Page 3 sur 5 • 1, 2, 3, 4, 5
- AndmaExpert spécialisé
John a écrit:Marlène N. = Corinne Lepage
hé ben, ça calme là ...
- JohnMédiateur
Euh, l'autre femme libre et indépendante à laquelle j'ai pensé est pire : elle a accepté une mission bidon pour gagner en tout, avec ses retraites politiques cumulées, près de 20000 euros par mois
_________________
En achetant des articles au lien ci-dessous, vous nous aidez, sans frais, à gérer le forum. Merci !
"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
"La nostalgie, c'est plus ce que c'était" (Simone Signoret)
- ZarkoHabitué du forum
Je sais...mais je maintiens mon point de vue. Ce genre de "réunions/récompenses pédagogiques", je ne supporte pas. C'est affreux et si peu innovant ! En 1990, lorsque je suis rentré dans l'EN , c'était ce que les "ioumf" imposaient...Et ils sont morts 20 ans après...marlène.N a écrit:Zarko a écrit:Ah, j'entends des vuvuzelas pour moi ...marlène.N a écrit:je rajouterai aussi les partenaires : Microsoft et Syntec si c'est pas orienté, là, un peu...
c'est bien, tant mieux, ils ont des idées chouettes...surement...mais la présence de microsoft me gêne ..
heu...t'y es allé fort quand même avec ton degré zéro, je te rejoins pas trop sur ce coup là...je ne prends pas parti, je suis libre et indépendante
Ils se sont suicidés...
vuvuzelas
_________________
Chacun a raison de son propre point de vue, mais il n'est pas impossible que tout le monde ait tort. (Gandhi)
La théorie, c'est quand on sait tout et que rien ne fonctionne. La pratique, c'est quand tout fonctionne et que personne ne sait pourquoi. (Albert Einstein)
Tout ce qui ne tue pas rend plus fort...ou bien très malade ! (Nietzsche...et moi, mais pas malade !)
- AndmaExpert spécialisé
mouais, là je l'aurai carrément très très mal pris, John ...John a écrit:Euh, l'autre femme libre et indépendante à laquelle j'ai pensé est pire : elle a accepté une mission bidon pour gagner en tout, avec ses retraites politiques cumulées, près de 20000 euros par mois
- JohnMédiateur
Bon, donc à ce compte-là, Corinne Lepage, c'est encore honnête comme comparaison
Ou alors... Marie-George Buffet ? Cecile Duflot ? Mais se définissent-elles elles-mêmes comme des "femmes libres et indépendantes" ?
Mélenchon irait mieux, mais ce n'est pas une femme !
Ou alors... Marie-George Buffet ? Cecile Duflot ? Mais se définissent-elles elles-mêmes comme des "femmes libres et indépendantes" ?
Mélenchon irait mieux, mais ce n'est pas une femme !
_________________
En achetant des articles au lien ci-dessous, vous nous aidez, sans frais, à gérer le forum. Merci !
"Qui a construit Thèbes aux sept portes ? Dans les livres, on donne les noms des Rois. Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ? [...] Quand la Muraille de Chine fut terminée, Où allèrent ce soir-là les maçons ?" (Brecht)
"La nostalgie, c'est plus ce que c'était" (Simone Signoret)
- ZarkoHabitué du forum
John a écrit:Bon, donc à ce compte-là, Corinne Lepage, c'est encore honnête comme comparaison
Ou alors... Marie-George Buffet ? Cecile Duflot ? Mais se définissent-elles elles-mêmes comme des "femmes libres et indépendantes" ?
Mélenchon irait mieux, mais ce n'est pas une femme !
:Gné:
vuvuzelas
_________________
Chacun a raison de son propre point de vue, mais il n'est pas impossible que tout le monde ait tort. (Gandhi)
La théorie, c'est quand on sait tout et que rien ne fonctionne. La pratique, c'est quand tout fonctionne et que personne ne sait pourquoi. (Albert Einstein)
Tout ce qui ne tue pas rend plus fort...ou bien très malade ! (Nietzsche...et moi, mais pas malade !)
- JaneMonarque
marlène.N a écrit:je rajouterai aussi les partenaires : Microsoft et Syntec si c'est pas orienté, là, un peu...
c'est bien, tant mieux, ils ont des idées chouettes...surement...mais la présence de microsoft me gêne ..
Microsoft a passé des contrats avec l'EN; c'est pas pour rien qu'on a le pack office à l'oeil !
- AndmaExpert spécialisé
Jane a écrit:marlène.N a écrit:je rajouterai aussi les partenaires : Microsoft et Syntec si c'est pas orienté, là, un peu...
c'est bien, tant mieux, ils ont des idées chouettes...surement...mais la présence de microsoft me gêne ..
Microsoft a passé des contrats avec l'EN; c'est pas pour rien qu'on a le pack office à l'oeil !
ben voilà, ça c'est pas normal que de tels contrats soient passés...
@ John : Mélenchon, ça va , oui...
- JaneMonarque
Zarko a écrit:Je sais...mais je maintiens mon point de vue. Ce genre de "réunions/récompenses pédagogiques", je ne supporte pas. C'est affreux et si peu innovant ! En 1990, lorsque je suis rentré dans l'EN , c'était ce que les "ioumf" imposaient...Et ils sont morts 20 ans après...marlène.N a écrit:Zarko a écrit:Ah, j'entends des vuvuzelas pour moi ...marlène.N a écrit:je rajouterai aussi les partenaires : Microsoft et Syntec si c'est pas orienté, là, un peu...
c'est bien, tant mieux, ils ont des idées chouettes...surement...mais la présence de microsoft me gêne ..
heu...t'y es allé fort quand même avec ton degré zéro, je te rejoins pas trop sur ce coup là...je ne prends pas parti, je suis libre et indépendante
Ils se sont suicidés...
vuvuzelas
Perso je me fous du concours; ce sont mes collègues qui ont inscrit ce projet commun, et nous avons été flattées d'être retenues (oui, flattées, il n'y a pas de honte à le dire). Ce qui est le plus important à mes yeux est que les marmots progressent. Ils sont fans des nouvelles technologies, alors autant en profiter. Je ne vais pas utiliser le stencil et la craie alors que je peux faire des photocopies et me servir de mon PC et du vidéoprojecteur. Primo parce que ça me plait, et secundo parce qu'il n'y a pas beaucoup de satisfactions dans ce métier et qui si je m'emmerde dans mes pratiques, j'ai pas fini de chouiner dans mon café le matin.
Par contre j'ai moins aimé ton jugement méprisant; chacun sa méthode. Mon choix de faire "innovant" (que le terme te plaise ou pas) n'implique pas que je méprise ceux qui ont choisi de fonctionner comme à l'âge de
- JaneMonarque
marlène.N a écrit:Jane a écrit:marlène.N a écrit:je rajouterai aussi les partenaires : Microsoft et Syntec si c'est pas orienté, là, un peu...
c'est bien, tant mieux, ils ont des idées chouettes...surement...mais la présence de microsoft me gêne ..
Microsoft a passé des contrats avec l'EN; c'est pas pour rien qu'on a le pack office à l'oeil !
ben voilà, ça c'est pas normal que de tels contrats soient passés...
@ John : Mélenchon, ça va , oui...
peut-être, mais leur présence se justifie malgré tout.
Moi je suis bien contente de ne pas avoir eu à acheter le pack office; nos outils de travail sont à notre charge, on s'en plaint assez, alors pour une fois qu'on nous "donne" quelque chose
- AndmaExpert spécialisé
je suis bien d'accord...mais dans notre collège nous enseignons aux élèves l'utilisation des logiciels libres, pour qu'ils puissent chez eux les utiliser aussi, en toute légalité.
- CelebornEsprit sacré
Jane a écrit:
peut-être, mais leur présence se justifie malgré tout.
Moi je suis bien contente de ne pas avoir eu à acheter le pack office; nos outils de travail sont à notre charge, on s'en plaint assez, alors pour une fois qu'on nous "donne" quelque chose
Open office est gratuit, et ça fonctionne très bien !
_________________
"On va bien lentement dans ton pays ! Ici, vois-tu, on est obligé de courir tant qu'on peut pour rester au même endroit. Si on veut aller ailleurs, il faut courir au moins deux fois plus vite que ça !" (Lewis Carroll)
Mon Blog
- JaneMonarque
Celeborn a écrit:Jane a écrit:
peut-être, mais leur présence se justifie malgré tout.
Moi je suis bien contente de ne pas avoir eu à acheter le pack office; nos outils de travail sont à notre charge, on s'en plaint assez, alors pour une fois qu'on nous "donne" quelque chose
Open office est gratuit, et ça fonctionne très bien !
je sais mais il n'empêche que le pack office l'est aussi (enfin, il l'est pour nous )
- JaneMonarque
marlène.N a écrit:je suis bien d'accord...mais dans notre collège nous enseignons aux élèves l'utilisation des logiciels libres, pour qu'ils puissent chez eux les utiliser aussi, en toute légalité.
nous le leur enseignons aussi, ce n'est pas le problème (notre projet pour le forum incluait d'ailleurs l'utilisation du traitement de texte et s'appuyait sur l'utilisation d'open).
- Y@nnNiveau 9
Jane a écrit:Mon choix de faire "innovant" (que le terme te plaise ou pas) n'implique pas que je méprise ceux qui ont choisi de fonctionner comme à l'âge depierrecraie. Chacun se reconnaît où il peut.
Quand on a introduit le tableau noir, des gens se sont insurgés contre cette innovation.
- JaneMonarque
ah... le bon temps de la tablette d'argile ! quel tollé ça a dû être à l'arrivée de la plume et du papier !
- Y@nnNiveau 9
Même l'introduction de l'écriture a été contestée (par Socrate notamment, je crois...).
- Y@nnNiveau 9
À propos d'OpenOffice, le critère de la gratuité est à mettre en rapport avec l'ouverture du logiciel (si vous êtes développeur, c'est intéressant) ou encore le format des fichiers qui n'est pas propriétaire et dont la durée de vie n'est pas subordonnée à des impératifs économiques.
Au reste, apprendre à un élève qu'il peut utiliser un logiciel gratuit plutôt que d'en télécharger illégalement un payant n'est pas négligeable.
Au reste, apprendre à un élève qu'il peut utiliser un logiciel gratuit plutôt que d'en télécharger illégalement un payant n'est pas négligeable.
- CelebornEsprit sacré
Y@nn a écrit:Même l'introduction de l'écriture a été contestée (par Socrate notamment, je crois...).
C'est tellement plus compliqué que ça (tu fais référence à un dialogue de Platon, le Phèdre, qui, d'ailleurs, est écrit…). Socrate y fait d'ailleurs une critique d'une modernité foudroyante : l'écriture rend l'homme paresseux et ne lui fait plus exercer sa mémoire. Ça paraît assez ridicule dans un premier temps, cette critique, jusqu'à ce qu'on se rende compte que les thèses padégogistes à la mode aujourd'hui (qui sous-tendent entre autres l'enseignement par compétences) n'ont pas arrêté de nous seriner que les connaissances, l'élève pouvait bien les trouver sur le net, et qu'il n'y avait donc pas besoin de les lui apprendre (et que le par cœur c'est mal, etc.) tant qu'il était capable de faire des recherches sur le net et de taper un mot dans la fenêtre "rechercher" de Wikipedia…
Sinon, toute innovation n'est pas "bonne en soi" ou "mauvaise en soi" : elle est ce qu'on en fait. On peut enseigner formidablement avec un tableau noir et très mal avec un TNI ; comme on peut sans aucun doute faire l'inverse. J'aimerais juste qu'on arrête de croire que les progrès technologiques vont résoudre d'un coup de baguette magique les problèmes structurels de la société et de l'Educ'Nat', et qu'on évite la condescendance envers ceux qui ne les portent pas aux nues.
_________________
"On va bien lentement dans ton pays ! Ici, vois-tu, on est obligé de courir tant qu'on peut pour rester au même endroit. Si on veut aller ailleurs, il faut courir au moins deux fois plus vite que ça !" (Lewis Carroll)
Mon Blog
- InvitéInvité
Jane a écrit:
je sais mais il n'empêche que le pack office l'est aussi (enfin, il l'est pour nous )
Dans l'espoir de nous transformer en commercial pour microsoft. Je n'aime pas trop cette idée. Et en plus dans de nombreux établissements où je suis aller, c'est openoffice qui est installé sur les postes (sauf ceux de l'administration bizarrement), alors autant utiliser directement openoffice qui est largement suffisant pour l'utilisation d'un prof lambda.
- Y@nnNiveau 9
Celeborn a écrit:C'est tellement plus compliqué que ça
Merci de m'expliquer la complexité des choses. Heureusement que tu es là. Cependant, quand je te lis, j'ai envie de te dire exactement la même chose.
Celeborn a écrit:J'aimerais juste qu'on arrête de croire que les progrès technologiques vont résoudre d'un coup de baguette magique les problèmes structurels de la société et de l'Educ'Nat', et qu'on évite la condescendance envers ceux qui ne les portent pas aux nues.
Je suis persuadé, en tout cas ici, que personne n'a dit ça. Et si quelqu'un doit se plaindre du regard sinon méprisant du moins condescendant, ce n'est vraiment pas ceux qui ne portent pas aux nues les progrès qu'on dit fort mal "technologiques".
- CelebornEsprit sacré
Y@nn a écrit:Celeborn a écrit:C'est tellement plus compliqué que ça
Merci de m'expliquer la complexité des choses. Heureusement que tu es là. Cependant, quand je te lis, j'ai envie de te dire exactement la même chose.
Je ne l'ai pas expliquée, la complexité des choses. J'ai juste dit que c'était plus compliqué que ça, car je n'étais pas motivé pour me lancer dans une discussion sur l'idéalisme platonicien un dimanche avant 10h . J'ai simplement fait remarquer que cette critique de l'écriture était présente dans un ouvrage écrit (le Phèdre), et que ce simple fait montrait bien que Platon ne dédaignait pas l'écriture pour transmettre ses idées.
Et si, les remarques sur l'âge de pierre et l'ironie type "ah le bon temps des tablettes d'argile", c'est condescendant.
_________________
"On va bien lentement dans ton pays ! Ici, vois-tu, on est obligé de courir tant qu'on peut pour rester au même endroit. Si on veut aller ailleurs, il faut courir au moins deux fois plus vite que ça !" (Lewis Carroll)
Mon Blog
- RuthvenGuide spirituel
Y@nn a écrit:Même l'introduction de l'écriture a été contestée (par Socrate notamment, je crois...).
Pour les amateurs, c'est ici :
Phèdre 274b-278e
- Position du problème :
Socrate - Mais convient-il ou ne convient-il pas d'écrire? dans quelles conditions est-il séant de le faire et dans quelles autres, cela ne l'est-il pas ? voilà une question qui reste posée. N'est-ce pas ?
Phèdre - Oui.
Socrate - Eh bien alors, sais-tu, en fait de discours, comment il faut s'en occuper et en parler pour plaire le plus possible à dieu.
Phèdre - Pas du tout. Et toi?
- Le mythe de l’invention de l’écriture
Socrate - Je suis à même, en tout cas, de raconter quelque chose que j'ai entendu des anciens. Or, le vrai, ce sont eux qui le savent. Si cela, nous pouvions le trouver nous-mêmes, est-ce que, en vérité, nous nous soucierions encore des croyances de l'humanité.
Phèdre - Quelle drôle de question! Allons, ce que tu déclares avoir entendu, raconte-le.
- Theuth inventeur des arts
Socrate - Eh bien! j'ai entendu dire que, du côté de Naucratis en Égypte, il y a une des vieilles divinités de là- bas, celle-là même dont l'emblème sacré est un oiseau qu'ils appellent, tu le sais, l'ibis; le nom de cette divinité est Theuth. C'est donc lui qui, le premier, découvrit le nombre et le calcul et la géométrie et l'astronomie, et encore le trictrac et les dés, et enfin et surtout l'écriture.
- Thamous juge des art
Or, en ce temps-là, régnait sur l'Égypte entière Thamous qui résidait dans cette grande cité du haut pays, que les Grecs appellent Thèbes d'Egypte comme ils appellent le dieu (Thamous) Ammon. Theuth, étant venu le trouver lui fit une démonstration de ces arts et lui dit qu'il fallait les communiquer aux autres Egyptiens. Mais Thamous lui demanda quelle pouvait être l'utilité de chacun de ces arts; et, alors que Theuth donnait des explications, Thamous, selon qu'il les jugeait bien ou mal fondées, prononçait tantôt le blâme tantôt l'éloge. Nombreuses, raconte-t-on, furent assurément les observations, que, sur chaque art, Thamous fit à Theuth dans les deux sens, et dont une relation détaillée ferait un long discours.
- L’examen de l’écriture
- Les louanges de Theut
Mais, quand on en fut à l'écriture : « Voici, ô roi, dit Theuth, le savoir qui fournira aux Égyptiens plus de savoir, plus de science et plus de mémoire; de la science et de la mémoire le remède a été trouvé. »
- La critique de Thamous
- Principe général : usage et fabrication
Mais Thamous répliqua : « Ô Theuth, le plus grand maître ès arts, autre est celui qui peut engendrer un art, autre, celui qui peut juger quel est le lot de dommage et d'utilité pour ceux qui doivent s'en servir.
· Critique de l’écriture
Et voilà maintenant que toi, qui est le père de l'écriture, tu lui attribues, par complaisance, un pouvoir qui est le contraire de celui qu'elle possède.
o L’oubli
En effet, cet art produira l'oubli dans l'âme de ceux qui l'auront appris, parce qu'ils cesseront d'exercer leur mémoire : mettant, en effet, leur confiance dans l'écrit, c'est du dehors, grâce à des empreintes étrangères, et non du dedans, grâce à eux-mêmes, qu'ils feront acte de remémoration; ce n'est donc pas de la mémoire, mais de la remémoration, que tu as trouvé le remède.
o La semblance de la science
Quant à la science, c'en est la semblance que tu procures à tes disciples, non la réalité. Lors donc que, grâce à toi, ils auront entendu parler de beaucoup de choses, sans avoir reçu d'enseignement, ils sembleront avoir beaucoup de science, alors que, dans la plupart des cas, ils n'auront aucune science; de plus, ils seront insupportables dans leur commerce, parce qu'ils seront devenus des semblants de savants, au lieu d'être des savants».
· Forme et fond
· Eloge de la forme par Phèdre
Phèdre - Avec quelle aisance, Socrate, composes-tu, selon ton bon plaisir, des histoires égyptiennes ou de tout autre pays.
· Critique de Socrate
Socrate - En tout cas, mon cher, les prêtres du temple de Zeus à Dodone ont soutenu que les premières paroles divinatoires étaient sorties d'un chêne. Ainsi, les gens de ce temps-là, eux qui n'étaient pas des « savants » comme vous autres les modernes, se contentaient, en raison de leur simplicité d'esprit, de prêter l'oreille au chêne et à la pierre pourvu qu'ils disent la vérité. Mais pour toi, ce qui sans doute importe, c'est savoir qui parle et de quel pays il vient : cela ne te suffit pas, en effet, d'examiner s'il en est ainsi ou autrement.
Phèdre - Tu as eu raison de me taper sur les doigts, et je crois que, sur la question de l'écriture, il en est comme le dit le dieu de Thèbes.
· Retour à la critique de l’écriture
o Naïveté de ceux qui croient apprendre par l’écriture
Socrate - Par conséquent, celui qui se figure avoir laissé derrière lui, en des caractères écrits, les règles d'un art et celui qui, de son côté, recueille ces règles, en croyant que, de caractères d'écriture, sortira du certain et du solide, ces gens-là sont tout remplis de naïveté et méconnaissent à coup sûr l'oracle d'Ammon, comme tout un chacun qui croit que les discours écrits sont quelque chose de plus qu'un moyen de rappeler, à celui qui les connaît déjà, les choses traitées dans cet écrit.
Phèdre - Tout à fait juste.
o Ressemblance peinture/écriture
Socrate - Car, à mon avis, ce qu'il y a de terrible, Phèdre, c'est la ressemblance qu'entretient l'écriture avec la peinture.
· Silence de l’écrit
De fait, les êtres qu'engendre la peinture se tiennent debout comme s'ils étaient vivants ; mais qu'on les interroge, ils restent figés dans une pose solennelle et gardent le silence. Et il en va de même pour les discours. On pourrait croire qu'ils parlent pour exprimer quelque réflexion; mais, si on les interroge, parce qu'on souhaite comprendre ce qu'ils disent, c'est une seule chose qu'ils se contentent de signifier, toujours la même.
· Publicité de l’écrit
Autre chose : quand, une fois pour toutes, il a été écrit, chaque discours va rouler de droite et de gauche et passe indifféremment auprès de ceux qui s'y connaissent, comme auprès de ceux dont ce n'est point l'affaire; de plus, il ne sait pas quels sont ceux à qui il doit ou non s'adresser.
· Nécessité d’un défenseur extérieur
Que par ailleurs s'élèvent à son sujet des voix discordantes et qu'il soit injustement injurié, il a toujours besoin du secours de son père; car il n'est capable ni de se défendre ni de se tirer d'affaire tout seul .
Phèdre -Ce que tu viens de dire est encore on ne peut plus juste.
· Le discours écrit dans l’âme
Socrate - Eh bien! prenons un autre discours, frère du précédent et de naissance légitime, et considérons notamment de quelle façon il est engendré et à quel point, en grandissant, il surpasse l'autre en qualité et en puissance.
Phèdre - De quel discours veux-tu parler et comment est-il engendré?.
Socrate - Celui qui, transmettant un savoir, s'écrit dans l'âme de l'homme qui apprend, celui qui est capable de se défendre tout seul, celui qui sait devant qui il faut parler et devant qui il faut se taire.
Phèdre - Tu veux parler du discours de celui qui sait, discours vivant et doté d'une âme, ce discours, dont, en toute justice, on pourrait dire que le discours écrit est en quelque sorte une image.
· Comparaison avec l’agriculteur : jardin d’Adonis et terrain approprié
o Les jardins d’Adonis : jeu
Socrate - Hé oui! absolument. Alors dis-moi. L'agriculteur qui a du bon sens, s'il a des semences auxquelles il tient et dont il souhaite obtenir des fruits ira-t-il sérieusement les semer en plein été en des jardins d'Adonis pour le plaisir de voir ces jardins devenir superbes en huit jours ? Et, à supposer qu'il le fasse, ne sera-ce pas par jeu et pour célébrer la fête qu'il agira ainsi?
o Terrain approprié : sérieux
Mais, pour les semences dont il souhaite faire un usage sérieux, il suivra les règles de cet art qu'est l'agriculture, et, après les avoir semées dans le terrain approprié, il se réjouira si, au bout de huit mois, tout ce qu'il a semé est arrivé à maturité.
Phèdre - Je suppose que c'est bien ainsi qu'il agirait, Socrate. Dans un cas, il ferait preuve de sérieux et, dans l'autre, son comportement serait différent, et comme tu dis.
· Application aux discours
Socrate - Mais celui qui possède la science du juste, du beau et du bien, dirons-nous qu'il a moins de bon sens que l'agriculteur dans l'usage qu'il ferait des semences qui sont les siennes?
Phèdre - Pas le moins du monde.
o L’écrit
· Critique
Socrate - Il n'ira donc pas sérieusement « écrire sur l'eau » ces choses-là, en les semant sur un liquide noir et en se servant d'un roseau pour faire naître des discours incapables de se tirer d'affaire par la parole, incapables en outre d'enseigner comme il faut la Vérité.
Phèdre - Ce n'est guère probable.
· Un jeu
Socrate - Non, en effet. Mais ces jardins en caractères écrits, c'est, semble-t-il, par manière de jeu qu'il les sèmera et qu'il les écrira. Mais, chaque fois qu'il écrira, c'est en amassant un trésor de remémorations pour lui- même « s'il atteint quelque jour l'oublieuse vieillesse », et pour quiconque suit la même piste qu'il se plaira à voir pousser ces tendres cultures. Et, chaque fois que d'autres s'adonneront à d'autres divertissements, se délectant de beuveries et de toutes sortes de plaisirs qui sont frères de ceux-là, alors lui, c'est bien probable, préférera à ceux dont je parle le divertissement auquel il passe son existence.
Phèdre - Qu'il est beau le divertissement dont tu Parles, Socrate, en regard de la médiocrité des autres, celui de l'homme capable de se divertir en fabriquant des discours, qui racontent des mythes sur la justice et sur toutes les autres choses que tu viens de mentionner.
o L’écrit dans l’âme et la dialectique
Socrate - Effectivement, il en est bien ainsi, mon cher Phèdre. Mais il est une façon encore plus belle de s'appliquer à cela, j'imagine. C'est quand, usant de la dialectique et prenant l'âme qui est faite pour cela, on y plante et on y sème des discours qui transmettent la science, des discours qui peuvent se tirer d'affaire tout seuls et tirer d'affaire celui qui les a plantés, des discours qui ne sont pas stériles, mais qui ont en eux une semence d'où viendront d'autres discours qui, poussant en d'autres naturels, seront en mesure de toujours assurer à cette semence l'immortalité, et de donner à celui qui en est le dépositaire le plus haut degré de bonheur que puisse atteindre un homme.
Phèdre - En effet, ce que tu dis là est encore beaucoup plus beau.
· Conclusion sur l’écriture des discours (logographie)
Socrate - Maintenant, Phèdre, que l'accord est établi sur ce point, nous pouvons nous prononcer sur l'autre.
Phèdre - Lequel ?
o Rappel des conditions d’une rhétorique philosophique
Socrate - Eh bien, celui sur lequel nous souhaitions voir clair et qui nous a conduits là où nous en sommes: nous voulions mener une enquête sur le grief fait à Lysias d'écrire des discours et sur les discours eux-mêmes pour déterminer ceux qui sont écrits selon les règles de l'art et ceux qui ne le sont pas. En tout cas, nous avons bien montré, me semble-t-il, en quoi consiste la présence et l'absence d'art.
Phèdre - Il m'a semblé, à moi aussi. Mais rappelle-moi comment nous avons fait.
Socrate - Tant qu'on ne connaîtra pas la vérité sur chacune des questions dont on parle et sur lesquelles on écrit; tant qu'on ne sera pas capable de définir toute chose en elle-même; tant que, après avoir défini cette chose, on ne saura pas, à l'inverse, la diviser selon ses espèces jusqu'à ce qu'on atteigne l'indivisible; tant que, après avoir selon la même méthode analysé la nature de l'âme et découvert l'espèce de discours qui correspond à chaque nature, on ne disposera et on n’organisera pas son discours en conséquence - en offrant à une âme complexe des discours complexes et qui correspondent exactement à ce qu'elle demande, et des discours simples à une âme simple -, on restera incapable de manier le genre oratoire avec autant d'art que sa nature le permet, que ce soit pour enseigner ou pour persuader, voilà ce que nous a révélé toute la discussion précédente.
Phèdre - Oui, absolument, c'est bien ce qui nous est apparu.
o Rappel des conditions de l’écriture
Socrate - Par ailleurs, sur la question de savoir s'il est beau ou honteux de prononcer et d'écrire des discours, et dans quelles conditions il est juste ou injuste de blâmer la chose, ce que nous avons dit il y a un moment n'a-t-il pas montré ...?
Phèdre – Quoi ?
§ Critique de la confiance en l’écriture
Socrate - ... que si Lysias ou un autre a jamais écrit ou doive écrire, à titre privé ou comme homme public, pour instituer des lois, en rédigeant un ouvrage politique, et qu'il pense qu'il y a là-dedans une grande solidité et une grande clarté, dans ce cas, celui qui écrit est blâmable, qu'il en convienne ou non. Car l'ignorance complète, qu'on soit éveillé ou qu'on rêve, du juste et de l'injuste, du bien et du mal, ne peut, en vérité, échapper au blâme qu’elle mérite, obtiendrait-elle l'éloge unanime de la foule.
Phèdre - Elle ne le peut en effet.
§ L’écriture comme jeu
Socrate - Mais celui qui estime que le discours écrit comporte nécessairement, quel qu'en soit le sujet, une grande part de jeu; celui qui estime que jamais aucun discours, qu'il soit en vers ou en prose, ne mérite qu'on ne s'applique pour l'écrire et même pour le prononcer - étant donné qu'il ressemble aux discours débités par les rhapsodes , lesquels sont prononcés sans examen préalable ni volonté d'instruire, leur seul but étant la persuasion; celui qui estime, par ailleurs, qu'en fait les meilleurs des discours de cette espèce ne constituent, pour ceux qui savent, qu'un moyen de se souvenir, tandis que les discours qui servent à l'enseignement, qui sont prononcés pour instruire et qui sont en réalité écrits dans l'âme où ils parlent du juste, du beau et du bien, sont les seuls à comporter clarté et perfection et à mériter d'être pris au sérieux; celui qui estime que de pareils discours doivent être considérés comme ses fils légitimes à lui, - qu'il s'agisse en premier lieu de ce discours qu'il porte en lui-même quand il vient de l'inventer, ou qu'il s'agisse de ces discours qui, tout à la fois rejetons et frères du premier, sont ensuite nés dans telles autres âmes de tels autres hommes à proportion de leur mérite; s'il dit « au revoir » aux autres discours, l'homme qui est dans ces dispositions a des chances, Phèdre, d'être ce que toi et moi nous souhaiterions devenir.
Phèdre - Mais oui! et pour ma part ce que tu viens de dire répond absolument à l'objet de mes souhaits et de mes prières.
· Conclusion : l’écrivain et le philosophe
Socrate - Eh bien, il a assez duré le divertissement qu'a constitué notre discussion sur les discours. A toi, maintenant, d'aller trouver Lysias pour lui expliquer que, étant tous les deux descendus jusqu'au ruisseau des Nymphes et jusqu'à leur sanctuaire, nous avons entendu des discours qui nous mandaient de dire à Lysias et à quiconque rédige des discours, à Homère et à quiconque a composé de la poésie sans accompagnement musical ou destiné à être chantée et en troisième lieu à Solon et à quiconque a écrit un ouvrage où on trouve des exposés auxquels on donne le nom de « lois » : « Si c'est en sachant en quoi consiste le vrai qu'il a composé cet ouvrage, s'il est en mesure de lui venir en aide en affrontant la réfutation à laquelle sera soumis ce sur quoi il a écrit, et s'il peut, en expliquant lui-même la chose démontrer que ses écrits sont de peu d'importance, un tel homme, on doit le désigner non comme s'il avait une dénomination en rapport avec l'un de ses écrits, mais d'après ce qu'il a pris au sérieux. »
Phèdre - Quelles sont les dénominations que tu lui attribues?
Socrate - L'appeler « sage », Phèdre, c'est, à mon avis du moins, quelque chose d'excessif et qui ne convient qu'à un dieu. Mais l'appeler « philosophe », ou lui donner un nom de ce genre, voilà qui lui conviendrait mieux et qui serait mieux dans le ton .
Phèdre - Oui, il n'y aurait là rien de déplacé.
Socrate - En revanche, celui qui n'a rien de plus précieux que ce qu’il a composé et qu’il a écrit, en passant du temps à le tourner dans tous les sens, à coller des morceaux les uns aux autres et à faire des coupures, c'est à juste titre, je suppose, que tu l'appelleras « poète », « rédacteur de discours », ou « rédacteur de lois ».
Phèdre - Bien sûr.
Socrate - Eh bien! c'est cela que tu dois expliquer à ton ami.
- RuthvenGuide spirituel
Et quelques éléments d'analyse :
L’ambiguïté platonicienne à l’égard de l’écriture prend ici tout son sens ; l’écriture comme forme d’imitation est reconduite elle aussi à sa nature ludique sans pour autant que sa valeur pédagogique soit acceptée. Cette saisie de l’écriture comme jeu n’entraîne cependant pas sa condamnation irrémédiable comme le veulent certains interprètes. L’écriture a un rôle à jouer, elle ne devient dangereuse que lorsqu’elle outrepasse son domaine et prétend se substituer à la pensée. Il faut, peut-être, rappeler le contexte ; à la fin du Phèdre, Platon développe un mythe sur l’invention de l’écriture. Theuth, l’inventeur, considère que l’écriture fournira « plus de savoir, plus de science, plus de mémoire ». Or le roi apte à juger les arts va dénoncer les effets contraires :
· d’une part l’écriture rendra oublieux, car elle est une forme extérieure à la pensée qui nuira à l’exercice de la mémoire
· d’autre part, elle ne rendra pas plus savant mais procurera seulement l’illusion de science, car la lecture de traités n’est pas exercice de l’âme qui s’approprie le cheminement. L’écriture détache la connaissance du processus cognitif
L’invitation à la conquête et la connaissance de soi est la seule connaissance véritable; jamais un élément extérieur, un élément étranger dans lequel on s’aliène par une sorte de foi (pistis) ne nous apprendra quelque chose. Ce sont la spontanéité et l’authenticité de l’âme qui constituent la connaissance. Au lieu de se retrouver, on se perd dans l’écriture: l’oubli est la conséquence directe d’un laisser-aller de l’âme clouée au corps. L’écriture est un obstacle entre l’âme et elle-même. Le savoir vient de l’intérieur: la maxime delphique « Connais-toi toi-même » invite à découvrir la vérité en soi et non hors de soi: l’écriture suppose en effet une croyance (pistis) comparable à celle qui nous fait connaître les objets sensibles.
L’écriture tombe sous le coup d’une triple critique de Socrate dans le Phèdre (275d-275e) ; cette critique repose essentiellement sur le comparaison entre écriture et peinture, c’est-à-dire un art mimétique :
· répétition: le discours écrit est incapable d’innover; il est statique et figé.
· publicité: le discours écrit ne choisit pas ses interlocuteurs.
· dépendance: le discours écrit ne peut répondre à la critique; il a besoin de son père.
Une nouvelle comparaison va cependant permettre de réhabiliter, dans une certaine mesure, l’écriture : Platon oppose le règne de Démeter, la céréaliculture, ou règne d’Adonis :
« Socrate - Hé oui! absolument. Alors dis-moi. L'agriculteur qui a du bon sens, s'il a des semences auxquelles il tient et dont il souhaite obtenir des fruits ira-t-il sérieusement les semer en plein été en des jardins d'Adonis pour le plaisir de voir ces jardins devenir superbes en huit jours ? Et, à supposer qu'il le fasse, ne sera-ce pas par jeu et pour célébrer la fête qu'il agira ainsi?
Mais, pour les semences dont il souhaite faire un usage sérieux, il suivra les règles de cet art qu'est l'agriculture, et, après les avoir semées dans le terrain approprié, il se réjouira si, au bout de huit mois, tout ce qu'il a semé est arrivé à maturité.
Phèdre - Je suppose que c'est bien ainsi qu'il agirait, Socrate. Dans un cas, il ferait preuve de sérieux et, dans l'autre, son comportement serait différent, et comme tu dis.
Socrate - Mais celui qui possède la science du juste, du beau et du bien, dirons-nous qu'il a moins de bon sens que l'agriculteur dans l'usage qu'il ferait des semences qui sont les siennes?
Phèdre - Pas le moins du monde.
Socrate - Il n'ira donc pas sérieusement « écrire sur l'eau » ces choses-là, en les semant sur un liquide noir et en se servant d'un roseau pour faire naître des discours incapables de se tirer d'affaire par la parole, incapables en outre d'enseigner comme il faut la vérité.
Phèdre - Ce n'est guère probable.
Socrate - Non, en effet. Mais ces jardins en caractères écrits, c'est, semble-t-il, par manière de jeu qu'il les sèmera et qu'il les écrira. Mais, chaque fois qu'il écrira, c'est en amassant un trésor de remémorations pour lui- même « s'il atteint quelque jour l'oublieuse vieillesse », et pour quiconque suit la même piste qu'il se plaira à voir pousser ces tendres cultures. Et, chaque fois que d'autres s'adonneront à d'autres divertissements, se délectant de beuveries et de toutes sortes de plaisirs qui sont frères de ceux-là, alors lui, c'est bien probable, préférera à ceux dont je parle le divertissement auquel il passe son existence.
Phèdre - Qu'il est beau le divertissement dont tu parles, Socrate, en regard de la médiocrité des autres, celui de l'homme capable de se divertir en fabriquant des discours, qui racontent des mythes sur la justice et sur toutes les autres choses que tu viens de mentionner. »[1]
L’écriture, comme les jardins d’Adonis, n’est donc qu’un jeu ; elle n’a aucune valeur éducative, elle est cause d’erreur lorsqu’on lui attribue la capacité d’enseigner des vérités. Le jeu devient trompeur et le lecteur se laisse prendre au mirage de l’imitation. Néanmoins, comprise comme jeu, elle demeure très certainement le meilleur des divertissements ; il n’y a donc pas de condamnation univoque de l’écrit. Le jeu est acceptable lorsqu’il ne substitue pas à la réalité, lorsqu’il ne devient pas sérieux ou plutôt lorsque l’on ne le prend pas trop au sérieux. Il ne faut donc pas confondre la philosophie comme exercice ou activité spirituelle avec l’écriture qui en reste, comme le dit Phèdre, au niveau du mythe ; il est vrai que le mythe a déjà été présenté comme un jeu, en particulier dans le Politique ; comme l’a montré L.Brisson, au delà du plaisir esthétique, le jeu suppose une « liberté inégalable » dans la mesure où il n’est pas lié aux contraintes du réel dans lequel il se déploie. Néanmoins la remarque peut paraître étrange : Platon veut-il ici désigner aussi ainsi ses écrits ? En quoi l’écriture mythologise-t-elle ? Il ne peut s’agir du choix de ses objets qui fait du discours écrit un mythe ; on ne peut comme le veulent certains partisans de l’ésotérisme platonicien considérer qu’il y a des objets, ou des semences, spécifiquement retenues pour l’enseignement oral. Encore faut-il remarquer que l’expression « mythologiser » se trouve dans la bouche de Phèdre et non de Socrate…
[1] Phèdre 276a-e (trad.L.Brisson)
L’ambiguïté platonicienne à l’égard de l’écriture prend ici tout son sens ; l’écriture comme forme d’imitation est reconduite elle aussi à sa nature ludique sans pour autant que sa valeur pédagogique soit acceptée. Cette saisie de l’écriture comme jeu n’entraîne cependant pas sa condamnation irrémédiable comme le veulent certains interprètes. L’écriture a un rôle à jouer, elle ne devient dangereuse que lorsqu’elle outrepasse son domaine et prétend se substituer à la pensée. Il faut, peut-être, rappeler le contexte ; à la fin du Phèdre, Platon développe un mythe sur l’invention de l’écriture. Theuth, l’inventeur, considère que l’écriture fournira « plus de savoir, plus de science, plus de mémoire ». Or le roi apte à juger les arts va dénoncer les effets contraires :
· d’une part l’écriture rendra oublieux, car elle est une forme extérieure à la pensée qui nuira à l’exercice de la mémoire
· d’autre part, elle ne rendra pas plus savant mais procurera seulement l’illusion de science, car la lecture de traités n’est pas exercice de l’âme qui s’approprie le cheminement. L’écriture détache la connaissance du processus cognitif
L’invitation à la conquête et la connaissance de soi est la seule connaissance véritable; jamais un élément extérieur, un élément étranger dans lequel on s’aliène par une sorte de foi (pistis) ne nous apprendra quelque chose. Ce sont la spontanéité et l’authenticité de l’âme qui constituent la connaissance. Au lieu de se retrouver, on se perd dans l’écriture: l’oubli est la conséquence directe d’un laisser-aller de l’âme clouée au corps. L’écriture est un obstacle entre l’âme et elle-même. Le savoir vient de l’intérieur: la maxime delphique « Connais-toi toi-même » invite à découvrir la vérité en soi et non hors de soi: l’écriture suppose en effet une croyance (pistis) comparable à celle qui nous fait connaître les objets sensibles.
L’écriture tombe sous le coup d’une triple critique de Socrate dans le Phèdre (275d-275e) ; cette critique repose essentiellement sur le comparaison entre écriture et peinture, c’est-à-dire un art mimétique :
· répétition: le discours écrit est incapable d’innover; il est statique et figé.
· publicité: le discours écrit ne choisit pas ses interlocuteurs.
· dépendance: le discours écrit ne peut répondre à la critique; il a besoin de son père.
Une nouvelle comparaison va cependant permettre de réhabiliter, dans une certaine mesure, l’écriture : Platon oppose le règne de Démeter, la céréaliculture, ou règne d’Adonis :
« Socrate - Hé oui! absolument. Alors dis-moi. L'agriculteur qui a du bon sens, s'il a des semences auxquelles il tient et dont il souhaite obtenir des fruits ira-t-il sérieusement les semer en plein été en des jardins d'Adonis pour le plaisir de voir ces jardins devenir superbes en huit jours ? Et, à supposer qu'il le fasse, ne sera-ce pas par jeu et pour célébrer la fête qu'il agira ainsi?
Mais, pour les semences dont il souhaite faire un usage sérieux, il suivra les règles de cet art qu'est l'agriculture, et, après les avoir semées dans le terrain approprié, il se réjouira si, au bout de huit mois, tout ce qu'il a semé est arrivé à maturité.
Phèdre - Je suppose que c'est bien ainsi qu'il agirait, Socrate. Dans un cas, il ferait preuve de sérieux et, dans l'autre, son comportement serait différent, et comme tu dis.
Socrate - Mais celui qui possède la science du juste, du beau et du bien, dirons-nous qu'il a moins de bon sens que l'agriculteur dans l'usage qu'il ferait des semences qui sont les siennes?
Phèdre - Pas le moins du monde.
Socrate - Il n'ira donc pas sérieusement « écrire sur l'eau » ces choses-là, en les semant sur un liquide noir et en se servant d'un roseau pour faire naître des discours incapables de se tirer d'affaire par la parole, incapables en outre d'enseigner comme il faut la vérité.
Phèdre - Ce n'est guère probable.
Socrate - Non, en effet. Mais ces jardins en caractères écrits, c'est, semble-t-il, par manière de jeu qu'il les sèmera et qu'il les écrira. Mais, chaque fois qu'il écrira, c'est en amassant un trésor de remémorations pour lui- même « s'il atteint quelque jour l'oublieuse vieillesse », et pour quiconque suit la même piste qu'il se plaira à voir pousser ces tendres cultures. Et, chaque fois que d'autres s'adonneront à d'autres divertissements, se délectant de beuveries et de toutes sortes de plaisirs qui sont frères de ceux-là, alors lui, c'est bien probable, préférera à ceux dont je parle le divertissement auquel il passe son existence.
Phèdre - Qu'il est beau le divertissement dont tu parles, Socrate, en regard de la médiocrité des autres, celui de l'homme capable de se divertir en fabriquant des discours, qui racontent des mythes sur la justice et sur toutes les autres choses que tu viens de mentionner. »[1]
L’écriture, comme les jardins d’Adonis, n’est donc qu’un jeu ; elle n’a aucune valeur éducative, elle est cause d’erreur lorsqu’on lui attribue la capacité d’enseigner des vérités. Le jeu devient trompeur et le lecteur se laisse prendre au mirage de l’imitation. Néanmoins, comprise comme jeu, elle demeure très certainement le meilleur des divertissements ; il n’y a donc pas de condamnation univoque de l’écrit. Le jeu est acceptable lorsqu’il ne substitue pas à la réalité, lorsqu’il ne devient pas sérieux ou plutôt lorsque l’on ne le prend pas trop au sérieux. Il ne faut donc pas confondre la philosophie comme exercice ou activité spirituelle avec l’écriture qui en reste, comme le dit Phèdre, au niveau du mythe ; il est vrai que le mythe a déjà été présenté comme un jeu, en particulier dans le Politique ; comme l’a montré L.Brisson, au delà du plaisir esthétique, le jeu suppose une « liberté inégalable » dans la mesure où il n’est pas lié aux contraintes du réel dans lequel il se déploie. Néanmoins la remarque peut paraître étrange : Platon veut-il ici désigner aussi ainsi ses écrits ? En quoi l’écriture mythologise-t-elle ? Il ne peut s’agir du choix de ses objets qui fait du discours écrit un mythe ; on ne peut comme le veulent certains partisans de l’ésotérisme platonicien considérer qu’il y a des objets, ou des semences, spécifiquement retenues pour l’enseignement oral. Encore faut-il remarquer que l’expression « mythologiser » se trouve dans la bouche de Phèdre et non de Socrate…
[1] Phèdre 276a-e (trad.L.Brisson)
- JaneMonarque
Celeborn a écrit:Y@nn a écrit:Même l'introduction de l'écriture a été contestée (par Socrate notamment, je crois...).
C'est tellement plus compliqué que ça (tu fais référence à un dialogue de Platon, le Phèdre, qui, d'ailleurs, est écrit…). Socrate y fait d'ailleurs une critique d'une modernité foudroyante : l'écriture rend l'homme paresseux et ne lui fait plus exercer sa mémoire. Ça paraît assez ridicule dans un premier temps, cette critique, jusqu'à ce qu'on se rende compte que les thèses padégogistes à la mode aujourd'hui (qui sous-tendent entre autres l'enseignement par compétences) n'ont pas arrêté de nous seriner que les connaissances, l'élève pouvait bien les trouver sur le net, et qu'il n'y avait donc pas besoin de les lui apprendre (et que le par cœur c'est mal, etc.) tant qu'il était capable de faire des recherches sur le net et de taper un mot dans la fenêtre "rechercher" de Wikipedia…
Sinon, toute innovation n'est pas "bonne en soi" ou "mauvaise en soi" : elle est ce qu'on en fait. On peut enseigner formidablement avec un tableau noir et très mal avec un TNI ; comme on peut sans aucun doute faire l'inverse. J'aimerais juste qu'on arrête de croire que les progrès technologiques vont résoudre d'un coup de baguette magique les problèmes structurels de la société et de l'Educ'Nat', et qu'on évite la condescendance envers ceux qui ne les portent pas aux nues.
Je suis d'accord.
Quant à la condescendance... chacun ses pratiques. J'aurais juste aimé qu'on évite de mépriser a priori mon travail (je ne crois pas avoir accueilli de néoprof dans ma classe qui aurait pu juger de l'utilisation, bonne ou mauvaise) des dites nouvelles technologies.
- RuthvenGuide spirituel
Celeborn a écrit:Y@nn a écrit:Celeborn a écrit:C'est tellement plus compliqué que ça
Merci de m'expliquer la complexité des choses. Heureusement que tu es là. Cependant, quand je te lis, j'ai envie de te dire exactement la même chose.
J'ai juste dit que c'était plus compliqué que ça, car je n'étais pas motivé pour me lancer dans une discussion sur l'idéalisme platonicien un dimanche avant 10h .
Il n'y a pas d'heures pour disserter sur Platon !!!
Celeborn a écrit:
J'ai simplement fait remarquer que cette critique de l'écriture était présente dans un ouvrage écrit (le Phèdre), et que ce simple fait montrait bien que Platon ne dédaignait pas l'écriture pour transmettre ses idées.
L'écriture est d'ailleurs un "pharmakon", poison et remède à la fois. Derrida a écrit sur cela.
Page 3 sur 5 • 1, 2, 3, 4, 5
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum