«Conduire un chantier de grammaire»

Vous avez reçu cette chose, de la part de votre inspection de lettres ?

Quelqu'un au ministère, sans doute professeur de lettres, a écrit:[...]L’élève prend pleinement pour objet d’étude sa langue, il est un petit chercheur : il observe, compare, trie, classe ; il catégorise, il dégage les attributs de la notion visée, il élabore des définitions ; il monte ainsi en abstraction en se questionnant et développe des compétences langagières – il débat avec ses pairs, il écrit des synthèses, il utilise la langue de l’école. Il pense. [...]

On n'est pas sortis des ronces.

C'est un gag ?

DesolationRow a écrit:C'est un gag ?

Sans doute.
Je pense que c'est devenu l'objet principal du site Eduscol.

• https://eduscol.education.fr/document/41806/download
  
  

Déjà le 1er avril ?

Nouvelle mode chez nous depuis quelque temps. On a eu droit à la "cueillette de phrases" aussi... pour faire un "bouquet de mots" (oui, oui...)

Quel chantier, en effet...

Le tout en pratiquant le « geste du grammairien »….
Punaise, on reste dans les ronces…
Y a des chantiers qui ne se terminent donc jamais.

Cela fait quelques années que je surligne les meilleurs passages de nos lettres de rentrée de la part de nos inspecteurs pour faire rire mes amis en soirées... Il vaut mieux en rire je crois.

Ils ont déjà vu un élève actuel ? Du genre pas méchant, pas bête mais qui ne travaille pas ? Du genre '' bouton reset dès la sonnerie du we'' ?

Je me demande la valeur réglementaire des "pratiques inspirantes". En tout cas je sais ce qu'elles m'inspirent.

AsarteLilith a écrit:Ils ont déjà vu un élève actuel ? Du genre pas me hante, pas bête mais qui ne travaille pas ? Du genre '' bouton reset des la sonnerie du we'' ?

Mais pas plus qu'un élève de hier: car ce qui est préconisé c'est exactement ce qu'on fait depuis 40 ans que ça foire: la grammaire des manipulations où l'élève apprend par lui-même touça: j'ai dû déjà parler du bouquin de grammaire hilarant que j'avais trouvé dans mon prmier collège: "les enquêtes du professeur grammaticus". Je n'ai pas retrouvé le manuel de collège mais voici la présentation pour le primaire:
"Génial! Méthode vraiment originale, rigoureuse et ludique à la fois, présentant à chaque chapitre une petite énigme policière destinée à aider le jeune élève à s'approprier conjugaisons et grammaire. Ouvrage plus particulièrement destiné aux enfants de CM1 à 6 ème. A travers des petites enquêtes à mener, l'enfant est conduit à repérer et identifier tel ou tel fait de langue, qu'il retiendra ensuite facilement, grâce à l'anecdote amusante qui l'a mis en relief."
que de génie déployé dans l'enseignement de la grammaire depuis quarante ans, et pour arriver à ne plus trouver le sujet du verbe!

Je vois juste une différence, on est passé du commissaire au maçon

Je poursuis ma lecture et je tombe sur ça:le titre seul m'a vendu du rêve:

Pour des idées d’activités enrôlantes, questionnantes sur la langue
• AUDION, L. Encourager la posture métalinguistique des élèves de cycle 3 : pourquoi ?
Comment ?. Le français aujourd’hui, 198, 39-52, 2017


Au travers d’entretiens menés en 2014 et 2015 auprès d’enseignants de Loire-Atlantique représentatifs (sexe, âge, cycles, types d’écoles), il semble que l’idée que « la grammaire, ça s’apprend » soit bien ancrée, (Audion 2015 : 208), et que la grammaire scolaire traditionnelle enseignée depuis le siècle dernier ne puisse être remise en cause

j'en déduis que ces chercheurs ne sont pas allés chercher comment on enseigne réellement la grammaire depuis quarante ans: parce que justement ça fait  depuis les années 80 qu'on n'enseigne plus la grammaire  scolaire traditionnelle:
remarquez, c'est un bon moyen pour continuer les vieilles aberrations comme étant des nouveautés et ne pas en faire le bilan.

lilith888 a écrit:Cela fait quelques années que je surligne les meilleurs passages de nos lettres de rentrée de la part de nos inspecteurs pour faire rire mes amis en soirées... Il vaut mieux en rire je crois.

Ce sont des collègues ? La crainte que j'ai, c'est que les personnes extérieures au métier trouvent ça certes un peu fumeux, mais en somme pas déraisonnable.
Tu ne peux pas faire sortir ça dans les médias. Trop compliqué. Le seul truc qui les touche, c'est "Ouh là là les affreux, ils veulent écrire 'nénuphar' avec un -f-".

Cette lettre dit surtout que l'enseignement de la grammaire actuellement fonctionne mal. Sans faire le lien une seconde avec le faible volume horaire qui lui est consacré. Au lieu de chercher des nouvelles méthodes avec des noms ridicules, les inspecteurs devraient insister encore et encore pour que nous ayons le temps d'enseigner.

Où je réalise avec horreur et consternation que, n'étant guère enrôlante, je n'encourage sans doute pas la posture métalinguistique de mes élèves.
Je m'en vais battre ma coulpe et enfiler mon cilice.

Des élèves « qui s'emparent de leur propre langue, la saisissent complètement, la soupçonnent, la commentent, comme un matériau vivant» c'est quand même un peu dégueu, quand je vois les sandwiches infâmes qu'ils s'enfilent le midi.
C'était ma participation constructive à ce fil prometteur.

VinZT a écrit:Des élèves « qui s'emparent de leur propre langue, la saisissent complètement, la soupçonnent, la commentent, comme un matériau vivant» c'est quand même un peu dégueu, quand je vois les sandwiches infâmes qu'ils s'enfilent le midi.
C'était ma participation constructive à ce fil prometteur.

Tu me diras qu'on a la même chose en maths : les élèves doivent découvrir eux-mêmes la formule d'Al-Kashi ou la dérivée d'un quotient.

Bon, on aura le chantier. Pour la grammaire, rien n'est moins sûr.
Et ça fait 40 ans que ça dure, et qu'on réadministre régulièrement un peu de poison pour soigner l'homme malade. À croire qu'on a bel et bien l'intention de l'achever.

Ramanujan974 a écrit:Tu me diras qu'on a la même chose en maths : les élèves doivent découvrir eux-mêmes la formule d'Al-Kashi ou la dérivée d'un quotient.

Et avec quel succès !

Ça fait quand même longtemps que je n'ai pas lu un document aussi délirant en maths. Je traîne peu mes guêtres sur Eduscol, cela dit.

Je trouve assez décevant que tu manifestes si peu d'enthousiasme pour ce qui pourrait devenir une "mission" absolument passionnante ! Imagine un peu tous les beaux "chantiers" que tu pourrais imaginer pour tes chers apprenants, grâce à ton esprit agile… "Les péripéties de l'homothétie", "les fractions sans effraction, ou les mathématiques sans douleur", "mener rondement le calcul d'une racine carrée"…

Spoiler:

Sisyphe a écrit:Cette lettre dit surtout que l'enseignement de la grammaire actuellement fonctionne mal. Sans faire le lien une seconde avec le faible volume horaire qui lui est consacré. Au lieu de chercher des nouvelles méthodes avec des noms ridicules, les inspecteurs devraient insister encore et encore pour que nous ayons le temps d'enseigner.

En fait, je crois qu'ils font parfaitement le lien, et que les sornettes précitées leur semblent nécessaires; c'est comme une fuite en avant, moins l'étude et les apprentissages sont rendus possibles (j'évite à dessein le mot "travail"), plus il faut proposer des innovations qui permettent de les contourner.
Qu'est-ce que c'est que cet élève imaginaire ? Un nouvel Emile linguiste ?
Pour moi, cela relève de choix qui font système, les expérimentations pédagogiques sont encouragées mais leurs résultats à moyen et long termes sont-ils évalués ?
Excusez mon pessimisme mais c'est un vrai ras-le-bol que j'éprouve. Les heures, on ne les récupèrera pas.

Apprenants photographiés en cours de français :

Excellent !

J'espère que, pour une fois, on nous fournira le matériel adéquat...
Ça coûte cher du ciment !

Dans le privé, ils songent déjà à mobiliser l'APEL.

Le chantier de grammaire : expectations vs reality.