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Le Caravage et Gentileschi Judith et Holopherne Empty Le Caravage et Gentileschi Judith et Holopherne

par InvitéeHr Ven 14 Mai 2010 - 19:02
Avez-vous déjà étudié l'un ou l'autre de ces tableaux ? Je cherche aussi un commentaire de l'un ou l'autre, s'il en existe.
Je voulais aussi savoir si A. gentileschi avait cherché à dépasser Le Caravage ? Je connais peu l'histoire de ces tableaux.
Merci...
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Le Caravage et Gentileschi Judith et Holopherne Empty Re: Le Caravage et Gentileschi Judith et Holopherne

par Ruthven Ven 14 Mai 2010 - 19:30
"Personne n'avait encore représenté l'acte lui-même de la belle veuve qui décapite sur son lit de camp le chef d'armée Holopherne, l'homme qu'elle vient de séduire et qui s'est endormi, enivré. La scène n'est pas aussi naturelle qu'elle ne semble au premier regard, car la grimace et la torsion du corps d'Holopherne font allusion au Laocoon tandis que Judith rappelle une amazone antique et la servante, qui devrait en fait attendre devant la tente, ressemble à un buste de vieille républicaine romaine, caricaturée à outrance à la manière de Léonard de Vinci. Placer la domestique juste à côté du beau et jeune visage forme un contraste séduisant, le contrapposto suivant les recommandations des théoriciens de l'art contemporains. La représentation d'actes de cruauté passait pour un excellent moyen d'inciter à la piété et à l'édification, et le mélange, finement observé d'un point de vue psychologique, de décision et de dégoût qui se reflète sur les traits de Judith répond au goût littéraire pour les "affects mitigés". Il n'est donc pas bien grave que, même si Judith se sert d'un sabre oriental ancien, donc biblique et historiquement correct, cette arme ne permette pas de trancher des vertèbres cervicales, et encore moins de cette manière, ni que le sang ne jaillisse pas - à cet égard, Artemisia Gentileschi, qui fut inspirée par ce tableau pour ses différentes versions du sujet, est nettement plus réaliste. Caravage a certainement réalisé des études d'après des modèles, mais un tableau tel que celui-ci nie formellement toute transposition directe de l'atelier sur la toile. En effet, il a repris des modèles antiques tout à fait appropriés pour ses figures, transposé des concepts esthétiques en vogue tels que l'effroi, l'émotion et le contraste et, même s'il avait suivi Lomazzo qui, dans son traité, conseille aux peintes d'assister à des exécutions capitales - qui d'ailleurs employaient déjà une première version de la guillotine -, il n'en aurait pas tiré grand chose. L'action marquée par la décision se retrouve, comme un reflet dans le Sacrifice d'Isaac..." (Sybille Ebert-Schifferer, Caravage, Hazan)
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par Ruthven Ven 14 Mai 2010 - 19:47
"Aussi saisissant aujourd'hui qu'il y a quatre siècles, Judith et Holopherne est une illustration étonnamment fidèle de l'épisode biblique. Le livre de Judith - classé parmi les écrits apocryphes - raconte comment une jene veuve juive, Judith, sauva son peuple en séduisant Holopherne, le général de l'armée d'invasion, puis en le tuant. Seule avec lui dans la tente, la jeune femme s'empara de son épéet une fois qu'il eut sombré dans les vapeurs du vin : alors, "elle s'approcha du lit, empoigna sa tête par les cheveux et s'écria:'Donne-moi la force en ce jour, Dieu d'Israël!' Puis elle frappa deuxfois sur son cou, de toutes ses forces, et sépara la tête du corps" (Judith 13, 7-8). Emportant la tête coupée dans un sac, elle se glissa hors du camp ennemi à la faveur de la nuit.
Personnification du courage et de la justice, Judith est un sujet fréquemment traité dans l'art de la Renaissance italienne. Il inspira d'ailleurs une grande variété d'interprétations: de la statue de Donatello, image implacable de la vengeance divine, à l'héroïne délicieusement raffinée de Giorgione (Ermitage, Saint-Pétersbourg, 1505). Préférant un moment différent de l'histoire, Caravage eut l'audace de représenter Judith tranchant le cou d'Holopherne avec son glaive. En choisissant d'illustrer le paroxysme du récit, Caravage dut forcément se demander comment une femme pouvait s'y prendre exactement pour décapiter un homme aussi vigoureux, afin de recréer cette expérience tant physique qu'émotionnelle.
A la façon d'un relief ancien, il aligne les trois acteurs le long d'une scène étroite et situe la scène à l'intérieur de la tente d'Holopherne, matérialisée uniquement par le lit et le rideau rouge. Les brasd raides, tendus devant elle, Judith empoigne les cheveux du général d'une main tandis que l'autre manie le glaive. Holopherne hurle et tente de se retourner, prenant inutilement appui sur sa main droite pour se lever, alors que son poing gauche se crispe sous l'effet de la douleur. L'examen radiographique de la toile révèle que Caravage a modifié la position de la tête d'Holopherne après l'avoir dessinée d'après nature : pour rendre la scène plus crédible, il la déplace légèrement vers la droite, la séparant partiellement du torse. La jeunesse et la beauté de l'héroïne sont d'auntant plus éclatantes si l'on compare son visage avec la face grimaçante de la vieille femme qui attend avec le sac pour emporter la tête, et avec le sang qui gicle sur le torse musclé d'Holopherne.
La mine sinistre de la vieille femme et les traits déformés d'Holopherne révèlent la maîtrise parfaite de l'expression chez Caravage. Toutefois, c'est le visage de Judith qui est le plus impressionnant à cet égard : quelques rides troublent la pureté de la ligne du front, de sombres obscurcissent partiellement les yeux fixés sur Holopherne et les lèvres sont légèrement entrouvertes. Son bouleversement voire son dégoût à la vue de son acte, est encore accentué par la forme arquée de son corps, traduisant le mouvement de recul des épaules et des jambes au niveau du drapé de la robe. Le chemisieur humide de sueur et la pointe durcie des seins, visibles à travers le fin tissu, expriment toute la tension physique et émotionnelle qui l'habite. Si, dans la représentation de cette scène, certaines peintres postérieurs surpassèrent Caravage en matière de réalisme narratif - comme par exemple Artemisia Gentileschi, qui montra Judith terrassant avec l'aide énergique d'une jeune servante, un adversaire se débattant de toutes ses forces - aucun ne sut exprimer cette ambivalence psychologique qui confère à la Judith de Caravage la stature d'une héroïne tragique." (Catherine Puglisi, Caravage, Phaidon)
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par Ruthven Ven 14 Mai 2010 - 19:50
Il y a enfin l'analyse de Laura Weigert dans Judith et Holopherne chez DDB (dans la collection qui associe un texte théologique, un texte culturel et une analyse d'oeuvres). Je ne me souviens plus très bien du contenu et il est dans les cartons.
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InvitéeHr
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par InvitéeHr Ven 14 Mai 2010 - 20:05
Merci infiniment c'est exactement ce que je cherchais ! Smile
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par Ruthven Ven 14 Mai 2010 - 20:07
Je viens aussi de penser au livre de Antonio Dominguez Leiva, Décapitations. Du culte des crânes au cinéma gore ; il doit y avoir quelques pages sur Le Caravage (mais je ne m'en souviens plus du tout ; j'ai un vague souvenir d'un livre assez descriptif).
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InvitéeHr
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par InvitéeHr Ven 14 Mai 2010 - 20:18
Je prends en note les deux autres références, que je lirai par curiosité, mais je pense que le texte que tu m'a donné suffira pour un cours. Je finirai par une petite synthèse sur le caravagisme. Merci !
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InvitéeHr
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par InvitéeHr Lun 24 Mai 2010 - 15:11
J'ai un sérieux doute. Je suis en train de préparer quelques questions, mais je me demande si ces tableaux ne sont pas un peu violents pour les élèves. J'ai déjà eu des réactions surprenantes (pour autre chose). J'ai aussi un peu regardé et ils sont rarement donnés. Bref, peut-on me le reprocher ? Je n'ai pas envie d'avoir l'admi aux trousses. Si John, nuages vous passez par là, j'aimerais bien des avis.
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papillonbleu
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par papillonbleu Lun 24 Mai 2010 - 15:33
J'ai montré le tableau de Gentileschi à des premières. Aucune réaction...
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Abraxas
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par Abraxas Jeu 27 Mai 2010 - 4:17
Lire absolument l'Age d'homme de Leiris. Des pages entières là-dessus.

Et j'avais vu un film (français) il y a quelques années sur Artemisia, pas mal d'ailleurs… Avec Serrault.
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