné par certains inspecteurs...,
- les suppressions massives d'heures de cours de français depuis les années 70-80, au primaire et au collège (l'équivalent de deux ans et demie de scolarité de perdus pour ce dernier, rien que ça !)... Voir : http://www.sauv.net/horaires.php
- le laminage des postes et des classes de LC, souvent contre la volonté des élèves et des parents (merci Descoings...),
- le jargon techniciste abscons qui prolifère depuis les programmes Viala dans le cursus de littérature en lycée, et l'impossibilité qui en résulte d'aborder sérieusement le sens et le contexte des œuvres, les problématiques littéraires,
- l'enseignement light et fourre-tout "littérature et société" de la nouvelle réforme du lycée (ou "De Montaigne au guide Michelin"...),
etc.
etc.
Mais à part ces quelques légers détails, l'enseignement des lettres en France n'est certainement pas en danger, et se porte le mieux du monde !
A HIV, peut-être, et encore...
:lol!:
Très très intéressant ce que tu dis...
- les profs qui ne font plus de dictées et qui ne corrigent plus systématiquement les élèves lorsque ces derniers font des fautes d'orthographe (je dispose d'exemples concrets dans mon entourage le plus proche...), l'enseignement approfondi de la grammaire carrément sanctionné par certains inspecteurs...,
- les suppressions massives d'heures de cours de français depuis les années 70-80, au primaire et au collège (l'équivalent de deux ans et demie de scolarité de perdus pour ce dernier, rien que ça !)... Voir : http://www.sauv.net/horaires.php
- le laminage des postes et des classes de LC, souvent contre la volonté des élèves et des parents (merci Descoings...),
- le jargon techniciste abscons qui prolifère depuis les programmes Viala dans le cursus de littérature en lycée, et l'impossibilité qui en résulte d'aborder sérieusement le sens et le contexte des œuvres, les problématiques littéraires,
- l'enseignement light et fourre-tout "littérature et société" de la nouvelle réforme du lycée (ou "De Montaigne au guide Michelin"...),
etc.
etc.
Mais à part ces quelques légers détails, l'enseignement des lettres en France n'est certainement pas en danger, et se porte le mieux du monde !
A HIV, peut-être, et encore...
:lol!:
- IphigénieProphète
[quote]Il n’y a qu’en France que les études littéraires ne mènent à rien, et cela parce qu’on ne cesse de les réduire, la dernière réforme du lycée ne faisant que pousser un peu plus en ce sens, à « l’apprentissage des langues et du monde moderne » ! Ainsi après les dérives d’un enseignement soumis à tous les niveaux à des protocoles technicistes desséchants, voici qu’on prétend relégitimer une filière littéraire exsangue en lui adjoignant d’autres bribes de disciplines nouvelles : cinéma, images, nouvelles technologies, droit et société. Dans le même temps on continue de l’amputer de son cœur vivant ‑ la littérature ‑, et de ce qui est à même de lui assurer une légitimité scientifique ‑ l’enseignement du latin, l’histoire et l’étude de la langue.
Moi,c'est ce passage là qui m'intéresse le plus et là,je crois que ça vise juste.
@ Aurore
je crois u'on se reçoit 5/5....
@ Yann
Moi,c'est ce passage là qui m'intéresse le plus et là,je crois que ça vise juste.
@ Aurore
je crois u'on se reçoit 5/5....
- AuroreEsprit éclairé
C'est tellement évident : on se dirige vers le progrès radieux que nous promettent nos "chers dirigeants" et ministres successifs de l'EN !!! :lol!:
Page 1 sur 2 • 1, 2
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum